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La mesure de l’accessibilité sur le long terme a fait l’objet de plusieurs investigations (Axhausen, 2008 ; Bruinsma et Rietveld, 1998 ; Gutiérrez, Condeço-Melhorado et Martín, 2010 ; Vandenbulcke, Steenberghen et Thomas, 2009). Pourtant, des auteurs mentionnent que l’usage du terme d’accessibilité n’est pas souvent suivi d’une définition et de mesures précises. Dans leur revue de littérature, Dena Kasraian et ses co-auteurs relèvent de nombreuses approches qui utilisent de simples distances métriques, souvent en ligne droite, alors que des mesures le long des réseaux restent encore rares dans les études empiriques de long terme (Kasraian et al., 2016) : le choix des infrastructures à étudier l’a souvent emporté sur le choix des indicateurs à adopter (Bruinsma et Rietveld, 1998). Après avoir défini des indicateurs d’accessibilité fonctionnelle, nous définissons des indicateurs d’accessibilité multipolaire, dans une perspective abductive et dans le cadre des critères de pertinence et de précision évoqués dans la première partie de la thèse, en mobilisant immédiatement l’instrument que nous venons de construire.

5.1.1. Des indicateurs fonctionnels …

A partir des quatre propriétés des indicateurs de l’accessibilité évoquées en introduction de cette seconde partie (Morris, Dumble et Wigan, 1979), nous développons ici notre réflexion dans la construction des indicateurs dans la base de données FRANcE, en mettant l’accent que les « éléments de séparation spatiale qui traduit les changements en termes de performance du système de transport » ainsi que sur l’interprétation et la traduction « en termes de politiques urbaine ou de transport ». De notre point de vue, l’approche par les temps de parcours participe une complexification de l’approche. Nous optons à ce stade pour une complexification progressive des indicateurs, afin d’évaluer plus tard l’apport de chaque indicateur dans la modélisation des relations avec la croissance démographique : notre approche combine alors une information vers et le long du réseau de transport, à partir du multigraphe F. Une comparaison des variabilités des indicateurs créés nous montre comment la complexification participe à une plus forte variabilité, et participe aussi à la visualisation de la diffusion du réseau et des impacts spatiaux : pour cela nous optons pour des visualisations à l’échelle nationale mais aussi régionale.

Pour commencer, on reprend l’indicateur le plus souvent utilisé dans la littérature empirique : l’accessibilité n’est souvent qu’une variable binaire, selon que l’unité d’observation possède une gare ou non (Atack et al., 2010 ; Hornung, 2012b). Elle est mesurée dans la Table 5. 1. a.. Une première mesure permet alors de simplement enrichir l’information vers le réseau, où le temps de parcours à pied entre 1860 et 1930 remplace la simple variable binaire (Table 5. 1. b.). Seul le graphe P est alors pris en compte, elle est définie par :

𝐴𝑐𝑐_𝑔𝑎𝑖𝑔𝑡 = min (𝐷𝑖𝑔𝑡) (12)

Table 5. 1. La complexification de l’indicateur d’accessibilité au réseau

Appliquée à la base de données FRANcE, la construction d’une variable binaire montre que sur le temps long, la dispersion de la distribution est croissante, alors que la diffusion du réseau montre une dispersion décroissante des temps de parcours à pied vers la gare la plus proche. Les grandes valeurs des coefficients de variation montrent une grande variabilité des valeurs autour de la moyenne, parce qu’il y existe des valeurs extrêmes. De plus, cette première complexification montre la prise en compte d’effets indirects de la croissance du réseau : même si une gare n’est pas ouverte dans une commune – décrit par un 0 dans la variable binaire – alors l’ouverture d’une gare à proximité de cette même commune peut avoir un impact dans la mesure où elle permet une amélioration de l’accessibilité au réseau ferroviaire. Ainsi, une représentation cartographique des temps de parcours vers la gare la plus proche entre 1860 et 1870 montre comment la diffusion du réseau a largement homogénéisé les conditions d’accès au réseau (Figure 5. 1). Si en 1860, de nombreuses contrées sont encore éloignées de plus de 24 heures de la gare la plus proche, seules quelques zones dans un relief de moyenne ou haute montagne sont encore concernées en 1930. Alors qu’il fallait en moyenne six heures, avec de grands écarts, pour rejoindre une gare en 1860, il ne faut qu’un peu plus d’une heure pour marcher jusqu’au train en 1930, avec des écarts qui se sont considérablement réduits durant notre période d’étude.

