• Aucun résultat trouvé

Effet de la nature des particules sur la dissolution

Facteurs d'Influence dans la Dissolution de Particules en Phase Aqueuse

E. III-4 Pour vérifier cette hypothèse, j'ai tracé les valeurs des ANC + utilisées obtenues exprimées en

III.2.4 Effet de la nature des particules sur la dissolution

Du fait de la morphologie et de la minéralogie très différentes des particules, je n'ai pu effectuer une étude directe de l'effet de la nature des aérosols sur la dissolution. Par contre, j'ai pensé que la solubilité des aérosols, comme elle a été définie dans le premier chapitre, peut

constituer une donnée quantitative de la modification de la phase solide au cours de la dissolution et donc permettre d'avoir un idée du rôle de cette phase solide sur la dissolution. III.2.4.1 Définition de la solubilité

Il est ressorti du premier chapitre que la plupart des études menées sur le comportement des aérosols en phase aqueuse correspondait à des études de solubilité. Cette notion a un sens très éloigné de la notion thermodynamique usuelle, et correspond comme nous l'avons vu au rapport entre la quantité d'espèce dissoute à un temps t par rapport à la quantité présente initialement en phase solide. Ainsi, pour qu'il n'y ait pas par la suite d'ambiguïté sur le terme, je donnerai le nom de solubilité cinétique ou encore le degré de solubilisation à ce concept. Ainsi, dans le cadre de ce travail, on peut exprimer la solubilité cinétique comme le pourcentage d'éléments dissous selon:

S M mX X X =ξ E. III-7 où MX est la masse molaire de X (g.mol

-1

), m est la quantité d'aérosol introduite dans la cellule, soit ici 0,020 g, X est la proportion massique de l'élément X présent dans les particules étudiées, et ξ est l'avancement définit par l'expression E. II-6 (cf. §.II.1.2.)

Le calcul de la solubilité cinétique, outre le fait de présenter un point de comparaison avec les valeurs disponibles dans la littérature, présente aussi l'intérêt de représenter une donnée cumulative et permet ainsi de confronter les éléments au même degré d'avancement de la réaction de dissolution et, par là même, dans un même état d'altération.

III.2.4.2 Observations sur les expériences de pH

Nous avons donc calculé les solubilités cinétiques pour chaque élément en fonction du temps d'expérience. Les valeurs obtenues ainsi que les courbes de solubilité cinétique en fonction du temps pour les différents pH d'étude sont données en Annexe 4. Le cas du calcium est présenté en exemple en figure III-17.

0,00% 2,00% 4,00% 6,00% 8,00% 10,00% 12,00% 14,00% 16,00% 18,00% 20,00% 0 2 0 4 0 6 0 8 0 t e m p s ( m i n ) solubilité cinétique (%) pH 3 pH 4 pH 4,7 pH 5

Figure III-17: Solubilité cinétique de Ca en fonction du temps pour les différents pH d'étude

Il apparaît que l'allure des courbes de solubilité est étroitement reliée à l'allure des courbes de dissolution (Figures III-6 et III-17):

• Les courbes de solubilité cinétique obtenues lorsque les cinétiques sont monotones présentent une zone où le degré de solubilisation augmente rapidement, puis une zone où il évolue très lentement.

• Les courbes de solubilité cinétique obtenues pour des dissolution en cloche ou pseudo- cloche présentent une phase initiale où la solubilité augmente très lentement puis rapidement avant d'évoluer à nouveau très lentement.

