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Comme nous l'avons évoqué précédemment, il existe plusieurs méthodes de prise en charge des patients atteints de troubles neurologiques graves. Les stratégies de communication alternatives ou supplétives s’inscrivent dans une démarche palliative. Cette dernière se situe au carrefour des prises en charges traditionnelles, fonctionnelles, systémiques et sociales.

1.

Définition

Selon I. GONZALEZ et coll.(17), la démarche palliative est apparue dans les années 1980,

suite au constat que les rééducations classiques ne réduisaient pas totalement les déficiences engendrées par des troubles neurologiques.

Elle a pour but « d’atténuer, de compenser, de prévenir les situations de déficience et les

préjudices qui en découlent. Elle ne traite pas le symptôme mais cherche à soulager ses conséquences. » Elle s’évalue en terme d’amélioration de la qualité de vie du patient et de sa

famille, et va au-delà du traitement du trouble linguistique. Le fonctionnement transdisciplinaire est une condition sine qua non des prises en charge palliatives.

86 Elle vise à réduire les préjudices :

- pour le patient, en évitant le repli sur soi et l’installation d’une névrose d’échec qui ne lui permettrait plus d’engager des stratégies compensatoires

- pour l’environnement, elle palie la limitation des échanges en introduisant une conscience des capacités et incapacités liées aux troubles.

La démarche palliative s’inscrit dans une approche humaniste du patient, avant d’être une approche technique des troubles du langage et de la communication. Elle implique une démarche participative de la part de l’entourage familial et médical de la personne en situation de handicap de communication.

2.

A quel moment la proposer ?

Cette approche ne doit pas être une solution utilisée en dernier recours. Elle vient en complément d’autres méthodes de prises en charge, et peut même parfois en faciliter l’accès. Elle n’est pas synonyme du deuil du langage. Au contraire, la démarche palliative favorise

l’émergence de stratégies facilitant la compréhension et l’expression.

C’est pourquoi, l’introduction d’outils de CAA doit être proposée le plus rapidement possible. Comme le rappellent I. GONZALEZ et coll.(17), « communiquer n’a jamais

empêché de parler. A l’inverse, perdre l’envie de communiquer, se sentir isolé, freinent le recours au langage ». Les bénéfices fonctionnels obtenus par des méthodes de rétablissement

ou de réorganisation du langage s’inscrivent souvent dans la durée. Il ne faut pas attendre qu’ils se manifestent pour proposer une solution facilitant la communication. La situation de handicap peut altérer profondément la relation à l'autre. La communication constitue une dimension fondamentale de l'équilibre psychique, de ce fait la maintenir est toujours une urgence.

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3.

Comment se construit une prise en charge palliative ?

Une prise en charge palliative se divise en trois étapes :

- évaluer et lister : pour construire un outil palliatif, les membres de l’équipe

transdisciplinaire évaluent par des bilans, les capacités et incapacités, les besoins, ainsi que les moyens sociaux et familiaux du patient. Ces informations permettent de lui proposer un support le plus finement adapté à sa situation.

- construire : l’outil palliatif est la base technique qui permettra d’aller plus loin dans la prise

en charge (retour à domicile par exemple). Sa construction est coordonnée par un rééducateur ayant une connaissance des troubles. De par ses qualifications, l’orthophoniste peut être la personne référente du projet. Toutefois, la mise en commun des informations et des observations de toute l’équipe est nécessaire à l’adaptation de l’outil.

- mobiliser : il s’agit d’une étape déterminante de la prise en charge palliative. Elle concerne

la façon dont l’entourage du patient (famille et équipe médicale) va s’approprier l’outil palliatif mis en place.

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CHAPITRE 4

« L’outil de communication est un moyen de sortir du monde du silence et de ne pas rester enfermé dans son univers. »

Mr P. patient accueilli au sein de la structure l’ADAPT Château Rauzé.

