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En guise de conclusion La « putain » et la sainte : un discours sur les femmes

Dans les images, suivant où elles se trouvent autour de la notion clé de « conversion », les prostituées médiévales se divisent en deux types : les courtisanes et les pénitentes. Face à ce premier constat en découle un second. Les premières, celles d’avant la conversion mais également celles qui ne l’envisagent pas, sont rendues identifiables par différents procédés visuels qui parfois les marquent d’infamie, mais qui soulignent surtout leur féminité luxurieuse. Elles apparaissent ainsi dans les images en jeunes femmes séduisantes, parées des plus beaux atours, avec de magnifiques chevelures dénouées ou tressées qui font écho à leur charnalité. En somme, elles sont attifées des attributs de la séduction. Mais cette iconographie, qui emprunte aux codes de la beauté et de la féminité, les rend très proches des femmes réelles, des femmes médiévales.

Lorsque l’on bascule dans l’après conversion, du côté des saintes pécheresses qui sont représentées en pénitentes, il s’agit d’une toute autre iconographie. Leurs corps bestiaux ou purs, hirsutes ou sensuels apparaissent dans leur exceptionnalité. S’y conjugue souffrance de l’ascèse et élection divine, donnant ainsi l’image de femmes inaccessibles. Autour de la figure de la prostituée s’élabore donc deux images en tension : la « putain » marquée d’infamie et image de la luxure mais très proche de la femme médiévale, et la sainte sauvée suite à l’exemplarité de sa pénitence qui apparaît inaccessible. Comment, alors, comprendre cet agencement paradoxal ?

a. La pénitente, figure inaccessible

Les pécheresses qui accèdent à la sainteté sont des figures d’exception, non pas simplement pas leurs actions et par la rigueur de leur pénitence mais aussi par les images que l’on donne d’elles. Leurs longues chevelures les englobant de la tête aux pieds, le pelage qui parfois s’empare d’elles, renvoient l’image non pas simplement de femmes irréelles, dont le corps se fait le relais de leur dimension miraculeuse, mais également de femmes inaccessibles. Leurs toisons, qui signalent leur ensauvagement car laissées « à l’état de nature », apparaissent également comme une frontière : celle de la retraite, de la réclusion. Elles passent du statut de femmes « communes » à celui de femmes recluses. Le corps nu sous les rideaux de cheveux ou la villosité, s’il est possible de le deviner, demeure imperméable aux regards et redevient alors vierge en se plaçant hors de portée du désir de hommes233. L’image de Marie-Madeleine et de Marie l’Égyptienne dans leur

pénitence est donc inapprochable, insaisissable, et laisse ainsi peu de place à la projection pour les femmes « perdues » qui pourtant, en tant que réceptrices du message, devaient pouvoir y trouver un guide vers la conversion.

Ce que mettent en avant les artistes dans ces créations, c’est moins le parcours qui a conduit une prostituée vers la sainteté que la formidable abnégation dont ont fait preuve ces femmes d’exception qui, en se rachetant par la pénitence la plus rigoureuse, ont été accueillies par le Sauveur. D’ailleurs ces images mettant en avant la perfection spirituelle des saintes femmes ne s’adressent pas simplement à un public de prostituées à convertir. Dans le retable de Tilman Riemenschneider qui représente Marie-Madeleine portée aux nues par des anges, c’est surtout l’exaltation du caractère contemplatif de la sainte qui est souligné (Annexe 13). Cette idée répond ainsi au mouvement prédicateur germanique et flamand du XVe siècle qui prend l’exemple de Marie-Madeleine pour inciter le fidèle à

faire l’expérience personnelle de Dieu234. Et si depuis le XIIIe siècle les sermons sur la

Madeleine se centrent sur l’image de la pécheresse luxurieuse pour dénoncer les comportements féminins pernicieux, des visions et des utilisations alternatives de la sainte émergent dans la seconde partie du XVe siècle. S’adressant à un public mixte, elles

promeuvent les valeurs de pénitence et un message mystique235. Les quelques images des