On constate dans le tableau III-12 que les solubilités cinétiques augmentent avec la diminution du pH de la solution altérante pour les éléments dont les vitesses maximales augmentent aussi quand le pH diminue (cf. Tableau III-5). Dans le cas de l'aluminium, comme pour les vitesse, sa solubilité diminue au même titre que sa vitesse quand le pH de la solution altérante diminue. Pour le fer et le cuivre, on peut à nouveau noter que il n'y a pas de corrélation entre l'augmentation du pH et l'évolution des cinétiques de dissolution.

pH Al Ba Ca Fe K Mg Mn Na Si Sr 3 0,063% 13,21% 18,22% 0,205% 58,45% 38,63% 5,81% 100% 2,76% 81,91% 3.8 0,077% 5,03% 4 0,094% 1,39% 17,23% 0,050% 57,13% 25,34% 4,81% 97,10% 2,22% 49,04% 4.3 0,054% 2,01% 4.7 0,112% 0,51% 12,04% 0,044% 46,13% 21,28% 1,93% 88,52% 1,28% 29,93% 5 0,112% 0,22% 7,66% 0,066% 29,90% 14,24% 1,51% 70,39% 0,66% 20,08% 5.3 0,058% 0,76%

Tableau III-12: Valeurs des solubilités cinétiques pour chaque élément au bout de 120 min de dissolution des loess du Cap Vert à différents valeurs de pH de la solution altérante.

On peut établir, à partir des données recensées dans le tableau III-12, un classement du pourcentage de solubilisation en fonction des éléments qui reste le même à tout moment des expériences et pour tous les pH d'étude:

Si = Fe < Al < Ba < Mn < Mg < Ca < Sr < K < Na

Les solubilités obtenues ne peuvent être directement comparées avec celles de la littérature, trop disparates (cf. §.I.2), mais, l'ordre de solubilité observé correspond à celui trouvé chez Hoffmann (Hoffmann, et al., 1997). De la même façon, plusieurs travaux ont mis en évidence une faible solubilité de Fe, Si et Al (Colin, et al., 1990; Spokes, et al., 1994; Millet, et al., 1995), et la forte solubilité des alcalins (Na, K) et des alcalino-terreux (Ca, Mg) (Williams, et al., 1988; Colin, et al., 1990; Millet, et al., 1995).

On voit que, dans les loess du Cap Vert, le sodium est un élément très soluble. Nous avons vu précédemment (cf. §.III.1.2.2) que les loess pouvaient contenir de la halite (NaCl) qui est une forme minérale évaporite et qui donc peut se dissoudre très rapidement (cf. §.I.2.5.1). On peut donc penser que le sodium provient de cette forme minérale et, du fait de la forte solubilité du sodium, qu'il y a un épuisement de ce minéral au cours de la durée de l'expérience.

De la même façon, on voit que le calcium, le magnésium, le potassium et le strontium ont des solubilités assez importantes, qui pouvaient aller, là encore, jusqu'à un épuisement en cours d'expérience avec des répercussions possibles sur les cinétiques de dissolution.

Ces éléments ont pour source essentielle la dissolution de matrices aluminosilicatées où ils sont présents comme éléments interstitiels, excepté peut-être le calcium sous sa forme carbonates (Annexe 2). On peut voir que Al, Fe et Si qui sont les éléments constitutifs de ces réseaux minéraux sont très peu solubles. Il y aura donc un départ préférentiel des éléments interstitiels qui pourra induire la formation d'une couche dite résiduelle dépourvue de ces éléments, comme nous avons vu dans le chapitre I. Ainsi pour se dissoudre, ces éléments devront traverser la couche résiduelle avant d'atteindre la phase aqueuse. Leur vitesse de diffusion à travers cette couche pourra être alors le facteur limitant de leur vitesse de diffusion.

En conséquence, il est nécessaire de vérifier l'influence de l'état d'altération de la particule sur sa dissolution.

III.2.4.3 Etude de la phase minérale

Dans un premier temps, nous avons cherché à voir si des modifications des loess du Cap Vert étaient observables après les expériences de dissolution. Pour ceci, nous avons déterminé par diffraction aux rayons X la composition minéralogique des particules en partie dissoutes et nous les avons observées au MEB.

L'analyse par diffraction aux rayons X donne une composition minéralogique identique pour les loess originaux (Tableau III-2) et pour les loess qui ont subi les expériences de dissolution. Cette analyse ne nous permet donc pas de mettre en évidence des modifications minéralogiques consécutives à la dissolution des particules, ce qui laisse ouvertes les différentes hypothèses posées précédemment à savoir le rôle de l'épuisement de certains minéraux ou de la formation d'une couche résiduelle pour expliquer l'évolution des solubilités en cours d'expérience.

