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A - Les modalités d’accompagnement financier des étudiants

L’augmentation des droits d’inscription peut, selon certaines études, n’avoir que peu ou pas d’effet sur l’accès à l’enseignement supérieur si elle s’accompagne d’instruments de soutien au revenu étudiant, bourses ou prêts à remboursement contingent.

163 Hans Dietrich et Hans-Dieter Gerner, « The Effects of Tuition Fees on the Decision for Higher Education : Evidence from a German Policy Experiment », 2012, Economics Bulletin, vol. 32, n° 3, p.2407-2413.

164 Voir « Improving College Access and Success for Low-Income Students: Evidence from a Large Need-based Grant Program” de Gabrielle Fack et Julien Grenet. PSE Working Papers n° 2013-33. 2013.

165 Erica Field, « Educational Debt Burden and Career Choice : Evidence from a Financial Aid Experiment at NYU Law School », 2009, American Economic Journal : Applied Economics, vol. 1, n° 1, p.1-21.

a) Le système des bourses

En France, le niveau des droits n’a aucune incidence sur la situation financière des étudiants boursiers sur critères sociaux, dans la mesure où ils en sont exonérés (ce qui est le cas de 40 % des étudiants en université). Pour ces étudiants, une hausse des droits n’appellerait donc pas une revalorisation des bourses à titre de compensation ; elle renforcerait au contraire l’avantage financier procuré par l’exonération.

En revanche, la hausse des droits pourrait être accompagnée par une extension du nombre d’étudiants exonérés. Pour limiter le coût de cette mesure, la réinstauration d’un « échelon zéro » des bourses permettrait aux étudiants concernés d’être exonérés sans ouvrir droit à une aide financière complémentaire.

Cependant, si une telle mesure ne conduirait pas à augmenter le budget des aides directes aux étudiants (programme 231), elle aurait pour conséquence un accroissement du niveau de la compensation pour l’État au titre des exonérations de droits, imputée sur le programme 150.

Selon les hypothèses retenues en termes de nombre d’étudiants entrant dans le nouvel échelon 0, le coût supplémentaire de compensation pour l’État s’élèverait chaque année, dans le cas du scénario n°1 défini supra, à 19 M€ (pour 50 000 étudiants supplémentaires exonérés), 31 M€ (pour 80 000 étudiants exonérés) ou 38 M€ (pour 100 000 étudiants exonérés)166.

Implications d’une augmentation du nombre d’étudiants éligibles aux bourses sur critères sociaux

Si les pouvoirs publics souhaitaient, au-delà de la recréation d’un échelon 0, augmenter le nombre d’étudiants éligibles au dispositif actuel des bourses sur critères sociaux dont tous les échelons sont rémunérateurs167, le niveau des dépenses budgétaires du programme 231 augmenterait dans les proportions suivantes168 :

- pour 50 000 étudiants entrant dans le dispositif, la dépense annuelle supplémentaire par rapport au coût total prévisionnel des bourses sur critères sociaux en 2018-2019 s’élèverait à 140,2 M€ ; - pour 80 000 étudiants entrants, la dépense annuelle supplémentaire s’élèverait à 224,4 M€ ; - pour 100 000 étudiants entrants, la dépense annuelle supplémentaire s’élèverait à 280,5 M€.

b) Le système des prêts

Dans les pays anglo-saxons (Australie, Royaume-Uni), l’augmentation des droits d’inscription s’est accompagnée d’une hausse des aides aux étudiants, sous forme de prêts à remboursement contingent soutenus par la mise en place d’une garantie publique. Ces systèmes de prêts se trouvent aujourd’hui confrontés à des questions de soutenabilité, liées notamment au niveau élevé des défauts de paiement qui constituent une charge pour les finances publiques et paraissent difficilement reproductibles en France à grande échelle.

166 Le détail des calculs est présenté en annexe n° 13.

167 Les bourses sur critères sociaux, qui représentent 2 Md€ sur les 2,23 Md€ de dépenses d’intervention du programme 231 en 2019, sont attribuées en fonction des ressources et des charges des parents, et de « points de charge » liés à l’éloignement entre le domicile et le lieu d’études et au nombre d’enfants à charge du foyer fiscal de référence.

168 Les hypothèses de calcul sont présentées en annexe n° 13.

Les prêts à remboursement contingent en Australie

En Australie, le dispositif de prêts aux étudiants repose sur le principe d’un remboursement du prêt différé dans le temps et conditionné au revenu du diplômé. Ce système de prêt est garanti par l’État et les remboursements sont collectés via le système fiscal, par l’Australian taxation office. En juin 2015, environ 2,2 millions de personnes avaient une dette liée à un emprunt dans le cadre du dispositif de prêts à remboursement contingent garantis par l’État, pour un montant total de 40,2 mds de dollars australiens. 20 % de la dette issue de ces prêts est considérée comme de la dette à risque, sur laquelle les emprunteurs ont de fortes probabilité de faire défaut169.

