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LA FORME SOCIALE DE L’ESPACE PUBLIC

PARTIE I. ETUDE THEORIQUE

I.3. LA FORME SOCIALE DE L’ESPACE PUBLIC

Selon Jean Rémy, l’espace public est un espace ouvert et accessible à tous sans discrimination, en permanence, moyennant le respect de règles générales de comportement et faiblement déterminé. Chadouin va dans le même sens en le définissant, comme un espace

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ouvert, dont l’accès n’est pas limité aux usages d’un groupe ou d’une collectivité mais repose sur des conventions sociales capables de régler des rassemblements communs, éphémère, de personnes, d’objets et de valeurs. (Chadouin, 2004)15. Effectivement, comme l’a montré

Goffman, les conventions d’accès à l’espace public sont à la fois des modalités d’interaction et de moyens de communication. De ce point de vue, l’espace public fixe une certaine normalité de comportement qui repose moins sur l’adhésion à des valeurs qu’au respect des apparences, à une harmonie des faces ou présentation de soi, qui dépasse l’hétérogénéité des acteurs. Pourtant, étant toujours insérés dans des ensembles sociaux plus ou moins marqués, les espaces publics recouvrent assez rarement la définition de droit qui fait de ceux-ci des espaces libres d’accès. Le bon fonctionnement d’un espace public repose sur quelques règles essentielles qui, au travers d’une gestion de la distance, permettent aux usagers de cohabiter malgré leurs différences. C’est ce que ce théoricien appelle "la mise en scène de la vie quotidienne". Cet ordre implicite, ce consensus, garantissent en quelque sorte aux citadins l’accessibilité et l’utilisation en toute confiance des lieux publics. (Goffman, 1973)16. Les

espaces publics se donnent plus ou moins largement à des catégories de population et qu’ils opposent des barrières plus ou moins difficiles à franchir selon le statut social, la fortune, la couleur, le sexe. (Sansot, 1973)17.

L’espace public peut être appréhendé comme support d’un grand nombre d’activités, il peut être défini comme un deuxième habitat pour l’homme, ces activités relèvent du domaine du social, de l’économique, du culturel, du politique, du technique…et c’est elles qui donnent forme à l’espace public.

L’espace public est une notion très utilisée en sciences humaines et sociales, il a d’abord été défini par Kant, comme étant le lieu accessible à tous les citoyens où un public s’assemble pour formuler une opinion publique ; Habermas, en reprenant la définition de Kant, le caractérise comme un espace regroupant les différents acteurs : politiques, sociaux, religieux, culturels, intellectuels composants la société. « l’espace est un produit matériel en relation

avec d’autres éléments matériels – entres autres – les hommes qui entrent eux même dans des rapports sociaux déterminés qui donne à l’espace, une forme, une fonction, une signification » (Castells, 1972 )18.

Les espaces publics assurent la mixité des usages par le mélange des genres, des âges et des groupes sociaux. Le lien social peut s’opérer par le biais d’espaces mixtes ou non mixtes. Une situation d’appropriation ou de mixité est positive dans la mesure où les différents groupes sociaux parviennent à se mettre d’accord sur des règles à respecter. Pour qu’il y ait lien social,

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il faut se pencher sur ce qui donne sens à ce mélange, la manière dont il est vécu, perçu, jugé. (Remy, 2000)19.

Vivre ensemble dans les mêmes espaces publics nous apprend la tolérance, le respect de l’autre, la variété des points de vue et des croyances… Les lieux publics devraient préserver l’anonymat de l’individu tout en lui fournissant un registre de références pour se penser avec les autres. La ville apparaît comme le seul lieu possible à l’apprentissage de la civilité, premier pas vers une volonté de vivre ensemble démocratique, c'est-à-dire une manière de concilier l’existence de différences et l’invention d’un commun. Vivre Un lieu public idéal celui dont rêvait Antoine de Saint-Exupéry, «où chaque pas à un sens ». (Reiter, 2007)20.

D’autre part, l’occupation des espaces publics est rythmée selon de nombreux cycles : quotidien, hebdomadaire, mensuel, saisonnier, annuel, … Ces rythmes se concrétisent généralement par une certaine polyvalence d’occupation des espaces publics. Les perceptions et usages des citadins dépendent du caractère polyvalent des espaces publics. Ainsi, il est essentiel de valoriser les caractéristiques de variabilité d’un espace public de manière à ce que cet espace s’adapte naturellement aux variations cycliques de ce lieu (climat, usages,…). Il y a différentes échelles temporelles et différentes échelles spatiales possibles pour créer cette variabilité.

Photo I.16 : La rue : lieu de rencontre, de rassemblement et d’échange. Rue à Sétif.

