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D - Une quasi-gratuité à relativiser

Les droits nationaux fixés par arrêté, en général faibles, sont entourés d’un halo de frais annexes qui alourdissent les charges liées à la seule scolarité et contribuent à brouiller encore davantage la lisibilité du système.

1 - La nouvelle contribution de vie étudiante et de campus

Jusqu’à la rentrée universitaire 2018-2019, pour s’inscrire dans un établissement public d’enseignement supérieur, les étudiants devaient s’acquitter chaque année, en sus des droits d’inscription, de deux autres contributions :

- une cotisation forfaitaire, fixée à 217 € pour l’année universitaire 2017-2018, en contrepartie de leur couverture de base à l’assurance maladie31 ;

28 Le coût moyen d’un étudiant en licence connaît d’importantes variations selon le domaine disciplinaire. Par exemple, dans le cas d’une université : 2 736 € annuels pour un étudiant en sciences humaines et sociales, 5 121 € pour un étudiant en « mathématiques, sciences et technologie de l’information et de la communication, ingénierie et systèmes » et 8 828 € en « sciences de la matière, de la terre et de l’univers ».

29 Voir le tableau en annexe n° 6.

30 Voir l’annexe n° 5 qui détaille les modalités de fixation des droits d’inscription universitaire.

31 Cette cotisation forfaitaire annuelle était versée auprès de l’établissement d’enseignement supérieur en même temps que les droits d’inscription.

- le droit de médecine préventive (5,10 € en 2017), destiné à financer en partie les services universitaires de médecine préventive et de promotion de la santé (SUMPPS).

Ces contributions augmentaient sensiblement les coûts strictement liés à la scolarité. En moyenne, en 2017-2018, le coût total constaté par étudiant s’élevait à 406,10 € en licence (dont 184 € pour les droits de scolarité), à 478,10 € en master (dont 256 € de droits de scolarité) et à 613,10 € en doctorat (dont 391 € de droits de scolarité). Au total, tous cycles confondus, les droits de scolarité ne représentaient en moyenne, en 2017-2018, que 55 % des frais complets liés à l’inscription dans un établissement (277 € pour un total de 499,10 €).

La loi n° 2018-166 du 8 mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite des étudiants (dite « loi ORE ») a supprimé le paiement de la cotisation forfaitaire maladie à compter de la rentrée 2018 pour l’ensemble des étudiants, qui seront rattachés progressivement au régime général de la sécurité sociale. Elle a, par ailleurs, supprimé, à compter du 1er juillet 2018, un certain nombre de frais obligatoires (le droit de médecine préventive, la part des droits d’inscription reversée aux fonds de solidarité et de développement des initiatives étudiantes -FSDIE- d’un montant minimum de 16 € en 201732) et facultatifs (cotisations pour accéder aux activités sportives ou culturelles)33, au profit de la nouvelle « contribution de vie étudiante et de campus » (CVEC) destinée à favoriser l’accompagnement social, sanitaire, culturel et sportif des étudiants, d’un montant annuel fixé à 90 €.

Ces mesures ont modifié le périmètre des « droits d’inscription » et rendu difficile la comparaison d’une année à l’autre. Deux effets d’optique doivent être corrigés.

En premier lieu, pour l’année 2018-2019, les droits universitaires affichent une baisse apparente dans la mesure où la somme de 16 € qui correspondait à la part du montant des droits d’inscription reversée au FSDIE et qui est remplacée par le reversement aux établissements d’une fraction de la CVEC, a été déduite des droits de chaque diplôme. En réalité, les droits d’inscription universitaires réels progressent, hors FSDIE, après trois années de gel, de 1,2 % environ pour l’essentiel des diplômes, correspondant à l’inflation constatée en France.

32 Jusqu’à la rentrée 2018, une partie des droits de scolarité était affectée, dans une proportion fixée par le conseil d’administration des établissements, au service commun de documentation, à hauteur de 34 euros minimum, d’une part, et au financement du fonds de solidarité et de développement des initiatives étudiantes (FSDIE), à hauteur de 16 euros minimum, d’autre part. Au total, pour un étudiant inscrit en licence et s’acquittant de 184 € de droits en 2017-2018, la part fléchée des droits représentait 27% du montant de sa recette d’inscription.

