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On attachera toujours une particulière importance à ceci donc qu’un traité de morale devra :

1/ comporter des règles de comportements exprimées par des mots vagues

2/ donner encyclopédiquement une idée aussi complète que possible du contenu énorme d’un de ces mots vagues.

Que recouvre l’idée de l’émergence d’une démocratie plus participative ? Comment comprendre ce développement des « pratiques participatives » ? Le phénomène désigné par l’expression de « démocratie participative » paraît à la fois difficile à mesurer, et impossible à définir.

S’il semble incontestable que les pratiques baptisées « participatives » se développent, tenter d’en mesurer la diffusion, est chose malaisée. On dispose de quelques chiffres en ce qui concerne les procédures institutionnalisées de consultation du public, comme l’enquête publique (entre 10 000 et 20 000 enquêtes par an), ou le référendum local (200 référendums communaux en France de 1971 à 1993)1. Mais l’affaire se complique dès lors que l’on cherche à appréhender l’ampleur des initiatives hors cadre légal, qui sont sans doute les plus nombreuses2 : environ 800 Conseils Municipaux d’Enfants et de Jeunes3, beaucoup moins de conseils d’immigrés4 ou de sages, une quarantaine de conseils de quartier5, et des consultations ad hoc impossibles à dénombrer, à l’échelon local comme à l’échelon national. La diffusion de la démocratie participative est donc particulièrement difficile à mesurer du fait même du flou et du caractère hétérogène de ce dont il est question.

Pour se convaincre de l’ampleur du phénomène, on peut toutefois mentionner quelques expériences de « démocratie participative ».

1 Marion Paoletti, thèse citée.

2 L’Observatoire de la Citoyenneté mis en place par l’ADELS a réalisé une quarantaine de fiches concernant des communes ayant mis en place des démarches participatives.

3 Chiffres disponibles grâce à l’existence d’une association nationale des CMEJ, l’Association Nationale des Conseils d’Enfants et de Jeunes.

4 Moins d’une dizaine de conseils d’étrangers semblent avoir été mis en place comme à Amiens (mis en place par Bernard Delemotte), Les Ulis (Paul Loridant), Mons-en Bareul (Marc Wolf), Vandoeuvre-lès-Nancy, Longjumeau, Cerizai, Portes-les-Valence. Voir Bernard Delemotte, Jacques Chevallier, Etranger et citoyen, Les immigrés et la démocratie locale, Paris, L'Harmattan, 1996, 174 pages.

5 L’Observatoire des initiatives locales de citoyenneté mis en place par l’Adels avait permis de recenser 45 « instances participatives de quartier » en décembre 1996. Voir Territoires, n°373, décembre 1996.

Au mois d'avril 1994 étaient inaugurées à Mantes-la-Jolie deux « Maisons du citoyen », selon l'idée lancée en 1992 par Bernard Tapie alors ministre de la ville. « Le pari est celui de la citoyenneté et de la démocratie locale » déclarait son maire Paul Picard (PS). Quelques mois auparavant avait eu lieu à Mantes un référendum local sur le projet de ville présenté par le maire1. Et le 5 mars 1995 avait lieu une nouvelle « expérience de démocratie directe » dans cette ville avec le renouvellement de leur comité de quartier par les électeurs de toutes nationalités, âgés d'au moins 16 ans, habitant le quartier du Val-Fourré2 .

A Tremblay-en-France (93), ce sont des « Ateliers du citoyen », où « tout Tremblaysien qui le souhaite pourra prendre part à la réflexion et à la définition d'un projet pour Tremblay », qui ont été proposés aux habitants en décembre 1995 par François Asensi, député-maire (PCF)3.

Elu député en Isère en mars 1993, Bernard Saugey (UDF-PR) constituait aussitôt un « conseil de circonscription », « afin de garder le contact avec les électeurs ». Un appel dans la presse locale, et ce sont près de 400 personnes qui ont accepté de s'investir dans cet « exercice de démocratie directe »4. De même, député du Loir et Cher et maire de Lamotte-Beuvron, Patrice Martin-Lalande (RPR) a mis en place dans sa circonscription un conseil parlementaire associant les « personnalités volontaires et compétentes désireuses de participer activement et autrement à la vie démocratique »5.