233 RUIZ-GALVEZ Estrella, 1999, p 84. 234 POUVREAU Florent, 2014, p 263-264.

235 Ibid., p 254-255. La dévotion de Marire-Madeleine a pu prendre de multiples formes. Dans son étude sur la Madeleine dans l’Ouest de la France aux alentours de 1100, l’historien Jacques Dalarun, montre justement l’importance de cette figure de sainte pécheresse dans la dévotion privée des clercs. Dans un mouvement frénétique de confession Marie-Madeleine devient la confidente de leurs aveux et incarne

saintes pénitentes que nous avons évoquées s’inscrivent donc dans les multiples formes que pouvait prendre leur culte. Cependant, malgré la diversité des contextes et la diversité de leurs utilisations, le fait qu’elles apparaissent quasi-systématiquement à travers cette iconographie irréelle (sauvage, sensuelle, hirsute ou luxuriante) peut interroger sur la volonté de convertir par les images. Pourtant les « ymagiers » sont experts dans l’art de transposer des situations et des personnages dans la réalité de leur temps. C’est d’ailleurs une des forces de l’image au Moyen Âge : le maniement de l’anachronisme visuel permet de rapprocher le spectateur du concept ou de l’histoire développée dans la représentation. Marie l’Égyptienne en pénitente « moderne » aurait pu être figurée recluse, comme une vision de ces femmes qui peuplaient les reclusoirs des villes médiévales, ou bien dans l’ascèse d’une vie monastique. Mais ce sont ces corps, anhistoriques, atemporels et irréels qui ont été privilégiés. Or comment des femmes pouvaient-elles s’identifier et se projeter sur le chemin vers la résipiscence en ayant à l’esprit des figures si éloignées de la réalité des corps féminin ?

Ce paradoxe interpelle et demanderait sans doute à être plus exploré, car il révèle une contradiction entre les discours portés par ces images de pénitentes exceptionnelles et la volonté de l’Église des XIVe et XVe siècles qui, dans une société ayant pourtant

institutionnalisé la prostitution, a toujours cherché, par une frénésie de prédication, à convertir les prostituées, ouvrant même des dispensaires pour les repenties236.

b. La courtisane à l’image des femmes

Face aux pénitentes, l’image contraire, celle des prostituées en exercice, apparaît d’autant plus paradoxale qu’elle se construit à l’image des femmes médiévales…

En effet, visuellement, les autres figures de prostituées empruntent l’aspect de femmes du siècle : celui des dames lorsqu’elles sont parées à la dernière mode ou celui des femmes du petit peuple lorsqu’elles sont vêtues plus modestement. Certes, quelques signes

l’image de leur « âme » pécheresse qui ainsi se féminise (DALARUN Jacques, « Dieu changea de sexe

pour ainsi dire ». La religion faite femmes XIe-XVe siècle, op.cit note 217, p 70, 74, 88). Élisabeth

Pinto-Mathieu explique également que c’est la dimension allégorique de Marie-Madeleine, incarnant une « Église d’amour et de pardon » qui est privilégiée dans les homélies de Grégoire le Grand comme dans celles adressées aux moines du Xe siècle (PINTO-MATHIEU Élisabeth, « Marie-Madeleine dans les sermons. De l’exégèse allégorique à la morale pénitentielle », in PINTO-MATHIEU Élisabeth,

Marie-Madeleine dans la littérature du Moyen-Âge, Paris, Beauchesne, 1997, p 3-43, ici page 42-43).

236 KARRAS Ruth Mazo, 1990, p 32. L’Église favorise même dès 1200 la création d’institutions pour les filles de vie repenties. Voir dans : ROSSIAUD Jacques, 2010, p 211-215.

existent qui permettent dans les images de les rendre identifiables et ainsi de pouvoir les distinguer des femmes honnêtes mais aucune marque, aucun signe visuel n’apparaît comme étant exclusif au marquage des femmes vénales237. Si l’on a pu constater que la

chevelure occupait une place prépondérante dans l’iconographie de la prostituée, c’est avant tout parce qu’elle est perçue comme métonymie du corps féminin. À ce titre elle renvoie, sur les figures des femmes vénales, à une forme de liberté sexuelle, à l’idée de luxure et donc à une féminité exacerbée. Lorsqu’elle est dénouée c’est l’impudicité de la femme qui est mise en avant, et lorsqu’elle est suppliciée, dans l’iconographie de Leonne par exemple c’est le débordement sexuel qui est puni238.

