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3. MATÉRIEL ET MÉTHODES

3.1. GÉNÉRALITÉS SUR L’ÉCHANTILLONNAGE

3.1.1. Principe

Il est impossible, dans le cas des invertébrés de substrat meuble du lagon de Tahiti, d’étudier (en termes de densité et biomasse) la totalité des populations, d’où la nécessité d’échantillonner. En effet plus le volume de matériel à étudier sera important plus il requerra du temps de traitement et d’analyse, de main d’oeuvre, de moyens financiers, au détriment de la réflexion. En écologie benthique notamment, les efforts à consentir pour retirer des informations à propos d’un milieu sont très élevés du fait de la nécessité de trier manuellement plusieurs décimètres cubes de sédiment pour en retirer les occupants un à un.

La démarche adoptée dans ce travail est la suivante : Connaissance du milieu lagonaire

Emergence d’interrogations sur certaines caractéristiques benthiques de ce milieu

lagonaire

Définition des objectifs et du sujet de l’étude

Mise en place du protocole expérimental : pré-échantillonnage

Echantillonnage et recalage éventuel (par exemple réduction du nombre d’échantillons,

etc.)

Analyse des résultats

Réalisation des objectifs : réponse aux interrogations initiales

Le mode d’échantillonnage doit tenir compte des objectifs de l’étude conditionnés par le milieu et les moyens disponibles. Aucun protocole d’échantillonnage n’est universel et chacun nécessite une adaptation aux conditions de l’étude. Frontier (1983) a réalisé une synthèse très complète à propos de l’échantillonnage en écologie, à laquelle il est souvent fait référence dans ce chapitre.

Le mode d’échantillonnage des stations adopté ici est grandement basé sur celui de Riddle et al. (1989) quant à la taille des échantillons et des engins.

Le plan d’échantillonnage correspond à un «échantillonnage au hasard stratifié» selon la formule d’Elliott et Décamps (1973) : un échantillonnage stratifié selon deux critères qualitatifs de stratification complété par un échantillonnage aléatoire au sein de chaque strate.

3.1.2. Hétérogénéité du milieu

La notion d’hétérogénéité, incluse dans le concept d’écosystème, est présente à toutes les échelles de perception : différentes échelles d’observation sont abordées par le biais de l’étude de différentes classes de taille de macrofaune ainsi que par celle de micro-organismes bactériens.

⇒ La variabilité saisonnière est prise en compte par une répétition des prélèvements sur l’année : dans les zones tempérées ou froides c’est un facteur important dans la compréhension du milieu alors que dans les zones tropicales aux saisons moins marquées les effets de ce facteur sont parfois imperceptibles, notamment sur la macrofaune de grande taille.

⇒ La variabilité spatiale est prise en compte par les échantillonnages combinés décrits précédemment. Deux niveaux de réplication permettent d’appréhender la variabilité spatiale : le premier est représenté par un nombre de stations (dix-huit ici), le second par un nombre de réplicats dans chaque station (généralement trois à cinq). Les résultats sont généralement exprimés par m² de sédiment : cette extrapolation linéaire introduit un biais difficilement quantifiable mais elle permet une standardisation des résultats (fréquemment en biomasse par mètre carré dans la littérature).

3.1.3. Choix de la technique de prélèvement

Diverses techniques existent pour effectuer des prélèvements contrôlés de macrofaune benthique. Pour récolter des informations quantitatives l’usage de la benne ou du carottier est le plus répandu. La technique de l’aspiration (« suceuse ») — moins répandue — est écartée pour son caractère violent (écrasement et morcellement des individus) non compatible avec les objectifs de l’étude. D’autre part c’est une technique lourde a mettre en oeuvre.

Les comparaisons de l’efficacité des différents types de bennes et carottiers ont suscité de nombreux articles et ouvrages (notamment Holme et Mc Intyre, 1984 ou revue de Blomqvist, 1991) et les différences sont souvent minimes (Long et Wang, 1994 et Long et al., 1994). Il apparaît pratiquement que le coût et la disponibilité du matériel déterminent généralement le choix de l’échantillonneur : « the final arrangement will be a compromise between the desirable and the practicable », Mc intyre et al. (1984).

Pour cette étude, la technique de la benne — nécessitant un bateau de taille conséquente (> 10 m) — n’est pas adaptée aux eaux lagonaires de Tahiti, étroites et peu profondes (2.5 m au niveau du platier interne du récif barrière). La technique du carottage en plongée s’est donc imposée. Bien que d’un rendement plus faible (surface traitée/coût temporel) que l’usage de la benne, elle possède de nombreux avantages :

⇒ le matériel peut-être rudimentaire (tube de PVC) et son coût d’utilisation est faible (petits bateaux) ;

⇒ l’usage de carottiers manipulés en plongée permet un travail de précision (pas de vague de front chassant l’épifaune par exemple), contrôlé visuellement à chaque étape ;

⇒ parallèlement, ceci conduit à une observation directe du milieu qui améliore la perception globale de l’écosystème et peut faciliter le contrôle des données recueillies ou l’étape de réflexion finale, voire éviter des erreurs d’interprétation ;

⇒ la quantité de sédiments à traiter est moindre, avec une erreur statistique plus faible (voir section suivante).

