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3- Nouvelles aspirations

3.6.3. La fragilité du maintien du désistement

Bien que tous les participants aient mentionné certains éléments qui favorisaient leur maintien du désistement du crime, tous n’ont pas le même niveau de solidité. Certains participants semblent plus fragiles quant au maintien du désistement du crime. Notamment, nous pouvons remarquer que les répondants devant faire face à des problèmes financiers ont un maintien du désistement plus instable.

« C’est dur changer (…) Pour moi, ça été la pression de la famille, pour moi ça été le plus dur, ça et l’argent…. C’est deux mondes différents, deux modes de vie : moi quand j’étais dehors pis j’étais sur le party, moi quand j’étais dehors, j’étais criminel et j’étais sur le party, faque six jours sur sept dans les clubs et je pouvais dépenser 1000 à 2000$ dans les clubs et ça ne me dérangeait même pas, parce que ce n’était pas grave, demain je vais en avoir d’autre. Là ce n’est pas pareil, je travaille à 14$ de l’heure. (…) ce qui arrive, c’est que quand tu as connu la facilité, et là tu veux changer et que tu trouves ça dur, c’est trop facile, j’aurais aimé mieux ne pas connaître ce milieu-là [milieu criminel], parce que c’est trop facile d’y retourner. » - Olivier (Trafic de stupéfiants et vols, désisté depuis 1 an)

De plus, on constate chez les participants ayant une identité criminelle plus ancrée que cette fragilité est encore plus présente. Ces participants mentionnent qu’il serait envisageable de revenir au crime puisque la récidive serait un moyen de subvenir à leur besoin.

« C’était le fun [en parlant du crime] … J’avais ben du fun, ça me tente des fois de retourner, mais non, j’ai autre chose maintenant, mais c’était le fun, l’adrénaline 24h sur 24 (…) Si j’étais vraiment, mais vraiment dans la marde, c’est sûr que je retournerais au moins une ou deux journées, mais je ne suis pas assez dans la marde pour ça (…) il faudrait que j’aille mettons 6 mois de loyer

pas payé (…) Juste essayer de ne plus penser à ça [le crime], ce n’est pas évident. Tous les jours, c’est comme une drogue, ce n’est pas facile de ne plus penser à ça, c’est beaucoup d’argent facile. » - Kevin (Trafic de stupéfiants, désisté depuis 1 an)

3.6.4. Synthèse

Finalement, il est important de saisir les éléments clés qui font en sorte que les participants réussissent à se maintenir dans le désistement du crime. Nous constatons notamment que les éléments favorisant un maintien du désistement sont majoritairement liés à des facteurs externes, comme le fait d’avoir un emploi, et à des facteurs internes, passant par un changement identitaire. L’employabilité permet à certains de développer de nouvelles aspirations et de nouveaux objectifs faisant en sorte qu’ils préfèrent s’impliquer dans un mode de vie légale plutôt que de continuer à consacrer leurs énergies à leur vie criminelle. Pour d’autres, le fait d’occuper un emploi permet simplement de parvenir à leurs buts, mais de manière légitime. La nouvelle identité sociale endossée par les répondants est donc rendue incompatible avec l’identité sociale de contrevenant, ce qui les pousse à quitter le milieu du crime (F.-Dufour, 2013). Plus encore, un élément reste sans contredit primordial au désistement du crime ; le fait de mettre fin à leurs relations avec les pairs délinquants. En effet, la coupure avec les pairs délinquants semble être un facilitateur du désistement.

CHAPITRE 4: DISCUSSION

Dans le chapitre précédent, nous avons présenté les principaux résultats de notre étude sur le processus de désistement du crime. Ces données ont été recueillies suite à la reconstruction des trajectoires criminelles des participants, permettant ainsi de mieux comprendre le processus de maintien à long terme du désistement criminel. À partir des récits de vie, nous avons été en mesure de comprendre le sens et de représenter le processus derrière le désistement de leur carrière criminelle. De plus, nous avons analysé l’influence de la carrière criminelle passée sur le processus de désistement et de réinsertion sociale.

Un bon nombre d’études menées sur le désistement tentent d’identifier les facteurs qui amènent un délinquant à quitter la criminalité. Toutefois, les recherches antérieures ne s’entendent pas sur la définition opératoire du désistement. Pour certains auteurs, le désistement s’apparente à l’absence de la commission de crimes durant une période de temps prédéterminée (Bushway, Brame et Paternoster, 2004) alors que pour d’autres, le désistement est perçu comme un évènement isolé marquant la fin des activités criminelles (Cusson et Pinsonneault, 1986; Shover, 1996). Finalement, certains chercheurs identifient le désistement comme un processus à long terme durant lequel des changements identitaires s’opèrent chez l’individu (Maruna, 2001).

Ce mémoire avait comme point d’ancrage de répliquer les travaux de Maruna (2001) et F.- Dufour (2013). La première différence qui nous distingue de ces travaux est l’homogénéité de l’échantillon sélectionné, se composant exclusivement de délinquants impliqués dans une criminalité lucrative. Le second point de distinction réside dans notre intérêt pour les paramètres de la carrière criminelle passée, à savoir si les paramètres de la carrière criminelle antérieure ont une influence sur le processus de désistement. D’ailleurs, nous avons constaté que les paramètres de la carrière criminelle, en particulier le succès rencontré par les participants lors de leurs activités criminelles, ont le pouvoir de moduler la structure du désistement du crime ainsi que son maintien.

Ce mémoire s’inspire largement des travaux de Maruna (2001) et de F.-Dufour (2013). C’est pourquoi l’interprétation de nos résultats sera comparée à leurs travaux respectifs. Ce chapitre portera sur l’influence des paramètres de la carrière criminelle ainsi que sur les changements menant au désistement et, plus important encore, au maintien de celui-ci.