Le 17 octobre 1996 André Rossinot, maire de Nancy (UDF-Rad.), décide de consulter la population directement sur son « projet de ville », au moyen de 50 000 questionnaires distribués dans les boîtes aux lettres6.

Toujours en octobre 1996, le conseil municipal de Sète vote une modification de son règlement qui permet à tout citoyen d'intervenir publiquement pendant les suspensions de séance. « Pour le maire communiste, François Liberti, cette mesure rendra plus vivante la démocratie locale, chacun pouvant s'exprimer sur ses problèmes quotidiens. L'opposition de droite y voit une parodie de démocratie »7.

Le 21 avril 1994, à la suite des manifestations de mars ayant abouti au retrait par le gouvernement du projet de Contrat d’Insertion Professionnelle (CIP), le Premier Ministre Edouard Balladur installait le Comité chargé de la Consultation Nationale des Jeunes, présentée comme une expérience inédite en France. Le dossier de presse du 14 juin 1994 la décrivait en ces termes : « Cette opération de grande envergure, une première en France, va donner aux neuf millions de jeunes de France métropolitaine et des DOM-TOM, l’occasion de s’exprimer à travers un questionnaire qui leur sera envoyé »8.

Durant l’été 1996 était organisée, sur l’initiative du gouvernement Juppé, une vaste consultation sur le projet de canal dit Rhin-Rhône, en dehors de tout cadre

1 « Le maire de Mantes la Jolie inaugure deux maisons du citoyen », Le Monde, 12 avril 1994. 2 « Les habitants du Val-Fourré élisent un nouveau comité de quartier », Le Monde, 7 mars 1995, p.10.

3

93-Hebdo, 20-26 janvier 1995.

4 « Un exercie de démocratie directe », Le Monde, 26 juin 1993. 5 www.agoranet.org/

6 « Les Nancéiens sont consultés sur le projet de ville », Le Monde, 17 octobre 1996. 7 Le Monde, 17 octobre 1996.

8 Voir Gérard Mauger, « La consultation nationale des jeunes. Contribution à une sociologie de l’illusionnisme social », Genèses, n°25, décembre 1996, p. 91-113.

légal et alors que les modalités de financement du projet sont fixées par la loi ADT1.

Au mois de juin 1998 était organisée la première conférence de citoyens en France, sous la responsabilité de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) sur l’utilisation des Organismes Génétiquement Modifiés (OGM) en agriculture et dans l’alimentation. Un groupe de quinze citoyens « profanes », fut invité à de donner un avis après avoir reçu une information complète sur le sujet et s’être confronté aux experts et aux représentants des divers intérêts en cause. L’objectif est « de contribuer à créer un véritable espace de débat public sur des sujets où la parole et même l’information sont trop souvent réservées à certains groupes défendant des intérêts particuliers »2.

A l’automne 1999, la ville de Paris organise une vaste consultation de la population en vue des Etats Généraux de la Qualité de la Vie prévus pour la fin de l’année. Chaque Parisien est invité à donner une idée concrète pour améliorer le fonctionnement des lieux publics où sont distribués des feuillets « Pour ma rue, mon quartier, ma ville. Un Parisien, une idée ». Les répondants peuvent demander à être invité aux Etats-Généraux.

Enfin depuis une dizaine d’années, es postes d’adjoint chargé de la démocratie locale3 ou de la citoyenneté apparaissent également dans de nombreuses villes.

L’actualité apporte chaque semaine son lot d’initiatives de ce genre, qui marquent une volonté affichée par les pouvoirs publics ou des élus, de toutes tendances politiques, de se rapprocher de leurs administrés ou de leurs électeurs. La volonté de donner aux citoyens la possibilité de s'exprimer est au cœur de procédures très diverses, portées par des acteurs non moins différents, sur toutes sortes d'objets, présentées en terme de démocratie participative.Comment en est- on arrivé à cette profusion d’initiatives plus ou moins formalisées ? Il s’agit dans cette première partie de retracer la genèse de la « démocratie participative ». Une perspective proche a été utilisée avec profit dans des études sur des sujets connexes, sur lesquelles nous n’hésiterons pas à nous appuyer4. Il s’agit de mettre

1 José-Frédéric Deroubaix, « ‘Lira bien qui lira le dernier’ : des palimpsestes socio-techniques dans la construction de l’(in)utilité publique du canal Rhin-Rhône », Société Française, n°12/13, (63- 63), oct.-nov. 1998, p. 35-46.

