• Aucun résultat trouvé

Une approche dynamique de la « démocratie participative » : la notion de « structure des opportunités politiques »

Cette notion a été introduite par Peter Eisinger dans un article de l’American Political Science Review1, où il la conçoit comme renvoyant au degré

d’ouverture et de vulnérabilité d’un système politique aux défis qui lui sont adressés par les mouvements sociaux. Distinguant les systèmes politiques « ouverts » des systèmes politiques « fermés », P. Eisinger suggère que plus un système politique est ouvert aux défis qui lui sont adressés par les mouvements sociaux, plus la mobilisation est improbable2. Dans la même perspective C.G. Pickvance montre que les mouvements urbains progressent de façon inversement proportionnelle à la capacité des institutions politiques à faire s’exprimer les conflits en leur sein. Un déclin des mobilisations urbaines s’observe quand les partis d’opposition accèdent au pouvoir3. Sidney Tarrow a systématisé cette problématique, en définissant la structure des opportunités politiques comme l’ensemble des « signaux adressés aux acteurs politiques et sociaux qui les encouragent ou les dissuadent d'utiliser leurs ressources internes pour former des mouvements sociaux »4. Cette notion, qui a inspiré de nombreux travaux à l’étranger, notamment d’origine anglo-saxonne, est encore largement sous-utilisée en France où l’on ne trouve guère de travaux empiriques qui s’en inspirent,5.

1 Peter K. Eisinger, « The Conditions of Protest Behavior in American Cities », American Political

Science Review, 67, 1973, p. 11-28.

2 Peter Eisinger, art. cit.

3 C.G. Pickvance, «What has become of urban movements? Towards a comparative analysis of a diverse reality», Intervention au Comité 3 «Recherches communautaires» de l’Association Internationale de Sociologie, 10-12 octobre 1983, Université Paris X - Nanterre.

4 Sidney Tarrow, Democracy and Disorder, Protest and Politics in Italy 1965-1975, Oxford, Clarendon Press, 1989, 400 pages. Voir également Sidney Tarrow, « States and Opportunities : The political structuring of social movements », in Doug McAdam, J. D. McCarthy, M.N. Zald, (eds), Opportunities, mobilizing structures and framing, 1995.

5 Les ouvrages d’Olivier Fillieule et Cécile Péchu, et d’Erik Neveu ont contribué à sa diffusion en France. Erik Neveu, Sociologie des mouvements sociaux, op. cit., p. 100s. Olivier Fillieule, Cécile Péchu, Lutter ensemble, Les théories de l’action collective, Paris, l’Harmattan, Coll. Logiques Politiques, 1993, p. 171-190. Voir aussi Philippe Juhem, « Mobilisations et structure des opportunités politiques : réflexions sur l’exemple suisse », Revue Française de Science Politique, vol. 47, n°5, octobre 1997, p. 659-665. François Chazel propose une orientation de recherche permettant de rendre compte du degré de mobilisation au sein d’une collectivité donnée, qui nous semble très proche des approches en structure des opportunités politiques même s’il n’utilise pas le

§1. Les usages de la notion de « structure des opportunités politiques »

Avant d’indiquer dans quel sens on se propose ici d’utiliser cette notion, il convient de s’interroger sur ses limites et les conditions qui ont fait son succès : il apparaît, en dépit des efforts de Sidney Tarrow et d’autres avant lui, que la notion de structure des opportunités politiques reste éminemment floue. Il est très révélateur à cet égard que l’on soit incapable de la définir autrement que par une liste d’éléments à prendre en compte, liste variable selon les objets étudiés. Ainsi, et comme le soulignent William A. Gamson et David S. Meyer1, la notion de « structure des opportunités politiques » risque de devenir une « éponge » absorbant tous les aspects de l’environnement d’un mouvement social : institutions politiques et culture, crises de toutes sortes, alliances et changements politiques... A force de vouloir lui faire tout expliquer, elle risque ainsi de ne plus rien expliquer du tout. Chaque chercheur semble en effet l’utiliser à des fins très différentes, en la définissant différemment à chaque fois, ce qui peut se justifier dans une certaine mesure, puisqu’on ne sera pas attentif aux mêmes aspects selon que l’on étudie le mouvement pour les droits civiques, le mouvement féministe ou le mouvement écologiste. Mais un usage aussi relâché de la notion peut conduire à définir la structure des opportunités politiques au cas par cas et après coup2. On

terme.François Chazel, « Individualisme, mobilisation et action collective », in Pierre Birnbaum, Jean Leca (dir.), Sur l’individualisme, Paris, Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, 1991, p. 244-268.

