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Formation d’une goutte d’eau atmosphérique

Caractéristiques des aérosols secs et humides

VI.4 Cas de l’aérosol humide

VI.4.1 Formation d’une goutte d’eau atmosphérique

Pour se former une gouttelette d’eau nécessite la présence d’une particule solide. Les particules d’aérosols sont incorporées dans les nuages au travers des mouvements verticaux ou par entraînement latéral. La vapeur d’eau environnante dans le nuage peut se condenser sur une fraction de la population d’aérosols contenue dans la masse d’air entrante. Ce processus qui crée une conversion de la particule d’aérosol en une goutte d’eau, est couramment appelé nucléation hétérogène.

La nucléation homogène consistant en la condensation d’une goutte liquide à partir de vapeur d’eau seule, en absence d’un support solide, exige une supersaturation de l’ordre de 340% (Jennings, 1998), cette valeur ne pouvant absolument pas être atteinte dans les conditions normales atmosphériques. Les particules d’aérosols agissent donc comme des noyaux de condensation nuageuse (CCN), permettant aux nuages de se former dans les conditions de supersaturation (généralement inférieure à 1%) prévalant au sein de l’atmosphère.

Cependant, seule une partie des aérosols atmosphériques peut agir comme CCN. La condensation de vapeur d’eau sur les particules est en effet un processus complexe faisant intervenir plusieurs paramètres. L’ensemble des conditions de nucléation est décrit par la théorie de Kölher :

(

)

p p M M r r r n RTr s w s = + −            − 1 0 2 3 3 0 0 3 1 ρ ρ ρ σ 0 exp où p

ps est le rapport entre la pression de vapeur environnante et la pression de vapeur saturante (en pratique, il s’agit de l’humidité relative) ; σ est la tension de surface, n est le volume molaire partiel de l’eau, R est la constante des gaz parfait, T est la température, r et r0 sont les rayons respectifs de la goutte d’eau et de la particule sèche, ρ et ρ0 les densités respectives de la goutte et de la particule, et Mw et Ms les poids molaires de l’eau et du soluté. Une représentation de cette théorie est faite en figure A I-4 montrant l’évolution de la supersaturation critique d’activation d’une particule d’aérosol en fonction de sa taille et de sa solubilité dans l’eau (Pruppacher & Klett, 1997).

Au regard de cette figure, il apparaît que plus les particules sont grosses ou plus la fraction soluble est importante, plus bas sera la supersaturation critique nécessaire pour que la particule agisse comme un CCN, c’est à dire forme une goutte d’eau. Il semble donc que la taille de la particule ainsi que sa composition et plus particulièrement sa solubilité sont des critères essentiels à l’incorporation des aérosols en phase aqueuse et donc à la formation des gouttes d’eau.

du rayon et de la fraction de matériel soluble (NaCl) à 0°C (Pruppacher & Klett, 1997).