Nous l’avons vu, s’appuyant sur divers modes, la communication est une caractéristique essentielle qui permet aux individus de se comprendre et de créer du lien. Elle met en jeu de nombreux aspects et son efficacité dépend de facteurs humains et contextuels plus ou moins maîtrisables. A travers elle, chacun tente de répondre à un besoin de reconnaissance, de se construire en s’appuyant sur des relations interindividuelles. Dans la relation de soins, la communication est influencée par le positionnement du soignant et du soigné, ainsi que par le contexte des soins. Son efficacité repose en partie sur les attitudes et les techniques de communication du soignant.

Par ailleurs, les personnes ayant subi un traumatisme crânien grave traversent différentes phase de récupération à la sortie du coma. L’évolution dépend du type de lésions générées par le choc. Dans la plupart des cas, elle va vers une récupération de la conscience permettant une réinsertion dans la vie ordinaire. Toutefois, certains patients ne parviennent pas à dépasser la phase d’éveil et demeurent en état végétatif chronique ou pauci-relationnel. La pathologie engendre de nombreuses séquelles physiques et psychologiques pouvant altérer les capacités de communication. En fonction de leurs troubles, divers modes de prise en charge existent pour ces patients. Leur accompagnement est très complexe et implique une collaboration de tous les intervenants.

Enfin, les outils de communication alternative et augmentée sont des moyens de pallier l’absence de langage oral et d’établir un lien avec une personne en situation de handicap communicationnel. L’utilisation de ces supports s’inscrit dans une démarche palliative visant à compenser les conséquences des troubles des patients. Cette méthode de prise en charge doit être adoptée le plus tôt possible et repose sur la transdisciplinarité des équipes médicales.

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I. PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESES

Aide-médico-psychologique (A.M.P) de formation nous avons eu, par le passé, l’occasion d’exercer auprès de personnes privées de langage oral. Au cours de nos expériences professionnelles, nous avons rencontré différentes situations où les difficultés de communication avaient un impact dans la prise en charge soignante quotidienne.

Suite à une année de présence en tant que stagiaire orthophoniste au sein du service de rééducation du centre de réadaptation fonctionnelle de L’ADAPT Château Rauzé, nous avons eu l’opportunité d’observer le travail des professionnels auprès de personnes ayant subi un traumatisme crânien grave. En échangeant avec les orthophonistes, nous avons pu prendre conscience des particularités de ce type de handicap.

Cette expérience, mise en lien avec les éléments de la littérature précédemment énoncés, nous a conduits à nous interroger sur les conséquences engendrées par le traumatisme crânien sur la communication et l’accompagnement des blessés. Plus précisément, nous nous sommes intéressées à l’impact que peuvent avoir les troubles de communication des patients sur les prises en charge au quotidien. La relation soignant/soigné est-elle mise à mal ? Si oui, comment y remédier pour garantir un maintien de la qualité des soins ? La mise en place d’outils de communication alternative et augmentée permettrait-elle aux soignants de mieux communiquer avec les patients ?

En nous appuyant sur la richesse de notre parcours professionnel, nous avons

souhaité orienter notre travail de recherche vers l’élaboration d’outils palliatifs de communication, en émettant les hypothèses suivantes :

- La situation de handicap communicationnel des blessés pourrait générer des difficultés

de compréhension de la part des soignants lors des prises en charge au quotidien.

- Les planches pictographiques pourraient être des outils de communication

fonctionnels pour des personnes mutiques ayant subi un traumatisme crânien grave.

- L’usage de tels outils palliatifs pourrait réduire les difficultés de communication et

modifier la prise en charge quotidienne en permettant aux soignants de mieux cerner les besoins des blessés.

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Objectifs de l’étude :

Notre étude a plusieurs objectifs, qui devront permettre de vérifier les hypothèses énoncées précédemment :

- Evaluer si, lors des prises en charge en situation de vie quotidienne, les soignants

rencontrent des difficultés de communication avec les patients mutiques ayant subi un traumatisme crânien grave.

- Elaborer des outils palliatifs de communication adaptés aux besoins des blessés. - Evaluer la fonctionnalité de ces supports au sein du service de soins.

- Evaluer si le recours à la communication alternative et augmentée modifie lesdites

prises en charge.

II. METHODOLOGIE