La représentation de la femme vénale ne renvoie pas l’image d’une prostituée mais l’image de la femme en général, de « l’idée » de la femme et de tout ce que l’on condamne chez le « sexe faible » : la féminité séductrice qui leurre les hommes, le penchant insatiable pour la luxure ou l’inconstance de leur comportement.

Pour essayer de comprendre le sens de cette iconographie il faut se tourner vers les destinataires de ces images. Les manuscrits enluminés en tant que biens de luxe étaient destinés à une élite sociale, celle des princes et de la noblesse, ou à une élite lettrée, celle des clercs par exemple. Les miniatures n’étaient donc pas visibles des prostituées elles- mêmes, et le message élaboré en leur sein ne leur étaient pas non plus destiné. Nous reviendrons sur ce que ces images peuvent dire de la prostituée médiévale, mais arrêtons nous d’abord sur les propos qui s’y énoncent pour les lecteurs des manuscrits. Parce qu’en effet c’est d’abord un discours sur les femmes qu’on y perçoit.

Pour prendre un exemple parallèle, revenons aux légendes des saintes pécheresses. Au Moyen Âge ce sont les récits les plus diffusés mettant en scène des femmes vénales. Le message de repentance et de pardon porté par ces récits s’adresse aux hommes comme aux femmes, les saintes pécheresses fonctionnant comme des modèles de pénitence pour les deux sexes servant avant tout à illustrer la grandeur du Pardon divin. Mais pour l’historienne Ruth Mazo Karras, ce laïus à portée universelle s’appuie sur un discours plus spécifiquement genré qu’il s’agit de ne pas négliger. Pour elle, le discours autour de la sexualité qui entoure ces saintes est fondamental. Si bien sûr toutes les saintes femmes ne sont pas des pécheresses, la majorité des saintes pécheresses le sont pour avoir péché

237 Voir supra, p 141.

238 Rappelons que les supplices liés à la chevelure sont réservées aux femmes qui s’écartent des normes sexuelles en faisant montre d’une trop grande liberté ou d’une infidélité. ROLLAND-PERRIN Myriam, 2010, p 199 et 208.

par la chair, tandis que seules les prostituées sont des pénitentes239. L’Église en associant

sexualité féminine, prostitution et rejet de Dieu, montre sa profonde méfiance envers les femmes. Pour expier leurs péchés ces saintes se doivent de faire souffrir leurs corps (l’instrument de leur luxure) par l’ascèse mais également de rejeter toute sexualité et même toute féminité240. L’historienne conclue ainsi : « En donnant une telle importance

(en tant que premier exemple de repentance) à des femmes complètement abandonnées à leur sexualité, la culture médiévale a souligné l’équation entre la femme et la luxure et a fait de la prostituée le paradigme du féminin »241.

Cette notion de la prostituée comme paradigme du féminin se retrouve dans les images242.

Le cas du programme iconographique du manuscrit de la Vie des Pères que nous avons évoqué dans l’étude de cas sur les couvre-chefs vert est à ce titre frappant243. Par

l’apposition sur toutes les figures féminines de cette coiffe qui apparaît comme un symbole de séduction, l’enlumineur a mis sur un même niveau une femme mariée ayant fait vœu de chasteté, une femme infidèle et les prostituées que sont Thaïs et Pélagie. Le message est ici encore plus excessif puisque la condamnation ne se porte pas sur la sexualité féminine mais bien sur la femme (même chaste) en tant qu’être menaçant et intrinsèquement corrupteur. De la même manière, lorsque la Grande Prostituée d’une

Bible historiale de la fin du XIVe se vêt d’une houppelande, habit de l’aristocratie, outre

la dénonciation de sa parure excessive, en miroir c’est le jeu séducteur et trompeur des femmes en général qui est fustigé (fig. 42). Ces images, si elles ne nous permettent pas forcément de rendre compte d’un discours visuel adressé aux prostituées, révèlent en revanche un discours sur les femmes.

