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Chapitre 1 Cadre conceptuel : définition des principales notions sous-tendant l’étude

1.12. Différentes approches dans le domaine de l’ACD

Selon Van Dijk, il existe quatre approches principales dans le domaine de l’ACD. La première est proposée par Fowler, Kress, Hodge et Trew (1979) ; Fowler (1991, 1996) ; Kress (1985) et Kress et Hodge (1979). La deuxième est l’approche socioculturelle de Fairclough (1989, 1992, 1995). La troisième est l’approche Discours-Historique présentée par Wodak et ses collègues (1999). L’approche sociocognitive de Van Dijk (1998, 2002) est la quatrième approche (Rashidi et Souzandehfar, 2010).

1.12.1 Fowler (linguistique critique)

Le travail de Fowler et ses collègues est connu comme le point de départ de la linguistique critique. La linguistique critique est une approche critique axée sur le plan linguistique. Selon Fowler (1991), « la linguistique critique signifie simplement une enquête sur les relations entre les signes, les significations et les conditions sociales et historiques qui régissent la structure sémiotique du discours, en utilisant un type particulier d’analyse linguistique » (p.90).

1.12.2 Fairclough (approche socioculturelle)

Fairclough a été le premier à proposer un cadre théorique qui présente les principes de base pour les recherches ultérieures dans le domaine de l’ACD. Son cadre théorique est basé sur

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cette réalité que la langue est une partie irréductible de la vie sociale. Par sa méthode d’analyse, il tente de découvrir des éléments idéologiques et les effets du pouvoir dans les textes. Dans son livre Language and power, il déclare que l’idéologie est étroitement liée au pouvoir et à la langue et malgré son importance pour le langage, a très rarement figuré dans les discussions de langue et de pouvoir au sein de la linguistique. Il appelle son approche de la langue et du discours étude critique du langage ou ECL (Fairclough, 1989). Fairclough explique que son but de présenter une telle approche est de faire « une contribution à la prise de conscience générale des relations sociales exploitantes en se concentrant sur le langage » (notre traduction) (p. 4). Selon Fairclough, « l’ECL analyse les interactions sociales en se concentrant sur leurs éléments linguistiques et cherche à montrer leurs déterminants cachés dans le système des relations sociales, ainsi que les effets cachés qu’ils peuvent avoir sur ce système » (notre traduction) (Fairclough, p.5).

Fairclough affirme que l’usage de la langue est une pratique sociale, car la langue est impliquée dans des activités sociales, des directions et des changements culturels, économiques, idéologiques et politiques. Pour Chouliaraki et Fairclough (1999), l’ACD « rassemble les sciences sociales et la linguistique dans un cadre théorique et analytique unique, en établissant un dialogue entre elles » (notre traduction) (p. 6).

Dans son modèle, Fairclough propose trois axes analytiques pour l’analyse de tout événement communicatif (interaction) :

1) l’analyse de texte (la description linguistique des propriétés formelles du texte, par exemple l’analyse linguistique du texte aux niveaux morphologique et grammatical) ; 2) l’analyse des pratiques du discours (le processus de production, de distribution et de consommation de textes) ;

3) l’analyse des pratiques socioculturelles (expliquer la relation entre le discours et la réalité sociale et culturelle, c’est-à-dire comment les discours sont déterminés par les structures sociales et quels effets les discours ont sur ces structures (Fairclough, 1995 b, Chouliaraki et Fairclough, 1999).

Ces axes ressemblent aux trois dimensions de l’analyse de l’idéologie de Van Dijk : le discours, la sociocognition et l’analyse sociale. La seule différence est que selon Van Dijk,

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la cognition sociale joue le rôle de médiateur entre le discours et le social, tandis que selon Fairclough (1995 b) les pratiques discursives (la production et la consommation de texte) jouent ce rôle. Par conséquent, ces deux approches ont la même conception.

