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Les grands théorèmes pour µ b ν

Dans le document Mesure et Intégration (Page 143-161)

Dans cette section, nous supposons queµetν sontσ-finieset nous munissons XˆY de la tribu produitT bS et de la mesure produitµbν. Nous étudions la validité de la double égalité

ż

fpx, yqdµbνpx, yq “ ż ˆż

fpx, yqdµpxq

˙ dνpyq

“ ż ˆż

fpx, yqdνpyq

˙

dµpxq;

(8.9)

l’interprétation intuitive de cette formule a été présentée dans la section8.0.

Sous des hypothèses de mesurabilité, cette égalité est vraie si f est positive (théorème de Tonelli8.24) ou, reformulée correctement, sif est intégrable(théorème de Fubini8.26).

8.21 Remarque. L’hypothèse que µ et ν sont σ-finies peut-être affaiblie, mais le prix à payer est que nous n’aurons plus que des « demi-énoncés ». Comme observé dans la sec-tion8.2, nous pouvons définir une mesure « type mesure produit » siµouνsontσ-finies; mais dans la définition de cette mesureµetνne jouent pas le même rôle. Nous obtenons, sous cette hypothèse plus générale, « la moitié » des énoncés qui suivent. Par exemple, si nous supposons uniquementν σ-finie (sans hypothèse sur µ), alors la conclusion de la proposition8.22ci-dessous devient :fxestS-mesurable,@xPX. Lorsque les deux me-sures sontσ-finies, les énoncés deviennent plus symétriques et sont souvent plus utiles dans les applications. Nous laissons au lecteur le soin de formuler les variantes « ou » des

résultats « et » de cette section. ˛

Mesures produit 8.5 Les grands théorèmes pourµbν

8.22 Proposition. Soitf :XˆY ÑRune fonctionT bS-mesurable.

Pour toutxPX, la fonction partielle fx :Y ÑR, fxpyq:“fpx, yq, @y PY, estS-mesurable.

De même, pour toutyPY, la fonction partielle fy :X ÑR, fypxq:“fpx, yq, @xPX,

estT -mesurable.

8.23 Remarque. De même, si nous considérons un produit de plusieurs facteurs, les ap-plications partielles obtenues en figeant une partie des variables d’une fonction mesu-rablef sont mesurables. Par exemple : sif : ś4

i“1Xi Ñ Restb4i“1Ti-mesurable, alors l’applicationfx1,x2 :“fpx1, x2,¨,¨q:X3ˆX4 ÑRestT3bT4-mesurable. ˛

8.24 Théorème (Théorème de Tonelli global). Soit f : X ˆY Ñ r0,8s une fonctionT bS-mesurable positive.

Alors :

a) La fonctionyÞÑ ż

X

fpx, yqdµpxqestS-mesurable.

b) Nous avons ż

XˆY

f dµbν “ ż

Y

ˆż

X

fpx, yqdµpxq

˙

dνpyq. Énoncé analogue en échangeant les rôles dexety.

8.25 Corollaire. Sif : XˆY Ñ Rest mesurable, alors f est intégrable si et seulement si

ż

Y

ˆż

X

|fpx, yq|dµpxq

˙

dνpyq ă 8 ou

ż

X

ˆż

Y

|fpx, yq|dνpyq

˙

dµpxq ă 8.

8.26 Théorème(Théorème de Fubini global). Soitf :XˆY ÑRintégrable.

Alors :

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Petru Mironescu Mesure et intégration

a) Pourν-presque touty, la fonctionfy “fp¨, yqestµ-intégrable.

b) Si nous posonsgpyq :“

$

&

% ż

X

fpx, yqdµpxq, si cette intégrale existe

0, sinon

, alors g estν-intégrable.

c) Nous avons ż

XˆY

f dµbν “ ż

Y

gpyqdνpyq.

Énoncé analogue en échangeant les rôles dexety.

8.27 Remarque. L’hypothèsefondamentaledu théorème de Fubini est l’intégrabilité def : ż

XˆY

|fpx, yq|dµbνpx, yq ă 8.

