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DIAGNOSTIC DES HEPATITES VIRALES

3. Hépatites virales chroniques

Habituellement asymptomatiques, sauf au stade de cirrhose décompensée (ascite). Mais une asthénie peut cependant être présente au cours de l’hépatite C et B, qui est un signe non spécifique et non évocateur de la maladie car elle peut être due à de multiples causes.

À ce stade, l’examen clinique est normal en absence de manifestations extra-hepatiques (Tableau VIII).

Les lésions histologiques sont d'intensités variables allant de la simple inflammation à la cirrhose.

Des signes cliniques peuvent cependant être présents :

 Une asthénie est fréquente au cours de l’hépatite C chronique ;

 Des manifestations d’insuffisance hépatocellulaire et d’hypertension portale non

spécifiques sont également observés au stade de la cirrhose;

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Jusqu’à il y a peu, l’infection par le VHA et le VHE étaient considérées comme d’évolution strictement aigue, sans passage à la chronicité. Ces huit dernières années, ils ont été décrits chez des sujets immunodéprimés les premiers cas d’VHE persistante [97].

Une hépatite chronique virale E, habituellement retenue, se définie par une élévation persistante des transaminases associée à la détection du VHE par RT-PCR (Polymerase Chain Reaction) dans le sang ou les selles, cela pendant au moins six mois [91].

3.1. Virus de l’hépatite B

L’infection chronique par le VHB est couramment définie par la persistance de l’AgHBs 6 mois après l’infection aigue. Elle est caractérisée par son polymorphisme de présentation incluant le portage inactif de l’AgHBs et des épisodes de réactivation.

Presque un tiers des porteurs chroniques de l’AgHBs sont des porteurs inactifs. Ils peuvent cependant être contagieux. Au cours de cette phase, l’ADN viral se réplique à bas bruit dans les cellules hépatiques infectées.

Sur le plan biologique, cette phase se détermine par :

 Présence de l’AgHBs ;

 Apparition d’anticorps anti-HBe correspondant à une séroconversion dans le système

HBe ;

 Charge virale faible < 2000 UI/ml ou non détectable ;

 Normalisation des transaminases ;

 Absence de signes d’inflammation sur la biopsie hépatique ;

Ces porteurs inactifs de l’AgHBs ont un pronostic favorable à long terme avec un risque très bas de développer une cirrhose et un CHC. Cependant, deux tiers d’entre eux vont développer des lésions d’hépatite chronique associant une nécrose, inflammation et fibrose.

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Au cours d’une hépatite B chronique active, et contrairement à l’état de portage inactif de l’AgHBs, le risque de développer des lésions évolutives du foie avec une cirrhose, puis un CHC est élevé [21].

L'hépatite delta chronique, indépendamment de sa forme d'acquisition, est cliniquement similaire à l'hépatite B chronique : elle peut être asymptomatique ou se manifester par une asthénie et une anorexie [13].

3.2. Virus de l’hépatite C

Le signe majeur d'une hépatite virale C chronique est la persistance de l'ARN circulant avec présence d'anticorps anti-VHC, associée à des degrés divers à une activité nécrotico-inflammatoire et à une fibrose hépatique [84].

Tableau VIII : Présentation clinique et évolution des hépatites virales [41]

virus

Hépatite aigue Evolution

vers la chronicité

Phase d’invasion Phase d’état Hépatite

fulminante VHA -Syndrome pseudo-grippal chez l’adulte -Asymptomatique chez l’enfant

- Ictère fébrile, hépatalgie, asthénie

- Formes prolongées cholestatiques exceptionnelles - Rechutes possibles mais rares

0.05% Jamais

VHB Asymptomatique - Souvent asymptomatique,

parfois ictère et asthénie 1%

5-10% (adultes)

90% (nouveaux

nés)

VHC Asymptomatique - Souvent asymptomatique,

parfois ictère et asthénie Exceptionnelle 70-85%

VHD Asymptomatique - Souvent asymptomatique 5%

Evolution parallèle à celle du VHB VHE - Syndrome pseudo-grippal chez l’adulte

- Ictère fébrile, hépatalgie - Potentiellement grave chez

les enfants et les femmes enceintes

0.5% rare

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4. Cirrhose hépatique

La cirrhose est caractérisée par une inflammation chronique réactionnelle à l’apoptose des cellules hépatiques et leur régénération anarchique en nodules. Elle est définie par un score Métavir de A3F4 ce qui correspond au stade ultime de la fibrose hépatique.