Seuls les reliefs des Pyrénées et du Massif Central montrent encore des valeurs extrêmes, qui combinent à la fois une densité moindre du réseau, et des difficultés physiques pour cheminer vers la gare, étant données les pentes importantes. Par ailleurs, la croissance de la densité du réseau a pour conséquence un effacement de l’effet linéaire pour rejoindre une gare, tant le semis des gares tend à se régulariser, caractérisant l’effet d’une pieuvre. Ce constat vient confirmer l’approche du multigraphe F, qui privilégie non pas la gare la plus proche, mais la gare la plus efficiente pour réduire le temps de parcours global, dans la mesure où faire quelques minutes de marche en plus peut avoir un effet fort sur le temps de parcours en train par la suite. Pour autant, nous ne pouvons pas limiter ces investigations à cette première complexification parce qu’aucune mesure le long du réseau ferroviaire n’a été encore prise en compte : pour l’instant, cet indicateur ne rend pas compte des propriétés qualitatives et quantitatives du réseau lui-même, indépendamment de sa structure et de sa géométrie.

Figure 5. 1. Temps de parcours vers la gare la plus proche en 1860 et en 1930

Une première complexification géohistorique consiste à modéliser des accessibilités unipolaires, définies comme la capacité d’une commune à rejoindre un centre fonctionnel, à partir de la structure administrative française. De manière hybride, à partir du multigraphe F, cette fois, cet indicateur est noté :

𝐴𝑐𝑐_𝑓𝑜𝑛𝑐𝑖𝑡 = min (𝐷𝑖𝑓𝑡) (13)

où i désigne la commune d’origine et f le centre fonctionnel considéré – capitale, préfecture régionale ou préfecture départementale – pour une période t. Il permet par exemple de modéliser le temps de parcours nécessaire à chaque habitant pour rejoindre la capitale Paris, alors même que l’histoire de la constitution du réseau a montré comment il est imaginé dès le départ comme un réseau en étoile partant de la capitale (Caron, 1997). On répète cette opération pour les capitales des anciennes régions administratives métropolitaines et les préfectures départementales. Le choix de ces variables rentre dans l’établissement des critères de précision et de pertinence, quand « dès avant 1870, on parle, dans l’histoire ferroviaire française, des chemins de fer régionaux » (Gonjo, 1972), et que les voies ferrées d’intérêt local devaient rejoindre chaque chef-lieu de canton, suivant les grandes orientations du Plan Freycinet de 1878. A ce stade, nous posons l’hypothèse que ces trois indicateurs, confrontés à la croissance de la population, sont une opportunité afin d’apporter de nouveaux indices quant au niveau d’échelle à partir duquel nous pouvons approfondir notre raisonnement géohistorique : si l’accès à la capitale, dans un Etat centralisé est une variable qui joue sur la croissance des populations, est-ce que la capacité d’une commune à rejoindre un centre de décision à une méso- ou à une micro-échelle a plus d’impact et de pouvoir explicatif dans la trajectoire démographique des communes françaises ? Ici, un simple aperçu de ces trois indicateurs pour l’année 1900 montre comment les disparités spatiales diffèrent ou se rapprochent d’un centre fonctionnel à l’autre (Figure 5. 2).

Figure 5. 2. Accessibilité fonctionnelle en 1900

Ainsi, l’accessibilité à Paris montre, de manière naturelle, une disparité entre Nord et Sud, suivant un processus concentrique. L’éloignement par la distance kilométrique est un facteur important, même si des disparités plus fortes se font sentir au sud d’une ligne entre Bordeaux et Lyon. Dans ce cas, le prolongement des lignes principales vers Bordeaux et Toulouse d’une part, vers Marseille et Grenoble d’autre part montre une meilleure accessibilité à la capitale tandis que le Massif Central a un rôle de barrière vers le Languedoc-Roussillon, qui n’est pas atténué par la vitesse sur l’arc ouest méditerranéen.

