• Aucun résultat trouvé

III. Chapitre 3 : Métastases osseuses 52 

2. Les métastases osseuses 65

2.1. Généralités 65

Les métastases constituent une complication fréquente de certains cancers. L’os est le site privilégié du développement de métastases des cancers humains les plus fréquents tels que les cancers du poumon, du sein et de la prostate. Les métastases osseuses se développent chez 15 à 30% des individus atteints d’un cancer du poumon et dans 80% des cas de cancer du sein ou de la prostate au stade avancé (Tableau 3).

Historique

66 En effet, elles peuvent être responsables de violentes douleurs, de fractures osseuses, de compressions médullaires et d’importantes perturbations du métabolisme phosphocalcique. Le traitement local des métastases osseuses est principalement de nature palliative. La radiothérapie est le moyen le plus efficace pour calmer les douleurs osseuses liées aux métastases osseuses. Elle entraîne une diminution des douleurs dans 85 à 90% des cas. Le but du traitement est de réduire les douleurs afin d’améliorer la qualité de vie et de diminuer la prolifération des cellules tumorales métastatiques. Les traitements actuels des métastases osseuses sont imparfaits et souvent d’une efficacité limitée dans le temps. D’autres stratégies émergent pour lutter contre les effets osseux des métastases. En effet, les bisphosphonates prévenant la résorption osseuse en bloquant l’activité des ostéoclastes sont très utilisés. Ils peuvent également réduire la croissance des cellules tumorales prostatiques et diminuent le risque de complications osseuses. Il faut savoir que les anticorps contre le RANKL inhibent la formation des ostéoclastes alors que les anticorps anti-Runx2 préviennent la différenciation des ostéoblastes (Clezardin and Teti, 2007; Dunstan et al., 2007; Santini et al., 2010).

De nombreuses études se sont intéressées aux métastases osseuses afin de savoir pourquoi l’os est un site privilégié. Dès 1889, Stephen Paget émet l’hypothèse du « seed and soil », autrement dit « la graine et le sol ». Il suggère ainsi que certaines tumeurs « les graines » possèdent une affinité spécifique pour métastaser dans certains organes particuliers, qu’il qualifie de « sol ». Il pose l’hypothèse d’une compatibilité entre « la graine et le sol » qui détermine si les cellules tumorales vont former ou non des métastases dans un site spécifique. Plus tard, en 1928 James Ewing proposa une théorie alternative pour expliquer la prévalence des métastases dans certains sites particuliers. Il suggère que les cellules tumorales sont capables de se développer dans un site distant de la tumeur primaire car les cellules y sont transportées de manière privilégiée par le réseau vasculaire et lymphatique (Ewing, 1928).

Le microenvironnement osseux, décrit précédemment, comprend de nombreux types cellulaires et est très riche en divers facteurs tels que les facteurs de croissance.

Les cellules mésenchymateuses de la moelle osseuse peuvent se différencier en adipocytes, chondrocytes, fibroblastes et ostéoblastes. Les adipocytes sécrètent des facteurs tels que l’IL-6, le TNFĮ, ou la leptine qui stimule la résorption osseuse et inhibe la prolifération des ostéoblastes. Les facteurs sécrétés par les adipocytes sont également impliqués dans la prolifération, l’invasion et l’angiogénèse des cellules tumorales mammaires

(Iyengar et al., 2003; Maurin et al., 2000). Les fibroblastes, quant à eux, contribuent également aux métastases osseuses du cancer du sein par exemple en sécrétant de la MMP-2 inactive. Cette MMP, une fois activée par les cellules cancéreuses permettra de dégrader la matrice extracellulaire et de participer à la migration des cellules (Saad et al., 2002).

La présence des cellules hématopoïétiques au sein de la moelle osseuse semble également attractive pour les cellules cancéreuses. En effet, ces cellules peuvent se différencier notamment en plaquettes, érythrocytes ou en lymphocytes T. Les plaquettes permettent aux cellules cancéreuses d’adhérer et d’échapper au système immunitaire dans les vaisseaux sanguins (Palumbo et al., 2005). Quant aux lymphocytes T, une activation importante de la résorption engendre une forte libération dans le milieu extracellulaire du TGF-ȕ qui inhibe la prolifération et l’activité de ces cellules, permettant une fois de plus aux cellules cancéreuses d’échapper à la surveillance du système immunitaire (Bussard et al., 2008; Fournier et al., 2006). De plus, les macrophages associés aux tumeurs (TAM) sont originaires de cellules monocytaires. Ils vont jouer un double rôle, inhibiteur et activateur de l’évolution tumorale. Même si leur activation va tuer de nombreuses cellules tumorales, ils sécrètent malgré tout des facteurs de croissance, des cytokines et des protéases qui participent à la croissance tumorale. Par exemple, la sécrétion d’IL-10 permet de supprimer la réponse cytotoxique des lymphocytes T en réponse à la présence des cellules tumorales dans l’os (Brigati et al., 2002; Schoppmann et al., 2002).

De plus, les ostéoblastes sécrètent de nombreux facteurs qui seront ensuite piégés dans la matrice osseuse. Durant la phase de résorption, ces facteurs incluant le TGFȕ, le PDGF, ou encore les BMPs vont être libérés et vont être soit activés par le faible pH généré par les ostéoclastes, soit par la présence de protéases présentes dans le microenvironnement (Clezardin and Teti, 2007).

Un cercle vicieux est établi lors de la formation des métastases osseuses consistant à la perturbation du microenvironnement osseux initié par les cellules tumorales qui produisent divers facteurs. Mais il s’avère que les cellules cancéreuses ayant métastasé dans la moelle osseuse peuvent rester dans une phase de dormance pendant des années. Cela semble expliquer le fait que les patients ayant subi une exérèse de la prostate ou de la glande mammaire après la détection d’une tumeur primaire, développent des années après des métastases osseuses (Cameron et al., 2000; Karrison et al., 1999). Les ostéoblastes ont un rôle

Figure 25 : Schéma représentant le cercle vicieux des métastases ostéolytiques du cancer du sein.

A) Le microenvironnement osseux en condition normale lors du renouvellement osseux. Les cellules

mésenchymateuses se différencient en ostéoblastes via Runx2 pour permettre la synthèse de matrice osseuse. La dégradation de la matrice osseuse est effectuée par les ostéoclastes dérivant des cellules hématopoïétiques grâce notamment au M-CSF (Macrophage-Colony Stimulating Factor) et à RANKL (Receptor Activator for NFkb) produit par les ostéoblastes. Les ostéoblastes contrôlent la dégradation de la matrice osseuse par la sécrétion d’un antagoniste l’OPG (ostéoprotégérine). B) Les cellules cancéreuses mammaires sécrètent PTHr-P (ParaThyroid Hormone related Peptide), des cytokines (IL-6, IL-1) et des facteurs de croissance qui inhibent l’activité des ostéoblastes et qui activent les ostéoclastes. Le ratio RANKL/OPG augmente, activant les ostéoclastes et favorisant la résorption. Ici, les bisphosphonates représentent un des traitements utilisés induisant l’apoptose des ostéoclastes.

(D’après Chen et al., 2010)

et ceci par des interactions cellulaires dus à la N-cadhérine. De ce fait, des hypothèses ont émergé sur l’implication des ostéoblastes exprimant la N-cadhérine dans la phase de quiescence des cellules tumorales métastatiques. Mais à l’heure actuelle, peu de données existent sur cet état de dormance des cellules tumorales (Clezardin and Teti, 2007).