Concrètement, cette condition est souvent vérifiée à l’aide du corollaire8.25. ˛ 8.28 Remarque. Pour comprendre le rôle des hypothèses (et de la nécessité d’introduire la fonction auxiliairegdans le cas du théorème de Fubini), examinons ces deux théorèmes dans le cas particulier où la mesureν est la mesure de comptage surN(et, dans ce cas, l’intégration devient sommation, voir la section6.7.2).

a) SiX “Nmuni de la mesure de comptage, le théorème de Tonelli8.24est un cousin du théorème6.34. Notons tout de même que le théorème6.34garde tout son intérêt, carµn’est pas supposéeσ-finiedans ce théorème.

b) SiX “ Nmuni de la mesure de comptage, le théorème de Fubini8.26est un cousin du théorème7.22.

À nouveau, ce théorème est vrai même sans l’hypothèseµ σ-finie.

1. Notons que la fonctionf dans l’énoncé du théorème7.22joue le rôle degdans le théorème de Fubini.

2. Examinons l’hypothèse ÿ

n

ż

|fn| ă 8 dans le théorème 7.22. En utilisant le co-rollaire8.25et l’interprétation de la somme comme intégrale par rapport à la me-sure de comptage, nous obtenons que cette condition équivaut (siµestσ-finie) à ż

XˆN

|fnpxq|dµbνpx, nq ă 8, qui est précisément l’hypothèse fondamentale du

théorème de Fubini. ˛

8.29 Remarque. Les théorèmes de Tonelli et Fubini ont des variantes relatives à des pro-duits de plusieurs facteurs. Exemple : sif :Rn Ñ r0,8sest borélienne et positive, alors

†. Comme noté dans la remarque8.21, le théorème6.34est le demi-théorème correspondant au théorème8.24, dans le contexte où la mesure de comptage surNestσ-finie, alors queµne l’est pas nécessairement.

Mesures produit 8.5 Les grands théorèmes pourµbν etc., sont boréliennes, et nous avons

ż

8.30 Convention(Abus de notation pour l’intégrale de Lebesgue). SiΩĂRnest un borélien, sif “fpxq : Ω Ñ Ra une intégrale par rapport à la mesure de Lebesgue λnet s’il n’y a pas de risque de confusion,

la notation ż

fpxqdxdésigne l’intégrale de Lebesgue ż

f dλn.

Avec cette notation, l’égalité (8.10) devient ż

Notation alternative, par exemple pourn“2: ż

Souvent, nous sommes amenés à appliquer les théorèmes de Tonelli et Fubini sur des partiesdeXˆY. Nous allons énoncer quatre versions « locales » de ces théorèmes (deux dans cette section, deux dans la suivante). Elles se déduisent des théorèmes « globaux » selon le même principe de preuve ; c’est pourquoi nous démontrons uniquement le théorème8.31.

8.31 Théorème (Théorème de Tonelli local). Soit E Ă X ˆY un ensemble T bS-mesurable. Soitf :E Ñ r0,8sunefonctionT bS-mesurable positive.

Alors :

a) La fonctionyÞÑ ż

Ey

fpx, yqdµpxqestS-mesurable.

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Petru Mironescu Mesure et intégration pour tout ensembleS-mesurableZ ĂY tel que

Z ĄπYpEq:“ tyP Y ;DxPX tel quepx, yq PEu. Énoncé analogue en échangeant les rôles dexety.

8.32 Théorème (Théorème de Fubini local). Soit E Ă X ˆY un ensemble T bS-mesurable. Soitf :E ÑRintégrable.

fpx, yqdµpxq, si cette intégrale existe

0, sinon pour tout ensembleS-mesurableZ ĂY tel que

Z ĄπYpEq:“ tyP Y ;DxPX tel quepx, yq PEu.

Énoncé analogue en échangeant les rôles dexety.

8.33 Remarque. Qui estZ? SiE “ AˆB, avecA P T etB P S, alors (vérifier)ty P Y ;DxPXtel quepx, yq PEu “B, et « le plus économique » est de prendreZ“B.

