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Chapitre 1. PROBLÉMATIQUE

1.3 Quelques dispositifs d’enseignement de la grammaire pour développer la

1.3.4 Groupe de révision rédactionnelle (Lafontaine et Blain, 2010)

À l’instar de l’Atelier de révision décrit précédemment (section 1.3.3), le Groupe de révision rédactionnelle proposée par Blain et Lafontaine (2010) prévoit le travail en groupe sur un texte authentique rédigé individuellement. Son déroulement s’organise selon deux rencontres de groupe, une première rencontre qui porte sur la grammaire textuelle (ou « fond ») et une deuxième rencontre sur la grammaire de la phrase (ou « forme »). Lors de la première rencontre, un premier élève lit oralement à ses coéquipiers le texte qu’il a rédigé, et ces derniers sont invités à formuler des commentaires précis en faisant d’abord ressortir les forces du texte. Puis, les coéquipiers du jeune scripteur sont invités à lui poser des questions pour l’aider à clarifier ses propos ou pour justifier certains choix en lien avec l’organisation des idées dans son texte. Après une deuxième lecture au besoin, les pairs émettent à l’élève scripteur des suggestions que ce dernier prend en notes, qu’il envisage les intégrer ou non à son texte. Lors de la deuxième rencontre, la lecture du texte par les pairs se fait en silence. Puis, phrase par phrase, les coéquipiers indiquent au scripteur du texte les erreurs orthographiques, syntaxiques, lexicales et de ponctuation qu’ils ont relevées et expliquent le plus précisément possible l’origine de l’erreur au scripteur. Au besoin, les coéquipiers consultent un ou des ouvrages de référence pour valider l’explication et la correction suggérée. Quand tous les coéquipiers ont eu droit à la rétroaction en vue d’améliorer le texte sur les plans de la grammaire textuelle et de la grammaire phrastique, les élèves s’installent pour procéder individuellement à la réécriture du texte. Moins présent que dans les autres dispositifs présentés dans cette section (1.3), l’enseignant assume tout de même un rôle important en procédant à de l’étayage, notamment lorsque les coéquipiers ont du mal à formuler un commentaire ou à fournir une rétroaction suffisamment précise pour pouvoir mener à un changement dans le texte d’un des leurs.

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Blain et Lafontaine (2010) ont mené une recherche-action auprès de 72 élèves de 4e année du primaire afin de tester le dispositif du Groupe de révision rédactionnelle en vue de documenter les types de commentaires intégrés sous forme de révisions dans les textes des élèves de deux populations francophones (Québec et Nouveau-Brunswick). Chez les élèves québécois participant à l’étude, les chercheurs ont observé de manière générale qu’une plus forte proportion des suggestions de révision formulées par les pairs sont correctes et mènent à des changements qui améliorent le texte. Concernant la grammaire de la phrase, la majorité des révisions correctes apportées au texte à la suite de l’activité portent plus spécifiquement sur l’orthographe grammaticale (36,5%), suivies de l’orthographe lexicale (ou « d’usage ») (28,5%), de la ponctuation (20,9%), puis de la syntaxe (14,2%). La syntaxe est également l’aspect le moins souvent abordé dans les discussions sur le texte durant l’activité, occupant 8,2% des interactions, derrière l’orthographe grammaticale (42,0%), l’orthographe lexicale (32,4%) et la ponctuation (17,4%). Les chercheurs, qui ont documenté également l’évolution des taux d’erreurs en orthographe (grammaticale et d’usage), ont noté des diminutions en lien avec les erreurs orthographiques du brouillon à la copie finale pour six rédactions des élèves des groupes expéimentaux, mais ne proposent pas de résultats de cet ordre pour les erreurs en syntaxe.

Vu les améliorations au texte permises par le Groupe de révision rédactionnelle, Blain et Lafontaine (2010) concluent que ce dispositif permet à l’élève de bénéficier d’une aide individualisée en révision de texte autrement plus difficilement accessible: « Les élèves éprouvent souvent des difficultés lors de la phase de révision et ils ont alors besoin d’une aide individualisée souvent difficile à obtenir de la part de l’enseignant qui doit soutenir une trentaine d’élèves à la fois. Selon les résultats de notre recherche, il semble que la rétroaction verbale des pairs puisse favoriser le processus de révision puisque l’élève a la chance de recevoir cette aide individualisée. » (p. 487). Bien que ce ne soit pas l’objet de leur étude, les chercheuses mentionnent également l’intérêt, pour les élèves « commentateurs », des interactions verbales dans les activités de révision en groupe; étant amenés à relever les erreurs dans le texte d’un pair et à lui en expliquer la source, ils doivent parfois reconnaitre, dans leurs propres connaissances linguistiques, des lacunes auxquelles remédier (Swain, 2000, cité par Blain et Lafontaine, 2010 : 472).