Ces conclusions ont également été mises en évidence par Hallberg et al. (1994) lors de l’étude de la distribution d’aérosols entre l’air interstitiel et les gouttes d’un nuage en fonction de leur pourcentage en matière soluble et leur taille. Il montre que, pour une taille donnée, la majorité des particules formant les gouttelettes nuageuses sont solubles alors que les particules insolubles restent préférentiellement dans l’air interstitiel. D’autre part, la taille même de l’aérosol est un critère important pour déterminer si la particule se trouve dans la goutte ou dans l’air environnant, la nucléation semblant être le principal processus discriminant la localisation de l’aérosol. Les résultats de Svenningsson, et al. (1994) précisent ce dernier point en montrant une augmentation de la fraction d’aérosols nucléés avec l’augmentation de leur diamètre entre 0,01 et 1 µm. Le suivi de la distribution particulaire entre les phases condensée et interstitielles d’un nuage a aussi été réalisé par Gieray, et al. (1997) qui aboutit aux mêmes conclusions qu’Hallberg et al. (1994), les particules défavorisées lors de la formation des gouttes contiennent de fortes quantités de matière carbonatée insoluble. L’importance de la fraction soluble de l’aérosol sur la nucléation a également été démontrée par Svenningsson, et al. (1994) qui trouve que les particules ayant 50% de fraction soluble sont plus hygroscopiques que les particules n’en contenant que 5 et donc que ces dernières sont moins facilement nucléées si on compare le pourcentage de chaque type de particule dans l’air entrant et dans l’air sortant d’un nuage ainsi qu’entre l’air interstitiel et les gouttes du nuage. Ceci s’explique assez clairement si on regarde les travaux de Pilinis, et al. (1989) qui montre d’après un modèle thermodynamique de prédiction du point de déliquescence d’aérosol (c’est-à-dire la valeur d’humidité relative nécessaire au passage de la phase solide à la phase condensée) que l’existence d’eau sur une phase particulaire est fortement dépendante de sa composition chimique et particulièrement de l’hygroscopicité des composés la constituant. Dans le même sens, Hänel (1976) trouve qu’une supersaturation critique d’au moins un ordre de grandeur supérieur est nécessaire à l’activation d’un aérosol insoluble comparé à une particule soluble. Ces considérations théoriques sont confirmées par Svenningson et al. (1994) qui montre que

soluble, un rayon de 0,4 µm.

On peut conclure que la taille et la composition de l’aérosol sont des éléments clés à l’estimation des capacités CCN d’une particule solide atmosphérique. Il a ainsi été démontré que la population de noyau condensable est plus importante pour les aérosols anthropiques que pour les aérosols naturels souvent peu solubles (Hudson & Morel, 1990).

Par conséquent, la nucléation est un phénomène très sélectif, auquel seule une faible quantité d’aérosols peut répondre et donc agir comme CCN. Toutefois, la nucléation n’est pas le seul processus d’incorporation d’aérosols dans les gouttes nuageuse et il existe un certain nombre de mécanismes secondaires permettant aux particules de passer dans la phase aqueuse atmosphérique, entre autres (Jennings, 1998) :

1. La diffusion brownienne permet la coagulation de particules avec la phase liquide. 2. Les forces phorétiques permettent la collision entre les particules et la phase liquide.

3. L’impaction par inerte des particules d’aérosols sur les gouttes du fait des interactions hydrodynamiques.

La contribution de ces processus dans l’incorporation des particules en phase aqueuse est faible (Flossman, 1998). Néanmoins, ces processus peuvent s’avérer importants pour les particules ne répondant pas aux critères des CCN, ils constituent un moyen détourné de piégeage de particules dans la phase aqueuse atmosphérique (Pruppacher & Klett, 1997). VI.4.2 la goutte nuageuse, système multiphasique

Quand la goutte d’eau est formée un certain nombre de processus peuvent modifier ces propriétés chimiques et physiques. Tout d’abord, après activation des CCN, la taille de la goutte va varier selon deux principales voies :

Ä Selon les changements d’humidité relative de l’air ambiant, les gouttes continuent de fixer ou de perdre de la vapeur d’eau. La condensation de vapeur d’eau ou l’évaporation d’eau liquide à la surface des gouttelettes entraînent respectivement une augmentation ou une diminution de leur taille en modifiant ainsi la distribution spectrale en nombre et en masse des gouttes.

Ä La modification du spectre de gouttes peut également être due au phénomène de collision/coalescence. Le nombre de gouttelettes par cm3 est important, la probabilité pour que les gouttes d’eau se rencontrent et fusionnent entre elles est donc élevée. Un tel processus permet une croissance de la taille des gouttes et une diminution du nombre de gouttes dans le nuage. Il a ainsi été démontré que la nucléation suivi par la collision/coalescence des gouttes menait à une distribution en uniforme taille de goutte (Flossman, 1998).