En conclusion, il faut garder à l’esprit que toute technique est sélective (Frontier, 1983).

3.1.4. Choix de la taille de l’engin

La taille de l’échantillonneur conditionne les résultats de l’étude ; par exemple Palmer et Whitge (1994) montrent que la richesse taxonomique varie en fonction de la taille du quadrat utilisée. En effet, les individus des communautés benthiques possèdent des distributions particulières fonction de facteurs biotiques et abiotiques tels l’hydrodynamisme, la qualité du substrat, la compétition d’ordre alimentaire ou spatial, etc. La distribution aléatoire est rarement observée (Frontier 1983) sauf si les densités sont faibles (Elliott et Décamps, 1973) alors que les distributions régulière (surdispersion) ou agrégative (sous-dispersion) sont courantes. Le sujet n’étant pas ici de résumer les connaissances sur la théorie de l’échantillonnage, il convient de se référer aux auteurs précédemment cités pour un développement approfondi.

La taille de l’échantillonneur doit être adaptée à celle de l’échantillon : ainsi, dans cette recherche, deux classes de taille de la macrofaune sont échantillonnées par deux types de carottiers2. Parallèlement, la composante microbenthique est étudiée par l’intermédiaire de carottiers de très petite taille (9.8 cm²). Les groupes faunistiques comme la macrofaune et la méiofaune sont d’ailleurs des entités définies arbitrairement, notamment pour le fait qu’elles requièrent des méthodes d’échantillonnage et d’analyse différentes.

Remarque : les classes de taille arbitraires définissant les divers groupes de la faune (micro-, meio-, macro-, mégafaune) correspondent donc à des communautés très restreintes ou à des sous-parties de communautés (Diaz, 1992) : elles constituent des outils méthodologiques destinés à donner des informations sur un écosystème. Bien que la taille limite inférieure de la macrofaune soit théoriquement fixée à 1 mm, le tri sur maille de 0.5 mm est courant (Riddle et al., 1990 ; Ferraro et Cole, 1995 ; James et al., 1995). Entre 0.5 et 1 mm la faune est parfois qualifiée de mixobenthos ou méiofaune temporaire (Villiers et al., 1987), c’est à dire qu’elle est essentiellement représentée par des stades juvéniles de la macrofaune. Dans les études écologiques visant à expliquer le fonctionnement d’écosystèmes à grande échelle spatiale ou au niveau des seules relations entre communautés, la taille peut être fixée à 2 mm (Chardy et al., 1987) en fonction des objectifs et du rendement visé. Enfin, il faut noter que ces classes de tailles correspondent aux valeurs du vide de maille des tamis utilisés et non à la taille réelle des individus de la macrofaune (qui est sensible à l’étirement, la fragmentation, ...).

Elliott et Décamps (1973) et Mc Intyre et al. (1984) constatent que, à surface échantillonnée égale, plusieurs échantillons de petite taille sont plus précis et rendent mieux compte de la population étudiée (sens statistique) que des échantillons de plus grande taille et moins nombreux. Un nombre élevé de relevés augmente le nombre de degrés de liberté et réduit l’erreur statistique.

Pour ces diverses raisons, les échantillonneurs (quadrats et carottiers) utilisés dans ce travail sont de petite taille et répliqués.

3.1.5. Conséquences

L’échantillonnage permet donc d’étudier l’écosystème de façon structurée et standardisée, avec pour but d’établir une inférence de l'échantillon vers la population statistique (macrofaune benthique). Il est ensuite possible d'établir une généralisation à la population-cible (biocœnose lagonaire), aux risques du biologiste. L’échantillonnage est donc un moyen et non une fin ; il ne doit pas masquer la réflexion de l’expérimentateur. Il en est de même à propos de l’usage des statistiques inférentielles souvent liées aux plans d’échantillonnage. Car parallèlement à ces outils destinés à limiter les erreurs d’interprétation, de nombreux éléments subjectifs sont introduits dans le cadre de l’étude : nous avons abordé précédemment la distinction arbitraire des groupes taxonomiques, mais nous aurions aussi pu citer celle concernant les groupes trophiques, le choix de stations, le choix d’un risque de première espèce de 5 % ou celui d’une précision de 20 %, etc.

2 105.7 et 23.8 cm² ; les données techniques sont détaillées dans les « modalités de l’échantillonnage » ci-après.

Parfois les « conventions » sont appliquées sans esprit critique ; il est important de ne pas oublier les limites des outils utilisés. Les capacités d’observation et d’analyse de l’expérimentateur doivent rester le moteur de l’étude.

3.2. MODALITÉS DE L’ÉCHANTILLONNAGE