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4. Aspects physiopathologiques

4.1. Interface tique-hôte et transmission des pathogènes à l’hôte

4.1.4. Autres voies de transmission des pathogènes

Le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) a rendu le 19 février 2016 un avis relatif aux différents modes de transmission de Borrelia afin de compléter le rapport de décembre 2014 sur les risques de transmission par voie materno-fœtale au cours de la grossesse et lors de l’accouchement, par voie sexuelle mais aussi via les produits sanguins labiles et les greffes d’organes, de tissus et de cellules (305). J’ai également tenu compte de l’actualisation des connaissances sur leur risque de transmission par transfusion sanguine et greffes publiée par le HCSP en juin 2017 (306).

Par analogie avec la syphilis, le passage transplacentaire de B. burgdorferi s.s. a été mis en évidence chez l’homme dès le milieu des années 1980. Les premières études, qui n’ont pu rapporter qu’un faible effectif de femmes enceintes contaminées, bien que réalisées dans de régions de forte endémie, ne sont pas parvenues à associer la maladie de Lyme chez la femme (ou son exposition aux piqûres de tiques avant la grossesse) avec la survenue de mort fœtale, de petit poids de naissance ou de malformation congénitale. La présence de Borrelia s’observa dans les tissus fœtaux tels que la rate, le rein, la moelle, le cœur, le foie, les surrénales et le cerveau mais dans chacun des cas décrits, elle n’induisait pas de réaction inflammatoire (307–310).

Plus récemment, une étude hongroise recensa à peine plus de 20 % de grossesses compliquées sur une centaine de femmes enceintes diagnostiquées atteintes de la borréliose de Lyme. Là encore, les effectifs sont trop faibles pour conduire à des conclusions formelles, toutefois l’absence d’antibiothérapie de certaines d’entre elles a révélé un accroissement significatif du risque d’évolution péjorative de leur grossesse.

De plus, le bon déroulement de la grossesse des quelques patientes ayant une forme chronique d’infection tardive (ACA) suggérerait que le risque augmente, plus l’apparition de l’infection est récente par rapport à la conception (311).

Le HCSP conclue que le lien entre la transmission transplacentaire de Borrelia évoquée et l’issue péjorative de la grossesse n’a pas été démontré de façon établie. Il poursuit en supposant que la mauvaise évolution de grossesse soit due à la réaction inflammatoire de la mère.

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Par ailleurs, une publication mentionne ne éventuelle transmission par le lait maternel en raison de l’obtention de PCR positives chez deux femmes allaitantes mais la présence de la bactérie vivante et infectieuse n’a pas pu être démontrée (312).

En revanche, un cas de transmission fœto-maternelle de babésiose à B. microti a bien été décrit et étayé aux États-Unis. La mère, mordue une semaine avant l’accouchement, est restée totalement asymptomatique, alors que son enfant a présenté la maladie à un mois. Cette information confirme l’hypothèse avancée précédemment. Leurs sérologies se sont avérées positives, une antibiothérapie a été mise en place et a permis une guérison rapide (313).

Finalement, une dizaine de cas de babésiose néonatale ont été décrits jusqu’en mai 2009 dont trois congénitaux (acquis par voie transplacentaire ou périnatale) (194), deux par piqûre de tique et six associés à la transfusion (314).

Concernant la transmission sexuelle de Borrelia, les positions divergent. Selon le HCSP, seul un article en 2015, rapporta l’isolement en culture de la bactérie et sa confirmation par PCR dans les sécrétions génitales humaines (315). Les experts du HCSP différencient ici la notion de « constatation » du « risque avéré » de transmission par voie sexuelle.

L’année précédente, une étude menée par la même équipe de chercheurs avait mis en évidence la présence de souches identiques de Borrelia dans les sécrétions génitales d’un homme et d’une femme, formant l’un des couples hétérosexuels examinés. La transmission sexuelle est donc probable mais ne peut être formellement approuvée.

Des études complémentaires sont nécessaires, notamment dans le but d’expliquer la différence importante du taux d’infestation des sécrétions génitales entre les hommes et les femmes. En effet, dans la publication de 2014, les chercheurs n’ont retrouvé que 50 % des hommes contre 100 % des femmes du groupe de sujets atteints de la borréliose de Lyme ayant leurs sécrétions respectives positives à l’infection.

Une récente étude, parue en mars 2016, a conduit à l’actualisation de l’avis du HCSP relatif au risque de transmission par transfusion sanguine et greffes d’organes, de tissus ou de cellules.