Une croissance importante de la taille des gouttes du nuage peut aboutir à la formation de précipitations. Les grosses gouttes formées, principalement par collision/coalescence, ont une masse assez élevée pour tomber, entraînant les plus petites gouttes sur leur passage. La différenciation entre une goutte précipitante ou non se fait suivant le rayon de la goutte, les gouttes de rayon inférieur à 100µm sont considérées comme des éléments nuageux, alors que les gouttes ayant un rayon supérieur ont toutes les chances d’atteindre le sol avant d’être évaporées (Heintzenberg, 1998).

Ensuite, les éléments solubles à la fois de la phase aqueuse et de la phase particulaire peuvent venir se dissoudre dans la goutte et donc modifier sa composition chimique. De plus, Les

aérosols, de la solubilisation des espèces gazeuses et des réactions chimiques apparentées, une centaine de composés pouvant être détecté dans la phase aqueuse condensée. Il apparaît que les concentrations en soluté dans la phase aqueuse sont totalement corrélées avec la concentration et la nature des aérosols s’y trouvant (Charlson, et al., 1987; Hegg, 1991; Vong, et al., 1997).

Les principaux ions communément mesurés dans les précipitations ou les gouttes nuageuses sont les anions sulfate (SO42-), chlorure (Cl-) et nitrate (NO3-) et les cations alcalins ou alcalino- terreux (Na+, K+, Mg2+, Ca2+) ainsi que l’ammonium NH4

+

. Les concentrations en protons sont très variables (Warneck, 1988). Mais leur contribution est différente selon la région où se forme le nuage (Tableau AI-2).

Eléments (µeq.L-1) Pasadena (Californie) Bermude

Na+ 25 1071 Mg2+ 7 250 NH4+ 33 55 Cl- 29 1255 NO3- 75 41 SO42- 60 202

Tableau A I-2: Concentrations de divers ions dans les pluies en région urbaine, Pasadena et en zone maritime, Bermude (Warneck, 1988).

En site urbain, les ions prédominents sont NH4 +

, SO4 2-

, et NO3 -

alors qu’au dessus des océans se serait plutôt Na+, Cl- et Mg2+, ce qui s’explique par une prédominance des sels de mer alors qu’en zone urbaine ce sont les aérosols anthropiques et aussi la dissolution de SO2, NH3 et HNO3 (Daum, et al., 1984; Daum, et al., 1984; Römer, et al., 1985). K

+

et Ca2+ ne sont pas mentionnés ici, mais leur présence dans les eaux atmosphériques provient essentiellement de la dissolution des aérosols crustaux bien qu’une contribution marine pour ces éléments existe également (Pruppacher & Klett, 1997).

Outre ces composés majeurs, un certain nombre de composés à l’état trace sont couramment mesurés dans les eaux atmosphériques, entre autres les métaux de transition tels que Fe, Mn, Cu, Co, Ni ou Zn. En général, les aérosols anthropiques sont les principales sources de ces métaux traces dans les gouttes atmosphériques, bien que les particules issues du volcanisme et des feux de biomasse puissent aussi fournir une source potentielle de ces métaux. En effet, les processus de combustion permettent la libération de vapeur métallique qui se recondensent ou s’adsorbent en surface des aérosols fins produits. Cependant la part naturelle des métaux trace dans les gouttes d’eau n’est pas négligeable particulièrement pour le fer surtout en zone éloigné de toute activité humaine (Buerki, et al., 1989; Nriagu, 1989).

La dissolution des espèces gazeuses et surtout celle de la fraction soluble particulaire conditionne la composition chimique de la goutte. Ogren & Charlson (1992) observe une variabilité importante de la composition des gouttes dans un nuage. Il associe cette hétérogénéité à la diversité des aérosols pouvant servir de CCN ou même être incorporer secondairement dans la goutte. Outre cette variabilité de la composition chimique d’une goutte à l’autre, une disparité temporelle apparaît aussi. En effet, l’hétérogénéité peut être accentuée par la différence de réaction chimique pouvant avoir lieu dans ces diverses gouttes (Hegg, 1991).

Finalement, on peut considérer que les aérosols liquides sont aussi diversifiés et variés que les aérosols secs aussi bien en taille qu’en composition chimique.