2 Document de présentation de l’OPECST, mars 1998, p. 2. Les documents de la conférence et le récit détaillé du déroulement de la conférence, sont disponibles sur le site de l’association Agir pour l’Environnement à l’adresse suivante : www.globenet.org/ape/ogm/

3 Amiens, Athis-Mons, Amplepuis on trouve des maires-adjoints chargé de la démocratie locale. A Villeurbanne, un adjoint délégué à ma démocratie locale et à la citoyenneté. A La Roche-sur-Yon, un adjoint chargé de la citoyenneté ; à Evry, un adjoint chargé de la démocratie participative. 4 Voir en particulier Erik Neveu, Une société de communication ? op. cit. Jean-Baptiste Legavre. « L’horizon local de la communication politique. Retour sur la diffusion d’une expertise ». Politix, n°28, 4eme trimestre 1994, p. 81.

en évidence le processus de construction sociale de cette démocratie participative qui ne saurait se réduire à un mythe, un discours ou une croyance : la démocratie participative s’objective dans des textes, des procédures, etc. En d’autres termes, il s’agit par une telle posture d’intégrer les représentations sans pour autant « faire des représentations l’unique composante de la réalité sociale »1. Montrer qu’un tel concept a moins un sens que des usages, n’interdit nullement de tenter de mesurer les effets de ces usages. Il s’agit donc de mettre en question cette notion apparemment naturelle, de comprendre comment elle tend à s’imposer dans différents espaces sur le mode de la réalité, et comment elle sert à justifier les entreprises politiques qu’elle inspire.

Il n’existe aucune définition « officielle », en particulier aucune définition juridique de la démocratie participative. On ne trouve que des définitions particulières, esquissées par différents auteurs, marquées par une très grande imprécision : il s’agit par exemple de donner la possibilité aux citoyens qui le souhaitent de « devenir des acteurs politiques à part entière »2, de « redonner aux citoyens une partie de leur pouvoir originel »3, de « préparer le retour du citoyen sur le devant de la scène »4, ou encore de développer « l’accès du citoyen à la Res Publica »1. L’étymologie nous est ici de peu de secours : il s’agit de « prendre part au pouvoir ».

Il faut ainsi souligner la diversité de ce que recouvre le terme de citoyen selon la définition de la démocratie participative retenue. Selon les cas, il désigne les électeurs, les travailleurs, adhérents ou militants d’organisations spécifiques, les personnes « concernées » ou intéressées par tel ou tel problème, les usagers d’un service public, les contribuables, les administrés, etc. Cette hétérogénéité montre le pouvoir de mobilisation de cette nouvelle figure du « citoyen participant », qui parvient à fonctionner, sans qu’une définition univoque ait du être imposée à

1 Philippe Corcuff, « Entre malentendus sociologiques et impensé politique. Réponse à Philippe de Lara », Le Débat, n°103, 1999, p. 117.

2 Pierre Bitoun, Voyage au pays de la démocratie moribonde. Et si nos élus ne représentaient plus

qu’eux-mêmes ? Paris, Albin Michel, 1995, p. 11-12.

3 Thierry Jeantet, Démocratie directe, démocratie moderne, Paris, Editions Entente, 1991, p. 162. 4 Gérard Delfau, Le retour du citoyen. Démocratie et territoires, Paris, Editions de l’aube, 1994, p. 87.

l’ensemble de ceux qui s’y réfèrent2. Le caractère souvent théorique et abstrait des analyses produites par les penseurs de la « démocratie participative », contribue à renforcer cet effet mobilisateur. Comme le note Jacques Chevallier dès 1975, « L’intérêt du thème de la participation vient de ce qu’il est susceptible de multiples traductions et son efficacité politique est inversement proportionnelle à la précision de son contenu »3. Or ces conceptions de la démocratie mobilisent

d’autant plus qu’elles véhiculent des profits symboliques, liés à l’idée qu’il s’agit là du sens de l’histoire. Il existe ainsi une croyance diffuse selon laquelle le sens de l’histoire de la démocratie serait celui d’un rapprochement constant entre gouvernants et gouvernés. Lorsque les militants et les hommes d’appareil succèdent aux notables avec l’établissement de la démocratie des partis, cela est bien ressenti comme un progrès de l’identité, réelle ou ressentie entre gouvernants et gouvernés4. Dès lors recourir aux détours participatifs offre aux autorités politiques des profits de légitimité, d’ordre symbolique, non négligeables.

