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La France est un cas particulier des relations entre histoire et géographie. Elle est l’un des rares pays dans lesquels ces deux disciplines ne font qu’une dans l’enseignement secondaire. Pour autant, leurs relations seraient l’expression d’un « couple orageux » (Sierra, 2012). En 1694, le Dictionnaire de l’Académie Française affirmait que « la géographie est nécessaire pour bien savoir l’histoire ». La métaphore orageuse montre comment la géographie et l’histoire sont deux disciplines qui se sont entremêlées depuis 150 ans, jusqu’à ce qu’un champ géohistorique semble émerger en France, s’appuyant sur des concepts qu’elle s’efforce de définir. Nous nous attacherons à replacer ce particularisme dans un contexte plus global. Nous verrons enfin comment la démarche géohistorique peut trouver sa place dans la géographie des transports, où le temps prend une résonance toute particulière.

2.1.1. Les vicissitudes des liens entre histoire et géographie, et pourtant …

Si nous avons déjà montré la diversité sémantique qui englobe la problématique des effets structurants des infrastructures de transport, celle qui entoure les relations entre géographie et histoire n’est pas moins riche. Dans l’Encyclopédie de géographie, Maric-Vic Ozouf-Marignier a recensé les expressions traitant du rapport entre géographie et histoire (1992). Si les plus optimistes parlent de la géographie comme la « moitié de l’histoire », voire son « œil », d’autres la qualifient de « servante de l’histoire », de « science auxiliaire », de « discipline nourricière », pire, de « rejeton ». Plus tard, des géographes taxeront la géographie historique comme une « géographie du passé » (Volvey et al., 2005), qui a tout de même perduré jusqu’au milieu du XXème siècle. Histoire géographique, géographie historique puis aujourd’hui davantage géohistoire : voilà trois vocables qui se sont succédé voire superposés, témoins d’une difficulté intrinsèque de pratiquer, sinon de nommer, des recherches qui lient histoire et géographie.

C’est la notion de frontière qui a fait de la géographie une discipline largement diffusée au XIXème siècle. A l’époque de l’installation de la IIIème République, le pouvoir y voyait un moyen de stabiliser le régime. A partir des localisations de batailles antiques, des centres ecclésiastiques, l’enseignement de la géographie est permis par Auguste Longnon, auteur d’un atlas historique depuis la période romaine. La période coloniale est toute aussi propice à la stabilisation de la discipline géographique, dans laquelle la géographie militaire trouve sa place dès le milieu du XVIIIème siècle (Boulanger et Trochet, 2005). L’étude du terrain à des fins stratégiques passe par le croissement de critères physiques et humains. Cet élan se transforme en une géographie de guerre au début du XXème siècle, où les géographes sont mobilisés pour établir de nouvelles cartes, enseigner l’aménagement de l’espace militaire, exploiter les ressources locales. Ainsi, les géographes, en se faisant connaître des services de l’Etat, s’émancipent de l’histoire, d’autant plus que Paul Vidal de la Blache a initié cette séparation à la fin du XIXème siècle.

L’école vidalienne est née en réaction à l’histoire, et donc aussi du rejet de la place donnée à la géographie par Auguste Longnon. Elle cherche à se doter d’un vocabulaire qui lui est singulier,

se rapprochant du paysage et du naturalisme. Ainsi, les monographies qui suivront décriront de manière détaillée une portion de territoire, où la description des structures ne laisse que peu de place au temps, qui n’apparaît que de manière secondaire. Si la géographie s’émancipe de l’histoire, la géographie historique tend presque fatalement à être marginalisée, et donc l’histoire tend aussi à oublier la géographie, parce que pour exister, Pierre Bourdieu montre comment un champ doit se distinguer de ceux déjà en place (Bourdieu, 1976). Seul Roger Dion persiste dans la géographie historique, qui se sert de la dimension temporelle comme d’un rempart au déterminisme naturel (Dion, 1936), où la géographie historique ne se limiterait alors qu’à une analyse des « espaces révolus, situés dans le passé » (Claval, 2005), dans laquelle il identifie une stabilité des paysages depuis le Moyen-Âge. La géographie tend plutôt à cette époque à une recherche de structures, sans intervention du temps, avec une démarche modélisatrice.