Porté par le programme 231 « Vie étudiante », un dispositif de prêts bancaires aux étudiants garantis par l’État a été institué en 2008. Au 31 décembre 2016, 54 119 prêts avaient été accordés depuis 2008 pour un montant total de plus de 457 M€ (soit un montant moyen de 8 500 €) et une durée moyenne légèrement supérieure à 6 ans, comprenant un différé de remboursement moyen de deux ans170. Les bénéficiaires du dispositif sont issus de toutes les filières et de tous les niveaux d’études.

Le dispositif des prêts étudiants garantis par l’État

Les prêts bancaires garantis sont ouverts à tous les étudiants, sans condition de ressources et sans caution parentale ou d’un tiers. Le montant maximal d’emprunt est de 15 000 € et la durée de la garantie est de 10 ans, avec une possibilité de différer le remboursement de l’emprunt. Les prêts sont octroyés par 5 banques partenaires : les Banques populaires et les Caisses d’épargne du groupe BPCE, le Crédit Mutuel, le CIC et la Société Générale.

Géré par Bpifrance, le fonds de garantie de ces prêts, doté de 2 M€ par an par l’État, permet une prise en charge du risque de défaillance par l’État à hauteur de 70 %. Le manque de recul sur un dispositif mis en place il y a moins de dix ans ne permet pas encore d’avoir une estimation fiable du taux de défaut effectif sur ces prêts.

Selon une enquête de satisfaction menée en 2013, 59 % des répondants n’auraient pas poursuivi leurs études sans l’obtention de ce crédit et 78 % jugent qu’ils n’auraient pu accéder à un financement bancaire sans la garantie accordée par l’État. Concernant les étudiants ayant bénéficié du dispositif, 42,5 % étaient issus de l’université au moment de la souscription de leur crédit et 75 % possédaient un niveau d’études compris entre Bac +1 et Bac +3, moins de 10 % se préparant à accéder au niveau Bac +5. Enfin, le prêt étant non fléché sur la prise en charge de dépenses spécifiques, il a permis de financer les frais de scolarité (28 %), mais aussi les dépenses liées au logement (21 %), au transport (18 %) ou aux fournitures scolaires (11 %).

Une augmentation des droits pourrait justifier d’élargir le dispositif de prêts garantis par l’État, dont la forte demande de la part des étudiants ne peut être satisfaite en totalité compte tenu du montant de la garantie annuelle de l’État. Pour satisfaire cette demande, un doublement de la dotation allouée actuellement en loi de finances à ce dispositif serait nécessaire (soit un besoin de 4 M€). À l’occasion des dix ans du dispositif, il serait souhaitable de faire un point sur la demande avec les banques partenaires du dispositif, de mener une analyse précise des bénéficiaires du dispositif au cours des dernières années et d’étudier l’opportunité d’une éventuelle montée en charge du dispositif au regard d’une évaluation précise et actualisée du taux de défaut anticipé.

Une telle mesure recueille le soutien de nombreux interlocuteurs de la Cour.

169 Source: Parliament of Australia, Department of Parliamentary services, Parliamentary library, Higher Education Loan Program (HELP) and other student loans: a quick guide, Research paper series 2016-2017, May 2017.

170 Source : Rapport sur les politiques nationales de recherche et de formations supérieures, annexé au PLF 2018.

Enfin, dans un scénario d’augmentation significative des droits d’inscription, la question se poserait du devenir de la dépense fiscale « réduction d’impôt pour frais de scolarité dans l’enseignement supérieur », et de sa suppression éventuelle pour en recycler les gains au bénéfice de l’extension éventuelle du nombre de boursiers sur critères sociaux. La Cour n’a pas conclu sur ce sujet, dans la mesure où la présente enquête est circonscrite à la problématique des droits de scolarité et où cette dépense fiscale répond à des enjeux de politique familiale qui dépassent le cadre de l’enquête. Il demeure que, contrairement aux bourses, le montant de la réduction d’impôt pour frais de scolarité dans l’enseignement supérieur n’est pas réévalué chaque année, pour tenir compte notamment de l’inflation : le montant de 183 € actuellement en vigueur correspond au montant de 1 200 francs prévu à la création de la mesure en 1993. Le dispositif n’apparaît donc pas comme l’élément d’une véritable politique de l’éducation dynamique et fondée sur des critères objectifs d’évaluation des frais liés à la scolarité. La question du devenir de cette dépense fiscale se poserait également, même si ce n’est pas exactement dans les mêmes termes, dans le cas de l’option d’une suppression générale des droits d’inscription universitaires.

B - Le nécessaire renforcement de l’engagement des établissements

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