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Au cours du XXème siècle, les progrès de la médecine et de la réanimation ont permis la survie de nombreux traumatisés crâniens graves. Avec les aspects positifs de cette évolution, sont nées de nouvelles interrogations concernant la prise en charge et le devenir de ces patients. Comme le souligne F. COHADON (7), les structures médicales classiques n’étaient

pas préparées à accueillir les blessés. En fonction des changements apportés par les découvertes neurologiques, les équipes ont dû redéfinir leurs objectifs et leurs méthodes d’accompagnement.

59 Selon l’auteur, aujourd’hui, les équipes médicales de différentes institutions aux statuts administratifs variés prennent en charge les patients traumatisés crâniens. Il peut s’agir de suivis allant de la phase d’éveil à la réinsertion, ou bien de structures assurant l’accompagnement des blessés dans une étape précise de leur évolution.

1.

Les méthodes de prise en charge en soins de suite et de

réadaptation

 L’équipe médicale pluridisciplinaire du Centre de Médecine Physique et de Réadaptation Fonctionnelle Les Grands Chênes (17) décrit trois orientations de prise en charge

des patients aphasiques, traumatisé crâniens ou atteints d’autres troubles neurologiques.

a) Les approches traditionnelles

Elles se composent des courants neurolinguistique et cognitif, et sont centrées sur les

incapacités liées à la lésion. Si dans le premier courant, on traite les symptômes en stimulant

le système neurolinguistique, dans le second, on s’intéresse plus à la fonction neurologique perturbée qu’aux seuls symptômes. Globalement, l’objectif de ces méthodes est d’aider le patient à définir des stratégies compensatoires pour pallier les troubles séquellaires du traumatisme.

b) Les approches fonctionnelles

D’après les auteurs, ces méthodes ont succédé aux approches traditionnelles, lorsque les thérapeutes ont constaté que les patients éprouvaient des difficultés à transposer leurs acquis en rééducation dans la réalité de la réinsertion. Elles regroupent les prises en charge dites

pragmatiques et écologiques. Ces méthodes, basées sur la mise en situation réelle ou créée,

visent à développer les compétences résiduelles des blessés. La prise en charge est centrée sur les conséquences du handicap dans la vie quotidienne de la personne.

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c) Les approches psychosociales

Sous cette appellation, les auteurs regroupent les méthodes sous-tendues par un abord

systémique. Elles se basent sur la volonté des thérapeutes d’impliquer l’entourage du patient

à la prise en charge. Elles passent aussi bien par l’information du blessé lui-même que par celle de ses proches. Elles sont centrées sur l’individu pris comme élément d’un ensemble. L’objectif est de développer, au sein du milieu de vie, des stratégies restaurant les échanges malgré les déficiences neurolinguistiques, en intégrant le plus possible les proches au projet de réinsertion.

 F. COHADON, et col. (8) évoquent des méthodes de prises en charge rejoignant la

classification précédente. Pour eux, le développement de programmes transdisciplinaires

et spécifiques au traumatisme crânien s’est fait lentement. Chaque grand courant

théorique de neuropsychologie a contribué à l’évolution des méthodes d’accompagnement des blessés. Le behaviorisme a permis de donner une place prépondérante à l’observation des troubles du comportement des blessés et au renforcement des conduites positives. La clinique

psychanalytique a surtout étudié les troubles de la conscience et leurs conséquences sur

l’adaptation du patient à sa nouvelle situation de handicap. La neuropsychologie cognitive a proposé une rééducation centrée sur les mécanismes des troubles, en se basant sur les modèles descriptifs du fonctionnement cérébral.

Les auteurs citent également le courant pragmatique qui s’est attaché à rendre la rééducation plus fonctionnelle en accompagnant les patients sur leur lieu de vie, par des procédures concrètes de compensations. Les auteurs ajoutent que l’expérience clinique a mis en évidence la nécessité de considérer le patient dans sa globalité et de l’accompagner en incluant son entourage, en tenant compte de son histoire, ses aspirations et sa personnalité antérieure. Ils se réfèrent donc plus particulièrement à l’approche holistique, méthode américaine élaborée par GOLDSTEIN.