La rue joue un rôle essentiel dans la vie sociale : elle contient les fondements de la vie sociale à travers les activités humaines qui s’y déroulent, en plus de sa fonction de relier les espaces privés, elle est le lieu privilégié de rencontres et d’échanges. Sa destination peut offrir des caractères variés, elle est espace de circulation de véhicules et des piétons, espace de

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manifestation, de discussion…elle est donc par la multiplicité des acteurs, par les activités dont elle est le support déterminante des pratiques sociales. « La forme architecturale génère

une tension entre l’intérieur creux, habité et l’extérieur infini, indéfini, lui-même habité. Situé entre ces deux milieux, le mur constitue une interface dynamique, une scène où s’opère de continuels passages, de corps, de lumières, de vues, de sons ». (Bouchier, 2002)21.

Par la rencontre de l’altérité, le lieu public devient le lieu privilégié de la mise en présence dense et complexe des différences. La coexistence, qui définit le lieu public comme identité collective, est créée à partir de trois qualités complémentaires :

- le rassemblement : qui nécessite de la proximité et une certaine densité. Les espaces collectifs sont des lieux où les hommes sont réunis pour vivre ensemble.

- la diversité : variété de lieux, mixité des fonctions, hétérogénéité du bâti, simultanéité ou succession des activités,… La multiplicité sous toutes ses formes est nécessaire. - l’ouverture : comme disponibilité à la transformation et à l’appropriation, tolérance de

l’autre, libre accès, possibilité de laisser advenir… La complexité, l’hétérogénéité, les paradoxes, les incertitudes, les ambiguïtés sont des caractéristiques qui ouvrent à la liberté, la possibilité de choisir et d’agir. (Reiter, 2007)22.

Photo I.17 : Les activités exceptionnelles dans l’espace de la rue : La rue comme lieu d’expression de la foule.la rue lieu d’expression de la joie ou de la colère de la foule.

La ruelle, est un espace d’une grande sociabilité, vu son caractère formel, elle peut contenir des commerces variés, qui font d’elle un espace très convoité par les usagers où dans certains cas, elle devient un espace plus animé que la rue. La ruelle peut présenter un caractère plus populaire par le type de commerce qu’elle offre (artisanat, petits commerces de proximité) et les ambiances qu’elle affiche.

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L’impasse présente un aspect particulier de part son statut d’espace privé réservé principalement à l’habitat. Généralement l’impasse ne contient pas de commerces, sauf dans certains cas où des petits commerces comme une épicerie, un café, un atelier, peuvent donner à l’impasse un caractère d’espace plus au moins ouvert au public, un public où l’usager reste toujours défini. En effet, ce qui caractérise l’impasse c’est la promiscuité qui s’exprime essentiellement dans les relations de voisinage entretenues par les habitants. Elle est à la fois espace de jeux pour enfants et espaces de rencontre des habitants. Dans la ville arabe traditionnelle, l’impasse considérée comme un espace privé qui isole les habitations et les protègent des regards des étrangers, procure à la femme le droit d’accès à un espace extérieur à l’habitation tout en préservant son intimité. En effet à travers les rencontres qui peuvent avoir lieu dans ces espaces, l’impasse prend la forme d’un espace féminin, lieu de discussion et regroupement des femmes, ainsi que d’espace de jeux pour les jeunes enfants, elle est le lieu où règnent une grande solidarité de voisinage et un fort sentiment de vie communautaire.

Photo I.18 : Exemple d’impasse dans un ancien quartier de la ville de Sétif. (cité Yahiaoui) : un espace particulièrement réservé aux rencontres des femmes.

Tout comme la rue, la place dès son émergence traduit une signification sociale en tant que lieu abritant des fonctions à caractère collectif telles que église, école, commerces, professions libérales… les places, en fonction de leur situation, articulent souvent plusieurs voies de déplacement, motorisées ou piétonnes. Cette situation confère aux places un caractère de convergence et de rayonnement à travers les fonctions multiples qu’elle accueille et les activités qu’elle offre. La place est un lieu de grande sociabilité, où la rencontre et le rassemblement, paramètres fondamentaux dans la définition l’espace social, selon Raymond Ledrux, sont les éléments favorisant de l’animation.

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Le parc par les activités multiples qu’il offre : la détente, les exercices physiques, la culture, le divertissement, est un lieu de pratiques urbaines. Ce n’est pas seulement un lieu naturel mais un espace où s’établissent des relations entre individus de différentes couches sociales et de différents âges. « Le jardin du XXIème siècle devait être une entité culturelle rompant avec la

tradition des déserts de verdure de quelques décennies précédentes. » (Siméoforidis, 1993)23.

Tableau I.2 : Tableau des activités de l’espace public.

Identité de la vie locale Catégories Activités quotidiennes ordinaires

Socio-économique relative à la vie quotidienne (commissions, accompagner les enfants, se rendre au travail, rencontre) Activités occasionnelles Célébration, sport, politique, culturel.

Cérémonies festives.

Activités exceptionnelles Sport, politique.