Si l’on confond aujourd’hui régime représentatif et démocratie, et ce d’autant plus que ce régime se trouve assorti d’un large pouvoir de suffrage, ces deux notions n’ont pas toujours été aussi étroitement associées. Rappelons pour mémoire que l’on désigne aujourd’hui sous le nom de démocratie représentative n’était nullement perçu à l’origine comme une variété de la démocratie, celle-ci étant indissociable de l’idée de démocratie directe. Les partisans de la démocratie sont ainsi les défenseurs d’une démocratie directe et Jean-Jacques Rousseau, le plus célèbre d’entre eux, est aussi le plus grand pourfendeur de la formule représentative5. Les partisans de la représentation, de Sieyès à Madison, voyaient

1 Pierre Richard, Le temps des citoyens. Pour une démocratie décentralisée, Paris, PUF, 1995, p. 107.

2 Ce type de logique a été bien montrée par Louis Pinto à propos du consommateur, qui souligne que « le propre d’une catégorie aussi générale et floue est, sans doute, de pouvoir être utilisée sans contradiction par une multitude d’agents se plaçant sous un point de vue particulier non exclusif d’autres points de vue possible ». Louis Pinto, « Le consommateur : agent économique et acteur politique », Revue Française de Sociologie, XXXI, 1990, p. 179-198. (citation p. 196).

3 Jacques Chevallier (dir.), La participation dans l’administration française, Paris, PUF/CURAPP, 1975, p. 5.

4 Bernard Manin, Principes du gouvernement représentatif, Paris, Calmann-Lévy, 1995, 319 pages.

5 Rousseau dénonce l’inadaptation du système en vertu duquel des citoyens délèguent une partie du pouvoir à des représentants, fussent-ils élus, dans un passage devenu un classique des manuels de droit constitutionnel : « …la souveraineté n’étant que l’exercice de la volonté générale ne peut

quant à eux une différence fondamentale entre la démocratie et le régime qu’ils défendaient, qu’ils nommaient gouvernement représentatif ou encore république. Le gouvernement représentatif n’était pas conçu comme une modalité de la démocratie, mais bien comme une forme de gouvernement essentiellement différente et préférable, et ce pas uniquement pour des considérations pratiques, comme les discours actuels ont souvent tendance à le faire oublier. Ce sont bien des raisons d’ordre politique et non d’ordre pratique qui ont concouru à l’adoption du système représentatif1 : Si l’on se tourna vers la formule représentative, c’est parce qu’on voyait là un moyen de limiter le pouvoir d’un peuple perçu comme ignorant et perturbateur. Le système représentatif permettait d’écarter le peuple de la délibération des affaires. C’est ce qu’exprime Montesquieu dans un passage resté célèbre2. L’élection, qui est au principe de l’organisation du gouvernement représentatif, est alors considérée comme l’antinomie de la démocratie, et cette conception en faveur d’un système représentatif va s’imposer durablement. C’est au cours du XIXème siècle que le mot démocratie change de sens, tandis que la conception des rapports entre gouvernants et gouvernés se voit profondément modifiée. Une nouvelle conception de la démocratie, reposant sur l’élection,

jamais s’aliéner, et le souverain ne peut être représenté que par lui-même ; le pouvoir peut bien se transmettre, mais non la volonté. Le souverain peut bien dire : je veux actuellement ce que veut cet homme, ou du moins ce qu’il dit vouloir. Mais il ne peut pas dire : ce que cet homme voudra demain, je le voudrai aussi, puisqu’il est absurde que la volonté se donne des chaînes pour l’avenir… La souveraineté ne peut être représentée, par la même raison qu’elle ne peut être aliénée ». Jean-Jacques Rousseau, Du contrat social, Paris, GF – Flammarion, 1992 (1762), Livre II, chapitre premier « La souveraineté est inaliénable », p. 51-52.