La situation anglo-saxonne est moins floue, peut-être parce que l’opposition entre les disciplines n’est pas aussi tenace. La revue Journal of Historical Geography existe depuis 1975, alors que des groupes de spécialité sont ancrés dans les rassemblements de l’Association des Géographes Américains (AAG) et l’Association des Sciences Sociales pour l’Histoire (SSHA). Ainsi, on arrive à distinguer plusieurs pratiques de la géographie historique outre-Manche et outre- Atlantique. Clifford Darby, quand il publie en 1976 A New Historical Geography of England (Wynne, 2003), décrit la manière dont se fait la géographie historique, nécessairement assujettie à l’analyse historique (Claval, 2005) :

 L’historien se charge d’identifier des périodes et des tranches de temps ;

 Le géographe fait en sorte de dresser un tableau de l’aire d’étude en fonction des données disponibles dans chaque tranche de temps, et s’affaire à rendre compte des transformations entre chaque tableau de périodes.

Toujours au milieu du XXème siècle, Andrew Hill Clark, canadien, s’intéresse à l’impact des colons sur la faune et la flore de l’Île du Sud en Nouvelle-Zélande. Son travail porte surtout sur les étapes d’introduction, de mise en valeur et de dynamique des espèces dans un contexte d’émergence d’associations écologiques (Clark, 1949). On peut aussi citer ici les travaux d’Alan Baker, qui s’intéresse à la vie associative dans les campagnes du Centre-Ouest de la France, en s’abstenant des découpages des historiens à partir de l’étude des comités des fêtes, des pompiers bénévoles, qu’il met en parallèle du développement ferroviaire par exemple. On voit ainsi comment, dans la géographie historique anglo-saxonne, les travaux ont évolué de l’assujettissement aux périodisations imposées par les historiens jusqu’à la mise en évidence de temporalités propres aux phénomènes qu’étudient les géographes.

En France, l’essor de temporalités propres est resté discret, tant la géographie historique française était marginalisée. On peut voir dans les monographies régionales comment l’évolution des genres de vie est envisagée de manière indépendante des dates de règnes et des régimes politiques (Claval, 2005). Bien que secondaire, le temps montre une forte inertie, faisant émerger la longue durée. Dans une perspective nationale, la Géographie historique de la France, dressée par Xavier de Planhol en 1988 distingue deux très grandes périodes : une période qui court de la Préhistoire au XIXème siècle, et une seconde, faite de différenciations et soubresauts. Si ces

géographes ont identifié des « durées beaucoup plus amples, dans lesquelles se coulent les évolutions des techniques et des modes de vie des populations » (Claval, 2005), ils n’ont pas reçu une forte audience dans leur discipline, alors même que des historiens comme Lucien Febvre, Marc Bloch et Fernand Braudel ont été reconnaissants de ce caractère novateur.

Naturellement, les mouvements scientifiques radicaux ont vu dans l’identification de temporalités propres un moyen de réinterpréter l’œuvre marxiste. Certains voient dans cette nouvelle interprétation un moyen d’analyser la domination des Hommes sur leur espace, dans lequel les infrastructures tendent à jouer un rôle croissant. Milton Santos, géographe brésilien, représente un courant original qui trouve une résonance dans notre travail. Ainsi, il s’attache à analyser l’évolution des formations sociales par l’environnement, largement dessiné et modifié par les techniques qui façonnent les moyens de communication (Santos, 1972). Une dernière tendance est à repérer dans la croissance des temporalités dans les approches culturelles (Ogborn, 1999). Elle est née des approches paysagères issues des monographies et des études rétrospectives. Elle s’est trouvée une autre place dans l’émergence de trajectoires individuelles (Hagerstrand, 1967), qui visent à identifier des groupes sociaux, porteurs d’une temporalité et d’une spatialité qui leur sont propres, dans des temporalités beaucoup plus courtes.