239 Sur les trente femmes saintes de la Légende dorée, dix-neuf sont des vierges, sept sont mariées, et quatre sont des pécheresses « de chair » (Marie l’Égyptienne, Marie-Madeleine, Pélagie et Thaïs). Parmi les dix-neuf vierges, cinq ont été miraculeusement sauvées de viols ou de la prostitution et les autres ont été sauvées de mariages forcés. Voir dans : KARRAS Ruth Mazo, 1990, p 32, note 93. 240 Ibid., p 31.

241 « By giving such prominence (as the foremost example of repentance) to women completely abandoned

to their sexuality, medieval culture emphasized the equation of women and lust and made the prostitute a paradigm of the feminine ». Ibid., 32

242 Un épisode rapporté par l’historien Jacques Dalarun apporte une preuve supplémentaire de cette idée selon laquelle les prostituées apparaissent comme l’incarnation des femmes. En effet la correspondance qu’Hildebert de Lavardin, prélat du XIIe siècle, a entretenu avec différentes femmes permet de mettre en lumière cette association naturelle que font les clercs du Moyen-Âge entre des femmes sexuellement actives et les modèles des saintes prostituées. Dans une lettre qu’il adresse à Adèle de Blois, la fille de Guillaume le Conquérant qui, après son veuvage s’est convertie à la vie monastique dans une dépendance féminine de Cluny, l’évêque du Mans retrace pour elle son parcours de vie. Il y regrette qu’elle ai préféré le mariage à la chasteté. Hildebert se fait alors rassurant et convoque comme figures consolatrices non pas la sainte Radegonde, que l’ascendance royale rapprochait pourtant d’Adèle, mais les pécheresses que sont Madeleine et l’Égyptienne qui comme elle péchèrent par la chair et qui pourtant purent se racheter par l’expiation. Pour Hildebert une noble femme mariée se rapproche plus d’une prostituée par la dimension luxurieuse qu’elles ont en commun, que d’une sainte qui jouit certes comme elle d’une origine royale mais qui a sût rester chaste. Voir : DALARUN Jacques, 2008, p 91-92. 243 Voir : supra, p 139-141.

c. Le stigmate visuel de la « putain »

Mais la figure de la prostituée, lorsqu’elle s’incarne dans l’image de l’élégance aristocratique ou dans celle d’une féminité immodérée, agit également comme un marquage sur les femmes, et, en plus de développer un discours misogyne c’est le « stigmate de la putain » qui se rend visible.

La menace que constitue le whore stigma, selon la formule de la psychologue et sociologue Gail Pheterson, pèse sur toutes les femmes et est une donnée anthropologique des sociétés patriarcales244. La catégorie de « putain » se définit, selon l’anthropologue

Paola Tabet, vis à vis des « règles de propriété sur la personne des femmes dans les

différentes sociétés ». Et plus précisément, la prostituée est définie comme étant celle qui

contrevient à ces règles, qui les transgresse. Le stigmate qui s’y rapporte est donc un outil hautement coercitif qui agit comme une menace et qui désigne les femmes jouissant d’une certaine liberté, sexuelle par exemple245.

Dans la société médiévale ce stigmate est particulièrement prégnant et il a de véritables implications pour les femmes qui en sont marquées. Une femme dont la réputation est mise en doute, qui est accusée d’être une prostituée, est une femme dont l’honneur est remis en question et qui est donc plus sujette aux violences des hommes246. En effet aux

XIVe et XVe, le roi pardonne ainsi de nombreux viols commis par des hommes qui, pour

se défendre, mettent en avant la réputation dissolue de leur victime247. Et l’historienne

Claude Gauvard rappelle à propos du fonctionnement de la fama médiévale (la réputation), qu’un homme qui souhaite obtenir une relation sexuelle avec une femme « s’emploie à mettre en doute sa vertu de chasteté ou de fidélité, ce qui revient à la faire

devenir réellement ‘‘putain’’ »248. Pour conjurer la menace du stigmate qui peut mettre en

