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2. CARACTÉRISTIQUES GÉNÉRALES DE L’ÎLE DE TAHITI, SITE D’ÉTUDE

2.4. CARACTÉRISTIQUES ANTHROPIQUES

Nous ne présentons ci-dessous que les caractéristiques anthropiques susceptibles de perturber l’environnement lagonaire. Les éventuelles actions de valorisation ou protection de ce milieu (quasi inexistantes pour le milieu lagonaire de Tahiti) ne sont pas évoquées. Les valeurs chiffrées sont issues de l’Atlas de la Polynésie française (ORSTOM, 1993)

La Polynésie française comptait près de 189 000 habitants en 1988, ce nombre devrait approcher de 250 000 dans moins de cinq ans. La seule île de Tahiti concentre plus de 70 % du peuplement du Territoire, avec des densités variables : de moins de 5 hab./ha dans les zones côtières de l’est et du sud ou en altitude, à plus de 220 hab./ha dans certaines zones urbanisées (Papeete et Faa’a). Les noms des localités sont portés sur la Figure 2. La population est attirée vers la zone urbaine de cette île selon le même principe que l’exode rural observé dans certains pays continentaux.

La zone urbaine s’étale du nord-est au sud ouest, c’est à dire des communes de Mahina à Paea soit environ 40 km de littoral sur les 220 que compte l’île. En termes de population, cette

ceinture peuplée représente environ 81 % de l’île (environ 52 % de la population totale du Territoire).

Cette population consomme de grandes quantités d’eau douce (20 % des ménages consomment plus de 2 800 l/j en 1987) et produit quotidiennement plus de 2 kg de déchets par habitant. Les eaux usées, non traitées hormis par quelques structures hôtelières, aboutissent dans les lagons par l’intermédiaire de rivières et canalisations débouchant directement sur le littoral. De même, les ordures ménagères stockées de façon anarchique dans le fond des vallées distillent des éléments polluants (chimiques et organiques) dans les eaux d’infiltration ou les cours d’eau qui se mélangent aux eaux lagonaires. Pour ces raisons, la plupart des plages de la zone urbaine sont interdites à la baignade.

Parallèlement à ces apports importants, le littoral subit des agressions physiques qui sont principalement représentées par les extractions coralliennes (interdites aujourd’hui sur l’île de Tahiti), les extractions de matériaux du lit des rivières et par des remblais et aménagement divers.

Ainsi plus de 20 km de littoral sont aménagés artificiellement et plus de 47 % du périmètre côtier de l’île ont subi des opérations de remblaiement pour gagner de l’espace, en général au détriment des structures de récif frangeant. L’aménagement principal à Papeete est la zone portuaire, qui couvre 160 ha de surface aquatique. Le trafic représente plus de 1 million de tonnes de marchandises par an et constitue le coeur de l’économie polynésienne. Un second aménagement portuaire a récemment vu le jour au niveau de la presqu’île de Taravao (sud-est). Dans le port de Papeete convergent les rejets urbains de la ville, les rejets de diverses industries (cale de halage, hydrocarbures, etc.) et décharges d’ordures ménagères. Les zones industrielles se situent dans les vallées de Punaruu (côte ouest), Tipaerui et Titioro (agglomération centrale), dans la zone portuaire de Fare Ute (Papeete), et dans la commune de Arue. Elles sont principalement orientées vers des activités diverses (Punaruu, Fare Ute), agro-alimentaire (Arue), transformation (Arue, Titioro), bâtiment et travaux publics (Tipaerui).

Langomazino et al. (1992) ont mesuré en 1991 diverses teneurs en métaux lourds, pesticides et détergents dans les sédiments ou colonne d’eau de la zone urbaine de Papeete. La partie portuaire apparaît la plus affectée par les diverses formes de pollution. Les principaux métaux lourds présents en quantité importantes dans les sédiments sont le plomb, le cuivre et le zinc. Les stations les plus contaminées sont les embouchures des rivières se jetant dans le port et celles soumises aux divers exutoires urbains. Parmi celles-ci, la station située près de la cale de halage est jusqu’à cent cinquante fois plus enrichie que les autres (notamment pour le plomb et le cuivre). Chrome, fer et cadmium présentent aussi des concentrations fortes dans les sédiments portuaires. Les concentrations en pesticides répondent de la même façon à la présence des embouchures et exutoires urbains. Les organochlorés comme le lindane, le chlordane, ou la dieldrine sont mesurés en excès. Le taux de dieldrine est de 22.4 µg/kg de sédiment sec au niveau de la cale de halage, ce qui équivaut à dix fois la concentration des autres stations du port. Le lindane présente une concentration pouvant atteindre 2.4 µg/kg de sédiment sec, au niveau d’un exutoire urbain. Quant aux détergents, leur concentration dans la colonne d’eau varie de 21 à 61 µg/l dans cette zone urbaine. A titre de comparaison, la teneur mesurée dans la passe n’atteint plus que la valeur de 14 µg/l.

Un autre type d’aménagement affecte indirectement l’écosystème lagonaire : le développement de l’urbanisation sur les flancs de montagne. Cette activité, en dénudant les sols, accroît l’érosion et le transfert par ruissellement d’éléments terrigènes vers les eaux du lagon.

Il faut noter que depuis la fin des années 80 les aménagements hydroélectriques de certaines vallées, surtout à l’est et au sud de l’île se sont développés entraînant de nombreux travaux de terrassement et modifications des cours d’eau (en intensités de débit notamment) ayant pour conséquence l’augmentation ponctuelle de la charge particulaire des cours d’eau concernés ou adjacents. A moyen terme ces aménagements devraient au contraire permettre le contrôle des crues de certaines rivières voire la diminution de la charge particulaire des eaux.

L’agriculture est peu importante (moins de 4 000 ha pour l’ensemble des Iles du Vent) et concerne de petites exploitations. La zone la plus exploitée est celle de la plaine de Papara (sud-ouest). L’emploi d’engrais et pesticides est fréquent.

Enfin un dernier élément affecte le fonctionnement de l’écosystème lagonaire : la pêche.

Aujourd’hui, elle se tourne essentiellement vers la haute mer et les pêcheries des atolls des Tuamotu mais la pression sur les lagons de Tahiti persiste et est sans doute loin d’être négligeable bien que peu de données aient jamais été récoltées à ce sujet. A Tahiti sont principalement consommés les poissons de lagon. Les holothuries, les oursins, certains mollusques (Turbo marmoratus, Tridacna maxima, etc.) sont aussi recherchés.

En conclusion, il apparaît que l’espace littoral est le lieu privilégié des activités humaines.

Le lagon, par sa position géographique et notamment par l’intermédiaire des récifs frangeants, fait partie intégrante de la zone sous influence anthropique directe et permanente.