• Aucun résultat trouvé

Chapitre 2 ÉTAT DES CONNAISSANCES

2.2 Formation d’agrégats dans une couche hétérogènes SC:FM : considération

considération énergétique

Les travaux sur la croissance de couches hétérogènes montrent que la formation des agrégats est provoquée par l’augmentation de la température de croissance (ou de recuit). Les observations expérimentales mettent en évidence l’apparition d’états hétérogènes métastables qui diffèrent selon la température de croissance. Pour illustrer ces états, utilisons l’exemple du

système hétérogène de GaAs:MnAs obtenu à partir du recuit d’une couche homogène de Ga1-xMnxAs. Selon la température de recuit, les différents états rapportés sont les suivants :

 T < 300 °C : couches homogènes de Ga1-xMnxAs

 Recuit entre 300 et 500 °C : agrégats de MnAs-zincblende  Recuit entre 500 et 800 °C : agrégats de MnAs-hexagonal

 Recuit > 800 °C : coexistence d’agrégats de MnAs-hexagonal et de MnGa

Nous allons voir à la section 2.3 le détail de la séquence d’événements qui peut expliquer l’apparition de ces états hétérogènes. Pour l’instant, regardons les mécanismes possibles qui mènent à la séparation de phase.

Des études théoriques ont montré que les atomes de Mn incorporés dans un semi- conducteur magnétique dilué ont tendance à se regrouper en formant des complexes de type dimères (MnGa-MnGa), trimères (MnGa-MnGa-MnGa ou MnGa-MnI-MnGa), etc. [26–28]. À partir de

simulations Monte Carlo, Raebiger et al. ont montré que des recuits de plusieurs heures (10-24 h) à des températures comprises entre 200 et 350 °C favorisent la formation de dimères, de trimères, de tétramères, etc. [28]. Ils mentionnent que la proportion de complexes avec plusieurs atomes de Mn (ex. : trimères et tétramères) augmente avec le temps de recuit. De plus, la quantité de complexes formés augmente avec la température. Pour expliquer cette propension des Mn à l’agglomération, Mahadevan et al. proposent un mécanisme basé sur la structure électronique des métaux de transition [29]. À partir de calculs de premier principe (first principle calculations), ils montrent que les métaux de transition (Mn, Cr et Fe) possèdent une énergie de liaison très forte entre les niveaux de symétrie t2, d’où une forte tendance de ces atomes à s’agglomérer. Ces

études suggèrent que dans une couche homogène les atomes de Mn ne sont pas distribués parfaitement aléatoirement dans la matrice, puisqu’ils ont tendance à se regrouper en complexes. Cela signifie qu’il y a dans la couche des variations de concentration des atomes de manganèse. Ainsi, on peut imaginer que lorsque la couche est recuite à de plus hautes températures, ces regroupements d’atomes agissent comme des centres de germination pour la formation d’agrégats ferromagnétiques (ex. : MnAs).

La formation d’agrégats ferromagnétiques dans les semi-conducteurs magnétiques dilués est expliquée par des considérations thermodynamiques. En effet, les études théoriques

s’entendent sur le fait que le système hétérogène (ex. : GaAs:MnAs) est plus favorable que la couche homogène (ex. : Ga1-xMnxAs) [30–33]. Par exemple, Sato et al. ont montré que l’énergie

de mélange2 (ou de formation) ΔE d’un semi-conducteur magnétique dilué Ga1-xMnxAs est

positive [31]. Par définition, une énergie de mélange positive indique que le système a tendance à se séparer en ses composantes binaires GaAs et MnAs. Cette prédiction théorique est cohérente avec les données expérimentales qui rapportent la présence d’agrégats de MnAs-zincblende pour un recuit entre 300 et 500 °C. Sanvito et al. ont montré que la structure MnAs-hexagonal est plus stable (peu importe la pression) que la structure MnAs-zincblende [30]. L’énergie totale d’une paire d’atomes MnAs est plus faible dans la structure hexagonale que dans la structure zincblende. Cela signifie que le système hétérogène GaAs:MnAs-hexagonal est énergétiquement favorable par rapport au système GaAs:MnAs-zincblende, qui est à son tour plus favorable que la couche homogène Ga1-xMnxAs. Par conséquent, à chaque paire MnAs qui s’ajoute aux agrégats

hexagonaux l’énergie totale du système diminue, ce qui représente la force motrice (driving

force) pour la formation des agrégats. Bien que le système hétérogène soit favorable

énergétiquement, le passage de l’état homogène vers l’état hétérogène dépend de la température et de la concentration initiale de Mn. Une étude récente réalisée par Nam Hai et al. montre que le passage de la couche homogène vers la couche hétérogène pendant une cristallisation contrôlée, à partir de la phase vapeur, peut se produire suivant deux comportements dynamiques différents conduisant à deux couches hétérogènes qualitativement différentes [33]. Le comportement plus probable, dont la décomposition est appelée binodale se fait à une température critique plus faible qui est fonction décroissante de la concentration de Mn. Par exemple, pour le système Ga1-xMnxAs, avec une concentration de 5 % de Mn la transition s’effectue au alentour de 300 °C.

Selon ce travail on peut aussi trouver une décomposition spinodale à des températures critiques plus larges (aussi fonction décroissante de la composition de Mn) ce qui permettrait de réaliser de couches hétérogènes dont la distribution des agrégats est plus uniforme en taille et ayant une certaine périodicité.

2 Pour le système Ga

1-xMnxAs, ΔE est donnée par Etot(Ga1-xMnxAs) - (1-x)Etot(GaAs) - xEtot (MnAs) (ici on

Ces travaux indiquent que les semi-conducteurs magnétiques dilués à base de Mn ont une forte tendance à la séparation de phase menant à la formation d’agrégats de MnAs-hexagonal. D’abord, les atomes de Mn ont tendance à se regrouper en dimères ou en trimères et ensuite l’énergie totale du système diminue lorsque des agrégats de MnAs-hexagonal se forment. À cela s’ajoutent aussi d’autres contributions énergétiques qui peuvent favoriser ou inhiber la formation d’agrégats. D’abord, il y a l’énergie élastique associée aux déformations créées par les agrégats encastrés dans la matrice. Moreno et al. ont observé que la déformation de la couche hétérogène GaAs:MnAs-hexagonal est inférieure à celle de la couche homogène Ga1-xMnxAs [36], [48].

Cette réduction de la déformation dans la couche hétérogène est un élément qui favorise la formation des agrégats. Ensuite, l’énergie d’interface va influencer la microstructure des agrégats, soit leur taille, leur forme et leur texture. Par exemple, nous verrons à la section 2.6 que l’énergie d’interface joue un rôle important dans la texture des composés à base de Mn ayant crû sur des surfaces semi-conductrices III-V.