1 William A. Gamson, David S. Meyer, « Framing political opportunity », in Doug McAdam, John D. McCarthy, Mayer N. Zald (dir.), Comparative Perspectives on Social Movements, Cambridge, Cambridge University Press, 1996, p. 275-290. Dans cet article, W. A. Gamson et David S. Meyer soulignent la necessité d’articuler les différentes approches existantes, afin de développer un concept plus robuste et plus solide, qui permette, outre des comparaisons dans le temps, dans l’espace, et sur des sujets différents, d’identifier les opportunités même en l’absence d’un

« challenging movement ».

2 François Chazel pointe des difficultés identiques pour apprécier les « conditions de permissivité » ou la « facilitation sociale et politique » pertinentes dans l’étude d’une mobilisation : « les modalités d’un tel phénomène étant diverses et complexes, les variables retenues dépendront de l’objet spécifique de la recherche : vraisemblablement même elles seront distinctes, selon que l’analyste est plus attentif à l’émergence d’une mobilisation, c’est-à-dire à sa genèse ou à son éventuel succès, c’est-à-dire à ses résultats ».Trois dimensions devraient selon Chazel être prises en compte :

- le degré et les modes de liaison sociale entre les acteurs éventuellement mobilisables : l’existence d’une organisation formelle, mais aussi de réseaux sociaux, entendus comme des relations sociales suivies et significatives, peuvent favoriser la mobilisation.

- La mobilisation peut être favorisée par la volonté d’exprimer une identité collective forte, et ce d’autant plus que cette identité n’est pas encore pleinement reconnue

peut, en suivant W. A. Gamson et D.S. Meyer1, distinguer trois usages principaux de ce terme, qui renvoie selon les recherches à un faisceau de variables indépendantes, un ensemble de variables intermédiaires, ou à une variable dépendante.

un faisceau de variables indépendantes, dans les travaux qui s’intéressent à

la dynamique du changement et des mobilisations : la structure des opportunités politiques renvoie alors aux aspects du contexte qui changent et encouragent ou découragent l’émergence de mobilisations, de groupes

« challengers », etc2. Il s’agit de montrer que le développement du mouvement

ne dépend pas seulement de la mobilisation elle-même et de son intensité, mais aussi d’éléments extérieurs qui lui préexistent et s’imposent à elle3. On peut rapprocher cet usage du terme, de ce que François Chazel nomme la « facilitation sociale et politique »4, ou encore les « conditions de permissivité »5. La notion a ainsi été utilisée dans un premier temps essentiellement pour rendre compte de l’émergence de « cycles de protestation », dans des travaux mettant en évidence comment certains changements du système politique créent de nouvelles possibilités d’action collective pour un challenger ou une série de challengers.

- enfin, la « facilitation sociale et politique », ou encore les « conditions de permissivité ». François Chazel, art. cit., p. 266.

1 art.cit.

2 Doug McAdam, Political Process and the Development of Black Insurgency (1930-1970), Chicago, The University of Chicago Press, 1982, 304 pages. Voir aussi Doug McAdam, « Recruitment to High Risk Activism : The Case of Freedom Summer », American Journal of

Sociology, 1986, 92, 64-90. Sidney Tarrow, Democracy and Disorder, Protest and Politics in Italy

1965-1975, Oxford, Clarendon Press, 1989, 400 pages. Sur l’émergence du mouvement féministe

aux Etats-Unis : Anne W. Costain, Inviting Women’s Rebellion : A Political Process

Interpretation of the Women’s Movement, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 1992, 188

pages.

3 S’intéresser à ce qui s’impose à un mouvement du point de vue de son environnement extérieur ne signifie pas que l’on se désintéresse de ce qui à l’intérieur du mouvement lui-même, peut expliquer le succès d’une mobilisation. Il s’agit bien plutôt pour nous de tenter d’intégrer ces deux aspects : l’analyse des processus internes aux mouvements, et l’analyse du contexte dans lequel ils émergent.