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d) L’approche holistique

Cette approche renvoie à des procédures de soins axées sur l’identité, les besoins et les

attentes de la personne soignée. F. COHADON et coll. (8) présentent les recommandations

de GOLDSTEIN, qu’ils jugent encore valable actuellement. Selon eux, la prise en charge doit s’organiser d’après deux principes de base :

- organiser un environnement ordonné, rassurant et prévisible, autour de la personne ayant subi un traumatisme, dans le but de réduire les conséquences liées à la réaction de catastrophe due au choc,

- accompagner et aider la personne durant tout son parcours de prise de conscience, fait d’acceptations et de renoncements.

Dans le même ouvrage, nous apprenons que BEN-YISHAY et PRIGATANO, disciples de GOLDSTEIN, ont enrichi et fait évoluer le modèle holistique en repérant différents éléments supplémentaires : l’intérêt d’une prise en charge en groupe, l’orientation précoce de la

rééducation vers la reprise d’activité professionnelle, le maintien d’une rééducation cognitive approfondie en parallèle.

PRIGATANO a ensuite analysé les problèmes posés par les troubles de la conscience de soi du sujet. Il a ajouté que la qualité de la prise en charge dépend de la participation active du patient et de son entourage. Ces principes ont donné naissance à des programmes de prise en charge dont les critères ont été précisés et reconnus dans leur efficacité lors d’une conférence de consensus en 1994. Ils associent les axes suivants :

- réduire les déficiences cognitives et les troubles du comportement par une rééducation spécifique, systématique, intensive et de longue durée

- associer une psychothérapie des troubles motivationnels et émotionnels

- toujours mener de front ces deux dimensions et les intégrer à une approche cohérente et globale

- tenir compte des troubles de la conscience de soi et développer l’alliance thérapeutique.

62 Les patients évoluent dans un environnement calme et familier pour éviter toute réaction de catastrophe. Ils sont accompagnés dans le dépassement de leur peur de s’engager dans des situations difficiles d’apprentissage. Le programme vise à développer leurs compétences résiduelles pour compenser les déficiences.

2.

Les modes de fonctionnement des équipes médicales et

paramédicales.

L’évolution des méthodes de prise en charge a engendré des adaptations nécessaires au sein des équipes médicales. Pour les professionnels du Centre de Médecine Physique et de Réadaptation Fonctionnelle Les Grands Chênes de Bordeaux (17), trois grands types de

fonctionnements d’équipes peuvent être mis en évidence : la pluridisciplinarité,

l’interdisciplinarité et la transdisciplinarité.

a) La pluridisciplinarité.

Il s’agit d’un fonctionnement où les prises en charge sont assurées par différents thérapeutes, chacun intervenant dans son propre champ de compétences. Les professionnels mettent en commun leurs observations mais ne s’occupent que des symptômes du patient en rapport avec leur formation initiale. Ce système s’applique aussi bien à l’accompagnement de patients cérébro-lésés qu’à d’autres pathologies. Il s’inscrit dans une démarche de prise en charge traditionnelle.

b) L’interdisciplinarité.

Dans le fonctionnement interdisciplinaire, plusieurs thérapeutes s’occupent d’une fonction altérée par une atteinte neurologique. Des points communs aux divers champs de rééducation apparaissant dans le projet thérapeutique, les professionnels interviennent ensemble dans les activités. Ce système correspond à un abord pragmatique et écologique de la prise en charge. Par exemple, des accompagnements de groupe peuvent être mis en place par l’orthophoniste et l’ergothérapeute. Un bilan peut être réalisé par deux professionnels d’horizons différents.

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c) La transdisciplinarité.

Dans ce fonctionnement, tous les intervenants présents autour du soigné (thérapeutes, personnel médical et social …) mettent en commun leurs compétences dans le but de faire aboutir le projet de vie du patient. Chacun agit selon les besoins de la personne et tous les acteurs partagent des rôles au-delà des frontières de chaque discipline. Ce système, qui demande au personnel une grande ouverture, s’inscrit dans une orientation de prise en charge palliative (cf. chapitre 3).