En France, le structuralisme que permet la « Nouvelle Géographie » depuis les années 1970 a laissé la rétrospective de côté, en renouvelant l’introduction des temporalités dans la géographie, même s’il demeure une « inégale attention portée aux concepts d’échelle et de temporalité » (Volvey et al., 2005). Trois grandes tendances sont identifiées pour illustrer l’introduction de la temporalité en géographie :

 La géographie culturelle, en introduisant des dynamiques possibilistes ;

 La géopolitique, parce que le recours à la longue durée est nécessaire à l’analyse des déséquilibres politiques des territoires ;

 L’analyse spatiale, issue des rapprochements avec l’archéologie, puis la géographie, notamment urbaine (Lepetit, 1984 ; Pumain et Lepetit, 1993).

Les anglo-saxons, qui ne semblent pas avoir vécu des rapports conflictuels, s’inquiètent en revanche du déclin de la géographie historique. Ils voient dans le développement de l’histoire environnementale une mainmise des études où l’espace tend à disparaître (Guelke, 1997). Pour un certain nombre d’entre eux, la « survie » de cette discipline passe par son ouverture (Ogborn, 1999). Et dans ce cadre, ils observent davantage de réticences de la part des historiens que des géographes, dans leur propension à s’emparer d’objets visant à rassembler le discours et leur matérialité, dans des temporalités définies.

Alors que la géographie anglo-saxonne n’a pas connu les mêmes vicissitudes qu’en France, ses membres identifient quelques risques d’effritement si elle ne fait pas l’effort de s’ouvrir à d’autres disciplines. La situation française est singulièrement différente : elle a connu une longue période, de la dépendance à l’histoire à la marginalisation du reste de la discipline géographique. Pour autant, le renouveau de la « Nouvelle Géographie » a participé à la prise en compte croissante de temporalités, parfois courtes, mais parfois longues. Dans ce dernier cas, la discipline

géohistorique s’appuie sur des fondements théoriques anciens qu’elle s’efforce de formaliser aujourd’hui, bien que la démarche reste encore timide dans l’Hexagone. En 1990, le colloque Géopoint consacré à Histoire, temps et espace montre à quel point la question était encore neuve. Quinze ans plus tard, Philippe Boulanger et Jean-René Trochet posent la question : Où en est la géographie historique ? Ce colloque montre la montée des préoccupations géohistoriques.

2.1.2. La construction de systèmes spatiaux dans la longue durée

La « géohistoire » ne semble pas avoir de traduction. Si le dictionnaire de Jacques Lévy et Michel Lussault propose les vocables Geohistory et Geohistorik, l’Historical Geography est le terme le plus souvent employé dans le monde anglo-saxon. Fernand Braudel est celui qui utilise cette notion pour la première fois dans La Méditerranée et le monde méditerranéen à l’époque de Philippe II (Braudel, 1949). Il divise alors le temps en trois parties (Figure 2. 1). Le « temps géographique » est celui qui a trait aux rapports de l’homme et du milieu, avec des fluctuations dotées d’une forte inertie. A chaque échelle temporelle est alors associée une échelle géographique, proportionnée. Plus tard, dans Civilisation matérielle, économie et capitalisme (Braudel, 1980), il s’intéresse davantage aux impacts spatiaux dans le temps social, celui de la dynamique des relations sociales. Il utilise alors des notions largement spatiales, et raisonne en termes de localisation relative. Ici, les échelles spatiales ne sont pas nécessairement proportionnelles aux échelles temporelles. C’est à notre sens dans l’articulation de ces temporalités qu’il fait émerger la géohistoire contemporaine, quand celle de 1949 était d’inspiration vidalienne. Christian Grataloup propose alors la définition suivante :

« étude géographique des processus historiques, la géohistoire consiste à mobiliser les outils du géographe pour composer une explication des évènements et des périodicités, partant de l’hypothèse que la localisation des phénomènes de société est une dimension fondamentale de leur logique même » (Lévy et Lussault, 2003).

Figure 2. 1. Echelles de temporalités

La singularité de cette approche réside déjà dans la prééminence géographique par rapport à l’histoire. Elle reconnaît aussi la pluralité des temporalités, et de fait, des échelles spatiales. L’originalité contemporaine réside quant à elle dans l’utilisation des outils et dans son impératif d’explication. Cette acception l’éloigne définitivement de la géographie historique classique (Table 2. 1). Elle s’est longtemps cantonnée à rendre compte de faits anciens quand la géohistoire identifie des processus, aux causalités multiples et diachroniques, sans pour autant que la période étudiée soit révolue. Ici, nous saisissons dans quelle mesure notre approche du lien réseau/territoire est constitutif d’un raisonnement géohistorique.