4 François Chazel, art. cit., p. 266. 5 Ibid.

un ensemble de variables intermédiaires dans des analyses comparatives du

développement d’un même mouvement dans différents pays ou à différentes époques1, afin de rendre compte de leurs destins2. Les mobilisations vont ainsi

connaître des résultats très variés d’un pays à l’autre. Ces travaux s’inscrivent souvent en réaction contre les analyses en terme de post-matérialisme, impuissantes à expliquer les sorts très différents qu’un même nouveau mouvement social peut connaître d’un pays à l’autre. Selon les propriétés de la « structure des opportunités politiques », de fortes mobilisations peuvent rester sans effet, tandis que des mobilisations plus faibles vont avoir des effets apparemment disproportionnés3. Ainsi pour S. Tarrow,4 les changements

structurels survenant dans une société ne peuvent expliquer à eux seuls le développement des protestations. Le changement structurel crée seulement le potentiel pour un mouvement. Pour conduire aux mouvements sociaux, le « potentiel protestataire » doit se traduire en action. Ce sont les opportunités politiques qui permettent cette traduction.

1 On peut penser aux travaux de Charles Tilly même si lui-même n’utilise pas explicitement cette notion.

2 Herbert P. Kitschelt, « Political Opportunities Structures and Political Protest : Anti-Nuclear Movements in Four Democracies », British Journal of Political Science, 1986, 16, p. 57-85. Tarrow, op. cit.. On peut mentionner ici, même si elle n’utilise pas la notion de structure des opportunités politiques, le travail de Calliope Spanou qui compare l’évolution des trois types de mouvements sociaux (écologiste, féministe et consumériste). Calliope Spanou, Fonctionnaires et

militants. L’administration et les nouveaux mouvements sociaux, Paris, L’Harmattan, 1991, 313

pages.

3 Plusieurs recherches se sont intéressées à l’émergence et au développement du mouvement antinucléaire dans plusieurs pays. Voir Herbert P. Kitschelt, art.cit. Dieter Rucht, «Campaigns, Skirmishes, and Battles : Anti-Nuclear Movements in the USA, France and West Germany »,

Industrial Crisis Quarterly, 1990, 4, p. 193-222. Christian Joppke « Social Movements during

Cycles of Issue Attention : The Decline of the Anti-Nuclear Energy Movements in West Germany and the USA », British Journal of Sociology, 1991, 42, p. 43-60. Sur le mouvement féministe, voir Mary Katzenstein, Carol Mueller (eds.), The Women’s Movements of the United States and

Western Europe. Consciousness, political opportunity, and public policy, Philadelphia, Temple

University Press, 1987, 321 pages.

4 Sydney Tarrow montre comment du milieu des années 60 au milieu des années 70, des mouvements de protestation se sont développés en Europe de l’Ouest. Ces mouvements ont pris des formes très différentes selon les pays considérés. Ceci peut s’expliquer en étudiant la structure des opportunités politiques qui a conditionné l’apparition et l’évolution de chaque mouvement. S. Tarrow s’appuie principalement sur l’analyse de la presse de janvier 1966 à décembre 1973, qui permet de recueillir des informations détaillées sur 4980 évènements protestataires. Cette analyse de la presse est ensuite complétée par des entretiens, l’analyse de documents émanant des mouvements, statistiques... La thèse centrale de l’ouvrage tourne autour de l’idée qu’à l’issue du cycle de protestation, le « désordre » a finalement produit une expansion de la démocratie. Bien

Enfin, le terme de « structure des opportunités politiques » est utilisé comme

une variable dépendante par ceux qui essaient de comprendre l’influence à

long terme des mouvements sur les politiques et la culture, et qui insistent sur les opportunités structurelles que les mouvements peuvent créer. C’est sous ce dernier aspect que le terme a sans doute été le moins utilisé empiriquement1.

Comment donner un contenu plus précis à cette notion ? Une façon de relever ce défi est de distinguer différents niveaux au sein de cette structure d’opportunités politiques. Olivier Fillieule propose par exemple de distinguer le niveau de la superstructure politique, définie comme l’ensemble des processus politiques, économiques et démographiques qui affectent la société, en dehors de la volonté de ses membres, et à l’intérieur du cadre de la superstructure, différents secteurs, - dont celui, central, du système politico-administratif2. La probabilité pour un mouvement d’obtenir des concessions de la part du secteur politico- administratif augmenterait avec la différenciation propre à chaque secteur. Nous reprendrons partiellement cette perspective en essayant d’articuler l’analyse d’une politique publique et des changements qui l’affectent, (la politique publique des transports) avec le niveau local dans lequel émerge la contestation autour d’une décision spécifique.