29 Synthèse des dispositifs d’enseignement

La revue de dispositifs de la Dictée zéro faute, de l’Atelier de négociation graphique, de l’Atelier de révision et du Groupe de révision rédactionnelle met en lumière des points de convergence dans la conception des dispositifs qui expliquent leur interêt respectif pour l’enseignement de la grammaire en vue d’une diminution des erreurs dans les textes. D’abord, il est clair que les concepteurs de chacun des dispositifs reconnaissent « (...) l’importance de mettre en œuvre des pratiques de classe qui font une place aux interactions et aux discussions entre pairs (...)» (Fisher et Nadeau, 2014 : 172) et qui placent les interactions verbales au cœur des dispositifs proposés. L’étayage fait par l’enseignant et la collaboration avec les pairs est au centre des progrès visés par ces dispositifs en permettant à l’élève de passer de ce qu’il sait faire avec l’aide de l’autre d’un « niveau intellectuel supérieur » à ce qu’il saura faire seul, comme le suggère le concept de zone prochaine de développement de Vygotski (1997, 3e éd : 355; voir section 2.4.1). Dans les dictées innovantes telle que la Dictée zéro faute (Nadeau et Fisher, 2006; Fisher et Nadeau, 2014), seules activités effectuées en groupe-classe, la verbalisation est le moyen privilégié pour permettre aux élèves d’exprimer leurs doutes orthographiques et de se construire, en interaction avec l’enseignant et les autres élèves de la classe, des procédures de résolution pour les problèmes de cette nature dans le texte dicté. Dans l’Atelier de négociation graphique (Haas et Lorrot, 1996; Haas, 1999), les divergences de graphies observées dans la transcription du texte par les coéquipiers donnent lieu à des « négociations » et plus encore à des argumentations qui obligent chacun à faire appel à des concepts et à élaborer des stratégies pour faire face aux problèmes orthographiques. Lors de l’Atelier de révision (Cogis et Ros, 2003), qui intègre le travail sur le texte authentique, les explications fournies et les suggestions proposées en vue de corriger les erreurs dans le texte seraient, pour les apprenants qui les verbalisent, source d’un développement métacognitif utile à leur propre activité de scripteur. Les résultats de la recherche de Blain et Lafontaine sur le Groupe de révision rédactionnelle ont montré l’intérêt des interactions verbales en contexte de révision de groupe pour permettre au scripteur d’améliorer son texte avant la mise au propre, les pairs apportant une aide individualisée de qualité en formulant des commentaires le plus souvent justes. La recherche a également mis en lumière le peu d’intérêt accordé à la syntaxe lors des échanges, cet aspect de la grammaire de la phrase étant le plus négligé dans les

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interactions et dans les révisions intégrées. Le peu d’attention accordé à la syntaxe correspond à un autre point de convergence qui ressort de la revue des dispositifs. Les deux premières activités s’effectuent sur un texte dicté, dans lequel la construction des phrases est donnée à l’élève, et visent explicitement la dimension orthographique de l’écriture. Aussi, l’Atelier de révision est explicitement conçu et présenté dans une perspective de travail orthographique, puis le Groupe de révision rédactionnel donne lieu, à la lumière des résultats proposés par Blain et Lafontaine, à une majorité de discussions et de modifications de nature orthographique. Il ressort donc que, malgré tout l’intérêt que recèlent les interactions verbales, aucun des dispositifs d’enseignement de la grammaire en contexte de révision de texte qui en tirent profit ne vise explicitement la diminution des erreurs syntaxiques dans les textes, erreurs qui sont pourtant fréquentes (voir section 1.1). Aucun ne permet donc actuellement de viser à réduire, par exemple, le nombre d’erreurs concernant la construction de la P sub relative (voir section 1.2.).

1.4 La coopération : un cadre pédagogique favorable à des interactions verbales