C’est une forme grave d’évolution progressive de l’hépatite chronique, les cellules lésées sont remplacées par du tissu cicatriciel et l’hépatite évolue ainsi vers la cirrhose.

La maladie conduit à la perte des fonctions de l’organe et s’accompagne à de multiples complications responsables de la morbidité et de la mortalité de la maladie [21].

2 à 30 % des patients ayant une hépatite chronique développeront une cirrhose, un CHC ou les 2 sur une période de 30 ans [12].

Figure 50 : Image d’un foie cirrhotique [21]

Le malade peut se présenter au stade de cirrhose compensée, l’examen clinique peut être normal, mais on doit rechercher des signes qui permettent de suspecter ce diagnostic cliniquement :

 Hépatomégalie de consistance ferme ou dure ;

 Signes d'insuffisance hépatocellulaire : angiomes stellaires, érythrose palmaire, ongles blancs ;

 Signes d’hypertension portale (HTP) : circulation collatérale abdominale,

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Figure 51 : Aspect d’angiomes stellaires [21]

Figure 52 : Circulation veineuse collatérale abdominale [21]

On peut aussi trouver des signes de décompensation de la cirrhose telle une ascite, une hémorragie digestive par rupture des varices œsophagiennes, une HTP ou un coma hépatique.

Le risque de développer une cirrhose augmente avec le sexe masculin, l’âge, la consommation d’alcool, l’immunodépression, l’activité histologique et la co-infection VHB-VHC ou VHB-VHD.

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Comparativement à l’infection par le VHB seul, les patients co-infectés VHB-VHD sont souvent plus jeunes, avec une maladie plus sévère et plus active au moment du diagnostic, et une cirrhose survenant trois fois plus tôt et plus souvent dans l'évolution de la maladie. Ainsi, 75 % des patients co-infectées vont présenter des lésions hépatiques, ce qui est clairement plus élevé qu'en cas d'infection par le VHB seul. Dans environ 70 % des cas, la cirrhose survient en 5 à 10 ans et est accompagnée à un risque de mortalité deux fois supérieur à celui de l'infection par le VHB seul [13].

1.5. Carcinome hépatocellulaire

Le CHC est la conséquence naturelle de la cirrhose, il nait de la prolifération cellulaire accrue secondaire à la nécrose et à la tentative de régénération excessive, dont le but est la cicatrisation pour contrecarrer le processus inflammatoire et le stress oxydatif, créant ainsi une atmosphère propice à l’installation d’erreurs génétiques et épi-génétiques, donnant naissance à des tumeurs.

C’est une tumeur épithéliale développée à partir des cellules hépatiques, il représente la forme prédominante du cancer primitif du foie. Son développement est un processus complexe comportant plusieurs phases avec un temps de latence de 20 à 50 ans entre l’infection primaire et la cancérisation [21].

Des études épidémiologiques ont trouvés que le risque d’évolution vers un CHC pour un patient atteint d’hépatite chronique B ou C est 100 fois supérieur à un sujet non infecté. Il représente le 8eme cancer dans le monde par ordre de fréquence et le plus fréquent des cancers primitifs du foie. Chaque année 500 000 nouveaux cas sont diagnostiqués dans le monde. Au Maroc, l’incidence du CHC est de 0,8 par 1 00 000 personnes par an. Dans les pays développés, son incidence a considérablement augmenté ces vingt dernières années à cause de l’élévation de l’incidence de la cirrhose due au VHB ou au VHC [55].

Le CHC a un très mauvais pronostic, en l’absence de traitement, le taux de survie est de 3 à 5%. Seuls 25% des patients peuvent bénéficier d’un traitement chirurgical avec un taux de survie à 5 ans est de l’ordre de 30 à 60% après résection et un taux de rechute qui est supérieur à 80% et inférieur à 20% après la greffe du foie.

