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Le langage : perspective fonctionnelle

4. Caractère fonctionnel de la communication

4.1 Les fonctions du langage selon Jakobson

Jakobson distingue différentes fonctions du langage : la fonction référentielle, les fonctions interpersonnelles et les fonctions métalinguistiques, mais nous ne retiendrons pour notre étude que les fonctions référentielle et métalinguistique car le langage dont nous envisageons de rendre compte, en tant que moyen de médiation, est ancré sur des notions et ne prend pas en charge de façon spécifique les relations interpersonnelles des interlocuteurs. Les fonctions interpersonnelles du langage passent donc dans notre analyse nécessairement en deuxième plan.

Fonction référentielle (ou cognitive) : c’est la fonction la plus importante du langage qui

consiste à transmettre à autrui des informations concernant le monde empirique et concret (au sens de Jakobson). Duval appelle cette fonction « référentielle de désignations d’objets » et, comme on verra dans la suite, il considère qu’elle permet de désigner des objets.

Or, notre recherche s’appuie sur la situation particulière de communication entre élèves en train de résoudre un problème de géométrie plane. Cela restreint le champ d’action dans un

contexte d’énonciation très précis qui ne concerne pas nécessairement le concret mais peut porter sur des objets géométriques, figures ou dessins (au ses de Laborde&Capponi). Par conséquent, nous retenons la fonction référentielle en tant que fonction qui permet de désigner des objets, au sens de « notions » caractérisant l’espace référentiel.

Fonction métalinguistique : il s’agit de la fonction par laquelle le locuteur s’exprime à propos

du discours lui-même, par exemple en portant un jugement sur le caractère correct ou incorrect d’un énoncé.

Cette acception de la fonction métalinguistique est liée spécialement à l’explicitation de la valeur sémantique plutôt que logique des propositions. Mais, comme on verra dans la suite, l’acception de la fonction métalinguistique que nous retiendrons sera liée plutôt aux valeurs logiques des propositions composantes le message. C’est pourquoi, la fonction métalinguistique sera considérée dans notre analyse comme souvent proche de la fonction

planificatrice du langage par laquelle les élèves produisent un projet de déroulement du

processus de résolution (cf. paragraphe « Mécanisme centré sur le dessin »).

4.2 Les fonctions du langage selon Duval

Duval consacre le deuxième chapitre de son ouvrage « Sémiosis et pensée humaine » (1995) aux différentes fonctions discursives qu’un système sémiotique doit permettre de remplir pour être une langue. Duval distingue deux plans différents parmi les fonctions qui sont mobilisées pour l’emploi d’une langue : celui des fonctions communes à différents systèmes de représentation, et celui spécifique à l’emploi de la langue. Pour notre étude, nous retiendrons seulement ces dernières.

Parmi les fonctions discursives, Duval définit la fonction référentielle, la fonction

apophantique5, la fonction d’expansion discursive, la fonction de réflexivité (Duval, 1995, p. 91). Reprenons les seules définitions de fonction référentielle, de fonction apophantique et de fonction d’expansion discursive qui sont les plus pertinentes pour notre recherche.

La fonction référentielle sert à « désigner des objets »

La fonction apophantique sert à « dire quelque chose des objets que l’on désigne sous forme d’une proposition énoncée ». Cette fonction permet la constitution d’un énoncé complet, par exemple la description d’un objet qu’on a précédemment désigné

La fonction d’expansion discursive sert à « relier la proposition énoncée à d’autres

5 La fonction apophantique est relative à une « unité apophantique » qui corresponde à un énoncé complet sauf qu’elle prend en compte la différence qu’il y a entre une proposition, ou une phrase, et un texte .

propositions (description, inférence…) »

Or, le point important est que pour Duval chacune de ces fonctions peut être remplie par différentes opérations discursives. La notion d’opération est relative à la production du discours et elle est irréductible à l’application de règles linguistiques d’ordre syntaxique, sémantique ou pragmatique. De ce point de vue, le lexique et les règles d’une langue sont en deuxième plan. Pour Duval donc, l’analyse du discours est de caractère fonctionnel et cela veut dire que « l’organisation d’un discours dépend toujours des fonctions discursives et des opérations discursives sélectionnées pour remplir ces fonctions » (Duval, p.95). Venons donc aux définitions des opérations qui permettent d’accomplir la fonction référentielle.

La première fonction d’une langue est de permettre de désigner des objets. Cette fonction mobilise un nombre considérable d’opérations discursives entre autres l’opération de désignation pure, l’opération de catégorisation simple et l’opération de description.