33 Voir le détail à l’annexe n° 5.

Schéma n° 2 : illustration de l’impact de la loi du 8 mars 2018 dans le cas d’un étudiant non boursier en troisième année de licence (L3)34

Source : Cour des comptes

En second lieu, si l’on ajoute la CVEC aux droits d’inscription, le montant des contributions liées à la scolarité et à la vie étudiante, dont doivent s’acquitter les étudiants pour s’inscrire dans un établissement public d’enseignement supérieur, a augmenté, passant de 189,10 € à 260 € à compter de la rentrée 2018.

L’impact financier de cette réforme sur les étudiants varie selon leur âge et leurs conditions d’affiliation à la sécurité sociale étudiante. La réforme devrait réduire le coût total des frais d’inscription pour la majorité des étudiants, qui sont non boursiers et âgés de plus de vingt ans35. Ce coût s’élèvera, par exemple pour un étudiant non boursier en troisième année de licence, à 260 € à la rentrée 2018-2019 contre 406,10 € en 2017-2018.

34 L’impact positif décrit dans le schéma n’est avéré que dans le cas d’étudiants de plus de 20 ans, et qui n’étaient pas jusqu’à présent exemptés d’affiliation à la sécurité sociale étudiante (voir infra).

Cour des comptes, Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale 2013. (Chapitre relatif à la sécurité sociale des étudiants). La Documentation française, septembre 2013, 631 p., disponible sur www.ccomptes.fr.

35 En effet, les étudiants qui étaient jusqu’à présent exemptés d’affiliation à la sécurité sociale étudiante (par exemple, les enfants d’agents de la SNCF, les étudiants de moins de 20 ans, les étudiants ayant un contrat de travail d’au moins 150 h par trimestre ou 600 heures par an, etc.) devront, à compter de la rentrée 2018, s’acquitter du paiement de la CVEC.

Les pouvoirs publics ont donc fait le choix de procéder à un partage des « gains » issus de cette réforme, qui génère une charge accrue pour le régime général de Sécurité sociale, et d’en laisser une partie aux étudiants à titre de « gain de pouvoir d’achat » ainsi qu’aux universités. Il est patent que cette réforme n’a pas été mise à profit par les pouvoirs publics pour engager une réflexion sur une augmentation plus sensible des droits d’inscription universitaires.

Par ailleurs, sur le plan de l’autonomie des établissements, la création de la CVEC peut apparaitre comme un recul. D’une part, le FSDIE et les contributions facultatives « sport et culture », dont le montant était déterminé par l’établissement, ont été basculés vers la CVEC qui a un caractère d’imposition de toute nature dont le montant est fixé par la loi. D’autre part, les moyens spécifiques dégagés à travers la CVEC ne viennent pas abonder de manière fongible les budgets des universités, mais sont strictement fléchés vers des actions destinées à favoriser l’accueil et l’accompagnement social, sanitaire, culturel et sportif des étudiants et des actions de prévention et d’éducation à la santé réalisées à leur intention.

Selon les simulations réalisées par le MESRI, la mise en place de la CVEC devrait se traduire, pour les universités, par un montant de recettes excédentaires par rapport à la situation antérieure d’environ 26 M€ en 2018-2019. La création de la CVEC pourrait donc s’interpréter comme une hausse déguisée des droits d’inscription, dont l’acceptabilité aurait été permise par le transfert vers le régime général de la charge financière liée à la couverture maladie des étudiants. Plus certainement, elle a modifié le périmètre du coût global de l’inscription à l’université, sans toutefois clarifier le sens des droits d’inscription. Le projet de loi de finances pour 2019 ayant instauré un plafonnement du produit généré par la CVEC, le surplus de recettes a désormais vocation à alimenter le budget général de l’État. Cette dernière mesure achève de rendre le système aussi peu lisible et transparent que possible.

