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Analyse a priori de la situation expérimentale

2. Définition de la situation expérimentale

3.1 Forme dans laquelle le problème est proposé

L’analyse a priori de l’influence de cette variable sur le processus de résolution est conduite sur la base d’une confrontation entre les problèmes de la ligne A (A1 et A2) et les problèmes de la ligne B (B1 et B2) du Tableau 4.1. Comme montré au Tableau 4.3, la variable « forme dans laquelle le problème est proposé » peut prendre deux valeurs :

le problème est proposé comme seul énoncé accompagné par la question du problème. C’est le cas des problèmes A1, A2 et du problème 3

le problème est proposé sous forme d’une liste de données, de la question du problème et du dessin. C’est le cas des problèmes B1 et B2.

Pour les problèmes A1 et A2, où la variable « forme du problème » prend la valeur du seul énoncé, il est vraisemblable penser que la première phase du processus de résolution sera la construction du dessin, tandis que pour les problèmes B1 et B2, où la variable assume la valeur « dessin + liste de données », il est raisonnable penser que la première phase du processus de résolution sera centrée sur l’interprétation du dessin et sa coordination avec les données de la liste.

Il en découle que les valeurs assumées par la variable « forme du problème » donnera lieu à deux pistes principales d’analyse a priori des allers et retours entre appréhension opératoire du dessin et référent théorique. Ces pistes sont l’une centrée sur la construction du dessin, l’autre centrée sur l’interprétation du dessin. Nous précisons cette affirmation dans le paragraphe qui suit.

3.1.1 Problème proposé comme seul énoncé

Pour répondre aux questions à propos du rôle des variables lors du processus de résolution (paragraphe 3), nous faisons l’hypothèse que le problème proposé aux élèves par le seul énoncé, puisse induire la construction du dessin. En effet, il paraît invraisemblable que des élèves des premières années du lycée puissent dégager un processus de résolution d’un problème de géométrie plane, sans le support du dessin. Duval6 explique que le dessin « donne une représentation d’une situation géométrique plus facile à appréhender que sa présentation dans un énoncé verbal » (Duval, 1994, p.121). En effet, ajoute-t-il en s’appuyant sur la considération de Bessot : le dessin fait « apparaître sur un objet visible des relations ou

6 Dans son article «Les différents fonctionnements d’une figure dans une démarche géométrique » (1994, REPER- IREM, N° 17), Duval considère l’emploi du dessin mais non spécifiquement la construction d’un dessin. Cependant, nous retenons que ses considérations à propos de la nécessité d’usage du dessin en géométrie étaient également valables lorsque la construction d’un dessin participe d’un processus de résolution d’un problème de géométrie.

des hypothèses de relations7 qui ne sont pas clairement évidentes dans un énoncé verbal » (A. Bessot, 1983, p.35). En effet, à la différence d’un discours, les dessins « font apparaître pour chaque objet toutes ses relations avec les autres objets de la situation représentée » (Duval, p. 121). En d’autres termes, aux dessins sont associés les domaines d’interprétation et de fonctionnement8 qui permettent respectivement d’associer à certaines propriétés spatiales du dessin un ensemble de propriétés géométriques de l’objet, et de représenter l’ensemble de propriétés géométriques de l’objet par certaines des propriétés spatiales du dessin (cf. paragraphe « Phase de construction »).

Ainsi, nous considérerons la construction du dessin comme un aspect essentiel pour l’analyse a priori du déroulement des processus de résolution des problèmes proposés sous la forme du seul énoncé. L’objectif sera de répondre à la question suivante : la construction du dessin peut-elle favoriser la mise en relation de l’aspect conceptuel et de l’aspect figuratif ?

Comme la construction du dessin passe par la coordination entre le registre linguistique propre à l’énoncé et le registre figuratif propre au dessin, nous pouvons imaginer que, la coordination entre ces registres sera verbalisée, au moins partiellement, et nous pouvons ainsi repérer les fonctions du langage sur les choix des référents théoriques et des sous-configurations à isoler dans le dessin pour l’organisation et l’avancement du processus de résolution. Sous-configurations Référent théorique Fonctions du langage énoncé dessin Registre figuratif Registre langagier

L’analyse a priori se centre donc sur la relation entre énoncé et construction du dessin en termes de coordination entre le registre figuratif et le registre langagier sur la base du processus de « conversion » défini par Duval et présenté dans le paragraphe suivant.