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Plusieurs facteurs, agissant seuls ou en synergie avec les infections virales, peuvent être associés au CHC : comme le sexe masculin, la co-infection VHB-VHC ou VHB-VHD, la consommation excessive d’alcool, le tabagisme ou encore l’hémochromatose. En outre, il peut être associé à une mauvaise nutrition due à une contamination alimentaire par les aflatoxines, qui sont des toxines produites par les champignons Aspergillus flavus et Aspergillus parasiticus [21].

Figure 53 : Image d’un foie présentant un carcinome hépatocellulaire [98]

Le risque de CHC a été classiquement associé à une réplication persistante de VHB, mais dernièrement deux études ont démontré que, comparativement aux patients atteints d’une hépatite B seul, ceux atteints d'une hépatite delta ont un risque de CHC 3 à 6 fois supérieur. Ce risque a été estimé à 15 % après 10 ans, et d'autant plus en cas de cofacteurs [13].

Le CHC est exceptionnel en l’absence de cirrhose (moins de 10%), par contre en cas de cirrhose liée au virus de l’hépatite C, l’incidence du CHC est de l’ordre de 2 à 4% par an. Il est par conséquent, important d’effectuer un dépistage systématique chez les patients cirrhotiques tous les 6 mois par l’échographie et le dosage de l’alfa-foetoprotéine [99].

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5. Manifestations extra-hépatique

Les virus des hépatites A, B, C et E sont responsables de manifestations hépatiques mais aussi, avec des fréquences très différentes, extra-hépatiques, en particulier dermatologiques, parfois révélatrices de l'infection virale. Les relations entre certaines d'entre elles et ces virus sont actuellement bien démontrées alors que pour d'autres les preuves d'un lien direct ne sont pas clairement établies.

Tableau IX : Différentes manifestations extra-hépatiques des hépatites virales [63,86,100,101,102]

VHA

Manifestations dermatologiques

- Eruptions maculopapuleuses, urticariennes et purpuriques, parfois associés à des arthralgies; - Vasculites cutanées : les tableaux cliniques sont divers:

purpura rhumatoïde, oedème aigu hémorragique du nourrisson, vasculite nécrosante ;

Cryoglobulinémie - Souvent observée et liée à l’activité de la maladie ;

Cholécystite aigue alithiasique

- Secondaire à une distension vésiculaire, peut être d'origine immunologique à médiation cellulaire ou suite à un effet

cytopathogène direct du virus ;

VHB

Manifestations générales - Syndrome pseudo-grippal ;

- Triade de Caroli : céphalée, arthralgie, uticaire ; Péri-artérite noueuse

(PAN)

- Plus sévères que dans les formes primitives, et les symptomes digestifs, l'hypertension artérielle maligne, les neuropathies périphériques et l'orchite, sont plus fréquents

chez les sujets infectés ;

Manifestations rénales

- Glomérulonéphrite extra-membraneuse (GNEM) : la plus fréquente ;

- Glomérulonéphrite membrano-proliférative ; - Glomérulonéphrite à dépôts d’IgA ; Manifestations

neurologiques

- Des cas exceptionnels de polyradiculonévrites aigues ont été rapportés ;

Manifestations rhumatologiques

- Un tableau de polyarthralgies ou polyarthrite lors de la phase prodromique ou pré-ictérique de l’hépatite aigue ;

Manifestations cutanées

- Dominées par l’urticaire et par l’acrodermatite papuleuse Infantile ;

- Lichen plan buccal ; - Vascularites leucocytoclasiques ;

93 Manifestations

ophtalmologiques - Uvéites, principalement antérieures aigues ;

Manifestations hématologiques

- Des données épidémiologiques récentes suggèrent un rôle du VHB dans la survenue du lymphome B non hodgkinien

(B-LNH) ;

VHC

Cryoglobulinémie mixte de type II ou III

- Associées à une VHC dans 30 à 90% des cas ; - Triade typique : purpura, arthralgie, asthénie ; - Rarement une polyneuropathie sensitivo-motrice ou une

glomérulonéphrite membrano-proliférative ; Glomérulonéphrites

membrano-prolifératives

- Due à un dépôt de complexes immuns au niveau des glomérules

Manifestations cutanées - Lichen plan : chez 5% des sujets atteints d’HVC ;

