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Ampleur et répartition du phénomène à Marseille : un mode d’habiter qui se généralise ?

Carte 1-11: Formes d’agrégats de résidences fermées

Les 4 exemples ci-dessus ont été choisis parce qu’ils illustrent la diversité des formes remarquables de regroupements d’ERF. Dans les parties suivantes, ces secteurs feront l’objet d’analyses plus approfondies.

- zoom n°1 : dans un espace socialement privilégié, un secteur de forte prégnance du phénomène constitué de vastes ERF formant des ensembles continus (sur la colline Périer, l’agrégat de 12 vastes ERF rend le secteur presque impénétrable). Immédiatement au sud de cet ensemble, dont il est séparé

51 par le boulevard du Prado, le quartier St Giniez évolue aussi vers une fermeture généralisée (dans la partie 3 (chap.III.2.1) nous verrons la dynamique parfois conflictuelle de cette évolution).

- Certaines parties plus hétérogènes du sud du 8ème (ci-dessous zoom n°2 sur le secteur Bonneveine- Pointe Rouge) et du 9ème se transforment en mosaïques composites associant des résidences de tailles variées voisines, étanches les unes par rapport aux autres. Elles dessinent des paysages urbains particulièrement cloisonnés où peuvent se poser des problèmes pour maintenir ou créer des circulations « douces » (piétons, vélo). Ici, les enjeux du stationnement près des plages et la protection d’espaces résidentiels qui se veulent exclusifs près d’espaces publics de fréquentation populaire sont renforcés par des créations d’ERF récents qui jouent le rôle de noyaux de fixation. La dynamique de fermeture ex post gagne les résidences pré-existantes.

Encore plus au sud-est de ce secteur (aux confins des 8ème et 9eme arrondissements), on observe d’autres configurations avec des mosaïques de grandes résidences d’habitat collectif jointives, dont les parties communes et parkings, qui autrefois communiquaient sont aujourd’hui cloisonnées.

- Dans le Nord ouest de la ville, le nouveau quartier de la ZAC de Château-Gombert (zoom 3) comporte plusieurs grappes compactes d’ERF qui sont des créations récentes (années 2000), puisque cette partie de la ville était encore il y dix ans une zone maraîchère. La « grappe » d’ERF de la Croix Rouge, zone résidentielle aménagée dans le cadre de la ZAC (Cf. partie 2, III.4.1) est compacte, formée de résidences collectives aux superficies unitaires réduites. Non loin de là, suivant la même tendance, la mosaïque du quartier des Olives, est composée de lotissements pavillonnaires récents beaucoup plus étendus, en pleine dynamique d’expansion. Dans ce secteur, où nous avons réalisé des enquêtes (partie 3), la voiture s’impose comme moyen de déplacement de proximité du fait des contournements imposés par les clôtures. La genèse de ces lotissements sera analysée en partie 2. - Dans le sud-est (9eme arrondissement, zoom 4), la mosaïque d’ERF est très dense, les agrégats sont coalescents. Il s’agit pour l’essentiel de fermetures ex post de lotissements pavillonnaires des années 30 et de grands ensembles de copropriétés des années 60-70. La résidence fermée constitue ici, on l’a vu plus haut (II.1.3) le principal mode résidentiel.

Un dernier exemple montre plusieurs niveaux de dispersions/agrégation qui traduisent des évolutions en cours : -Dans l’Est de la commune (St Loup, St Tronc,) près de noyaux villageois ancien et prisés pour leur authenticité et à la limite des espaces non urbanisés des collines, dans la partie aisée du 10ème arrondissement, ce sont des dynamiques spontanées avec propagation de proche en proche qui prédominent. Elles mêlent opérations immobilières récentes et fermeture ex post de résidences des années 70. Vers l’ouest du secteur, on observe des ERF, de taille petite ou moyenne, qui sont encore dispersés tandis que, vers l’est, de grands agrégats ont fini par se former. Ce type de configuration se retrouve dans 11eme, 12eme, où ponctuellement se forment aussi des grappes de résidences petites et moyennes.

- En comparaison, la présence d’ERF dans le centre et les quartiers nord (Ste Marthe) est encore marquée par la dispersion.

L’analyse spatiale fine et systématique des regroupements, esquissée ici à travers ces quelques exemples, pourrait ouvrir la voie à une modélisation prévisionnelle de la fermeture résidentielle à Marseille. Pour la mener à bien, il faudrait également prendre en compte l’influence de paramètres connexes, notamment fonciers (statut des espaces, statut des voies) et réglementaires qui seront explorés dans la partie 235.

52 Les facteurs associés à la formation de ces agrégats, ainsi que leurs impacts locaux seront examinés plus en détail dans les parties 2 et 3. L’analyse rapide des exemples présentés ci-dessus suggère d’emblée que la formation de mosaïques de résidences fermées peut s’expliquer par plusieurs types de combinaisons territoriales de facteurs économiques et sociaux : entre-soi privilégié (par exemple sur la colline Périer), volonté de contrôle des places de parking près de grands équipements drainant un large public (près des plages ou du stade vélodrome), dynamique d’opérations urbaines et immobilières liées à la requalification de certains quartiers… Ces « grappes » de résidences fermées peuvent également être associées à des opérations immobilières groupées suivant l’ouverture de zones urbanisables, ou le long de nouvelles voies qui génèrent des opportunités immobilières, comme l’axe du nouveau tramway… . Mais par delà ces facteurs, il sera important d’observer l’existence d’effets de contextes et d’héritages urbains que l’enquête de terrain suggère empiriquement et qui ne peuvent être décelés que par l’analyse fine des territoires : histoire du foncier et de l’urbanisation, contraintes « naturelles » ou structurelles, projets urbains de type ZAC (par exemple autour de la technopole de Château-Gombert, dans le 13ème arrondissement).