Exemple : sif :s0,8rˆs0,8rÑ r0,8sestborélienne, alors nous avonsA“s0,8r,B “ s0,8r, et nous pouvons prendreZ “s0,8r, ce qui donne (pour les mesures de Lebesgue ν1etν2“ν11, et avec la convention8.30)

Dans le cas général, l’ensembleZ le plus économique est πYpEq:“ tyPY ;DxPXtel quepx, yq PEu.

Mesures produit 8.5 Les grands théorèmes pourµbν

L’ensemble πYpEqn’est pas toujoursS-mesurable. C’est pour cette raison que le théo-rème est énoncé avec un « sur-ensemble » Z de πYpEq, choisi mesurable. Néanmoins,

souvent,Z “πYpEqconvient. ˛

Exercices

Ces exercices sontcruciauxen vue des applications.

8.34 Exercice. « Traduire » les théorèmes de Tonelli et Fubini (globaux et locaux) pour

pRn,BRn, νnqetpRm,BRm, νmq. ˛

8.35 Exercice. Énoncer et montrer la forme locale du corollaire8.25. ˛ 8.36 Exercice.

a) Soitdune droite du plan. Montrer queν2pdq “0.

b) SoitHun hyperplan deRn. Montrer queνnpHq “0. ˛

Démonstrations

Démonstration de la proposition8.22. Il suffit de montrer le résultat quandf est étagée. Le cas général s’obtient par passage à la limite, en utilisant :

a) Le fait que toute fonction mesurable est limite simple de fonctions étagées.

b) Le fait qu’une limite simple de fonctions mesurables est mesurable.

Par linéarité des appplicationsf ÞÑfx, respectivementf ÞÑfy, il suffit de considérer le cas oùf “χE, avecE PT bS. Dans ce cas, nous avonsfx “ χEx etfy “χEy et la

conclusion est claire. CQFD

8.37 Remarque. Le principe de la preuve de la proposition8.22est important à retenir.

Pour obtenir des propriétés de mesurabilité ou intégrabilité des fonctions

« générales », il est souvent suffisant de raisonner sur des fonctions caracté-ristiques ; le reste est « automatique ».

Démonstration du théorème8.24. À nouveau, c’est une preuve « automatique ».

Si f est unefonction caractéristique mesurable,f “ χE, avecE P T bS, alors laS -mesurabilité de

yÞÑ ż

X

fpx, yqdµpxq “νpEyq(justifier l’égalité)

†. Lebesgue avait affirmé en 1905 queπYpEqétaittoujoursmesurable, du moins lorsqu’il s’agit des boréliens deR2. Cette erreur célèbre a donné naissance à une branche de l’analyse, la théo-rie descriptive des ensembles, sous l’impulsion initiale de Souslin, qui a repéré en 1916 l’erreur de Lebesgue.Théorie descriptive des ensembles (Wikipédia).

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Petru Mironescu Mesure et intégration

suit du théorème8.9, et l’égalité des intégrales est donnée par le corollaire8.13.

Par linéarité de l’intégraledes fonctions positives, le théorème est vrai sif est étagée et positive (vérifier).

Pour f quelconque, nous considérons une suitepfnqn de fonctions étagées telle que fnľ0,fnÕf. Par convergence monotone, nous trouvons, pour chaqueyPY :

fpx, yqdµpxqestS-mesurable (comme limite simple de fonctionsS -mesu-rables).

À nouveau par convergence monotone, nous obtenons : ż

ce qui achève la démonstration. CQFD

Démonstration du corollaire8.25. Le théorème de Tonelli donne ż

Démonstration du théorème8.26. Notons quef`etf´sont intégrables (justifier).

Nous appliquons le théorème de Tonelli 8.24aux fonctions mesurables positiveset intégrables f` et f´. Nous obtenons que les fonctions y ÞÑ

ż

X

f˘px, yqdµpxq sont ν-intégrables, donc finiesν-p. p. (justifier). Si

B :“

(vérifier), d’oùgest mesurable (justifier).