L’opération de désignation pure « consiste à identifier un objet, soit en le montrant par un geste, soit en lui associant une marque particulière ou une combinaison particulière de signes… » (p.98). Dans la résolution d’un problème de géométrie plane, l’action de « montrer par un geste » peut permettre d’indiquer, par exemple par un geste des doits, un élément de base du dessin (point, segment, …) ou une sous-configuration du dessin. L’association d’une marque à l’objet indiqué relève, par exemple, du codage de cet objet : l’association d’une lettre à un point (le point H), d’une lettre au cercle (le cercle (C )), aux extrémités d’un segment (le segment AB)… Mais le codage de deux éléments de base du dessin par une même marque ne rentre pas dans ce type d’opération car cela met en relation deux objets et, évidemment, ne concerne pas une simple opération de désignation.

L’opération de catégorisation simple « consiste à identifier un objet par une de ses qualités, c’est-à-dire le désigner en indiquant la classe typique à laquelle il appartient… », Par exemple : « Soit I le milieu du segment AB… » (p. 99)

L’opération de description « consiste à identifier un objet en croisant les résultats de plusieurs opérations de catégorisation » Par exemple : « Soit I le point d’intersection des hauteurs d’un triangle »(p. 99)

La possibilité de désigner des objets, dit Duval, n’est pas suffisante pour permettre une activité discursive. Une langue doit aussi permettre de pouvoir dire quelque chose sur les objets désignés. C’est ce que Duval appelle la « fonction apophantique » déjà mentionnée. Une des opérations qui permettent de remplir cette fonction consiste à lier l’expression d’une propriété, d’une relation ou d’une action à une expression désignant des objets.

référentielle, avec ses opérations, et la fonction apophantique.

La fonction d’expansion discursive, illustre essentiellement la construction d’unités linguistiques (unités du discours), et la composition de ces dernières en un discours construit selon certains modes d’expansion discursives. On peut s’attendre à ce que la fonction d’expansion discursive joue un grand rôle dans la production d’une démonstration puisqu’une démonstration est un ensemble structuré de propositions selon des règles prédéfinies. C’est pourquoi, nous retiendrons dans notre analyse fonctionnelle du langage seulement la fonction référentielle, en tant qu’action de désignation d’un référent et la fonction apophantique, permettant de construire énoncés complets. Nous désignerons les autres fonctions sous le terme « modes d’expansion du discours » dont on discutera dans les paragraphes suivants. Le point de vue abordé par Duval semble être un point d’ancrage utile pour notre analyse même s’il paraît plus proche du point de vue linguistique que du point de vue didactique : Duval considère la fonction du langage par rapport au référent alors que notre point d’ancrage est plutôt du côté du sujet élève. Cela implique que nous analyserons les fonctions du langage par rapport à l’action du sujet qui résout. À notre avis donc, la fonction référentielle, la fonction apophantique et la fonction d’expansion discursive se situent à des niveaux différents : la fonction référentielle est évidemment en rapport avec le sujet, tandis que les deux autres sont propres au discours et sont en rapport avec le référent.

Résumons notre position par rapport à la notion de fonction du langage. Notre propos n’est pas ici de tester les définitions de fonctions du langage ou discursives fournies par l’abondante littérature psychologique ou linguistique, nous chercherons plutôt à identifier les fonctions possibles que le langage peut recouvrir en tant qu’outil, dans la situation particulière de résolution d’un problème de démonstration de géométrie plane. Nous partirons donc de ce qui semble être une donnée fondamentale qui ressort des théories linguistiques et psycholinguistiques : les fonctions du langage présentées ci-dessus. À partir de là, nous envisagerons la mise en évidence d’autres fonctions du langage en tant qu’outils de résolution (fonctionnalité du langage par rapport à la tâche à résoudre et par rapport au sujet résolvant). Soulignons encore que, parmi les fonctions du langage, nous distinguerons les deux types différents de fonctions : celles qui sont en rapport avec le sujet qui résout et celles qui sont en rapport au référent. Nous appellerons les premières fonctions du langage, les deuxièmes fonctions discursives.

Il s’agira a posteriori, par une analyse des protocoles, de trouver si et comment on peut mettre en correspondance les deux catégories de fonctions, et cela conduira à des correspondances entre sujet et référent.

Nous souhaitons mettre aussi en évidence le double rôle du langage : le rôle de « révélateur » du langage en tant qu’une sorte de méta-fonction du langage et le rôle joué par le langage comme outil pour l’avancement de la résolution du problème.

Pour fournir une vue d’ensemble des perspectives différentes remplies par les fonctions du langage dans le processus de résolution mené par les élèves, nous proposons le schéma suivant Schéma 2 Langage comme outil de construction et maîtrise de la pensée Fonctionnalité du langage

Langage en tant qu’outil de résolution

Langage en tant qu’outil révélateur - Vygotsky - Duval - Jakobson -Duval (fonctions d’expansion discursive )

Fonctions du langage par rapport au sujet

Analyse fonctionnelle du langage

Fonctions discursives par rapport au référent