1.12.3 Wodak (approche historico-discursive)

L’approche historico-discursive a été présentée par Wodak et ses collègues à Vienne (The Vienna School of Discourse Analysis). Cette approche met l’accent sur les caractéristiques historiques et sociopolitiques du contexte dans l’analyse d’un discours. Wodak (2000) explique que :

En étudiant des sujets et des textes historiques, organisationnels et politiques, l’approche historico-discursive tente d’intégrer des connaissances disponibles sur les sources historiques et l’histoire des domaines sociaux et politiques dans lesquels les événements discursifs sont intégrés. En outre, cette approche analyse la dimension historique des actions discursives en explorant les façons dont certains genres de discours sont soumis à un changement diachronique (notre traduction) (p. 187).

Le terme « historique » qui occupe une place importante dans cette approche indique que le but est « d’intégrer toutes les informations de base disponibles dans l’analyse et l’interprétation des nombreuses couches d’un texte écrit ou parlé » (notre traduction) (Wodak, 1995, p.209).

Cette approche considère la langue comme un moyen qui manifeste les processus sociaux et l’interaction et qui constitue également ces processus (Wodak et Ludwig, 1999). Ce point de vue exige trois choses. D’abord, le discours « implique toujours le pouvoir et les idéologies. Aucune interaction n’existe là où les relations de pouvoir ne prévalent pas et où les valeurs et les normes n’ont pas de rôle pertinent » (notre traduction) (Wodak et Ludwig, 1999, p.12). Deuxièmement, « le discours [...] est toujours historique, c’est-à-dire qu’il est connecté synchroniquement et diachroniquement à d’autres événements communicatifs qui se produisent en même temps ou qui se sont produits auparavant » (notre traduction) (Wodak et Ludwig, 1999, p. 12). Troisièmement, l’approche historico-discursive est interprétative. Tout destinataire, selon ses connaissances, ses expériences et ses informations peut avoir des interprétations différentes d’un même événement communicatif. Wodak et Ludwig soutiennent que « l’interprétation correcte n’existe pas,

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une approche herméneutique est nécessaire et les interprétations peuvent être plus ou moins plausibles ou adéquates, mais elles ne peuvent pas être vraies » (notre traduction) (Wodak et Ludwig, 1999, p. 13).

1.12.4 Van Dijk (approche sociocognitive)

L’approche de Van Dijk a commencé à prendre forme dans les années 1980 lorsqu’il a mené une analyse critique des textes médiatiques en mettant l’accent sur la représentation des groupes ethniques et des minorités en Europe (Sheyholislami, 2001). Dans son livre News

Analysis, publié en 1988, il intègre sa théorie générale du discours au discours des nouvelles

publiées dans la presse et les actualités, tant au niveau national qu’international. Son appel à une analyse approfondie non seulement au niveau textuel et structurel du discours médiatique, mais aussi au niveau de la production et de la compréhension distingue son approche des autres théories analytiques du discours médiatique (Sheyholislami, 2001). Son analyse structurelle aborde non seulement le niveau grammatical, phonologique, morphologique et sémantique, mais aussi les « propriétés de niveau supérieur telles que la cohérence, les thèmes généraux et les sujets d’actualité ainsi que toutes les formes schématiques et dimensions rhétoriques des textes » (notre traduction) (Sheyholislami, 2001, p. 3). Van Dijk (1988) affirme que « le discours n’est pas simplement une structure textuelle ou dialogique isolée. Il s’agit plutôt d’un événement communicatif complexe qui incarne également un contexte social et ses participants (et leurs propriétés) ainsi que les processus de production et de réception » (notre traduction) (p. 2). Pour Van Dijk, le processus de production comprend les pratiques journalistiques et institutionnelles visant à produire l’information et les pratiques économiques et sociales qui sont liées aux structures du discours médiatique. Le processus de réception contient la compréhension, la mémorisation et la reproduction des informations (Sheyholislami, 2001).

