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Géographie des propriétaires-résidents à Marseille

Les résidents des ensembles résidentiels fermés : riches et propriétaires ? oui, mais pas seulement

Carte 3-5 Géographie des propriétaires-résidents à Marseille

Néanmoins, au sein de certaines résidences fermées, la proportion de locataires peut être importante : en loyers libres, dans certaines grandes copropriétés des quartiers sud130 et le long de l’axe du bd

Michelet, où elles jouxtent des lotissements aisés, dans les grands ensembles HLM résidentialisés ex post. Certaines résidences fermées récemment construites par des investisseurs bénéficiant d’opportunités fiscales, ont une vocation locative affirmée, en loyers libres ou sociaux, sur tout ou partie de la résidence. D’autres, situées dans des périmètres de politiques de la ville, ont été partiellement rachetées par des bailleurs sociaux, comme ICF, filiale logement de la SNCF. Enfin, parmi les plus récentes, certaines contiennent un quota de 20% de logements sociaux dès la construction notamment dans certaines ZAC (la Joliette, La Jarre) (partie 2).

Il serait intéressant d’approfondir la réflexion car la décision de fermeture et le respect de ses modalités sont contraints par le statut d’occupation des résidents, et plus facile lorsque ceux-ci sont

126 copropriétaires. En outre, dans le parc social, les habitants d’ensembles locatifs, notamment HLM, sont tributaires de la décision de leurs offices, tandis que les résidents de copropriétés ont une liberté théorique de manœuvre et de choix.

En l’absence de subvention publique, la décision d’enclore un ensemble résidentiel à dominante locative est en effet subordonnée à la capacité des résidents, estimée par le bailleur, à assumer le coût de l’installation et ses charges récurrentes. Si bien que dans des contextes géographiques équivalents du point de vue de l’incitation contextuelle à la fermeture (par exemple, le terminus d’une ligne de métro et une forte compétition pour les places de stationnement entre usagers et résidents), la décision de fermer semble liée à la fois au statut d’occupation et au niveau de revenus. La différence est très nette si l’on compare le taux assez faible de fermetures au terminus du métro La Rose (zone d’habitat social majoritaire) avec la diffusion des enclosures au terminus du métro Sainte Marguerite (zone de copropriétés de classes moyennes-supérieures). Nous y reviendrons plus loin.

A ce stade on peut retenir que si les espaces résidentiels majoritairement concernés par la fermeture résidentielle sont ceux des revenus supérieurs à la médiane où les ménages propriétaires résidents sont majoritaires, le contenu socio-économique de l’enclosure est variable selon les contextes territoriaux. La fermeture tend à s’imposer comme norme d’aménagement dans une gamme variée de contextes. Le poids des facteurs politiques étudiés en partie 2 ou des déterminants socio-économiques que nous venons d’explorer est également infléchi par des trajectoires citadines que nous nous proposons d’examiner.

I.3. Diversité des profils des résidents des nouveaux ERF de classes

moyennes

Nous nous sommes spécifiquement intéressés à l’offre récente de résidences fermées de gamme moyenne ou basse qui émerge dans les quartiers périphériques. L’observation des profils des résidents, avec une entrée qualitative, permet de mettre en évidence la relative hétérogénéité interne de ces ensembles résidentiels fermés, du point de vue social. Si les trajectoires résidentielles des nouveaux résidents des ERF récemment construits permettent d’identifier un profil dominant d’accédants à la propriété de classe moyennes, on y observe des situations socio-économiques très variables, des espaces où locataires et propriétaires cohabitent, et des contextes peu attendus de tensions liées à cette hétérogénéité sociale interne d’ensembles résidentiels enclos.