2 - Les droits complémentaires facultatifs versés en contrepartie de services rendus Les établissements d’enseignement supérieur peuvent percevoir, en sus des droits d’inscription en vue de l’obtention d’un diplôme national, sur le fondement de l’article L. 719-4 du code de l’éducation, des contributions complémentaires en contrepartie de services rendus36. Toutefois, en vertu d’une jurisprudence constante, la perception de telles redevances n’est possible qu’à condition que celles-ci soient facultatives, clairement identifiées et perçues en échange de prestations effectivement rendues aux usagers, et que leur non-paiement ne puisse écarter l’étudiant du cursus qu’il souhaite suivre. Le syndicat étudiant UNEF a pointé, à plusieurs reprises, l’existence de « frais illégaux », sa dernière enquête remontant à 201437.

36 « Les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (…) peuvent disposer des ressources provenant notamment de (…) rémunérations de services (…) ».

37 Elle pointait des frais complémentaires exigés par 14 universités tandis que 36 autres percevaient des frais d’admission sans arrêté interministériel les y autorisant. À la suite de cette enquête, le MESRI, qui avait rappelé au cours des dernières années les règles applicables en matière de frais complémentaires des droits d’inscription, a invité les recteurs à se rapprocher des établissements mis en cause dans le classement. Certains établissements ont indiqué qu’il s’agissait de frais complémentaires non obligatoires. Les autres se sont engagés à modifier leurs pratiques.

Lors des tables rondes organisées par la Cour dans le cadre de la présente enquête, le thème des « frais illégaux » n’a pas été identifié comme constituant aujourd’hui une difficulté majeure. La base juridique de certains frais de scolarité demeure toutefois inexistante, concernant par exemple les frais d’inscription aux concours.

3 - Les frais d’inscription aux concours communs d’entrée pour les formations publiques sélectives

En France, l’accès aux écoles publiques d’ingénieurs est conditionné à l’obtention d’un concours d’entrée. Il existe un certain nombre de concours, composés d’épreuves écrites et orales parfois précédées d’une phase d’admissibilité (qui peut être une sélection sur dossier, par exemple). Ces concours peuvent être passés directement après le bac ou bien après deux ans de classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE). On estime qu’en moyenne, pour trois ou quatre concours présentés, le montant total des droits à acquitter par un candidat « post-bac » se situe entre 300 € et 400 €, et pour un candidat « post-CPGE », autour de 800 €38. Les boursiers sont exonérés en partie ou en totalité de ces frais.

Au-delà de ces frais de scolarité annexes acquittés auprès des établissements publics d’enseignement supérieur, les étudiants peuvent également être amenés à compléter, auprès du secteur privé, une offre de formation publique jugée insuffisante dans le cadre de certaines formations sélectives, comme par exemple les études de médecine.

Les études de médecine : des dépenses élevées pour des préparations privées quasi-obligatoires

En médecine, la formation universitaire est perçue par de nombreux étudiants comme préparant insuffisamment aux échéances du cursus, qui incluent des pratiques de sélection et de classement en fin de première année et en fin de deuxième cycle. Les étudiants ont recours à des préparations privées complémentaires, notamment en première année commune aux études de santé (PACES) et lors de la préparation de l’internat, qui représentent une charge financière pouvant atteindre plusieurs milliers d’euros par an39. Selon l’Association nationale des étudiants en médecine de France, l’inscription auprès de services privés d’aide à la préparation des examens représentait 4 707 € (moyenne des tarifs pratiqués pour la formule de cours la plus exhaustive) lors de la rentrée 2017. Le recours à ces préparations pourrait être réduit par un renforcement de la pratique du tutorat en université, proposée de façon bénévole par des étudiants de deuxième ou de troisième année aux étudiants en PACES.

38 Source : ONISEP, novembre 2017. Ces estimations ne prennent pas en compte les éventuels frais annexes (déplacement, logement, etc.).

39 Les frais annuels pour suivre les enseignements proposés par les « conférences » privées peuvent aller, selon le cycle d’études suivi, de 445 € à 1 506 €. Par ailleurs, avant même que les étudiants s’inscrivent en première année des études de santé, des préparations privées proposent une forme de classe préparatoire à l’issue du baccalauréat.

Un tarif de scolarité de 9 400 € a été relevé pour l’année 2017-2018 dans ce type de formation.

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