A l’échelle régionale, les disparités ne sont plus les mêmes, elles mettent en exergue des territoires en marge des centralités régionales en 1900. Si la densité du réseau ferroviaire semble influencer les résultats, alors l’effet des vitesses se fait ici davantage sentir : pour des densités qui sont proches, des différentiels d’accessibilité ressortent toutefois, et nous posons ici l’hypothèse que les vitesses de déplacement influent directement sur ces résultats. Ainsi, autour de Rennes, la rupture est prononcée et rapide à mesure que l’on se déplace vers l’ouest alors qu’une ligne rapide entre Rennes et Le Mans participe à un phénomène plus diffus et à une meilleure accessibilité à la capitale bretonne depuis l’est de la région. On peut faire la même remarque quant à l’axe entre Bordeaux et l’Espagne qui renforce l’accessibilité régionale du Pays Basque. En revanche, le Morvan semble largement pénalisé, par un relief modéré d’une part, et par l’absence de lignes transversales d’autre part, alors même que cette structure ne ressortait pas dans l’accessibilité à la capitale.

Enfin, à l’échelle départementale, l’accessibilité à la préfecture décrit des différentiels très locaux en 1900, dans lesquels l’impact du relief semble jouer un rôle majeur dans le Massif Central, les Alpes et les Pyrénées. De même, en dépit d’une homogénéisation progressive du réseau ferroviaire, encore en 1900, de fortes disparités demeurent dans le centre de la France. Un examen approfondi sur la hiérarchie du réseau doit nous permettre encore davantage de mettre en exergue ces inégalités dans la dotation en réseau.

familiarité que le lecteur a avec le territoire français. La disparité entre Nord et Sud ressort très fortement pour l’accessibilité à Paris, où la dimension stellaire du réseau se poursuit jusqu’en bas de la Vallée du Rhône et vers Bordeaux, ne montrant pas un rôle déterminant des liaisons transversales. Elles ressortent en revanche dans les accessibilités vers les préfectures régionales et départementales. Si la structure du réseau semble déterminante dans la construction de tels indicateurs, alors nous verrons comment la prise en compte des vitesses revêt un enjeu important dans une perspective cette fois-ci diachronique. Pour autant, cette démarche procède du choix arbitraire de villes centres, prises pour référence dans la construction unipolaire. Dans la démarche abductive que nous avons définie, nous postulons aussi que la construction d’indicateurs d’accessibilité, indépendamment de la sélection de centres définie a priori, peut participer à la complexification de variables décrivant la dotation en réseau des 36 000 communes françaises.

5.1.2. … aux indicateurs multipolaires

La construction d’indicateurs d’accessibilité multipolaire permet de poser une question plus globale qu’avec les indicateurs d’accessibilité fonctionnelle : globalement, comment une commune profite-t-elle du réseau de transport et de ses performances intrinsèques ? Ainsi, ce type d’indicateurs semble être le plus à même de décrire une interdépendance vertueuse entre la croissance des revenus – examinée à travers la croissance démographique dans notre cas –, la croissance d’économies d’échelles et l’agrandissement des marchés par la baisse généralisée des coûts de transport (Axhausen, 2008). Ce cercle vertueux est celui décrit par la Nouvelle Economie Geographique (Krugman, 1991). Alors, la construction de ces indicateurs propose un raffinement de l’approche pour diversifier les mesures, dans une perspective de long terme.

Indépendamment de la position géographique des villes et sur le réseau, ces indicateurs ont pour vocation à mesurer la performance des cheminements sur le réseau. Dans l’esprit d’une situation contrefactuelle24 souvent décrite dans les expériences en économie historique (Diebolt, 2001), alors nous misons aussi sur la confrontation des indices faisant appel soit à une vitesse homogène, soit à la vitesse hétérogène effectivement constatée dans la base de données FRANcE. Ces indicateurs entrent alors dans la famille de ceux des potentiels d’accessibilité (Geurs et Ritsema von Eck, 2001), dont les efforts en termes d’intelligibilité sont à démontrer ici.