Van Dijk soutient que le rôle des textes ne consiste pas seulement à nous informer d’une certaine réalité, mais aussi à véhiculer des points de vue idéologiques de la personne, de l’organisation, etc. Il affirme que « les idéologies sont typiquement, mais pas exclusivement, exprimées et reproduites dans le discours et la communication, y compris les messages sémiotiques non verbaux, tels que les images, les photographies et les films » (Van Dijk, cité dans Sheyholislami, 2001, p. 4). Par conséquent, il considère l’analyse du

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discours critique comme une analyse idéologique. Ainsi, l’un des premiers buts de l’ACD est de révéler les sources de dominance et d’inégalité observées dans la société en analysant les textes (écrits ou parlés). Il faut donc trouver les stratégies discursives utilisées pour construire ou maintenir une telle inégalité dans différents contextes (Rashidi et Souzandehfar, 2010). Pour analyser des idéologies cachées dans le discours, l’approche sociocognitive proposée par Van Dijk (1995) comporte trois parties : l’analyse sociale, l’analyse cognitive et l’analyse du discours. L’analyse sociale porte sur « les structures sociétales globales, comme la démocratie parlementaire et le capitalisme ; structures institutionnelles/organisationnelles, telles que les partis politiques racistes ; relations de groupe, comme la discrimination, le racisme et le sexisme ; structures de groupe, comme identité, tâches, buts, normes, position et ressources » (notre traduction) (p. 20). C’est le niveau macro de l’analyse qui aborde les questions telles que le pouvoir, la dominance et l’inégalité entre les groupes sociaux. L’analyse du discours est le niveau micro de l’analyse qui est basée sur le texte (syntaxe, lexique, sémantique locale, thèmes, structures schématiques, etc.) (Sheyholislami, 2001). Il parle ainsi des niveaux macro et micro et souligne que l’usage de la langue, le discours, l’interaction verbale et la communication appartiennent au niveau micro de l’ordre social, alors que le pouvoir, la domination et l’inégalité entre les groupes sociaux appartiennent à un niveau macro d’analyse. L’ACD cherche à combler le fossé entre ces deux niveaux (Van Dijk, 2008).

Van Dijk (2008) présente ainsi un cadre théorique qui relie le discours, la cognition et la société (y compris l’histoire, la politique et la culture) comme les principales dimensions de l’ACD. Il met l’accent sur le rôle de la cognition sociale et prétend que « le discours, la communication et les (autres) formes d’action et d’interaction sont surveillés par la cognition sociale. Il en va de même pour notre compréhension des événements sociaux ou des institutions sociales et des relations de pouvoir » (notre traduction) (Van Dijk, 1993, p. 9). Il définit la cognition sociale comme « le système des représentations mentales et des processus des membres du groupe » (notre traduction) (Van Dijk, 1995, p. 18). Par conséquent, la cognition sociale occupe le rôle de médiateur entre le niveau micro et la société (niveau macro), entre le discours et l’action, entre l’individu et le groupe. Selon Van Dijk, les idéologies « influencent indirectement la cognition personnelle des membres du groupe dans leur acte de compréhension du discours » (notre traduction) (p. 19). Il appelle

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les représentations mentales des individus au cours de telles actions sociales et interactions des « modèles ». « Les modèles contrôlent comment les gens agissent, parlent ou écrivent, ou comment ils comprennent les pratiques sociales des autres » (notre traduction) (p. 19). Selon Van Dijk,

[les représentations mentales] s’articulent souvent entre les différentes dimensions de “nous” et “eux”, dans lesquelles les locuteurs d’un groupe tendent généralement à se présenter eux-mêmes ou leur propre groupe en termes positifs, et les autres groupes en termes négatifs. Ainsi, toute propriété de discours qui exprime, établit, confirme ou met en valeur l’opinion, la perspective ou la position d’un groupe […] peut faire l’objet d’une attention particulière dans une telle analyse « idéologique » (notre traduction) (p. 22).

Dans l’approche de Van Dijk, le pouvoir social est considéré comme un moyen pour contrôler les autres groupes et leurs membres. On parle d’abus de pouvoir si ce contrôle est contre les intérêts de ceux qui sont contrôlés (Van Dijk, 2008). En effet, « ce qui importe à l’ACD, c’est l’utilisation inappropriée du pouvoir, qui entraînerait des inégalités dans la société » (notre traduction) (Rashidi et Souzandehfar, 2010, p. 5).