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b Asymétrie du déploiement du Système de management par la qualité par les managers et les agents

Encadré 7 : La vision simplifiée des relations organisationnelles au sein du Système de management par la qualité de Pôle emplo

B. T HEORIE DE LA REGULATION SOCIALE

En se basant sur les perceptions et pratiques des acteurs, cette théorie s’interroge sur la conciliation possible entre des groupes d’acteurs animés par des intérêts pas toujours convergents. Dans la recherche de régulation conjointe, la relation de managers et d’agents l’illustre particulièrement.

Le changement s’appuie sur des outils de gestion qui permettent à chacun de s’approprier de nouvelles façons de se représenter l’organisation et ses interdépendances, et donc de développer des comportements adaptés à la nouvelle situation (Moisdon, 1997). Selon Allard-Poesi et al. (2006), on entend par représentation, la structure formée des croyances, valeurs, opinions concernant un objet particulier et de leurs liens d’interdépendance. Cette structure est supposée permettre à l’individu d’imposer une

cohérence à des informations, et ainsi lui en faciliter la compréhension et l’interprétation. Dans cette perspective, pour comprendre les décisions et actions engagées dans une organisation, il faut appréhender les représentations des managers qui en sont à l’origine. Selon Tripier (2012), il existe plusieurs réalités du travail ce qui conduit à l’ambivalence des analyses ou à leur découpage en niveaux. Il en va de même pour les outils qui sont analysés par les uns comme des instruments de contrainte, de contrôle et de domination, alors que d’autres les considèrent comme de l’intelligence et de la vocation. Ces analyses laissent cependant des détails inexpliqués, des exceptions, des cas particuliers tels que celui que nous explorons actuellement au sein de Pôle emploi. Si les résultats des déploiements d’outils de gestion étaient connus d’avance et parfaitement maîtrisables, l’exercice du management en serait simplifié.

Pour analyser le processus d’introduction d’innovation par des outils de gestion, nous suivrons la logique de contextualisation au sein des organisations (David, 1996).

La théorie de la régulation sociale propose un cadre conceptuel permettant de comprendre la façon dont s’appliquent les règles. Celles-ci ne sont pas réductibles à la régulation de contrôle qui les initie et qui les porte car dans le cours de l’action, les règles générales et abstraites, sont confrontées à des situations particulières et spécifiques qui nécessitent que les utilisateurs les interprètent et les adaptent. La régulation par le contrôle qui réside dans ces interprétations et ces adaptations alimente ainsi une concurrence des régulations pouvant éventuellement déboucher sur une régulation conjointe (Quemener et Fimbel, 2012).

La théorie de la régulation sociale de Reynaud (1979) constitue aussi une sociologie de l'action centrée sur la notion de régulation. Reynaud (1979) a su tirer un ensemble cohérent de concepts et de pistes de recherche des retombées de l'enquête menée, de 1929 à 1937, par Elton Mayo à Hawthorne et de l'ouvrage, Management and the Workers, qui en est issu. Pour fonctionner, la grande entreprise moderne a besoin d'articuler deux sortes de régulation : la régulation autonome des salariés et la régulation de contrôle de la direction. Pour parvenir à une régulation conjointe, plusieurs voies sont possibles que les sociologues doivent « découvrir » sur le terrain, en même temps qu'ils « accompagnent » l'émergence d'acteurs à partir de l'action elle-même. Ils peuvent ainsi comprendre et éventuellement faire comprendre comment prévenir les conflits, réussir des négociations, transformer les règles, mécanismes de base nécessaires pour assurer à la fois la rentabilité économique et la satisfaction sociale (Encyclopaedia universalis).