I.3.1. Mobilités résidentielles et accession à la propriété en ERF

L’observation de quelques nouveaux ERF de prix moyen à bon marché construits depuis moins de dix ans à Marseille (certains en lien avec les politiques urbaines) nous renseigne sur les dynamiques sociales à l’œuvre dans ce nouveau parc de logement dont l’implantation est encouragée par la municipalité. Comme nous l’avons souligné dans l’analyse des convergences entre politiques urbaines et production immobilière de lotissements fermés (cf. partie 2, III), ce nouveau parc de logements en résidences fermées est supposé permettre de développer l’accès à la propriété des classes moyennes dans des quartiers à revaloriser ; le but affiché, répété, objet d’une forte communication publique, étant d’attirer des populations solvables dans des « logements de qualité ».

Nous nous sommes ainsi interrogés sur les profils des nouveaux occupants de 6 ensembles résidentiels fermés récemment construits dans des secteurs à dominante populaires (14ème, 15ème au sein d’un périmètre ANRU), et dans des secteurs socialement hétérogènes (sud du 9ème arrondissement dans la ZAC de la Jarre et 13ème arrondissement, sur une ancienne parcelle communale - la Ribassière, opération présentée en partie 2), en cherchant à situer, à l’aide d’entretiens, l’installation en ensemble fermé dans les trajectoires résidentielles. Outre des observations de terrain dans des zones variées, un zoom qualitatif dans trois secteurs différenciés a donc permis de traiter cette dimension, à l’aide de 63 enquêtes et de nombreux entretiens menés en 2009 avec des résidents de nouveaux ensembles construits depuis moins de dix ans.

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Bella Vista

et Villas d’Azur (15ème)

Domaine de la Ribassière (13ème)

Zac de la Jarre (9ème)

Nombre de logements 80 (maisons) 138 (87 maisons - 6 immeubles) 133 (5 immeubles collectifs)

Superficie des logements De 75 à 95 m2 De 50 à 250 m2 De 40 à 110 m2

Nombre de questionnaires 14 24 25 % de ménages ayant été enquêtés 17% 17% 19% Nombre d’entretiens approfondis 5 7 7

Organisation de l’espace 2 petites résidences

fermées (non jointes,

gestion séparée)

4 résidences fermées sur

un domaine commun

(Ribassières I, II, III, IV)

4 résidences fermées (La Jarre, Villa del Sol, Jardin des Asturies, Parc de la Jarre)

Date de livraison des logements

2001 2005 2008

Promoteur Bouygues Nexity - Georges V Georges V, sauf pour la

résidence la Jarre

(immeuble en locatif

social) : Bouygues Espaces communs au

sein des résidences

Chaque résidence a un petit jardin / espace vert

Accès piéton commun au domaine. Accès voitures communs aux Ribassières I, III, IV, un bois classé et un jardin commun aux 4 résidences

Un parc commun aux 4

résidences géré en

association syndicale

libre (ASL)

Tableau 3-5 : Organisation de l’enquête 2009 et présentation synthétique des résidences fermées récentes des 15ème, 13ème, 9ème

La fermeture de la résidence n’est apparue ici que comme une motivation très secondaire pour les résidents, sans incidence sur leur choix résidentiel pour les 2/3 d’entre eux (41/63 personnes interrogées). Souvent présentée comme un « donné » du produit immobilier, correspondant aux nouveaux standards commerciaux, la fermeture est valorisée principalement pour la sécurité et la tranquillité qu’elle apporte, d’abord par rapport aux enfants, puis aux foyers (les motivations données par les résidents sont analysées plus en détail ci-dessous dans le chapitre III).

Le profil dominant des nouveaux résidents enquêtés est celui de couples avec de jeunes enfants (35/63, soit 55%), inscrits dans une logique d’accession à la propriété familiale. Ce profil est assez conforme au cœur de cible de la promotion des nouveaux ERF, à savoir familles de parents actifs (deux revenus/ménage), enfants jeunes, CSP moyennes à supérieures. Sur les 104 adultes de l’échantillon, 32% exercent des professions intermédiaires, 23% sont employés, près de 12% sont cadres, les ouvriers sont quasiment absents et l’on constate très peu d’inactifs, ce qui confirme des profils socioprofessionnels relativement qualifiés.