Table 2. 1. De la géographie historique à la géohistoire contemporaine … appliquée au lien réseau/territoire

Selon nous, la géohistoire amène à interroger la posture épistémologique du géographe quand il manipule les échelles à la fois spatiales et temporelles. Cette exigence paraît d’autant plus fondée que la géohistoire nous dote d’un espace de liberté, autorisant de nombreux découpages spatiaux et temporels. L’objectif ici est de cerner la démarche géohistorique en la dotant de concepts clairement définis et de méthodes directement issues de la science géographique.

Christian Grataloup propose de rapprocher le couple Espace/Temps du couple Nature/Culture, plus commun des géographes. Cette opposition est aussi classique chez les sociologues et les philosophes qui opposent « science de la nature » et « science de l’esprit » (Colliot-Thélène, 2004). Nous proposons ici de croiser les deux approches pour identifier la zone dans laquelle nous plaçons la démarche géohistorique. En combinant territoire, milieu et espace (Grataloup, 2015), nous identifions un domaine d’application de la géohistoire qui procède d’une double lecture :

 Ce que l’on regroupe dans la Nature explique la manière avec laquelle l’Homme s’accommode du milieu physique, par l’établissement de lois ;

 Ce que l’on regroupe dans la Culture relève de la « signification culturelle des phénomènes de la vie » (Weber, 1965), par l’identification d’« individualités historiques ».

Alors nous positionnons la démarche géohistorique à la charnière d’une lecture du milieu et de la territorialisation (Figure 2. 2. a.). Cette démarche procède d’une identification des éléments sociaux nécessaires à la compréhension d’un phénomène, sans toutefois devoir s’efforcer à adopter une démarche heuristique dans laquelle on devrait systématiquement séparer ce qui relève du milieu de ce qui relève de la dimension humaine de l’espace. Ainsi on voit comment cette démarche tend aujourd’hui à prendre en compte un « temps social » braudélien dans lequel l’étude des positions relatives permet de donner des clés quant à la structuration d’un système socio-spatial.

Selon nous, rendre compte d’un système socio-spatial, au sens géohistorique, permet de dépasser la séparation Espace/Temps. En revanche, les combiner peut relever d’une démarche verticale ou d’une démarche horizontale. C’est par cette clé de lecture que nous positionnons l’objet géohistorique au croisement de ces deux approches et de la traditionnelle opposition Nature/Culture. Cette dernière devient complémentaire par l’ouverture d’un prisme qui décrit le processus de construction de connaissances géohistoriques. Il se trouve au centre d’un triptyque associant la position, le voisinage et la trajectoire individuelle. L’introduction de la dimension temporelle participe à la transformation d’un simple espace en un lieu (Cresswell, 2013), par la quête d’une identité géohistorique (Figure 2. 2. b.). L’auteur parle ainsi du sens du lieu, « sense of place », qui ne prend pas ici la signification de la direction, mais plutôt celle de la perception.

Figure 2. 2. De la construction de la démarche géohistorique au processus de construction de connaissances géohistoriques

Lisons ici notre volonté de conserver la prééminence géographique dans le processus. Nous l’expliquons aussi par la charnière à laquelle notre discipline se trouve lorsqu’il s’agit de « comprendre » et d’« expliquer » (Colliot-Thélène, 2004). Dans sa définition, Christian Grataloup propose une solution large dans laquelle les outils résident principalement dans les modèles spatiaux et la modélisation graphique (Grataloup, 1994 ; Volvey et al., 2005). L’objectif est alors de rapprocher le duo compréhension/explication dans le processus de modélisation. Nous retenons pour l’instant une définition large, comme « énoncé théorique fondé sur la simulation schématique et formalisé, dans un langage donné, d’un objet de connaissance et d’une réalité » (Lévy et Lussault, 2003). La dernière section de ce chapitre réutilisera ces contours dans la définition de notre posture épistémologique.