L’indicateur multipolaire caractérise le temps de parcours nécessaire pour voyager d’une ville à toutes les autres. A partir de la théorie des graphes, la mesure de l’excentricité traduit la distance maximum nécessaire pour rejoindre tous les sommets. Pour autant, nous adoptons ici des mesures basées sur des valeurs moyennes plutôt que sur des valeurs maximum, en complément de nos propos sur l’usage de vitesses moyennes plutôt que les records de vitesse. Construites à partir du multigraphe F, elles ne doivent pas être confondues avec les mesures de centralité évoquées dans le Chapitre 4 à partir de la théorie des graphes : une ville peut être alors très accessible parce qu’elle est à proximité d’un nœud central du graphe, sans que cette même ville soit centrale. Par ailleurs,

la prise en compte de valeurs moyennes nous permet de pondérer les indicateurs obtenus à partir d’autres informations géohistoriques.

Nous définissons ici un indicateur multipolaire, défini comme le temps de parcours moyen pour chaque commune i du multigraphe F vers toutes les autres communes j, pour chaque décennie t : 𝑀𝑈𝐿𝑇𝐼𝑖𝑡 = 1 𝑁𝑗− 1∑ ∆𝐹(𝑖, 𝑗) 𝑁 (14)

Dans cette équation et celles qui suivent, l’indicateur  caractérise le plus court chemin entre i et j, selon que l’on prenne en compte le graphe F ou le graphe P. N caractérise le nombre de liens dans le graphe. Si la formule mathématique propose un exposant sur la distance entre u et v, alors la majorité des études d’accessibilité lui donne une valeur de 1 (Gutiérrez, Condeço- Melhorado et Martín, 2010), c’est donc la valeur que nous retenons aussi ici. On construit en parallèle un indicateur d’accessibilité multipolaire, à partir des données de population contenues dans la base de données FRANcE :

𝑀𝑈𝐿𝑇𝐼𝑃𝑂𝑁𝐷𝑖𝑡 =

1

∑ 𝑃𝑂𝑃𝑁 𝑗𝑡∑ 𝑃𝑂𝑃𝑁 𝑗𝑡. ∆𝐹(𝑖, 𝑗)

(15)

La Figure 5. 3 montre l’évolution de l’accessibilité multipolaire entre 1860 et 1920. En 1860, le temps de parcours moyen est largement impacté par la structure et la géométrie du réseau ferroviaire, démontrant ainsi le rôle centralisateur de l’Etoile de Legrand. Au contraire des mesures de centralité et des mesures d’accessibilité fonctionnelle, les effets de bord ne ressortent pas ici, à moins que la structure du réseau n’y joue un rôle, comme c’est le cas en Bretagne en 1860, mais aussi dans les reliefs alpins et pyrénéens. La poche dessinée par le Massif Central ressort tout autant. Vingt ans plus tard, alors que la valeur moyenne chute, une dichotomie entre Nord et Sud semble se dégager, à la manière dont elle ressortait déjà pour l’accessibilité fonctionnelle Pourtant, la structure stellaire ne semble jouer un rôle que dans la moitié nord du pays. En 1900, alors que la « fièvre ferroviaire » s’est opérée dans le pays, sous l’impulsion de l’Etat d’une part, des initiatives privées d’autre part, le maillage plus complexe du réseau joue davantage que la dimension stellaire autour de Paris. Confrontées pourtant aux différentiels dans la densité des réseaux (cf. Figure 3. 13, p. 125), les régions du centre de la France sont bien situées dans la structure du réseau. On note aussi la persistance de la barrière du Massif Central. Ainsi, en 1920, l’apogée du réseau ferroviaire montre une homogénéisation dans les temps de parcours moyen, alors qu’il faut encore compter près de 24 heures pour rejoindre les zones les plus enclavées du Massif Central.

Figure 5. 3. Accessibilité multipolaire en 1860, 1880, 1900 et 1920

Quand on confronte la distribution des deux indicateurs moyens et pondérés (Figure 5. 4), la première remarque réside dans la diminution croissante des temps de parcours moyens entre 1860 et 1930. Si en 1860, le temps de parcours moyen est de 28 heures, alors il chute en-dessous des 24 heures dès la décennie suivante, pour atteindre un peu plus de 11 heures en 1930. La tendance est bien entendu conservée quand on se penche sur l’indicateur pondéré par la population. Pourtant, le temps de parcours moyen augmente quand il est pondéré en 1860, en raison de la faible diffusion du réseau sur le territoire français. Par la suite, les deux moyennes sont quasiment identiques, venant démontrer la propriété universaliste du réseau ferroviaire.