Les chercheurs ont étudié la capacité de survie de Borrelia miyamotoi dans les différents types de produits sanguins labiles conservés dans les mêmes conditions de température et de durée que celles utilisées habituellement en médecine humaine. Rappelons que B. miyamotoi est l’agent de fièvres récurrentes circulant dans les tiques et les rongeurs d’Europe occidentale, qui fut isolé d’un malade aux Pays-Bas mais pas encore en France.

En 2016, les recherches furent effectuées sur des souris immunodéprimées (severe combined

immunodeficiency, SCID) et immunocompétentes. Dans les deux cas, aucune contamination n’a été

observée par du plasma frais congelé conservé 30 jours. Néanmoins, la transmission de B. miyamotoi est effectivement possible via les globules rouges ou les plaquettes utilisés dans les conditions de stockage habituelles, avec un risque de développer l’infection, en particulier chez les souris SCID. En effet, la charge bactérienne élevée a persisté dans le temps chez ce type de modèles murins tandis qu’elle fut constatée de façon moins constante, à un taux significativement plus bas qui disparut en 7 à 9 jours chez les souris immunocompétentes (316).

Par ailleurs, ces travaux s’ajoutent à deux publications de 2006 et 2015 ayant démontré dans un modèle murin la transmission de B. burgdorferi pour l’une, B. miyamotoi pour l’autre par le sang (317,318). Certains de leurs choix expérimentaux leur ont été reprochés : l’utilisation de sang directement réinjecté sans phase de fractionnement, de stockage ou de réfrigération dans la première étude. Les produits sanguins furent fraîchement prélevés ou conservés durant 7 jours dans la deuxième, ce qui ne correspond pas aux durées de conservation conventionnelles pour une utilisation chez l’homme.

Par conséquent, le HCSP émet des réserves quant à l’extrapolation de ces résultats à l’homme en supposant que les différentes espèces de souris, étant les hôtes naturels de Borrelia, sont plus réceptives à l’agent infectieux que l’homme. En parallèle, les inocula bactériens utilisés dans le modèle expérimental de 2016 furent nettement supérieurs à ceux généralement observés dans les prélèvements sanguins de patients infectés par B. burgdorferi (319).

Il est important de souligner que ce sont le plus souvent les patients immunodéprimés, à même de manifester une encéphalite lors d’une infection à B. miyamotoi, qui nécessitent une transfusion sanguine (320).

À l’heure actuelle, ce risque est toujours considéré comme théorique en raison de l’absence de cas rapportés de borrélioses transmises par transfusion, notamment dans les deux études de suivi de receveurs ayant reçu du sang de donneurs avec sérologie positive pour B. burgdorferi (321,322). Il n’en reste pas moins exclu pour autant.

L’établissement français du sang respecte le principe de précaution, évoqué dans son référentiel de mars 2014, et recommande l’ajournement des candidats au don du sang atteints de la borréliose de Lyme et jusqu’à quinze jours après la guérison. Cependant, le don est accepté lorsque le candidat ne présente pas d’érythème migrant (EM) suite à une piqûre de tique durant le mois précédent, sous réserve qu’il ne se déclare pas après le don. Nous verrons ultérieurement que l’EM n’apparaît pas toujours chez l’ensemble des cas et ce n’est pas de l’ordre de l’exceptionnel.

A contrario, le risque transfusionnel est même avéré dans le cas de la babésiose, l’une des parasitoses, évoquée plus haut, transmises par les tiques de manière moins fréquente que la borréliose en Europe (323). De nombreux cas humains, contaminés par voie transfusionnelle, puis de décès sont survenus ces dernières années aux États-Unis (324). Ces incidents accentuent l’importance d’une détection préalable des donneurs de sang asymptomatiques et la réalité du risque représenté par la transfusion sanguine. D’autant plus que le parasite demeure infectieux après 3 à 5 semaines de stockage à 4 °C.

De la même façon, aucun cas de contamination via des greffes d’organes, de tissus ou de cellules n’a été documenté, à ce jour. L’Agence de biomédecine, qui a procédé à une recherche bibliographique entre 2015 et 2017, n’a pas trouvé de publication mentionnant une transmission de Borrelia par cette voie, du moins de manière établie. En effet, un article reprend les cas publiés de borréliose de Lyme chez les transplantés mais ceux-ci sont survenus plus de deux ans après la greffe dans des contextes de piqûres de tique ou dans des régions fortement endémique (325).

En conclusion de ce chapitre, nous pouvons nous apercevoir que jusqu’à présent, seule la transmission de Borrelia par voie materno-fœtale a pu être officiellement suspectée chez l’homme. Les autres voies de transmission (sexuelle, allaitement, transfusion sanguine et greffes) n’ont pas encore été documentées formellement dans des cas humains.