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Dans une membrane, les lipides sont organisés en bicouche mais cette organisation peut être amenée à changer en fonction des conditions expérimentales comme le degré d’hydratation ou la température. En dessous d’une concentration appelée concentration micellaire critique (CMC), les lipides sont sous forme de monomères. Au-delà de la CMC, les lipides se trouvent sous forme de micelles, en équilibre avec des monomères (s’ils ne sont pas trop concentrés). Il faut également que la température soit supérieure à une température appelée température de Krafft. Les lipides peuvent aussi s’auto-organiser pour former différentes mésophases, à plus forte concentration, comme des phases hexagonales, hexagonales inverses, cubiques, micellaires ou en bicouche. Certaines de ses organisations sont représentées dans la figure 9.

Figure 9. Organisation des phases lipidiques. (A) Organisation lamellaire ; (B) organisation

hexagonale inverse HII ; (C) organisation hexagonale HI (adaptée de Schechter 1990).

La phosphatidylcholine (PC) s’organise en bicouche lipidique en milieu aqueux et forme des liposomes tant que la concentration en lipides est inférieure à 50% en masse. Les lipides maintiennent une organisation en bicouche et se trouvent au sein de lamelles très fines par rapport à leur surface. Ces lamelles parallèles sont séparées par des couches d’eau dont l’épaisseur bien définie est fonction de la quantité d’eau dans le système. Cette organisation lamellaire, appelée Lα, est caractéristique des membranes

composées de lipides à géométrie cylindrique de type PC, SM et PS. Pour ces lipides, la forme lamellaire de la bicouche est maintenue même à de hautes températures (Figure 9A) (Luzzati, Tardieu, and Gulik-Krzywicki 1968).

L’épaisseur de la couche d’eau diminue si la concentration en lipide augmente encore et dépasse 50%. Dès lors, les contacts entre les bicouches sont plus étroits puisqu’il il y a un rapprochement des lamelles. En déshydratant les bicouches, on observe alors un enroulement des monocouches autour de la faible quantité d’eau qui est alors emprisonnée. Des cylindres pleins d’eau sont ainsi formés et leur surface est tapissée des têtes polaires des lipides tandis que les chaînes hydrocarbonées sont renvoyées vers l’extérieur. Ces cylindres s’organisent alors en une phase hexagonale appelée HII (Figure 9B). En particulier, il a été remarqué que la phosphatidyléthanolamine (PE) insaturée, avec sa forme conique, induit des structures hexagonales inverses. Ce type de structure rappelle l’organisation des lipides dans certains modèles de mécanismes cellulaires nécessitant une forte courbure négative comme lors de la fusion de vésicules. Le passage d’une phase Lα à une phase hexagonale est favorisé par la diminution de la concentration en eau. Cette transition peut également s’effectuer suite à une augmentation de la température dans le cas où le contact entre les lamelles de la phase Lα est déjà assez étroit. La transition de Lα vers une phase hexagonale demande de franchir une barrière énergétique qui peut l’être grâce à l’agitation thermique. La nature des lipides joue sur les domaines de température et de quantité d’eau pour lesquelles a lieu le passage Lα  HII. Plus un lipide à tendance à adopter une organisation de type HII, plus la température de transition (température au-dessus de laquelle le lipide se trouve en phase hexagonale inverse) est basse et plus la quantité d’eau à laquelle la transition se produit est élevée.

Soumis à des conditions de concentration et de température différentes, certains lipides s’organisent différemment. Ils peuvent notamment adopter une structure hexagonale HI. Dans ce cas, ils forment des cylindres ordonnés suivant une symétrie hexagonale, mais avec les chaînes hydrocarbonées à l’intérieur des cylindres, l’eau séparant les cylindres (Figure 9C).

Les lipides ont aussi la capacité d’adopter différentes structures cubiques qui sont représentées sur la Figure 10. Des canaux d’eau sont formés et des phases cubiques bicontinues sont ainsi créées.

Figure 10 : Phases cubiques bicontinues de types Im3m, Pn3m et La3d avec respectivement 6, 4 et 3 canaux aqueux représentés en bleu. En jaune est représenté la phase continue de lipide formée par une bicouche hautement courbée, en bleu la phase aqueuse (adapté de (Kulkarni et al. 2017).

D’un point de vue énergétique, les phases cubiques se situent à un niveau intermédiaire entre la structure hexagonale et la structure lamellaire. Les courbures moyennes interfaciales des phases hexagonales et cubiques ont des valeurs assez proches. Les phases cubiques sont aussi des précurseurs des phases hexagonales.

Il est possible de déterminer les différentes phases par diffraction des rayons X aux petits angles. A forte résolution, il est possible d’avoir accès aux caractéristiques structurales : l’épaisseur de la lamelle lipidique et de la couche aqueuse dans une organisation lamellaire, la distance entre cylindres et le diamètre de ces derniers dans le cas de l’organisation hexagonale.

Les lipides adoptent préférentiellement un type d’organisation en fonction de leur structure (Tableau 1). Par exemple, la phosphatidyléthanolamine adopte facilement une organisation hexagonale HII en présence d’eau.

Lipides Phases Phosphatidylcholine L Sphingomyéline L Phosphatidyléthanolamine* HII Phosphatidylsérine L Lysophosphatidylcholine HI Insaturation L HII Déshydratation L HII Augmentation de T L HII

Tableau 1. Organisation préférentielle de différents lipides à 37°C (adaptée de (Schechter 1990)). *à un bas degrée d’hydratation.

C’est la balance entre les géométries des parties polaires et hydrophobes des lipides qui détermine les différentes organisations lipidiques. Lorsque la conformation moyenne du lipide s’inscrit dans un cylindre, on a une organisation à courbure moyenne nulle comme la phase lamellaire (Figure 11 A). Si l’aire de la surface projetée de la partie polaire est plus faible que celle de la partie apolaire, le lipide s’inscrit dans un cône et on a alors affaire à une organisation hexagonale HII (Figure 11 B). L’organisation HII provient d’un changement de courbure, qui est alors non nulle et négative. Enfin, une surface de la partie polaire supérieure à celle de la partie apolaire implique que le lipide s’inscrit dans un cône inversé et l’organisation à courbure positive obtenue est alors de type HI (Figure 11 C).

Figure 11. Géométrie et organisation lipidique. (A) Lipides en forme de cylindre, organisation lamellaire ; (B) lipides en forme de cône, organisation en micelle inversée ; (C) lipides en forme de cône inversé, organisation de type micellaire (adaptée de Schechter 1990)).

Ainsi, l’organisation acquisse par les lipides en fonction des différentes conditions expérimentales peut être expliquée grâce à un facteur de forme. Suite à une augmentation de température, le mouvement des chaînes est plus important et une déshydratation provoque une diminution du volume de la partie polaire. Ceci favorise une organisation hexagonale inverse de type HII. L’insaturation des chaînes qui favorise la forme conique joue donc en faveur de l’organisation de type HII.