Figure 5. 4. Dispersion des temps de parcours moyens et pondérés

Pour autant, cette propriété doit être remise en cause quand on analyse cette fois la dispersion des deux indicateurs, perceptible à travers des écarts interquartiles plus forts pour le second indicateur. Alors sur le temps long, l’indicateur pondéré par la population offre une plus grande variabilité : en dépit d’une extension du réseau qui participe au rattrapage en termes de performances d’accessibilité moyenne, l’indicateur pondéré montre des écarts plus grands entre les communes. Si la dispersion absolue décrit les performances et la diffusion du réseau, le maintien d’une dispersion relative, plus marquée quand on prend l’indicateur pondéré, montre de son côté une forte hétérogénéité, que nous estimons pouvoir imputer aux différentiels de vitesse sur le réseau.

Afin d’étudier plus en profondeur l’impact des vitesses dans le processus de diminution des temps de parcours moyen d’une part, et dans le processus de variabilité d’autre part, nous proposons ici la construction d’indicateurs qui combinent alors deux effets : la comparaison d’une situation avec le train et d’une situation sans le train, ainsi que l’effet des différentiels de vitesse le long du réseau ferroviaire. Pour chaque paire de communes u et v, il s’agit de calculer le temps de parcours sur le graphe P et sur le multigraphe F pour obtenir le ratio entre ces deux situations. De la même manière que précédemment, on peut obtenir un indicateur pondéré par la population :

𝑅𝐴𝑇𝐼𝑂𝑖𝑡 = 1 𝑁𝑗− 1∑ ∆𝐹(𝑖, 𝑗) ∆𝑃(𝑖, 𝑗) 𝑁 (16) 𝑅𝐴𝑇𝐼𝑂𝑃𝑂𝑁𝐷𝑖𝑡 = 1 ∑ 𝑃𝑂𝑃𝑁 𝑗𝑡∑ 𝑃𝑂𝑃𝑗𝑡. ∆𝐹(𝑖, 𝑗) ∆𝑃(𝑖, 𝑗) 𝑁 (17)

A ce stade, nous estimons que ce type de confrontation peut être une démarche transposable dans le cadre de l’étude d’autres réseaux historiques, voire dans l’étude des concurrences entre modes de transport dans nos réseaux de transport contemporains, avec l’arrivée de la grande vitesse ferroviaire notamment. Dans la Figure 5. 5, on mesure l’effet de la concurrence entre le cheminement à partir d’une vitesse homogène, et le cheminement possible avec le chemin de fer à différentes dates de notre période d’étude. L’intensité de la concurrence entre les deux modes traduit les obstacles topographiques d’une part et l’effet de la vitesse ferroviaire d’autre part. Cet indicateur permet alors d’explorer dans quelles mesures le chemin de fer participe au désenclavement de certaines contrées du territoire français, à mesure que le réseau s’étend sur le territoire français. La représentation de la distribution des valeurs se fait ici par quartile. Dans la mesure où la marche à pied est largement contrainte par le relief, une approche intuitive mène à penser que les régions les plus accidentées bénéficient d’abord de la vitesse sur le chemin de fer, mais la construction des voies est elle-même contrainte par le relief. Alors, en 1860, on retrouve une distribution des valeurs entre Nord et Sud de la France, faisant toutefois apparaître des divergences dans chaque moitié. Au Nord, on lit une structure en axe au départ de Paris, vers Lille, Caen, Le Mans, Dijon. Ailleurs, on identifie des poches dans le Nord-Est du pays, de même qu’une organisation concentrique autour de Tours, ainsi que Clermont-Ferrand. Au sud de la France, la vallée du Rhône ressort alors très fortement, de même qu’un axe se poursuivant depuis Tours jusqu’à Bordeaux. Le rôle transversal de l’axe Atlantique/Méditerranée n’a dans cet indicateur que peu d’impact.

Au cours du temps, une logique concentrique semble se supplanter à une logique radiale : la vallée du Rhône semble dessiner un ensemble distinct, sur un axe Mâcon-Avignon, s’étendant à l’est jusqu’à Grenoble. Au nord de la France, un ensemble semble moins répondre à une logique