La grande majorité des nouveaux résidents enquêtés (48/63, soit plus des ¾) sont propriétaires, primo- accédants (28/63) ou non, et l’installation dans l’ERF s’inscrit généralement dans une logique de « parcours résidentiel promotionnel », conformément aux modèles de trajectoires résidentielles étudiés dans les travaux de Catherine Bonvalet (Bonvalet, Lévy, 2005), même si ici près de la moitié des personnes interrogées (31/63) était déjà propriétaire de son logement antérieur (et 28/63 locataires). L’acquisition d’un terrain, dans un contexte où le prix du foncier a énormément augmenté à Marseille dans les années 2000, et l’accès à la propriété individuelle, sont deux des motivations principales évoquées par les résidents. Cet accès à la propriété est souvent le résultat de compromis entre la

128 réputation du quartier, sa localisation, et le prix du foncier. En effet, certaines zones de Marseille sont difficilement accessibles du fait des prix très élevés des logements.

Dans l’échantillon étudié, on observe une gradation depuis les ensembles résidentiels bon marché du 15ème jusqu’aux prix relativement élevés dans le 9ème131, en passant par une plus grande hétérogénéité dans le 13ème, liée ici à l’histoire complexe du lotissement du secteur (cf. partie 2 I.3.3).

ARDT Nom de la résidence Type de logement Année d’achat Prix d’achat déclaré en € Superficie du logement en m2 Prix au m2 du logeme nt

13ème Villas la Ribassière

I

Maison 2008 600.000 200 3.000

13ème Villas la Ribassière

I

Maison 2002 300.000 150 2.000

13ème La Ribassière II Appartement 2005 200.000 92 2.200

9ème Villa del Sol Appartement 2008 367.000 90 (+ 120 m2

terrasse)

4.100

9ème Villa del Sol Appartement 2008 180.000 50 3.600

9ème Le jardin des

Asturies

Appartement 2008 300.000 80 (+ terrasse) 3.750

15ème Bella Vista Maison 2001 150.000 90 1.600

15ème Bella Vista Maison 2001 100.000 90 1.100

15ème Villas d’Azur Maison 2001 100.000 70 1.400

Tableau 3-6 : Exemples de prix de logements en ERF selon les enquêtes 2009, dans trois secteurs de Marseille

Au-delà de la logique de « parcours résidentiel promotionnel », les trajectoires des personnes interrogées mettent en évidence des profils différenciés selon les secteurs étudiés. Les cartes qui suivent (cartes 3-7) synthétisent les données relevant de la mobilité résidentielle, en indiquant les lieux de résidence antérieurs des ménages interrogés.

Rappelons que les politiques de la ville, analysées en partie 2, souhaitent à la fois fixer la population marseillaise sur le sol communal, faire revenir à Marseille ceux qui se sont installés dans les communes périurbaines, et attirer une population exogène de classes moyennes supérieures. Or les ménages des ERF enquêtés sont en grande majorité des Marseillais, et non des néo-arrivants. En effet, les ¾ des ménages (47/63) vivaient déjà à Marseille avant de s’installer dans leur logement actuel. Un certain nombre (9/63) habitait dans un rayon de 20 km (aire urbaine marseillaise : Aix, Marignane, Martigues, Plan de Cuque…) et seuls 7/63 viennent d’autres régions françaises. Les résidents des ERF du 15ème (La Viste) viennent majoritairement des zones nord environnantes, notamment du 15ème arrondissement même.

L’aire de recrutement du domaine de la Ribassière (quartier des Olives) est plus large : ses résidents ne sont en général pas originaires du 13ème, mais des zones est et centrales et des aires urbaines voisines. L’installation de néo-Marseillais est plus importante vers le 9ème, dans les ERF étudiés de la ZAC de la Jarre.

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Bien que les résidences enquêtées, qui appartiennent à la ZAC de la Jarre soient situées dans un environnement social difficile et, pour cette raison, correspondent aux tranches de prix les plus faibles observées dans le 9eme arrondissement.

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