En ce qui concerne les résultats obtenus par la microscopie à balayage, la figure III-18 donne un exemple d'observation.

Figure III-18: Observation à grandissement moyen et à fort grandissement d'une particule de loess du Cap Vert qui a subi une expérience de dissolution à pH 4.7.

La figure III-18 montre que les particules de loess après dissolution présentent des surfaces très abîmées sur lesquelles des particules plus fines sont déposées. Ces observations sont identiques pour la plupart des grosses particules présentes dans les échantillons de loess ayant subi une expérience de dissolution quelque soit le pH de la solution altérante (Figure III-1). De ces observations, il apparaît que les particules de loess ne semblent pas avoir subi d'importantes modifications de leur surface avec la dissolution.

Ces observations ne permettent donc pas de mettre en évidence ni la formation d'une couche résiduelle, ni une éventuelle cratérisation de la surface qui pourrait être due à l'épuisement en certains minéraux.

III.2.4.4 Expérience de double dissolution

Cette étude consiste à suivre la cinétique de dissolution de particules dépourvues de leur surface initiale suite à un lessivage préalable, ce qui revient à faire en fait une double dissolution d'aérosol. Cette étude a pour objectif de comparer la dissolution de particules sous leur forme originale à celle de particules dans un état d'altération plus avancé.

a. Protocole expérimental

L'expérience de dissolution (Annexe 3, expérience n° 13) a été menée à pH 4,7 sur des loess du Cap Vert lessivés. Ce lessivage a consisté à prendre 500 mg de loess qui ont été soumis à une première dissolution en circuit ouvert, pendant 2h, avec de l'eau MilliQ acidifiée à pH 4 par HCl. Le choix d'utiliser 500mg de loess a permis d'avoir assez de matière pour réaliser plusieurs expériences à partir d'un même lot de loess lessivés. Cette forte quantité de phase solide dans le réacteur pouvant cependant induire une saturation en éléments dissous dans la cellule. Les conditions de lessivage ont donc été choisies afin d'éviter la précipitation de formes amorphes en surface de l'aérosol, c'est à dire à un pH faible.

Pour ces expériences, le pH n'a pu être suivi car nous ne disposions pas d'assez de matière première pour cela. Toutefois, nous avons vu que 20 mg de loess ont perdu toute activité neutralisante notable après un lessivage d'1/2 heure à pH 4,7. Nous considérons donc qu'il en est de même pour 500 mg de loess lessivés pendant 2h à pH 4. On en déduit que le pH de la solution altérante restera constant à 4,7 pendant toute la durée des expériences de dissolution menées sur les loess lessivés.

b. Résultats

Les résultats obtenus sont reportés en figure III-19 dans le cas du calcium, du silicium et du manganèse. Les autres éléments sont présentés en annexe 8, excepté Al et Fe dont les vitesses de dissolution n'ont pu être calculées car les concentrations obtenues sont sous les limites de détection de la méthode analytique.

La figure III-19 regroupe les résultats obtenus pour les loess lessivés à pH constant et ceux obtenus sur des loess originaux en milieu tamponné ou non tamponné. Si on considère que la force ionique n'intervient pas, la principale différence entre l'expérience en milieu tampon et celle menée ici est l'état d'altération des particules de loess. La comparaison entre cette expérience et celle menée sur les loess originaux en milieu non tamponné diffère par les variations de pH en cours d'expérience et l'état de solubilisation des particules.

