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2. Traitement conventionnel de la borréliose de Lyme

2.3. Stratégie thérapeutique de la borréliose de Lyme en fonction de la forme

2.3.2. Formes disséminées précoces et tardives

Au stade d’érythèmes migrants multiples, le traitement doit être débuté en cas de suspicion clinique forte, c’est-à-dire une notion de piqûre de tique identifiée par le patient quelques jours à semaines avant, sans réaliser de sérologie sanguine. La présence d’atteinte extra-cutanée, notamment neurologique ou cardiaque impacterait une prise en charge différente, que l’on va voir plus tard.

À la différence de la prise en charge de l’EM isolé, nous notons que la posologie de l’amoxicilline peut être doublée pour chacune des populations (adultes, enfants et femmes enceintes/allaitantes) : 1 à 2 g trois fois par jour soit 50 à 100 mg/kg/j. En revanche, celle de la doxycycline reste inchangée. De plus, la durée du traitement est prolongée de 7 jours pour les deux molécules, pour atteindre 21 jours car le risque de développer des complications tardives après un traitement d’une durée inférieure à deux semaines est multiplié par deux (411) (accord professionnel). L’antibiothérapie de 2ᵉ intention est identique, mis à part une recommandation de traitement par azithromycine durant 10 jours, au lieu de 7.

En général, le pronostic après traitement est bon et les lésions cutanées disparaissent. De la même manière que précédemment, en cas de non régression des signes, il faut s’assurer de l’observance de la thérapie et demander un avis dermatologique.

Le lymphocytome borrélien (LB) est traité avec les mêmes molécules antibiotiques à posologie identique. Le pronostic après traitement est aussi généralement bon, avec résorption des lésions cutanées en deux à quatre mois, confortant par la même occasion le diagnostic.

En cas de neuroborréliose de Lyme précoce confirmée, les corticoïdes ne sont pas indiqués, en particulier lors de paralysies faciales isolées à Borrelia.

L’évolution est généralement favorable sous traitement, mais il existe un risque de séquelles, notamment en présence de paralysie faciale. Une prise en charge rééducative (kinésithérapie, orthophonie et ophtalmologique en cas de paralysie faciale périphérique) doit être proposée dès le diagnostic en association à l’antibiothérapie. Aucun examen de contrôle n’est indiqué quand l’évolution est encourageante.

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Population Antibiotique Posologie Durée

Atteintes cutanées (EM multiples et LB)

En l’absence d’atteinte extra-cutanée 1ʳᵉ intention Doxycycline ou Amoxicilline 200 mg/j PO en 1 à 2 prises (adultes) 21 j 1 à 2 g/j (femmes enceintes) et 50 à 100 mg/kg/j (enfant) en 3 prises 2ᵉ intention Azithromycine 1 000 mg le 1er jour puis 500 mg/j (adultes) et 20 mg/kg/j en 1 prise (max 500 mg/prise) 10 j Atteintes neurologiques Atteintes extra-cutanées Adultes et enfants > 8 ans (méningite ou non) Ceftriaxone ou Doxycycline 2 g/j en IV, 100 mg/kg/j chez l’enfant (sans dépasser 2 g/j) 21 j 200 mg/j PO, soit 4 mg/kg/j (sans dépasser 200 mg/j) < 8 ans méningite Ceftriaxone 100 mg/kg/j (sans dépasser 2 g/j) Sans méningite Amoxicilline 50 à 100 mg/kg/j en 3 prises

Tableau 10. Traitement des formes disséminées précoces de la borréliose de Lyme (< 6 mois après piqûre de tique)

Lors d’atteintes rhumatologiques, il est recommandé au médecin traitant de contrôler l’observance et de réévaluer mensuellement la clinique de ses patients. L’épanchement peut évoluer lentement et ne disparaître qu’au bout de trois à six mois.

Pour les troubles articulaires chroniques est préconisé entre 30 et 90 jours de traitement par la SPILF dans la conférence de consensus de 2006.

En cas de récidive ou de nouveaux symptômes, la recherche d’un diagnostic différentiel est justifiée et un avis rhumatologique est conseillé concernant l’intérêt d’un prélèvement de liquide articulaire. De plus, une deuxième ligne d’antibiothérapie différente de la première doit être conseillée lorsque la PCR est toujours positive trois semaines après la fin du traitement antibiotique.