- Erythème noueux, urticaire ; Manifestations

neurologiques

- Neuropathies périphériques avec ou sans cryoglobulinémie mixte ;

- Périartérites noueuses, polyradiculonévrites et neuropathies périphériques aggravées par l’interféron ;

Maladies auto-immunes

- Syndrome sec oculo-buccal ressemblant au sd Gougerot Sjogren ;

- Thyroidite auto immune ; - Thrombopénie auto-immune ;

- Auto anticorps sans signification pathologique: Ac Anti-nucleaires, Ac Anti-muscle lisse trouvés dans 20% des cas

Diabète non insulino dépendant

- Le TNF alpha et la protéine du core du VHC sont susceptibles d’être incriminés ;

- Le dibète type 2 et l’insulino-résistance aggravent la progression de la fibrose hépatique et le développement d’un

CHC ; VHE Manifestations neurologiques - Polyradiculopathie ; - Syndrome de Guillain-Barré ; - Encéphalite ; Manifestations dermatologique

- Deux observations sont rapportées dans la littérature : un exanthème maculopapuleux fébrile et un purpura rhumatoïde

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6. Hépatite-VIH

Les hépatites B et C font partie des co-infections courantes du VIH chez certaines populations. Elles forment un sous-groupe particulier. Il a été démontré que l'infection à VIH modifiait significativement l'histoire naturelle de l'hépatite chronique avec une aggravation des lésions histologiques hépatiques, notamment chez les malades qui ont un faible taux de cellules CD4.

En effet, on observe chez les patients co-infectés, une charge virale plasmatique 1,5 à 2 fois plus élevée que chez les patients mono-infectés. Cette réplication virale plus intense diminue les chances de guérison spontanée en cas d'hépatite aigue et augmente les risques de transmission sexuelle et materno-foetale des virus hépatotropes. De plus, il a été estimé que le délai moyen d'évolution vers la cirrhose était de 15 ans chez les patients co-infectés, contre 30 ans chez les patients mono-infectés [88].

Ainsi, le pourcentage de malades ayant une cirrhose 10 ans après la contamination probable par le VHC est de 14,9 à 22 % chez les malades co-infectés et de 2,6 à 11 % chez les malades non co-infectés [103,104].

La co-infection augmente aussi de 4 à 6 fois le risque d’apparition d’un CHC, et il semble apparaitre après une période de contamination plus courte et donc chez des patients plus jeunes comparé aux malades qui ne sont pas co-infectés [99].

Si ces données peuvent paraître paradoxales à cause du caractère normalement immunomédié des lésions, il rend compte en effet de la possible modification de l’infection par le VHB ou le VHC de sa pathogénicité en cas d’immunosuppression avec l’apparition d’une cytopathogénicité directe du virus [95].

Le dépistage de cette co-infection est systématique chez les patients infectés par un virus hépatotropes à transmission parentérale ou sexuelle, en début de prise en charge et au cours du suivi si la situation à risque persiste, car elle est susceptible de modifier le protocole thérapeutique.

Jusqu'il y a peu, le VHE était en fait considéré comme un virus responsable d’hépatite aigue. Récemment, une infection chronique a été démontrée chez des malades

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immunodéprimés, ce qui peut évidemment être mis en cause comme étant un facteur de risque. Les mécanismes de persistance du VHE chez le sujet séropositif restent à définir. Le niveau d’immunodépression joue un rôle important, les patients infectés par le VIH ayant présenté une hépatite E chronique avaient un faible taux de lymphocytes T CD4+ circulants. Toutefois, la nature des réponses immunes innées ou adaptatives dont l’altération conduit à la chronicité n’est pas complètement identifiée [63].

L’impact des virus hépatotropes sur la progression clinique et virologique du VIH reste controversé, mais il ne semble pas avoir un rôle important, il n'y a pas de progression plus rapide vers le stade SIDA mais la mortalité globale est augmentée [13].

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