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Chapitre 3 Historique des activités nucléaires iraniennes

3.2. La genèse du programme nucléaire iranien

L’une des questions qui ont fait l’objet d’une couverture médiatique importante au cours des dernières années est le programme nucléaire iranien. L’histoire de ce programme est longue et complexe. On peut distinguer plusieurs périodes différentes dans l’histoire officielle du nucléaire iranien : le début des activités d’enseignement de recherche (fin des années 1950 et années 1960), le lancement d’un vaste plan de maîtrise de la technologie et de la construction de centrales nucléaires (1974), l’arrêt complet des activités à la suite de la Révolution islamique de 1979, la reprise des activités au début des années 1990 et finalement la révélation des activités nucléaires iraniennes en 2002 et les réactions hostiles des grandes puissances, particulièrement en Occident (Faustine, 2010).

Le programme nucléaire iranien est mis en place à la fin des années 1950 avec l’aide des États-Unis et de son programme « Atomes pour la Paix ». L’Europe a également joué son rôle dans ce programme. Dès 1956, une coopération scientifique entre l’Iran et la France est mise en place dans le but de former des physiciens iraniens (Faustine, 2010). Le centre de recherches nucléaires de Téhéran (CRNT), dirigé par l’Organisation de l’énergie atomique d’Iran (OEAI), est créé à Téhéran en 1959. En 1967 l’Iran a reçu des États-Unis un réacteur de recherche fonctionnant à l’uranium hautement enrichi. Ce réacteur était d’une puissance de cinq mégawatts, capable de produire 600 grammes de plutonium par an. Dans les années soixante, les accords entre les deux pays ont accéléré le développement de l’activité nucléaire iranienne (Djalili et Kellner, 2015). Le 2 février 1970, l’Iran a adhéré au Traité de non-prolifération (TNP) et a pris l’engagement de ne pas essayer de construire des armes nucléaires et de mettre ses installations nucléaires sous contrôle de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). En 1974, l’Organisation de l’énergie atomique de l’Iran (OEAI) a été créée afin de lancer un programme important de construction de centrales nucléaires.

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Différents motifs ont conduit le Shah d’Iran à prendre une telle décision. Tout d’abord, le Shah cherchait toujours à remplacer le pétrole par d’autres sources d’énergie, en particulier pour la production d’électricité, et à trouver une solution à de nombreuses crises affectant les domaines industriels économiques liés aux ressources énergétiques. Il croyait que le pétrole était une matière première de grande utilité dans l’industrie chimique et qu’il fallait limiter son utilisation comme source d’énergie. Pour produire de l’électricité à grande échelle, il fallait donc compter sur le gaz, le nucléaire et l’hydraulique. Par la suite, avec l’augmentation du prix de pétrole en 1973, l’Iran avait des revenus suffisants pour mener son programme nucléaire (Faustine, 2010). Ce programme, qui a pris corps dans le cadre de l’OEAI, avait une vision ambitieuse à long terme et consistait à doter l’Iran d’une industrie nucléaire efficace pour atteindre le degré d’indépendance technologique souhaité (Faustine, 2010). La perspective du Shah d’Iran était de construire 23 réacteurs nucléaires producteurs d’électricité.

L’OEIA a lancé un vaste programme de formation de spécialistes nucléaires et a fait appel aux chercheurs et ingénieurs iraniens qui, dans différents pays du monde, avaient acquis une expérience dans le domaine. Par conséquent, avant la Révolution de 1979, l’OEAI disposait d’un cadre de spécialistes et de chercheurs bien en place pour réaliser le programme qui prenait, petit à petit, forme (Etemad, 2009).

Par la suite, l’Iran a signé un contrat avec la société allemande Kraftwerk (filiale de Siemens) pour construire deux réacteurs à 30 km de Bushehr, au sud du pays, d’une puissance unitaire de 1200 mégawatts, ainsi qu’un contrat avec le constructeur français Framatome pour deux réacteurs à eau pressurisée d’une puissance unitaire de 900 mégawatts à Darkhouin, situé au sud-est d’Iran. L’Iran a pris aussi, pour un milliard de dollars, une participation de 10 % dans le consortium Eurodif qui construisait une grande usine d’enrichissement d’uranium en France, avec droit d’accès à 10 % de la production de cette usine. La France a fourni également une assistance technique pour la réalisation du centre de technologie nucléaire d’Ispahan. Dans ce centre fonctionneront quatre réacteurs de recherche d’origine chinoise. L’année suivante le MIT (Massachusetts Institute of Technology) a signé avec l’OEAI un accord de formation d’une première cohorte d’ingénieurs nucléaires et l’Inde a conclu avec l’Iran un traité de coopération nucléaire.

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L’Iran a aussi participé en 1976 au projet de financement d’une usine d’enrichissement en Afrique du Sud et a reçu pour 700 millions de dollars de minerai d’uranium. En 1977, le gouvernement américain a décidé de livrer huit centrales à Téhéran et a conclu en juillet 1978 un accord sur les fournitures de matériel nucléaire, par lequel l’Iran pouvait avoir accès à la technologie américaine.

Sur le plan de la recherche et du développement, un effort important a été fait pour développer les laboratoires et les équipements du centre de recherche nucléaire de Téhéran. Dans ce centre, des projets avancés tels que la recherche portant sur l’enrichissement d’uranium par laser étaient mis à exécution. Un deuxième centre de recherche a été créé à Téhéran pour l’étude des applications des radio-isotopes. Un grand centre de technologie nucléaire était en construction à Ispahan, en collaboration avec le Commissariat à l’énergie atomique français. Ce centre devait être une structure d’appui technologique pour le programme de la production d’électricité nucléaire en Iran (Etemad, 2009).

Il n’est pas très évident que le Shah voulait faire de l’Iran une puissance nucléaire militaire et les aspects militaires de l’activité nucléaire iranienne pendant cette période sont controversés. Vu que l’Iran profitait déjà d’une supériorité militaire dans la région du Moyen-Orient, il semble que le Shah ne cherchait pas à recourir à la fabrication d’armes nucléaires (Faustine, 2010).