Le traitement antibiotique des atteintes cardiaques n’est en pratique pas dissociable de celui des autres manifestations secondaires ayant permis leur découverte. Ce sera l’atteinte d’au moins deux organes qui fera préférer un traitement parentéral tel que la ceftriaxone par rapport à une antibiothérapie orale pour une durée de 14 à 28 jours.

Le recours à un pacemaker temporaire peut être indiqué selon avis spécialisé. L’évolution est habituellement favorable en quelques semaines, suite à la mise en place d’une antibiothérapie adaptée et aucune surveillance spécifique n’est nécessaire.

A ce jour, il n’y a toujours pas de protocole consensuel pour le traitement des différents troubles

ophtalmologiques mais cette atteinte est assimilée à la neuroborrélisose. Ils nécessitent dans tous les

cas un avis ophtalmologique spécialisé, en particulier si l’atteinte est postérieure ou accompagnée d’une neuropathie.

Ainsi, le traitement repose sur l’administration parentérale de la ceftriaxone durant trois semaines à laquelle on associe un corticoïde. Ce dernier est choisi pour son action locale dans les cas de conjonctivite, épisclérite, sclérite et uvéite antérieure, entre autres.

En revanche, le spécialiste opte pour une corticothérapie systémique dans les uvéites intermédiaires et postérieures ainsi que les formes neuro-ophtalmologiques. Lorsque l’inflammation oculaire est importante, un agent cycloplégique119 et de la vitamine A sont ajoutés.

La surveillance doit être effectuée en ophtalmologie. D’une manière générale, l’évolution est favorable sous traitement mais dépend de la structure oculaire touchée et de l’intensité de l’atteinte initiale. Des baisses d’acuité visuelle peuvent alors persister et devenir séquellaires.

Prise en charge Population Antibiotique Posologie Durée

Atteintes articulaires

1ʳᵉ intention Doxycycline 200 mg/j VO, soit 4 mg/kg/j

en 2 prises 30-90 j

2ᵉ intention Ceftriaxone 2 g/j en IV, soit 75 mg/kg/j

Atteintes cardiaques

Hospitalisation

1ʳᵉ intention Ceftriaxone 2 g/j en IV, soit 100 mg/kg/j (sans dépasser 2 g/j) 21-28 j Relais per os dès que possible Doxycycline ou Amoxicilline 200 mg/j VO, soit 4 mg/kg/j (sans dépasser 200 mg/j) 3 g/j (adulte) et 100 mg/kg/j (enfant) Ambulatoire 1ʳᵉ intention Doxycycline ou Amoxicilline Idem relais PO Atteintes ophtalmologiques

Antibiothérapie recommandée en cas de neuroborréliose associée à un traitement corticoïde local ou systémique selon la gravité

Tableau 11. Traitement des autres formes disséminées précoces et tardives de la borréliose de Lyme

En cas d’atteintes neurologiques tardives, des prises en charge non médicamenteuses doivent être associées selon les besoins telles qu’une rééducation motrice (kinésithérapie, ergothérapie), cognitive et orthophonique, la prise en charge de la douleur, un soutien psychologique et une prise en compte de l’impact social (activité professionnelle) et du handicap.

La surveillance repose sur la clinique, l’imagerie et l’étude éventuelle du liquide cérébro- spinal120 (LCS) en cas d’évolution défavorable. Le tout en sachant que les symptômes, la pléiocytose modérée ainsi que les IgG sériques et intrathécales peuvent persister plusieurs mois, en l’occurrence trois à six mois après l’arrêt du traitement. Par conséquent, le suivi sérologique, même dans le LCS, n’a pas d’intérêt car ne permettant pas de prédire l’évolution clinique, il ne pourra pas être un élément de suivi thérapeutique. La possibilité d’une réinfection est toutefois à envisager chez les personnes exposées aux tiques, les anticorps n’étant pas protecteurs.

L’amélioration des troubles neurologiques tardifs intervient tout de même, dans la majorité des cas, à l’issue de quelques semaines à quelques mois de traitement. Des études mentionnent que 88 % des signes neurologiques objectifs disparaissent à 12 mois puis 95 % à presque 3 ans (33 mois). Quant aux signes subjectifs comme la fatigue, 50 à 90 % d’entre eux s’estompent en 5 ans.

119 Un collyre cycloplégique est un agent qui va limiter l’ouverture de la pupille. 120 Le LCS correspond en ancienne nomenclature au LCR (liquide céphalo-rachidien).