Sur quels aspects l’attention doit-elle se porter pour chacun de ces différents niveaux d’analyse ? On peut distinguer trois aspects souvent soulignés par la littérature sur le sujet et auxquels nous serons particulièrement attentif.

- L’accès aux circuits de la décision

L’existence et le développement de points d’accès au pouvoir politique constitue sans doute un des aspects les plus fréquemment soulignés dans les approches en

que perçus de manières variables et souvent négative, ces mouvements ont eu des conséquences positives sur le fonctionnement de la démocratie qui s’est trouvée consolidée.

1 Voir W. A. Gamson et H. P. Kitschelt qui évoquent les impacts structuraux des mouvements. H. P. Kitschelt, art. cit. William A. Gamson, op. cit. Voir également Paul Burstein, « Legal Mobilization as Social Movement Tactic : The Struggle for Equal Employement Opportunity »,

American Journal of Sociology, 1991, 96, p.1201-1225.

2 Olivier Fillieule (dir.), Sociologie de la protestation. Les formes de l’action collective dans la

terme de structure des opportunités politiques1. Dans quelle mesure les institutions politiques formelles sont-elles ouvertes ou au contraire fermées à la participation des groupes ? Selon Peter Eisinger, les conditions les plus favorables à la protestation seraient les systèmes caractérisés par un mélange de fermeture et d’ouverture2. Herbert P. Kitschelt montre que les mouvements sont d’autant plus enclins à opter pour des stratégies privilégiant la confrontation, que les circuits politiques offrent peu d’opportunités pour que la contestation puisse s’exprimer3. Cette ouverture/fermeture ne doit pas être considérée comme une donnée immuable : elle est susceptible de varier dans le temps, selon les contextes politiques, par exemple à l’approche d’élections.

Herbert P. Kitschelt souligne également l’importance des modalités de cet accès

à la décision publique : les lois électorales, les règles régissant l’activité des

groupes d’intérêt et leurs rapports avec le pouvoir exécutif, l’existence de mécanismes d’agrégation des demandes, de procédures pour construire des coalitions efficaces, le degré auquel le pouvoir législatif dispose de moyens de contrôle sur l’exécutif4… doivent ici être considérés. Ces règles structurent les demandes des mouvements sociaux qui ne sont pas encore acceptées par les acteurs politiques. Elles sont donc susceptibles de faciliter ou non la prise en compte de nouvelles demandes. H.P. Kitschelt indique que la structure des opportunités politiques influe sur les ressources que les mouvements peuvent utiliser et notamment les ressources en termes de valeurs mobilisables. C’est ainsi que dans les démocraties occidentales, le recours à la violence est généralement considéré comme illégitime. On peut penser que le développement de procédures de « démocratie participative » favorise le recours à la thématique participative perçue comme une revendication noble et légitime, tout en contribuant ainsi à sa valorisation.

1 Voir en particulier Sidney Tarrow, op. cit., et Herbert P. Kitschelt, art.cit.. 2 Peter Eisinger, art. cit..

3 C‘est le cas de la France pour le mouvement antinucléaire selon H . P. Kitschelt, art.cit..

4 Herbert P. Kitschelt souligne que, par définition, les membres du Parlement sont plus sensibles aux demandes parce qu’ils doivent rendre des comptes et sont soumis à la pression directe du public.

- Etat et degré de stabilité du système politique

C’est un des aspects soulignés par S. Tarrow , qui nous paraît particulièrement important pour comprendre le développement de la thématique et des procédures participatives : une situation d’instabilité électorale, du fait de l’émergence d’un nouvel électorat1, ou d’un nouvel acteur politique, peut non seulement favoriser l’apparition de mobilisations, mais aussi leur permettre de faire entendre leurs revendications2. L’émergence d’un nouvel acteur politique, avec la montée en puissance des écologistes qui obtiennent des succès électoraux à partir de 1992, nous paraît, ainsi qu’on va le voir, un élément décisif pour comprendre le développement des procédures participatives et le sort des mobilisations dans le cadre de ces procédures. L’ensemble des acteurs politiques ont en effet été conduits à se positionner par rapport à ce nouvel acteur3.

- Systèmes d’alliances et systèmes de conflits4

Le succès d’un mouvement dépend pour partie de sa capacité à étendre sa cause et à trouver des alliés. William Gamson montre ainsi une forte corrélation entre la présence d’alliés influents et le succès des mouvements aux Etats-Unis5.