3.1.1.1 Le processus de conversion proposé par Duval

Nous proposons d’interpréter la relation entre l’énoncé et la construction du dessin à l’aide du schéma proposé par Duval (2000, pp.55 - 69). Il soutient que :

7 Nous interprétons les « hypothèses de relations » comme le résultat d’une appréhension perceptive du dessin qui doit être supportée par une appréhension discursive du dessin : l’explicitation d’autres propriétés mathématiques que celles indiquées.

« for any mathematic object we can have different representations produced by different semiotic system. […] But that necessary variety of semiotic system raises important problems of coordination. […] Whenever a semiotic system is changed, the contents of representation changed, while the denoted object remains the same…». (Duval, 2000,p.59)

L’opération qui permet de passer d’une représentation dans un certain système sémiotique à un autre est appelée par Duval “conversion”. L’hypothèse faite par Duval est que la coordination entre différents registres de représentation contribue à la conceptualisation de l’objet mathématique. Le schéma proposé par Duval, relevant de la représentation et de la compréhension d’un objet mathématique, est le suivant :

Schéma 1

Conversion d’une représentation en une autre représentation

Conceptualisation

dénotation dénotation

COORDINATION

Production d’une représentation dans un système sémiotique spécifique B

Production d’une représentation dans un système sémiotique spécifique A Signes ou compositions de signes Représentation B Représentation A Signes ou compositions de signes OBJET MATHEMATIQUE

Par exemple, dans le problème A2 de notre expérimentation, la construction du dessin met en jeu l’objet « parallélogramme ».

Schéma 1.1

Conversion de la représentation langagière du parallélogramme en la représentation graphique du parallélogramme

Conceptualisation

dénotation dénotation

Registre figuratif : Dessin du parallélogramme

Registre langagier : Définition de parallélogramme (quadrilatère ayant les cotés opposés égaux et parallèles)

Relations parmi les gestalts Composition de gestalts 2D Définition de parallélogramme Mots, proposition, phrases PARALLELOGRAMME COORDINATION

L’opération de construction du dessin associé aux problème A1 ou A2 nécessite donc de coordonner de deux registres : le registre langagier, dans lequel on récupère les données de l’énoncé, et le registre figuratif, dans lequel ces données doivent être traduites.

Observons que la coordination entre les deux registres peut se passer aussi dans le sens inverse : du registre figuratif au registre langagier. Dans ce cas, on aura l’interprétation du dessin (fourni dans le problème) afin de conceptualiser l’objet parallélogramme. La conversion du registre figuratif au registre langagier sera abordée au paragraphe consacré aux problèmes proposés comme liste de données accompagnée d’un dessin.

3.1.1.2 Phase de construction du dessin

Du point de vue de la forme du problème nous pouvons dire que dans le problème A1 la conversion des informations données en langage naturel en dessin ne pose pas de difficultés particulières parce que n’exige pas de coordination entre gestalts : il suffit de traduire séquentiellement les informations données dans l’énoncé en tracés successifs. En revanche, la construction du dessin dans le problème A2 pose un problème car elle exige de coordonner la gestalt des points D et E sur le cercle avec la gestalt du parallélogramme OADE. Or, ceci est un véritable problème de construction géométrique qui ne se résout qu’une fois que le problème 2 est résout. On s’attend donc à ce que la construction du dessin dans le problème 2 ait faite soit à main levée soit par tâtonnement.

Bien que notre expérimentation ne concerne pas des problèmes de construction géométrique, il s’agit ici de construire une figure, dans la théorie euclidienne, comme produit du rapport entre dessin et objet géométrique, selon la triade référent, signifiant, signifié (C. Laborde & B. Capponi, 1994). La coordination entre le registre langagier et le registre figuratif concerne donc ici non seulement la conceptualisation de l’objet géométrique mais aussi la construction de la figure9 correspondante. Dans la suite, nous parlerons de « construction du dessin » pour souligner que l’action de construction produit un objet, c’est-à-dire le dessin, sur un support matériel tel la feuille, que les élèves traiteront selon les modifications méréologiques, optiques et positionnelles, prévues par Duval.