244 Sur le concept de « whore stigma » voir : PHETERSON Gail, « The whore stigma : Female Dishonor and Male Unworthiness », Social Text, n°37, 1993, p 39-64, [En ligne], mis en ligne le 28 octobre 2009, https://www.jstor.org/stable/466259?origin=JSTOR-pdf&seq=1#page_scan_tab_contents (consulté le 29 juillet 2019). Sur le caractère anthropologique du stigmate voir : TABET Paola, « L’échange économico-sexuel : du don au tarif », in TABET Paola, Les doigts coupés. Une anthropologie féministe, Paris, La Dispute, 2018, p 21-95, ici page 24.

245 Pour Gail Pheterson la menace du marquage comme putain « […] agit comme un fouet qui maintient

l’humanité femelle dans un état de pure subordination ». PHETERSON Gail, Le prisme de la prostitution, Paris, l’Harmattan, 2001, p 129, cité d’après TABET Paola, « L’échange économico-

sexuel : du don au tarif » , op.cit note 244, p 24.

246 Nous renvoyons ici à la sous-partie sur la définition de la prostituée comme femme « commune ». Voir :

supra p 76-79.

247 PICHOT Charlotte, « Le corps féminin est-il un miroir de l’honneur ? Quelques pistes de réflexion autour des sources judiciaires de la fin du Moyen-Âge », Annales de Janua, n°6, 2018, p 1-8, ici page 7, [En ligne], mis en ligne le 6 avril 2018, http://annalesdejanua.edel.univ-poitiers.fr/index.php? id=1801 (consulté le 18 juin 2019).

248 GAUVARD Claude, « La Fama, une parole fondatrice », Médiévales, n°24, 1993, p 5-13, ici page 12, [En ligne], https://www.persee.fr/doc/medi_0751-2708_1993_num_12_24_1265 (consulté le 29 juillet

péril leur intégrité physique, les jeunes filles sont éduquées dans l’idée de préserver leur virginité et leur pureté, et lorsqu’elles se marient c’est la fidélité qui est un enjeu d’honnêteté249. La réputation d’une femme, sa fama, est donc un bien précieux, la perte de

celle-ci que substitue le stigmate de la « putain » les expose à de nombreux crimes sexuels250.

De la même manière, l’image de la femme commune fonctionne comme un « stigmate visuel », marquant à travers elle le féminin dans son ensemble. Au-delà des discours misogynes qui répondent aux considérations ecclésiastiques mais aussi laïques sur les femmes, ces représentations, associant les prostituées aux femmes médiévales, s’insèrent également dans un système coercitif qui brandit l’épouvantail de la prostituée pour maintenir et contenir les femmes dans leur rôle de fille, d’épouse et de mère.

Entre la « putain » et la sainte pénitente, il n’y a pas seulement un fossé moral mais également un écart visuel. Quand la prostituée en exercice s’incarne dans l’image de la féminité, la pécheresse repentie se fait irréelle et inaccessible. Entre ces deux visions s’élabore donc un discours : sur le féminin d’abord, mais aussi un discours aux femmes. Celles-ci sont à la fois menacées par l’image de la femme dépravée et sexuellement débauchée, et exhortées à atteindre la sainteté des pénitentes pour laver les péchés de leur sexe. Mais c’est une impasse visuelle qui s’esquisse alors, puisque le tiraillement s’effectue entre une prostituée à l’image de la féminité médiévale, et une pénitente éprouvée par l’ascèse dans un corps exceptionnel. C’est donc aux deux extrémités d’un système de valeur que se tiennent les représentations de la « putain » et de la sainte, forgeant chacune de leur côté des « bornes morales » à atteindre ou à ne pas imiter.

2019).

249 PICHOT Charlotte, « Le corps féminin est-il un miroir de l’honneur ? Quelques pistes de réflexion autour des sources judiciaires de la fin du Moyen-Âge », op.cit note 247, p 6.