L’analyse spatiale dote ainsi les démarches géohistoriques de nouvelles ressources. Dans les années 1980, la croissance des modèles géographiques et leurs succès amènent les géographes à les utiliser pour rendre compte de phénomènes situés dans le passé. Christian Grataloup est un précurseur dans notre discipline quand il analyse la mondialisation (Grataloup, 1996) : la chorématique lui sert à rendre compte d’une très longue durée, dans laquelle il identifie des types d’évolution répondant à des principes spatio-temporels. En édictant le « principe de Bagdad », il cherche à démontrer comment un lieu-carrefour procède de forces centrifuges et centripètes, tantôt productrices de nouveaux échanges, tantôt productrices de risques d’invasions. La très longue durée de la mondialisation montre aussi comment les découpages des continents participent aux interrogations actuelles de la mondialisation, comme la question de la place de la Turquie en Europe.

La démarche n’en reste pas moins timide en France. De même, les travaux mobilisant ces concepts ne se réclament pas nécessairement du champ géohistorique (Jacob-Rousseau, 2010). Et pourtant, certains travaux entrent en résonance naturelle avec le processus que nous avons mis en évidence dans la Figure 2. 2. Une attention particulière est portée aux systèmes de peuplement et à l’objet « ville », dans lesquels les géographes font intervenir les temporalités propres à chaque ville, leur position relative et leur place dans l’environnement. L’objectif de montrer le processus dynamique qui sous-tend la formation des villes et leurs évolutions passe par des modélisations d’auto-organisation ou de construction urbaine (Frankhauser, 1997 ; Pumain, Bretagnolle et Degorge-Lavagne, 1999 ; Pumain et Lepetit, 1993 ; Sanders et al., 1997). L’appartenance à ce courant n’en est pas moins implicite dans l’appréhension du temps long par les archéologues. L’archéologie spatiale apparaît dès le milieu des années 1970 en Angleterre. Leur rapprochement est progressif vers les autres sciences sociales, dont la géographie montre une convergence des concepts, où le temps long cherche à identifier des changements, des bifurcations, des récurrences (Favory, Nuninger et Sanders, 2012). On citera aussi le dynamisme de deux groupes de recherches, Modys – « Modélisation des dynamiques spatiales » – et TransMonDyn – « Modéliser les grandes transitions de l’évolution du peuplement dans l’Ancien et le Nouveau Monde ». Aussi, il faut souligner la prise en compte des temporalités à l’intérieur de très vastes projets de recherche : l’exemple du LabEx DynamiTe montre comment la longue durée et les enseignements de type géohistorique constituent une dimension d’axes portant sur les dynamiques environnementales et sociales des risques, la construction des espaces, les dynamiques patrimoniales et les liens entre changements environnementaux et sociétés dans le passé.

De cette identification des concepts dans la géohistoire, nous retenons particulièrement la capacité de la géohistoire à une « valorisation géoréférencée d’informations datées » (Jacob- Rousseau, 2010), alors que nous aurons à défendre dans les sections suivantes notre positionnement dans une géographie théorique et quantitative. Nous retiendrons aussi de notre inscription dans le champ géohistorique l’espace de liberté dans lequel nous avons à définir des échelles spatiales et temporelles, en fonction des objets de notre recherche. En France, les enseignements de la longue durée sur les risques, de même que les postures naturalistes, laissent une large place à la mobilisation d’archives, telles la presse, les comptes-rendus de débats. Mais notre lecture de la pratique géohistorique en France pose la question de la place des temporalités dans le champ de la géographie des transports ainsi que celle de la mobilisation et de la mise en place d’un instrument de recherche.

2.1.3. La longue durée, le parent pauvre de la géographie des transports ?

Le champ de la géographie des transports semble avoir largement suivi l’évolution des approches en géographie, depuis la géographie vidalienne jusqu’à la Nouvelle géographie et l’analyse spatiale (Pumain et Saint-Julien, 2010 ; Sanders, 2001). Si la temporalité a fait aussi immersion dans ce champ de la géographie, elle n’est pas forcément de celles que Braudel a fait émerger de ses écrits. Les débuts français de la géographie des transports sont à corréler avec les études régionales que nous avons mises en valeur dans le Chapitre 1, d’une forte tradition vidalienne, se rattachant ainsi à une géographie rétrospective de notre point de vue. La Géographie