9 La notion de figure que nous adoptons ici découle de la définition donnée par Capponi et Laborde dans « Cabri-géomètre constituant d’un milieu pour l’apprentissage de la notion de figure géométrique » (1994) : « La figure géométrique consiste en l’appariement d’un référent donné à tous ses dessins, elle est alors définie comme l’ensemble des paires formées de deux termes, le premier terme étant le référent, le deuxième terme étant un des dessins qui le représente ; le deuxième terme est pris dans l’univers de tous les dessins possibles du référent » (p.168.

3.1.2 Problème proposé comme liste de données accompagnée d’un dessin.

Des nombreuses études ont montré que souvent, dès que les élèves ont tracé le dessin correspondant au problème, ils ne prennent en compte que le dessin en laissant au deuxième plan les informations de l’énoncé. Le dessin devient leur point de repère, ils « oublient » l’énoncé du problème. Leur conduite est la même, si le dessin est fourni dans le problème. Or, sur la base de cette considération, nous proposerons dans notre expérimentation une version des problèmes sous la forme d’une liste de données, d’un dessin et d’une question.

L’objectif est d’examiner la deuxième piste d’analyse que les valeurs de la variable « forme du problème » nous ont permis de définir : l’interprétation du dessin.

Si, comme on a dit ci-dessus, le dessin est mis au premier plan par rapport à la liste d’informations et s’il dévient l’unique source de données, alors l’interprétation du dessin est évidemment réalisée en acte. Cette interprétation du dessin peut être conduite principalement sur la base des liens spatio-graphiques entre les gestalts composants le dessin ou alors sur la base des relations géométriques des gestalts composantes le dessin. Cela signifie que l’interprétation du dessin peut être conduite en termes spatio-graphiques ou en termes géométriques. Pour autant, nous souhaitons observer si et comment les élèves reconstruisent les liens entre propriétés spatiales du dessin et propriétés géométriques lors de l’interprétation du dessin. Ce qui comporte la mise en acte de l’appréhension opératoire et discursive du dessin en lien avec la théorie et, donc, avec des référents théoriques.

Observons en outre que le dessin des problèmes B est fourni aux élèves déjà codé. Ce choix dépend d’une double raison. En effet, si les élèves ne prennent pas en compte les seules données codées sur le dessin, alors nous pouvons penser qu’ils mettent en acte une appréhension discursive du dessin pour en tirer d’autres propriétés géométriques que celles codées. Tandis que, s’ils prennent en compte les seules données codées, nous pouvons dire que dans l’interprétation, ils ne cherchent pas à inférer des propriétés géométriques. Le processus d’interprétation devient une simple appréhension opératoire du dessin.

Nous croyons qu’une des raisons pour lesquelles les élèves ne prennent pas en compte la liste de données relève du contrat installé en classe à propos du codage. En effet, il est souvent légitime de coder les seules informations explicites de l’énoncé, et il se peut que les élèves lisent cette implication à l’envers: toutes les informations de l’énoncé sont codées sur le dessin. De là, il résulterait qu’il est inutile de prendre en compte les données de l’énoncé ; cela reviendrait à lire deux fois les mêmes informations fournies dans deux registres de représentation sémiotique différents (langagier pour l’énoncé et symbolique pour le dessin) En résumé, si les élèves prennent en compte les seules données codées, ils démarrent

probablement de préférence par une appréhension opératoire du dessin ; si au contraire, ils prennent en compte d’autres propriétés géométriques que celles codées sur le dessin, alors ils ont tendance à démarrer par l’appréhension discursive du dessin. Or, si le problème B1 peut orienter vers l’une ou l’autre démarche, le problème B2 entre nécessairement dans la deuxième démarche en raison de la valeur prise par la variable « forme dans laquelle les données sont fournies », comme nous l’expliquerons au paragraphe suivant.