1 De fait, s’il est impossible de réunir les citoyens en Assemblées Générales pour les amener à statuer personnellement sur les problèmes de grands Etats, on aurait pu lever cet obstacle en aménageant le système de la représentation : Rousseau suggérait ainsi que, puisque le vote direct des lois était impossible, les députés du peuple ne soient pas des représentants, mais simplement des commissaires investis d’un « mandat impératif », c’est-à-dire d’un mandat précis déterminant leur vote sur la plupart des questions, avec recours au référendum chaque fois qu’il y aurait doute sur la volonté réelle de leurs commettants. Or ces aménagements du système représentatif rencontrèrent à l’époque très peu d’écho puisque « Seules quelques voix isolées, comme celle de Robespierre, réclament un contrôle des citoyens sur leurs mandataires grâce à la publicité des séances, l’assistance rémunérée aux assemblées publiques, le compte-rendu du mandat et la révocation des fonctionnaires » Cité in Daniel Gaxie, Le cens caché, op. cit., p. 24.

2 « Le grand avantage des représentants, c’est qu’ils sont capables de discuter les affaires. Le peuple n’y est point du tout propre ; ce qui forme un des grands inconvénients de la démocratie (…) Il y avait un grand vice dans la plupart des anciennes républiques : c’est que le peuple avait droit d’y prendre des résolutions actives, et qui demandent quelque exécution ; chose dont il est entièrement incapable. Il ne doit entrer dans le gouvernement que pour choisir les représentants ; ce qui est très à sa portée. Car, s’il y a peu de gens qui connaissent le degré précis de la capacité des hommes, chacun est pourtant capable de savoir, en général, si celui qu’il choisit est plus éclairé

apparaît chez plusieurs auteurs et va finir par se substituer aux anciennes prévenances contre ce système1. La représentation va peu à peu être conçue comme un système politique démocratique, et ce essentiellement du fait de l’élection des représentants par les citoyens, conception rendue possible avec l’élargissement du droit de suffrage. L’introduction du suffrage universel masculin fait ainsi passer le nombre des électeurs de 250 000 à plus de dix millions. Ainsi l’élection, d’antinomique de la démocratie, va finir par devenir l’incarnation de la démocratie. C’est la seule élection, combinée au suffrage universel, qui est censée assurer la conformité entre l’action des gouvernants et les vœux des gouvernés, parce qu’elle rend les élus sensibles aux préférences des électeurs2 : «C’est la reddition des comptes qui, depuis l’origine, constitue l’élément démocratique fondamental du lien représentatif. Aujourd’hui comme hier, la représentation comporte ce moment souverain où le peuple rend son verdict sur les actions passées des gouvernants »3.

Le corollaire de cette conception de la démocratie fondée essentiellement sur l’élection, est la nécessité du silence et de la passivité de l’électeur entre deux scrutins. « Le citoyen-électeur se doit d’être patient et de soumettre l’urgence de ses passions au rythme des échéances électorales »4.

L’électeur doit ainsi faire montre de « patience civique »5. Toute autre forme de participation politique n’étant le fait que de groupes restreints, a longtemps été plus ou moins considérée comme illégitime. Les participants à de

que la plupart des autres ». Montesquieu, De l’esprit des lois, Paris, GF – Flammarion, 1979 (1748), Livre XI, chapitre VI, p ; 297-298.

1 Notamment Bentham, Tocqueville, J.S. Mill, Carré de Malberg. Sur ce changement progressif de conception, voir Daniel Gaxie, op. cit., pp. 25-26.

2 Voir par exemple Carré de Malberg pour qui avec « le système des législatures à courte durée et la nécessité des réélections périodiques, l’élu est plus ou moins sous la coupe de ses électeurs et… il se conforme, dans une large mesure, à leurs volontés. (…) Par la force même des choses, l’établissement du suffrage universel a eu pour effet d’accroître singulièrement cette puissance du corps électoral et cette subordination des élus ». Carré de Malberg, Contribution à la théorie

générale de l’Etat, tome 2, Paris, Sirey, p. 363.

3 Bernard Manin, op. cit., p. 301.

4 Michel Offerlé, Un homme, une voix ? Histoire du suffrage universel, Paris, Gallimard, 1993, p. 67.

5 Georges Lavau, « La démocratie », in Madeleine Grawitz, Jean Leca (dir.), Traité de Science

telles actions sont dénoncés au nom de leur manque de représentativité. Les