CommeµbνpXˆBq “0(pourquoi ?), nous avons (justifier)

Mesures produit 8.5 Les grands théorèmes pourµbν

En additionnant les deux égalités (8.11), nous obtenons ż

d’oùgest intégrable surYzB, donc surY (justifier).

En particulier,gest finieν-presque partout, c’est-à-direfp¨, yqest intégrable pour ν-presque touty.

Enfin, en retranchant les deux égalités (8.11) nous obtenons ż

Démonstration du théorème8.31. Nous avons ż les arguments successivement utilisés étant :

(a) f χEestT bS-mesurable (carfetEle sont) et, clairement, positive. Nous utilisons également la définition de l’intégrale surE.

(b) Le théorème de Tonelli.

(c) L’égalitéχEpx, yq “χEypxq,@xPX,@yPY.

(d) La mesurabilité deEy et de la fonction partiellefp¨, yqχEy (justifier) et la définition de l’intégrale surEy.

(e) SiyRZ, alorsEy “ H, et donc ż

Ey

fpx, yqdµpyq “0.

(f) Par hypothèse, Z est mesurable. Par ailleurs, y ÞÑ ż

Ey

fpx, yqdµpyq est mesurable (théorème de Tonelli). L’égalité (f) découle de la définition de l’intégrale surZ. CQFD

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Petru Mironescu Mesure et intégration

8.6 Les grands théorèmes pour µ b ν

Les résultats de la section précédente ne s’appliquent pas à la mesure de Le-besgueλn`m, qui n’est pas le produit deλnet deλm (exercice8.20).

Dans cette section, nous allons néanmoins obtenir des résultats du type théo-rème de Tonelli ou théothéo-rème de Fubini pour la mesureµbν. Le « prix » à payer est que certaines propriétés, vraies partout dans les sections précédentes, sont va-lides uniquement presque partout ; comparer par exemple les propositions 8.22 et8.38.

8.38 Proposition. Soitf :XˆY ÑRune fonctionT bS-mesurable.

Pourµ-presque toutxP X, la fonction partiellefxestS-mesurable.

Énoncé analogue en échangeant les rôles dexety. ˛ La remarque suivante propose des conventions utiles et mène à la définition 8.40.

8.39 Remarque. Siλest unemesure complètesurpT,Aqetgunefonction définieλ-p. p.sur T, alors nous pouvons donner un sens naturel à la mesurabilité deg(même si elle n’est pas définie en tout point).

En effet, soithunprolongement arbitrairedegàT tout entier (par exemple, le prolon-gement par la valeur 0). Sih estA-mesurable, alors tout autre prolongement de g est A-mesurable, car égal àh λ-p. p. (proposition4.19b)). Ainsi, il y aéquivalenceentre : 1. gaun prolongementmesurable.

2. Tout prolongementdegest mesurable.

De même, siun prolongementhdega une intégrale, alorstout autreprolongementk dega une intégrale (car dans ce cas nous avonsk“g λ-p. p., et nous pouvons appliquer

le corollaire6.20). ˛

Cette remarque montre que les définitions suivantes sont correctes (au sens où elles ne dépendent pas deh).

8.40 Définition (Mesurabilité et intégrale d’une fonction définie p. p.). Soit λune mesure complètesurpT,Aq. Soit g une fonction réelle définieλ-presque partout surT.

a) (Mesurabilité d’une fonction définie p. p.)g estA-mesurablesig admet un prolongementh:X ÑRA-mesurable.

b) (Intégrale d’une fonction définie p. p.)ga une intégrale sig admet un pro-longementh: X ÑRqui a une intégrale, et dans ce cas nous définissons

Mesures produit 8.6 Les grands théorèmes pourµbν

Avec ces conventions, la conclusion du théorème de Fubini 8.26 s’écrit plus simplement

à comparer à la conclusion ż

du théorème de Tonelli8.24.

Les formules (8.12)–(8.13) permettent de mieux comprendre le rôle du passage aux mesures complétées, illustré dans les théorèmes8.41et8.42.

8.41 Théorème(Théorème de Tonelli global). Soitf :XˆY Ñ r0,8sune fonction 8.42 Théorème(Théorème de Fubini global). Soit f : X ˆY Ñ Rune fonction µbν-intégrable.

