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B - Une estimation fragile, qui ne tient pas compte des mesures d’efficience attendues en matière d’enseignement supérieur

Si le besoin supplémentaire de 1 Md€ par an sert de référence aux demandes budgétaires du MESRI et peut être utilisé dans les hypothèses d’augmentation des droits, le montant avancé n’apparait pas fondé sur des données incontestables.

1 - Des comparaisons internationales moins défavorables sur les seules dépenses d’enseignement par étudiant

La France dépense moins que la moyenne de l’OCDE lorsque les dépenses d’enseignement supérieur sont rapportées au PIB (respectivement 1,5 % contre 1,6 % du PIB120). Dans le détail, ce sont les dépenses privées qui sont inférieures de 0,2 point de PIB à la moyenne de l’OCDE, alors que les dépenses publiques sont supérieures de 0,1 point de PIB.

Le niveau de dépenses dans l’enseignement supérieur par étudiant en France (11 310 €) se situe en revanche au-dessus de la moyenne de l’OCDE (11 056 €) et de la moyenne de l’Union européenne (10 781 €) lorsque sont prises en compte les seules dépenses au titre de l’enseignement supérieur, hors recherche. La France dépense plus, par exemple, que l’Allemagne ou que la Suède, ce qui n’est pas le cas si l’on prend en compte la dépense par étudiant incluant la recherche.

117 Les chiffrages figurant dans le Livre blanc paraissent concerner l’ensemble des acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche, et non les seules universités.

118 Ces crédits sont retracés dans la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » (MIRES).

En 2016, 49,19 % des crédits de la MIRES ont été attribués au programme 150 auquel sont rattachées les universités et ces dernières représentaient 87,9 % des dépenses totales en faveur des opérateurs du programme 150.

119 Soit 1 Md€ attribués pour 49,19 % au programme 150, puis à 87,9 % à la catégorie « universités et assimilés. »

120 Ce ratio comprend les dépenses de recherche (R&D) liées à l’enseignement supérieur.

Tableau n° 7 : dépenses d’enseignement supérieur en France comparées à la moyenne de l’OCDE et de l’Union européenne (2014)

France Moyenne

OCDE Moyenne

UE 22 Suède Allemagn

e Royaume

-Uni Dépense par étudiant, incluant

les activités de R&D ($ PPA) 16 422 16 143 16 164 24 072 17 180 24 542 Dépense par étudiant hors

activités de R&D ($ PPA) 11 310 11 056 10 781 10 935 10 048 18 743

Dépense totale en % du PIB 1,5 1,6 1,4 1,7 1,3 1,8

Dépense publique en % du PIB 1,2 1,1 1,1 1,5 1,1 0,6

Dépense privée en % du PIB 0,3 0,5 0,3 0,2 0,2 1,3

Source : Cour des comptes à partir de OCDE, « Regards sur l’éducation 2017 »

2 - Des évolutions démographiques à considérer sur la durée, un impact financier à relativiser

La part du besoin de financement liée à la croissance du nombre d’étudiants représente, selon la fourchette retenue par le Livre blanc, entre 41 % et 59 % du montant supplémentaire invoqué par les acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche121.

Les projections démographiques relatives au nombre d’étudiants entrant dans l’enseignement supérieur montrent une hausse incontestable des effectifs. Selon les données du MESRI, « si les tendances en termes d’orientation, de poursuite d’études et de démographie se prolongent, l’enseignement supérieur pourrait rassembler, en 2021, 2,8 millions d’étudiants et, en 2026, 2,9 millions d’étudiants, soit respectivement 216 000 et 327 000 étudiants de plus qu’en 2016 »122.

Les effets de cette croissance démographique sur les effectifs étudiants de l’enseignement supérieur public doivent cependant être relativisés, de même que son impact financier.

D’une part, la croissance ne se portera pas dans son intégralité sur l’enseignement public, et notamment sur les universités. En 2026, sur les 327 000 étudiants supplémentaires par rapport à 2016 (+13 %), seuls 54,7 % devraient s’inscrire en université (179 000, soit + 11,8 %).

Les effectifs des autres formations (écoles de commerce, facultés privées, etc.) seraient

« particulièrement dynamiques, avec une croissance de 18 % », et l’augmentation la plus importante concernerait les formations d’ingénieurs non universitaires (+22 %).

D’autre part, la croissance démographique ne sera pas nécessairement durable. Les effets de la hausse seront moins sensibles après 2020, notamment en raison des comportements d’étude : « si la démographie des populations arrivant dans le supérieur connait une forte hausse

121 Le Livre blanc estime le besoin budgétaire du seul enseignement supérieur, fondé sur la croissance démographique, entre 1 550 M€ et 3 000 M€, pour un total compris entre 3 635 M€ et 5 085 M€.