L’importance des usages dans la construction collective des outils de gestion montre l’intérêt que représente l’analyse des régulations sociales pour la compréhension des phénomènes d’appropriation. Cette compréhension conjointe suppose de regarder l’utilisation et l’évocation d’outils de gestion avec les trois regards suivants :

- appréhender l’appropriation du point de vue des concepteurs-formateurs comme un processus à optimiser, à corriger ;

- aborder l’appropriation comme l’apprentissage parfois difficile par lequel l’utilisateur va devoir passer afin de rendre l’objet de gestion propre à un usage ;

- adopter le point de vue des utilisateurs afin de comprendre comment les outils peuvent gêner ou servir leurs intérêts en fonction de leurs mises en actes.

L’utilisation d’un outil de gestion suppose qu’une organisation peut-être maîtrisée, au sens où les comportements et les actions de ses différents éléments, humains et non humains, peuvent être connus, calculés, prévus, ajustables. Dans ce contexte, ce n’est pas un contrôle social, normatif et violent qui est recherché. Cette maîtrise de l’organisation se veut au service de l’atteinte optimale des objectifs de l’organisation (Maugeri, 2008). Toutefois, en passant du discours (logos) à la pratique (praxis), on perçoit rapidement les limites de cette vision rationnelle et idéale des outils de gestion. Les outils de gestion sont aussi des formes concrètes, pratiques, visant à transformer la matérialité des organisations dans lesquelles ils sont mis en œuvre.

La particularité des outils est de ne vivre qu’à travers l’action conjointe des individus qui les imaginent, les appliquent et les font fonctionner. Produits de l’action humaine, ils deviennent au travers de leurs interactions, des ressources nouvelles déclenchant un nouveau cycle d’actions (Boussard et Maugeri, 2003), qui illustrent la dynamique de leur diffusion.

L’implication des parties prenantes est une condition de réussite du déploiement et de l’adoption de l’outil de gestion. La littérature est abondante pour caractériser les relations qui existent entre elles et l’organisation notamment les relations de pouvoir ou d’influence et celles de légitimité. Des auteurs se sont aussi intéressés à la manière dont l’organisation gère ces relations. Selon Freeman (1984), les parties prenantes sont soit un groupe, soit un individu qui affecte ou est affecté par la réalisation des objectifs de l’organisation.

S’agissant du manager, l’outil de gestion lui permet d’articuler son pilotage de l’organisation vers des résultats performants. Le pilotage de la performance est étroitement

associé au contrôle pour s’assurer de la bonne mise en œuvre des activités. La stratégie a fait l’objet d’une planification de laquelle découlent des résultats. Pour le bon déroulé de cette dynamique, le manager s’implique pour :

- inciter et coordonner les acteurs de l’organisation ; - réguler et favoriser l’apprentissage (Giraud et al, 2004).

Le déploiement d’un outil de gestion révèle ce que ce dernier est en mesure de produire (rôle d’opérateur) (Gilbert, 1998 ; Oiry, 2010). C’est aussi un moyen pour les organisations et les individus de s’en saisir pour changer leur manière de fonctionner, de se coordonner, etc. Au-delà de la mise en œuvre, le dispositif instrumenté permet d’analyser les transformations des organisations, la manière dont se remodèlent les activités, les métiers, les identités professionnelles et les politiques de ressources humaines (rôle d’analyseur et de régulateur des tensions créées entre ces activités, (Gilbert, 1998 ; Oiry, 2010). La réussite du déploiement du Système de management par la qualité est fortement conditionnée par les parties prenantes qui doivent communiquer et se fédérer pour une compréhension conjointe.

A l’instar de Oiry (2010) qui a mobilisé la théorie de la régulation conjointe de Reynaud (1997) pour analyser les normes ISO, nous reprenons ce cadre théorique pour rendre compte de la manière dont un outil de gestion transforme le fonctionnement d’une organisation, ceci, en considérant le Système de management par la qualité comme un élément de la régulation de contrôle au sein de Pôle emploi. Nous nous interrogeons sur sa capacité à produire un nouveau type de régulation conjointe, c’est-à-dire si celui-ci produit une articulation d’une nature nouvelle entre la régulation par le contrôle et la régulation autonome.

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