Petru Mironescu Mesure et intégration

Énoncé analogue en échangeant les rôles dexety. ˛ 8.43 Théorème(Théorème de Tonelli local). SoitE ĂXˆY un ensembleT bS -mesurable. Soitf :E Ñ r0,8sunefonctionT bS-mesurable positive.

Alors : pour tout ensembleS-mesurableZ ĂY tel que

ZcĂ tyPY ; χEy “0µ´p. p.u.

Énoncé analogue en échangeant les rôles dexety. ˛ 8.44 Théorème(Théorème de Fubini local). SoitE ĂXˆY un ensembleT bS -mesurable. Soitf :E ÑRintégrable.

Alors : pour tout ensembleS-mesurableZ ĂY tel que

ZcĂ tyPY ; χEy “0µ´p. p.u.

Énoncé analogue en échangeant les rôles dexety. ˛ Nous allons démontrer uniquement le théorème8.41; les autres preuves sont similaires et laissées au lecteur.

8.45 Remarque. Ces théorèmes ont des variantes pour des produits à trois facteurs ou

plus, que le lecteur énoncera facilement. ˛

Mesures produit 8.6 Les grands théorèmes pourµbν

Exercices

Les deux exercices suivants permettent de compléter la preuve des théorèmes 8.41et8.42. Pour les montrer, on pourra s’inspirer de la preuve de la proposition 8.38.

Le cadre est celui de la définition 8.40. Les p. p. s’entendent par rapport à la mesureλ, et la mesurabilité par rapport àA.

8.46 Exercice. Soienth1, . . . , hndes fonctions réelles positives définies p. p.

a) Montrer queh:“h1` ¨ ¨ ¨ `hnest définie p. p.

b) Si chaquehkest mesurable, alors : i) hest mesurable.

ii) ż

h“

n

ÿ

k“1

ż

hk. ˛

8.47 Exercice. Soienthn, hdes fonctions réelles définies p. p., telles que : (i) hnest mesurable,@n.

(ii) hnÑhp. p.

a) Montrer quehest mesurable.

b) Sihnľ0p. p., ethnÕhp. p., alors ż

hnÑ ż

h. ˛

Démonstrations

Démonstration de la proposition8.38. Montrons par exemple le résultat pourfx.

Étape 1. Preuve sif “χE, avecEPT bS.Il existeE1, E2PT bS tels queE1 ĂE ĂE2 etµbνpE2zE1q “0. SoitF :“E2zE1. Àxfixé, nous avons

pE1qxĂExĂ pE2qx “ pE1\Fqx“ pE1qx`Fx, d’où

χpE1qx ĺfx “χEx ĺχpE2qx “χpE1qxFx. (8.14) Par ailleurs, le corollaire8.13donne

0“µbνpFq “ ż

X

νpFxqdµpxq, d’où (proposition6.33a))νpFxq “0µ-p. p.

SoitAPT tel queµpAq “0etνpFxq “0,@xPAc. 154

Petru Mironescu Mesure et intégration

SoitxPAc. Alors il existeBĂS tel queνpBq “0etFxĂB. Nous avons

χFxpyq “0, @yPBc. (8.15)

De (8.14) et (8.15), nous avonsfx“χEx dansBc, et doncfx“χEx ν-p. p. CommeEx estS-mesurable (proposition8.8), il s’ensuit queχEx l’est également, et donc (justifier) fxestS-mesurable.

Conclusion : pour toutxPAc,fxestS-mesurable, et doncfxestS-mesurable pour µ-presque toutx.

Étape 2. Preuve pour une fonction étagée.Soitf “řn

k“1akχEk, avecak PRetEk PT bS,

@k. Soit, pour chaque k, Ak P T un ensemble µ-négligeable tel que χEkpxq soit S -mesurable,@xP pAkqc. (L’existence deAkdécoule de la première étape.)

SoitA :“ Ynk“1Akqui appartient àT est etµ-négligeable (justifier). Alorsfx estS -mesurable,@xPAc(justifier), et donc, pourµ-presque toutx,fxestS-mesurable.