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En cas d’échec ou de rechute, un retraitement peut être discuté de même qu’un diagnostic différentiel avec discussion pluri-disciplinaire en centre spécialisé. En effet, une mise en route tardive du traitement semble être associée à davantage de séquelles telles que des pertes de mémoire, des troubles de la concentration, une dépression, des douleurs d’allure neuropathique, une fatigue persistante et des céphalées chroniques.

La survenue de manifestations psychiatriques de type troubles anxieux et de l’humeur principalement, est traitée de la même manière que la neuroborréliose tardive. Comme nous l’avons évoqué précédemment avec le SPPT, l’impact psychosocial est également fort dans la neuroborréliose disséminée tardive du fait des arrêts provisoires ou définitifs de l’activité professionnelle qu’elle entraîne.

Des centres spécialisés de prise en charge des MVT seront désignés courant 2018 et se répartiront sur l’ensemble des régions françaises. Cette nouvelle organisation de soins constituera un lieu de consultation pour tout sujet relatif aux MVT et contribuera à une meilleure prise en charge uniformisée des patients.

L’amélioration après traitement des lésions causées par l’acrodermatite chronique

atrophiante est lente, d’autant plus si les symptômes sont présents depuis longtemps. En cas de contre-

indication aux cyclines et de suspicion d’allergie aux bêta-lactamines, un avis allergologique spécialisé doit être pris.

Lorsqu’une neuropathie périphérique est associée, les signes inflammatoires de l’ACA et la douleur neuropathique peuvent disparaître à l’issue du traitement, parfois plusieurs mois après ou perdurer sous forme de séquelles. Au même titre qu’une douleur post-zostérienne persistant au long cours malgré l’amélioration des lésions cutanées, un traitement contre les douleurs neuropathiques est proposé.

Une première consultation de suivi à trois mois est recommandée après la fin du traitement. La photographie des lésions de façon régulière s’avère utile pour le suivi de l’évolution de la pathologie. En cas d’absence complète d’amélioration trois à six mois après traitement, les cures répétées d’antibiothérapies ne sont pas recommandées. Un avis dermatologique doit être pris afin d’écarter les diagnostics différentiels précédemment cités, notamment une insuffisance veineuse séquellaire. Celle- ci peut être à l’origine de poussées de dermite de stase donnant une grosse jambe rouge non fébrile, que l’on peut prévenir par le port d’une compression élastique mais ne justifiant pas la prescription d’antibiotiques.

De la même façon, il est conseillé d’informer le patient du caractère atrophique de la peau qui constitue une séquelle et non le signe d’une infection active, ne donnant pas lieu à la reprise d’une antibiothérapie.

Population Antibiotique Posologie Durée

Atteintes neurologiques

Adultes et enfants > 8 ans

1ʳᵉ intention Ceftriaxone 2 g/j en IV, 75 mg/kg/j (enfant) en une injection

28 j 2ᵉ intention Doxycycline 200 mg/j VO, soit 4 mg/kg/j

(enfant) Enfants < 8 ans et

Femmes enceintes Ceftriaxone

100 mg/kg/j (sans dépasser 2 g/j)

Population globale 3ᵉ intention Pénicilline G 24 MUI/j (IV) 28 j

Atteintes cutanées (ACA)

Adultes et enfants > 8 ans

1ʳᵉ intention Doxycycline 200 mg/j VO, soit 4 mg/kg/j (enfant)

28 j 2ᵉ intention Ceftriaxone 2 g/j en IV, 75 mg/kg/j

(enfant)

Tableau 12. Traitement des formes disséminées tardives de la borréliose de Lyme (> 6 mois après l’apparition des premiers symptômes)

Au départ, le traitement de l’ACA a reposé, dans les années 1980, sur l’utilisation d’antibiotiques parentéraux tels que la pénicilline G puis la ceftriaxone, par analogie avec les autres manifestations tardives de la borréliose de Lyme. L’utilisation de la doxycycline fut privilégiée lorsque des essais démontrèrent son équivalence aux traitements parentéraux durant 10 à 28 jours en obtenant une guérison de tous les patients lors du suivi à long terme (428,429).

Au final, la doxycycline est une molécule très intéressante dans les manifestations cutanées précoces, les arthrites aiguës, chroniques et récidivantes, les troubles neurologiques précoces avec ou sans atteinte méningée ainsi que dans l’ACA, avec comme alternative un traitement parentéral par ceftriaxone dans les formes disséminées.