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Pour les élèves allophones, le français a un statut particulier lié à l’utilisation de cette langue dans une perspective d’intégration : c’est une langue seconde.

La langue seconde désigne un mode d’apprentissage et d’usage de la langue qui s’adresse à des publics dont la langue d’origine ou la langue première d’éducation n’est pas le français. Langue qui sera support des apprentissages à des degrés divers dans un système éducatif donné et dont la maîtrise constitue un enjeu important dans le parcours de formation de la personne (Vigner, 2009 : 40).

Au-delà du fait que les élèves allophones peu ou pas scolarisés antérieurement ont besoin, en arrivant en France, d’apprendre à parler français et à lire et écrire pour la première fois dans cette langue seconde, ils doivent également apprendre le métier d’élève. Si l’on ajoute à cela l’apprentissage de la théorie et de la pratique d’un métier comme c’est le cas en CAP, il devient très difficile de tout mener de front. En effet, les EANA qui étudient en CAP APR doivent apprendre trois langues en même temps : le français langue de communication (en cours de FLE ou d’alphabétisation), le français langue de scolarisation (en classe ordinaire) et le français sur objectifs spécifiques (dans les matières professionnelles).

Le français langue de communication est le français que nous utilisons pour communiquer dans la vie quotidienne, afin d’agir dans l’espace social, dans la vie privée, etc. Les élèves allophones qui étudient en CAP APR ont souvent des bases (et parfois un bon niveau) en français langue de communication, à l’oral. Il est néanmoins nécessaire de continuer cet apprentissage pour acquérir un niveau de français oral suffisant afin de faciliter la consolidation de l’écrit. Selon Vigner (2009 : 73), « l'approche de la lecture, avec des publics allophones, ne saurait s'envisager sans l'acquisition préalable par les élèves des normes et des usages de base du français, à l'oral ». Ce sont les cours de FLE ou d’alphabétisation (et aussi la vie quotidienne) qui permettent aux élèves allophones d’être exposés à cette langue et de progresser dans son acquisition (Cherqui & Peutot : 2015).

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L’écrit sera également travaillé dans ces cours, afin de permettre aux élèves allophones de suivre au mieux les cours ordinaires.

Selon Cherqui & Peutot (2015), le français langue de scolarisation (dorénavant FLSco) est le langage spécifique de l’école, dont il faut expliciter les règles. C’est à travers l’immersion en classe ordinaire que les élèves sont confrontés au français langue de scolarisation : il s’agit pour eux de se familiariser avec les discours disciplinaires, mais également avec les codes culturels de l’école et les attentes scolaires (Cherqui & Peutot, 2015). En classe ordinaire, l’élève découvrira ce qu’est le langage des mathématiques, les modalités des évaluations, la place de l’écrit, les tours de parole, etc. Pour des élèves qui ne sont jamais allés à l’école ou qui ont connu un système scolaire très différent du nôtre, il paraît primordial qu’ils s’approprient ce nouvel environnement :

Notre école fonctionne actuellement sur un certain nombre d’implicites concernant les disciplines scolaires et les manières d’apprendre, les sens et les finalités des apprentissages : implicites souvent difficiles pour certains élèves qui n’y ont pas été préparés dans leur famille, implicites qui, dans ce cas, peuvent devenir de véritables obstacles. Sans oublier que ces implicites concernant les savoirs et les apprentissages sont liés à des représentations du monde, à des rapports aux autres et à soi-même, à des rapports au corps, au temps et à l’espace, bref, à un ensemble de “manières d’être et de penser“ construites historiquement et socialement (Carraud, 2005 : 2).

Ainsi, les élèves post-alpha n’ont pas à réaliser un simple transfert linguistique comme les EANA relevant du FLE. Le fait qu’ils soient peu ou pas scolarisés antérieurement induit qu’ils doivent non seulement apprendre une langue à l’oral et à l’écrit mais également acquérir un très grand nombre de compétences scolaires. La plupart des élèves allophones de CAP APR viennent du collège où ils ont souvent passé un an. Ils arrivent donc en lycée professionnel déjà avec une connaissance du milieu scolaire français. Cependant, ces acquis restent fragiles et la plupart des élèves ont encore des difficultés avec les compétences scolaires : organiser un cahier, être à l’heure, lire un tableau ou un schéma, comprendre l’organisation de l’école et notamment la fonction du carnet de correspondance, etc. Ils doivent donc consolider cet apprentissage du français langue de scolarisation.

En plus de continuer à travailler le français langue de communication, l’écrit et le FLSco, les EANA arrivant en lycée professionnel sont confrontés à un nouveau type de discours disciplinaire : celui des matières professionnelles de leur filière. En CAP APR, il s’agit d’acquérir en deux ans le savoir-faire et le lexique professionnel de la restauration. Les matières professionnelles enseignées liées au métier d’agent polyvalent de restauration relèvent ici du français sur objectifs spécifiques (dorénavant FOS). En effet, selon Mangiante,

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(2004), le FOS est un programme de formation destiné à un groupe d’apprenants ayant les mêmes objectifs d’apprentissage - dans notre cas, celui de se former au métier d’APR. Ce groupe d’apprenants est également homogène « par son appartenance à un organisme particulier et par son objectif de formation lié étroitement à la conduite d’un projet à court – moyen terme » (Institut Français, 2015 : 1). Ces futurs professionnels doivent acquérir des savoir-faire, un lexique spécialisé et des formes linguistiques récurrentes liés à un métier. Les compétences spécifiques acquises en classe ou en stage permettront aux futurs professionnels de communiquer et d’accomplir des tâches dans le cadre de leur profession.

En raison de leur niveau de français fragile, les élèves allophones ont souvent des difficultés à s’approprier le lexique professionnel de leur filière. De plus, celui-ci est souvent transmis par l’intermédiaire de supports écrits et, à l’instar de certains pédagogues tels que Rafoni (2017), nous ne préconisons pas de découvrir du lexique à travers un support écrit, surtout chez les élèves allophones post-alpha. Selon Rafoni (2017), il faut d’abord permettre aux EANA d’acquérir le lexique en compréhension et en production orales avant de le proposer en lecture. Par conséquent, il convient que les enseignants transmettent préalablement ce vocabulaire par le canal oral, qu’ils l’explicitent et invitent les élèves à l’utiliser.

Ce triple apprentissage de la langue (français langue de communication, FLSco et FOS) est difficile à réaliser, en particulier pour des jeunes qui entrent dans la lecture/écriture à plus de 16 ans. Selon certains didacticiens (cf. par ex. Rafoni ou Vigner), les élèves allophones devraient dans un premier temps apprendre les bases du français oral de communication, ensuite les bases de l’écrit et enfin le lexique professionnel de leur filière (FOS) d’abord à l’oral puis à l’écrit. Or, les exigences de leur filière induisent qu’ils acquièrent toutes ces compétences en même temps et dans une durée très courte. Au vu de cette situation et malgré les contraintes, ma mission est d’aider les enseignants de biotechnologie à permettre aux élèves allophones post-alpha d’acquérir les bases de ce lexique professionnel. Progresser dans ce lexique est d’ailleurs une demande forte des EANA, pour qui l’insertion professionnelle est un objectif vital. Il s’agit donc de réfléchir aux façons d’améliorer l’inclusion de ces élèves en classe ordinaire.

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Chapitre 2. L’inclusion des élèves allophones : quelles approches