Ca 0,0E+00 5,0E-08 1,0E-07 1,5E-07 2,0E-07 2,5E-07 3,0E-07 3,5E-07 0 30 60 90 120 temps (min) vitesse (mol/min)

Loess non tamponné Loess lessivé Loess tampon Si 0,0E+00 5,0E-09 1,0E-08 1,5E-08 2,0E-08 2,5E-08 3,0E-08 3,5E-08 0 30 60 90 120 temps (min) vitesse (mol/min)

Loess non tamponné loess lessivé Loess tampon Mn 0,0E+00 2,0E-10 4,0E-10 6,0E-10 8,0E-10 1,0E-09 0 30 60 90 120 temps (min) vitesse (mol/min)

Loess non tamponné Loess lessivé Loess tampon

Figure III-19: Vitesses de dissolution pour des loess du Cap Vert en milieu non tamponné, tamponné et ayant été préalablement lessivés dans les cas du calcium, du silicium et du manganèse.

Le calcium et le manganèse qui suivent en milieu non tamponné des cinétiques en cloche présentent après lessivage des dissolutions monotones. Plus généralement, il en est de même pour tous les éléments qui suivent en milieu non tamponné des cinétiques en cloche ou en pseudo-cloche (Tableau III-3 et Annexe 4). Nous avions constaté la disparition des allures de dissolution en cloche dans l'expérience en milieu tampon et nous retrouvons la même chose ici. Nous avons montré précédemment que cette allure de courbe en cloche était due aux variations de pH en cours d'expérience, il n'est donc pas étonnant de n'obtenir ici que des courbes monotones. D'ailleurs, le silicium qui est un élément dont la dissolution est monotone en milieu non tamponné, conserve la même allure de courbe sur les loess lessivés. Ces résultats se retrouvent pour tous les éléments (Na par exemple) qui ne présentent pas de dissolution en cloche (Tableau III-3 et Annexe 4).

On voit également que le calcium et le silicium ont des vitesses de dissolution pour le loess lessivé très inférieures à celles du loess original, ce qui est également le cas pour le baryum, le strontium, le potassium, le sodium, ainsi que pour le fer et l'aluminium dont les concentrations sont sous les limites de détection. Par contre le manganèse voit ses vitesses de dissolution augmenter après lessivage et être très proches de celles obtenues en milieu tampon, ce qui s'observe aussi pour le magnésium.

Finalement, il apparaît deux types de comportement après lessivage: soit les vitesses de dissolution sont plus faibles, soit elles sont équivalentes à celles trouvées en milieu tampon. Pour les éléments dont les vitesses décroisent après le lessivage (Al, Ba, Ca, Fe, Na, Si et Sr), on peut penser au vu des hypothèses que nous avons faites précédemment (cf. §.III.2.4.1) que cette diminution est en rapport avec un épuisement de la matière à dissoudre. Lorsque le loess est lessivé, toute la phase soluble est épuisée de sorte que seule la phase cristalline reste et impose une vitesse de dissolution faible des loess lessivés. Ceci implique que les éléments peu solubles (Al, Si, et Fe) sont en partie présents dans des structures désorganisées ou amorphes solubles, ce qui peut être appuyé par le fait que le loess a subi une altération météorologique sur l'île de Sal (cf. §.II.3.1.1.). On peut également penser à la formation d'une couche résiduelle lors du lessivage qui induit une diminution de vitesses de dissolution, puisque les éléments doivent alors diffuser au travers de cette couche.

Pour ce qui est des éléments (Mn et Mg) qui se dissolvent de la même façon en milieu tamponné et après lessivage, il apparaît clairement que la dissolution de ces éléments n'a pas été perturbée par l'avancement de l'altération des particules. Pour expliquer cela, on peut penser que les minéraux dont sont issus ces éléments ne sont pas soumis à un effet d'épuisement avec le lessivage.

Nous voyons donc que la solubilité cinétique comme la vitesse de dissolution des éléments est modifiée par le lessivage. Il semble donc que cette altération ait des conséquences sur la dissolution au même titre que le pH, et que ces effets dépendent de l'élément considéré. En conséquence pour aboutir aux cinétiques de dissolution, il est nécessaire de prendre aussi bien en compte le pH et ses variations en cours de dissolution que le degré de solubilisation des éléments. Nous verrons au chapitre IV comment cette remarque peut s'inscrire dans une modélisation du processus de dissolution.