• Aucun résultat trouvé

Chapitre 1 Cadre conceptuel : définition des principales notions sous-tendant l’étude

1.10. Discours politique et traduction

Le domaine de la traduction a longtemps été fasciné par le discours politique. La traduction fait inévitablement partie des négociations internationales, des luttes et des jeux de pouvoir politique. Plusieurs recherches ont porté sur la traduction de textes politiques appliquant différentes approches parmi lesquelles l’analyse du discours politique ou critique (Schäffner 1997 ; 2002 ; 2003 ; 2004 ; Hatim et Mason 1990 ; 1997). Cependant, il n’y a pas d’approche définie et fixe de l’analyse des textes politiques traduits.

Le discours politique est un élément essentiel de la stratégie des politiciens pour atteindre leurs objectifs politiques, valoriser leurs opinions politiques, sécuriser le pouvoir, façonner le comportement général de la société et, surtout, diffuser l’idéologie dominante. De cette manière, le discours politique permet aux politiciens d’inculquer leurs pensées et leurs idées dans l’esprit de la société et, par conséquent, de persuader la société de croire en ce que les politiciens veulent (Shakouri, 2018).

Comme nous l’avons déjà souligné, l’analyse du discours a été appliquée à la théorie de la traduction dans les années 1980 et 1990 (Pym, 1992). L’intégration de l’analyse du discours dans les études de traduction a été initiée dans les théories fonctionnalistes de la traduction (Munday, 2001) qui se concentrait sur l’analyse du type de texte, de la fonction linguistique,

23

de l’effet de la traduction et des participants de l’activité traductive (Lande, 2010). Quelques chercheurs ont contribué à cet axe de recherche en publiant quelques ouvrages, par exemple Schäffner (1997 ; 2002 ; 2003 ; 2004), Munday (2001 ; 2007), Calzada Pérez (2002) et Valdeón (2007). Hatim et Mason (1990 ; 1997) donnent un aperçu détaillé de la façon dont le modèle de l’ACD peut être intégré à la théorie de la traduction (Lande, 2010).

Schäffner et Bassnett, dans Political Discourse, Media and Translation (2010), ont analysé un article des anciens ministres des Affaires étrangères de France, Bernard Kouchner, et de Grande-Bretagne, David Miliband, publié en anglais dans International Herald Tribune le 14 octobre 2007, puis traduit en allemand sur le site de l’ambassade du Royaume-Uni en Allemagne, et en français sur celui de l’ambassade de France au Royaume-Uni. Ils ont montré comment le traducteur allemand a évité de transmettre le rôle de premier plan du régime dans le texte allemand. Hatim et Mason (1997), à leur tour, ont analysé la traduction d’un discours politique chargé d’idéologie de l’ayatollah Khomeini.

Dans son article intitulé « Political Discourse Analysis from the point of view of Translation Studies », Schäffner décrit le lien entre la traduction et le discours politique. Elle est d’avis que la politique est une notion large et flexible et que n’importe quel sujet peut devenir politique ou politisé. Néanmoins, il existe certains types de textes qui sont politiques dans un sens plus étroit. Ce sont des textes qui traitent des idées politiques, des croyances et des pratiques d’une société, ou des textes qui sont essentiels pour constituer une communauté ou un groupe politique (Schäffner, 2004). Schäffner ajoute que le texte politique est un terme vague qui couvre différents types de textes. Le discours politique comprend le discours intérieur d’un pays ainsi que le discours international ; il peut prendre diverses formes telles que les traités bilatéraux ou multilatéraux, les discours prononcés lors d’une campagne électorale, les débats parlementaires, les commentaires de journaux ou la conférence de presse d’un politicien.

Schäffner (2004) affirme que l’identification d’un texte politique est fondée sur des critères fonctionnels et thématiques. Les textes politiques sont une partie ou le résultat de la politique et remplissent différentes fonctions au sein de différentes activités politiques. Ils abordent des sujets liés aux éléments politiques tels que les activités politiques, les idées politiques, les relations politiques, etc. Selon Schäffner, dans la majorité des cas, les textes

24

politiques sont destinés à un public plus large et chaque texte est inscrit dans un discours politique plus large, les textes montrant ainsi un haut degré d’intertextualité. Par conséquent, non seulement le discours politique est lié à la culture spécifique du producteur de texte, mais il peut intéresser un public plus large. De ce fait, la politique étant de plus en plus internationalisée, la traduction devient également de plus en plus importante. Schäffner décrit le discours politique « comme une forme complexe d’activité humaine, fondée sur cette affirmation que la politique ne peut être menée sans langage » (p.3).

Schäffner estime que « la traduction est un phénomène très courant dans pratiquement tous les types de discours politique » (notre traduction) (p.3). Elle ajoute que :

Le discours politique s’appuie sur la traduction. La traduction fait partie du développement du discours et constitue un pont entre les différents discours. C’est par la traduction que les informations sont mises à la disposition des destinataires au-delà des frontières nationales. Les réactions dans un pays aux déclarations qui ont été faites dans un autre pays sont en réalité des réactions aux informations qui ont été fournies par la traduction (notre traduction) (p.4). Ainsi, pour Schäffner, il est important de tenir pleinement compte du phénomène de la traduction dans l’analyse des textes politiques. La traduction joue un rôle considérable dans la communication politique internationale. Les discours politiques traversent les frontières linguistiques et culturelles par le biais de la traduction. De ce fait, les objectifs de communication ainsi que les idéologies politiques ont un impact sur le processus de la traduction. Les informations sélectionnées pour être traduites et publiées dans la presse reflètent les sujets et les questions politiques qui présentent un intérêt particulier pour le pays, ou plus précisément pour le groupe politique (Schäffner, 2004). On ne peut pas considérer les traductions comme des reproductions simples et fidèles des textes sources. La conception moderne de la traduction définit celle-ci comme une activité à but déterminé, un comportement régi par des normes et une pratique sociopolitique qui est déterminée par des conditions et des contraintes culturelles, idéologiques et institutionnelles (Schäffner, 2004). Par conséquent, les stratégies de traduction qui aboutissent à un texte spécifique dans la langue cible doivent être expliquées selon des conditions sociopolitiques dans lesquelles les traductions ont été produites (Schäffner, 2004).

25