Étape 3. Preuve dans le cas général.Soitf : X ˆY Ñ Rune fonctionT bS-mesurable.

Soitpfnqnune suite de fonctions étagées telles quefn Ñf. Soit, pour chaquen,AnPT un ensembleµ-négligeable tel quepfnqx soitS-mesurable,@x P pAnqc. (L’existence de Andécoule de la deuxième étape.)

SoitA :“ YnAk qui appartient àT est etµ-négligeable (justifier). Pour toutx, nous avonsfx “limnpfnqx. SixPAc, alors chaque fonctionpfnqxestS-mesurable, et doncfx l’est (justifier). Par conséquent, pourµ-presque toutx,fxestS-mesurable. CQFD

8.48 Remarque. Lors de la première étape de la preuve de la proposition8.38, nous avons montré le fait suivant, qui nous servira dans la preuve du théorème8.41. SiEPT bS, alors il existeE1 PT bS tel que :

a) E1 ĂE.

b) µbνpEq “µbνpE1q.

c) νpExq “νppE1qxqpourµ-presque toutxPX. ˛ Démonstration du théorème8.41.

Étape 1. Preuve sif “χE, avecE PT bS. Nous avons : i) Pourν-presque toutyPY,

ż

X

fpx, yqdµpxq “ ż

X

χEypxqdµpxq “νpEyq “νppE1qyq (via la remarque8.48c)).

ii) y ÞÑ νppE1qyq est S-mesurable (théorème 8.9), d’où y ÞÑ ż

X

fpx, yqdµpxq est S -mesurable (item i) et définition8.40a)).

Mesures produit 8.6 Les grands théorèmes pourµbν

(en utilisant successivement l’item i), la remarque 8.48c), l’item ii) et la définition 8.40b), le théorème de Tonelli8.24appliqué à la fonctionχE1 et la remarque8.48b)).

Ceci prouve le théorème sif “χE.

Étape 2. Preuve pour une fonction étagée. Soitf “ řn

k“1akχEk, avec ak P r0,8ret Ek P T bS,@k. Soit, pour chaquek,Ak PT un ensembleµ-négligeable tel queχEkpxqsoit S-mesurable,@xP pAkqc. (L’existence deAkdécoule de la proposition8.38.)

SoitA :“ Ynk“1Akqui appartient àT est etµ-négligeable (justifier). Alorsfx estS -mesurable,@xPAc(justifier), et donc, pourµ-presque toutx,fxestS-mesurable.

La première étape et la linéarité de l’intégrale (proposition6.28) impliquent (justifier chaque égalité, en utilisant en particulier l’exercice8.46)

ż

Soitpfnqnune suite de fonctions étagées positives telles quefnÕf. Posons gnpyq:“

Alorsgnest définie lorsquepfnqyestT-mesurable, donc pourν-presque touty (pro-position8.38). De même,gest définieν-p. p.

Soit, pour chaquen,BnPS un ensembleν-négligeable tel quepfnqysoitS-mesurable,

@yP pBnqc. SoitCPS un ensembleν-négligeable tel quefy soitS-mesurable,@yPCc. SiB :“C Y YnBn, alors (justifier ce qui suit, en utilisant en particulier l’exercice8.47b)) Bestν-négligeable, et pour toutyPBc,

0ĺgnpyq Õgpyq. (8.16)

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Petru Mironescu Mesure et intégration

En particulier, (8.16) et la définition 8.40a) impliquent quey ÞÑ ż

X

fpx, yqdµpxqest S-mesurable.