Ces systèmes d’alliances vont nécessiter l’élaboration de cadres interprétatifs des mobilisations. Pour qu’une « extension de cause » réussisse, il faut que les thèmes interprétatifs et les revendications du mouvement soient conçus en des termes qui à la fois leur donnent de la dignité et font sens pour les autres groupes6. F. Chazel attire l’attention sur le degré et les modes de liaison sociale entre les acteurs éventuellement mobilisables : l’existence d’une organisation formelle, mais aussi de réseaux sociaux, entendus comme des relations sociales suivies et

1 Doug McAdam relie le succès du mouvement des droits civiques au poids croissant de l’électorat noir dans le corps électoral. Doug MacAdam, Political Process and the Development of Black

Insurgency, 1930-1970,op. cit.

2 H.P. Kitschelt souligne l’importance du nombre de partis politiques et d’organisations qui articulent les demandes en termes électoraux. Art. cit.

3 Pour une analyse des différentes stratégies déployées par les partis politiques face à ce nouvel acteur, voir Guillaume Sainteny, « Le parti communiste français face à l’écologisme », Pouvoirs, n°70, 1994, pp. 149-162.

4 Sidney Tarrow, Power in Movement, Social Movements, Collective Action and Politics, Cambridge, Cambridge University Press, p. 97.

5 William Gamson, The Strategy of Social Protest, op. cit.

6 Voir David A. Snow et Robert D. Benford, « Ideology, Frame Resonance, and Participant Mobilization », in Bert Klandermans, Hanspeter Kriesi, Sidney Tarrox (eds), From Structure to

significatives, peuvent favoriser la mobilisation. La structure communautaire peut constituer un terrain propice à la mobilisation1. Ces réseaux de relation permettent la diffusion par les leaders d’un sens donné à l’action collective, et l’intensification de croyances partagées2. Rien n’interdit de penser, que la thématique participative va bénéficier de son utilisation et de sa diffusion par des leaders dans le cadre de ce travail d’imposition de sens à l’action collective. Les opportunités pour mobiliser varient aussi en fonction de l’apparition et la disparition d’autres mouvements sociaux. Quand différents mouvements contestent simultanément les institutions, un effet d’entraînement peut se produire et permettre de changer les politiques établies. Il semble que l’on puisse dégager a tendance historique au développement de la constitution d’alliances. C’est ce qu’ont montré J. Craig Jenkins et Charles Perrow à propos des mouvements de fermiers américains3. D’autres auteurs soulignent le développement des liens entre mouvements défendant des causes différentes, notamment du fait du développement des nouvelles technologies4. Les mouvements mettent ainsi en commun des arguments, des ressources (mailing) etc. Ainsi selon Sidney Tarrow, on serait passé d’une logique où les périodes de mouvements alternaient avec les périodes de calme, à une société du mouvement permanent caractérisée par l’universalité du répertoire d’action collective, la rapidité de la communication, et l’apparition de mouvements transnationaux5.

1 Anthony Oberschall, « Theories of Social Conflict », Annual Review of Sociology, 4, 1978, p. 308.

2 Jacques Lagroye, op. cit., p. 294s.

3 J. Craig Jenkins, Charles Perrow, « Insurgency of the Powerless : Farm Worker Movements (1946-1972) », American Sociological Review, 1977, n°42, p. 249-268.

4 David A. Snow, E. Burke Rochford Jr., Steven K. Worden, Robert D. Benford, Benford, nomment « frame bridging » le processus de mise en relation de cadres d’interprétation idéologiquement compatibles, mais structurellement déconnectés concernant un problème ou un enjeu particulier. David A. Snow, E. Burke Rochford Jr., Steven K. Worden, Robert D. Benford, « Frame alignment process, micromobilization, and movement participation », American

Sociological Review, Vol. 51, August 1986, p. 464-481. John D. McCarthy, « Pro-Life and Pro-

Choice Mobilization : Infrastructure Deficits and New Technologies », in Mayer N. Zald, John D. McCarthy (dir.) Social Movements in an Organizational Society, New Brunswick, Transaction

Books 1987, p. 49-66.

5 Sidney Tarrow souligne la différence entre l’année 1789 où l’abolitionniste anglais Clarkson ne parvint pas à étendre son mouvement en France, et l’année 1989 où l’on a assisté à une diffusion rapide du mouvement de chute du communisme. La période actuelle serait marquée par la rapidité