122 MESRI-SIES, Note d’information 18.04, « Projections des effectifs dans l’enseignement supérieur pour les rentrées de 2017 à 2026 », avril 2018.

en 2018, elle se réduit quelque peu les années suivantes (…). L’effet d’une hausse de l’entrée dans l’enseignement supérieur se propage sur l’effectif total mais s’amoindrit au bout de quelques années, en lien avec la durée de la scolarité. C’est pourquoi, si on observe une forte hausse des inscriptions totales sur la période 2018-2020, la progression annuelle prévue en 2021 et 2022 est beaucoup moins forte (de l’ordre de 1 % chaque année) ».

Par ailleurs, des évolutions démographiques ne se traduisent pas de façon mécanique par une augmentation des charges pour les établissements. L’impact de la croissance du nombre d’étudiants sur le besoin des établissements en personnel, paramètre crucial dans la mesure où la masse salariale représente en moyenne 73,78 % des dépenses des universités123, doit être nuancé.

Concernant les personnels administratifs, des marges d’efficience existent dans les universités en matière de temps de travail. Dans son rapport sur l’autonomie financière des universités124, la Cour relevait que, alors que la durée légale du travail est en principe de 1 607 heures par an, le temps de travail annuel s’y établissait à 1 551 heures en 2015 sous l’effet de la circulaire n°2002-007 du 21 janvier 2002 du ministère de l’éducation nationale. L’application de ce texte ne semblait pas, pourtant, fondée sur des sujétions particulières liées à la nature des missions et à la définition des cycles de travail pouvant justifier un régime dérogatoire.

Il en est de même pour les personnels enseignants. Selon les projections démographiques du MESRI, la croissance du nombre d’étudiants en université entre 2016 et 2026 concernerait uniquement les premiers cycles de l’enseignement supérieur (+12,7 % en licence et +13,1 % en master) alors que les effectifs de doctorants pourraient diminuer de 13 %. Ces évolutions appellent à un accroissement de l’activité de formation relativement à l’activité de recherche.

La progression du nombre d’étudiants dans les premiers cycles devrait imposer (ne serait-ce que de façon temporaire, lors du pic démographique prévu entre 2018 et 2020), soit un accroissement du nombre des personnels se consacrant uniquement aux tâches d’enseignement (PRAG et PRCE, par exemple125), soit une modulation de l’activité des enseignants-chercheurs au profit de l’enseignement.

Or la modulation des obligations de service des enseignants-chercheurs a, au contraire,

« été systématiquement utilisée pour réduire le temps d’enseignement au profit de la recherche ou de charges administratives, ce qui a entraîné des coûts d’heures complémentaires et de vacations, sans favoriser l’augmentation de l’enseignement pour ceux qui ne font plus de recherche. »126 La Cour a notamment relevé que « les universités sont nombreuses à avoir décidé d’une décharge de services partielle (en général entre 48 et 64 heures équivalent travaux dirigés) pour les jeunes maîtres de conférences afin de leur permettre de mener à bien leurs projets de recherche. »

123 Cf. supra.

124 Cour des comptes, Communication à la commission des finances du Sénat, L’autonomie financière des universités : une réforme à poursuivre, P. 53, juin 2015, 152 p., disponible sur www.ccomptes.fr.

125 En 2016-2017, le « potentiel enseignant » dans les universités était assuré à hauteur de 21,89 % par les professeurs, de 39,7 % par les maîtres de conférences, de 14,22% par des enseignants du second degré et de 19 % par des doctorants contractuels et autres personnels non permanents (source : RERS 2018, fiche 9.14 « Les enseignants du supérieur par discipline »).

126 Cour des comptes, Rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques : audit, p.180 La Documentation française, juin 2017, 253 p., disponible sur www.ccomptes.fr.

Au total, si la progression du nombre d’étudiants dans les prochaines années est incontestable, ses impacts financiers, notamment en termes de besoins de recrutement, devront être mesurés en tenant compte des marges d’efficience attendues dans la gestion des établissements et des personnels, notamment en matière d’offre d’enseignement.

3 - La nécessité de prendre en compte les effets des politiques publiques ainsi que les mesures d’efficience attendues dans la gestion des établissements

Le besoin de financement de l’enseignement supérieur ne résulte pas uniquement d’une application mécanique de la hausse du nombre d’étudiants. Les politiques publiques mises en place ou les mesures d’efficience dans la gestion des établissements ont une incidence sur son montant.