En utilisant le théorème de convergence monotone6.25, la deuxième étape, (8.16) et à nouveau l’exercice8.47b), nous obtenons (justifier)

ż

XˆY

f dµbν“lim

n

ż

XˆY

fndµbν“lim

n

ż

Y

ˆż

X

fnpx, yqdµpxq

˙ dνpyq

“lim

n

ż

Y

gnpyqdνpyq “ ż

Y

gpyqdνpyq “ ż

X

ˆż

X

fpx, yqdµpxq

˙ dνpyq, ce qui donne la conclusion du théorème dans le cas général. CQFD

Chapitre 9

Changements de variables

9.0 Aperçu

L’un des outils les plus utiles pour calculer des intégrales définies est le théo-rème du changement de variable : siΦ : ra, bs Ñ rc, dsest une fonction bijective de classeC1, alors

żd c

fpxqdx“

żΦ´1pdq Φ´1pcq

fpΦpyqqΦ1pyqdy, @f :rc, ds ÑR, f continue. (9.1) Dans ce chapitre, nous nous intéressons à des variantes de (9.1) pour des fonc-tions de plusieurs variables. Incidemment, même pour une fonction d’une seule variable, nous allons donner une formulation du théorème dont la forme (mais pasle fond) est différente de (9.1).

Le théorème principal est lethéorème du changement de variable(s) 9.14, qui fait intervenir unchangement de variable(s)

Φ :U ÑV, avecU,V ouverts deRn. L’égalité centrale du théorème9.14est

ż

V

fpxqdx“ ż

U

fpΦpyqq |JΦpyq|dy; (9.2)

les hypothèses surf etΦ, ainsi que le sens de cette égalité, seront précisés dans le théorème9.14.

La preuve du théorème s’étale sur six sections (9.1 à 9.6). Il est possible de faire bien plus court, en utilisant des résultats plus avancés. La preuve donnée

†. Jφ est lamatrice jacobienne deΦ. Par convention,|JΦ|est lavaleur absolue du déterminant de JΦ.

Changements de variables 9.0 Aperçu

ici est longue, mais très naturelle ; par ailleurs, les sections9.1 et9.3 contiennent des rappels d’algèbre linéaire ou calcul différentiel, et la section9.6ne fait qu’as-sembler les pièces du puzzle. Les sections 9.2, 9.4 et 9.5 constitue le cœur de la preuve.

La structure de ces sections est la suivante :

1. Section 9.1 : rappels d’algèbre linéaire (décomposition d’une matrice en ma-trices élémentaires).

2. Section 9.2 : preuve du théorème 9.14 lorsque Φ est une application linéaire (ou affine).

3. Section9.3: rappels de topologie (recouvrement d’un ensemble avec des cubes).

4. Section9.4: argument de « localisation » : lorsqueU est un « petit cube », esti-mation de l’erreur que l’on fait en remplaçantΦpar une application linéaire.

5. Section9.5: c’est la section clé de la preuve : preuve de la proposition9.12, qui donne une inégalité entre deux mesures.

6. Section9.6: conclusion.

Malgré son importance en général, le théorème 9.14 ne s’applique pas aux changements de variables les plus courants (passage en coordonnées polaires, sphériques ou cylindriques). Pour inclure ces applications dans la théorie, nous donnons dans la section9.8 lethéorème du presque changement de variables9.21. La section9.7 donne les résultats préliminaires utilisés dans la preuve du théorème 9.21. Dans la section 9.9, nous montrons comment l’appliquer aux changements mentionnés ci-dessus.

Une fois n’est pas coutume, la section « Pour aller plus loin » 9.11 contient une autre version du théorème du changement de variables, le théorème 9.23, que nous utiliserons sans l’avoir prouvée.

Enfin, la section 9.10 contient une liste d’intégrales de référence, qui jouent, pour la mesure de Lebesgueνn dansRn, le rôle des intégrale de Riemann ou de Bertrand pour les intégrales généralisées surs0,1setr1,8r.

Compétences minimales attendues.

a) Utiliser le théorème du changement de variables.

b) Comprendre ce qu’estune égalité au sens du théorème du changement de variables et savoir s’en servir.

c) Utiliser de manière justifiée les passages en coordonnées polaires, sphériques, cylindriques, sphériques généralisées.

d) Savoir ramener, par changement de variables, le calcul d’intégrales à une

ap-plication des théorèmes de Tonelli ou Fubini. ˛

160

Petru Mironescu Mesure et intégration

Dans le document Mesure et Intégration (Page 143-161)