Sur le terrain, les groupes de résidences ou de rues fermées jointives posent des questions de perméabilité des espaces urbanisés. L’exemple suivant montre certains secteurs de lotissements pavillonnaires des années trente du 9ème arrondissement, aujourd’hui situés en cœur d’agglomération, à proximité du stade vélodrome, où la plupart des voies (privées) sont fermées à la circulation et imposent des contournements aux automobiles et même, de plus en plus, aux piétons (la genèse de la fermeture de ce secteur est analysée en partie 2).

Photographie 1-23 Groupe de résidences jointives et de “rues privées barrées” à l'est du bd Michelet (9ème arrondissement, près du stade vélodrome)

II.4.3. Typologie des formes de fermeture

En prenant en compte la date de création des ensembles, leur date de fermeture, leur dimension en surface et en nombre de logements, le mode et le statut d’habitat dominant, le statut de la voirie et l’intensité de leur fermeture on aboutit à la typologie (empirique et descriptive) suivante. La genèse foncière et politique de certains de ces types est abordée dans la partie 2, leurs contextes sociaux sont décrits dans la partie 3.

53 ERF de construction ancienne (fermés ex post) :

- vastes ensembles résidentiels prestigieux, sélectifs, très étanches, proches du paradigme de la gated

community situés à proximité de la « Corniche » (construction années 50-70). On pourrait les

considérer, chronologiquement, comme les « pionniers » de l’enclosure résidentielle à Marseille. Mais, comme nous le verrons dans les parties 2 et 3, leur modèle socio-spatial, bien spécifique, n’est pas à l’origine de la diffusion de la fermeture dans toute la ville. Il l’est certainement dans une partie très aisée du 8ème arrondissement (Périer, Saint Giniez) où la tendance se renforce (le contexte social particulier de ce secteur est décrit dans la partie 3, chap.II).

- vastes copropriétés collectives de classes moyennes à moyennes-supérieures des années 60, conçues initialement très ouvertes et équipées de services collectifs, fermées récemment, entourées de parcs, de parkings, et incluant des équipements commerciaux et parfois des services publics. Elles constituent la principale masse des logements situés en résidence fermée, et sont concentrées dans le 9ème arrondissement. Elles y forment une mosaïque, et posent la question du passage d’un modèle d’espaces résidentiels ouverts et connectés aux espaces publics à un modèle de zones résidentielles cloisonnées les une par rapport aux autres.

- grands ensembles de logements sociaux ou copropriétés dégradées des années 60 « résidentialisés » par la politique de la ville au début des années 2000. Sur 149 ensembles HLM de 100 logements et plus, 18 sont aujourd’hui enclos, ils sont dispersés dans les quartiers nord.

- les rues barrées appartiennent généralement à de petits ou moyens lotissements des années 30 à 50 dont la voirie (privée) initialement bien connectée au réseau public, a progressivement été fermée par les associations de copropriétaires, y compris en partie péri-centrale dense de la commune. Ces évolutions sont liées à la genèse de certains quartiers, produits, historiquement, par des lotisseurs privés (chapitre 2). Nous examinerons l’impact de ces fermetures sur la circulation et sur les orientations de la planification urbaine (partie 2). Elles sont plus ou moins bien acceptées par les riverains, et suscitent le débat. Dans quelques (rares) cas, on observe le barrage de petites voies

publiques, souvent dans des contextes de fort « malaise résidentiel », au contact entre des lotissements

pavillonnaires et certaines cités très défavorisées (voir partie 3, chap.II.2.2).

Les nouveaux programmes immobiliers fermés sont très hétérogènes :

- petits lotissements récents conçus dès le départ comme des ensembles fermés : ils apparaissent à la fin des années 1990 et se multiplient surtout depuis 2000 à la faveur du regain d’attractivité de la commune et de la hausse des prix immobiliers à Marseille (partie 2). On les rencontre principalement en périphérie, dans des zones récemment ouvertes à l’urbanisation par des remaniements du POS ou l’ouverture de ZAC (au nord : Château-Gombert, hauts de sainte Marthe, à l’est, la Valentine).

- certains de ces nouveaux ensembles collectifs ou mixtes sont construits avec un véritable souci de mise en scène de la fermeture et une volonté de qualité et d’homogénéité des aménagements paysagers, répliques d’un modèle méditerranéen international (« néo-provençal », « néo-toscan », …ou jouant sur l’identité visuelle de la bastide marseillaise) tels que les opérateurs immobiliers peuvent en disséminer aux quatre coins de la planète. La sécurisation est ici ostentatoire. Ces copropriétés fermées imposent des contraintes fortes en matière d’usage des espaces particuliers et communs (par exemple dans le choix des espèces ornementales des jardins privatifs, dans l’accès des enfants aux jardins). Elles ont une forte visibilité, mais demeurent très minoritaires dans la totalité de l’offre que nous avons inventoriée.

- très récemment sont apparus de nouveaux projets fermés composés de collectif ou de logements individuels de niveau modeste et de coût modéré. On les trouve dans les quartiers nord ou certaines parties défavorisées des quartiers sud. Parmi eux, des ensembles mixtes contiennent de l’habitat social, et parfois des logements étudiants36, notamment dans les ZAC. Nous analyserons en partie 2, à travers

quelques études de cas, la mise en œuvre des partenariats publics privés qui aboutissent à ces réalisations.

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