La croissance attendue du nombre d’étudiants résulte en partie de la politique visant à augmenter le niveau d’études et de diplomation de la population. C’est la Stratégie nationale de l’enseignement supérieur (2015) qui a fixé comme objectif d’atteindre 60 % de diplômés de l’enseignement supérieur dans une classe d’âge (50 % au niveau licence et 25 % au niveau master et 20 000 docteurs par an) d’ici 2025, « en regard de l’évolution des besoins de qualification du monde socio-économique, qui voit une augmentation importante du besoin en diplômés du supérieur, et de la tendance observée au niveau international. » 127 La poursuite de l’objectif de porter à 60 % d’une classe d’âge les diplômés du supérieur induirait une augmentation supplémentaire de 460 000 étudiants en 10 ans.

Par ailleurs, la loi ORE prévoit des mesures destinées à améliorer le taux de réussite des étudiants, notamment en premier cycle. Il en est attendu un impact positif sur la réussite en premier cycle et, à terme, une réduction du coût de l’échec, qui peut être évalué à plus de 2 Md€

en 2015-2016128.

Dans son Rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques de juin 2017, la Cour a rappelé plusieurs pistes d’efficience dans la gestion de l’enseignement supérieur et de la recherche, concernant notamment les modalités d’allocation des moyens aux universités, les effets sur l’offre de formation des regroupements des établissements au sein des sites universitaires et la vie étudiante. Ces mesures pourraient participer à la consolidation de la situation financière des universités, qui n’est pas caractérisée par une situation de crise avérée, comme la Cour l’avait déjà relevé en 2015 dans son rapport sur l’autonomie financière des universités et comme le confirme l’évolution favorable de différents indicateurs financiers sur la période 2011-2017.

127 Livre blanc de l’enseignement supérieur et de la recherche, 2017, p.147.

128 Selon les données du MESRI, environ 28 % des étudiants obtiennent leur licence en trois ans et 45 % en trois, quatre ou cinq ans. Le reste des étudiants abandonne les études dans lesquelles ils se sont initialement engagés (31 % après un an, 15 % après deux ans ou plus d’études) ou se réorientent vers d’autres formations. Sur la base de la dépense moyenne par étudiant en université, le coût associé aux redoublements en cycle licence peut être évalué, pour l’année 2015-2016, à 1,47 Md€ et celui associé à la réorientation à 569 M€, soit un coût total de plus de 2 Md€ en 2015-2016.

Évolution de la situation financière des universités

Dans le cadre de la présente enquête, la Cour a adressé à l’ensemble des universités un questionnaire d’ordre comptable et financier portant sur l’évolution des ressources propres (produits encaissables hors subvention pour charge de service public) entre 2011 et 2017. La Cour a choisi de limiter son champ d’analyse à la période allant de 2012 à 2017. Sur 63 réponses reçues, le nombre des déficits constatés a diminué, passant de 9 en 2016 à 6 en 2017 (dont un double déficit pour deux universités). Si le résultat net consolidé a diminué de 8,5 % (de 126 M€ en 2012 à 115,4 M€ en 2017), la capacité d’autofinancement consolidée s’est maintenue (+1,1 % entre 2012 et 2017, passant de 336,9 M€ à 340,7 M€). D’autres indicateurs financiers ont évolué favorablement sur la période, notamment le fonds de roulement consolidé (passé de 1 199 M€ en 2012 à 1 431 M€ en 2017), et la trésorerie nette, passée de 1 560,3 M€ en 2012 à 2 098,2 M€ en 2017 (+34,5 %).

!

Compte tenu de la diversité des paramètres participant au besoin de financement de l’enseignement supérieur (évolution de la demande d’éducation, efficacité dans la gestion des établissements, politiques publiques mises en place), le niveau du besoin financier ne peut faire l’objet d’évaluations suffisamment étayées. Si la Cour prend acte du besoin de financement déclaré par les acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche, elle ne peut, dans le cadre de la présente enquête, valider son niveau pour quatre raisons au moins : il ne fait l’objet d’aucune répartition indicative de la dépense, son mode de calcul est des plus sommaires, il ne tient pas compte du caractère momentané du pic démographique et n’intègre pas les efforts d’efficience qui restent à réaliser. L’évaluation du besoin se fonde ainsi sur des bases qui ne permettent pas de déterminer une cible de financement objective.

Le caractère incertain du calcul du besoin de financement de l’enseignement supérieur est d’autant plus dommageable qu’il ne permet pas d’appréhender, à partir d’arguments consolidés, le risque d’appauvrissement des universités mis en avant par la plupart des acteurs.

L’accueil des étudiants, qu’il soit pratique ou pédagogique, induit des coûts qui restent à calculer.

III - Les implications des différentes modalités d’évolution

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