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Chapitre 2 ÉTAT DES CONNAISSANCES

2.3 Fabrication par épitaxie à jets moléculaires suivie d’un recuit thermique

Cette technique de fabrication consiste à faire croître une couche d’un semi-conducteur magnétique dilué, en l’occurrence Ga1-xMnxAs, et de recuire cette couche à haute température

(T > 400 °C). La croissance des semi-conducteurs magnétiques dilués se fait par épitaxie à jets moléculaires pour des températures de croissance comprises entre 230 et 300 °C. La concentration en Mn varie entre x = 0,03 et 0,08. Cette concentration est évaluée par diffraction des rayons X en considérant que le paramètre de maille de la couche suit la loi de Vegard et varie linéairement avec la concentration de Mn [46]. Après la croissance, la couche est recuite in situ dans la chambre MBE sous atmosphère d’As ou ex situ dans une chambre à recuit thermique rapide (RTA : rapid thermal annealing). Dans le cas d’un recuit RTA, la couche est d’abord recouverte d’un substrat de GaAs pour compenser la désorption de l’arsenic et ensuite chauffée sous atmosphère d’azote ou de N2/H2 (forming gas). La littérature dans ce domaine porte

essentiellement sur les effets de la concentration initiale de Mn, la température et le temps de recuit sur les propriétés structurales. Aucune étude ne traite systématiquement de l’influence du taux de chauffage et de refroidissement. La Figure 2-2 est une synthèse des propriétés structurales issues des principales études utilisant cette méthode de fabrication (dans ce cas la littérature représente environ une vingtaine d’articles). La figure présente la nature et la taille des agrégats

en fonction de la concentration initiale de Mn et de la température de recuit, cela pour des temps de recuit de 30 minutes, de 10 minutes et de moins d’une minute. Selon les paramètres de fabrication, on observe différents états hétérogènes. Ils sont décrits au Tableau 2-1.

Figure 2-2 Diagramme synthèse des propriétés structurales des agrégats (nature et diamètre) en fonction des paramètres de fabrication: temps de recuit, température de recuit et concentration de Mn (x) dans les couches diluées Ga1-xMnxAs. Le titre de chaque boîte correspond à un état

hétérogène. Les principaux états observés sont décrits au Tableau 2-1. La mention Dmoy et

« dist. » indique respectivement le diamètre moyen et la distribution de taille observée dans les couches. Bien que les agrégats ne soient pas parfaitement sphériques, on utilise par commodité la notion de diamètre afin de décrire la taille des agrégats. La lettre inscrite dans le coin inférieur droit des encadrés indique les références où les résultats ont été prélevés. a: Réf.[7], b: Réf.[49], c: Réf.[50], d: Réf.[51], e: Réf.[48], f: Réf.[52], g: Réf.[53], h: Réf.[54]. La mention « hypothèse » correspond à notre interprétation des résultats présentés dans l’article.

Tableau 2-1 Images de microscopie électronique en transmission (TEM) et haute résolution TEM (HR-TEM) des différents états hétérogènes rapportés dans des couches de Ga1-xMnxAs recuites.

Les images de gauche présentent une vue globale de la couche. Les images de droite montrent un agrandissement de chaque type d’agrégats. Source : image adaptée des Réf.[49] et [52].

MnAs-hex + GaAs

Description : Agrégats de MnAs hexagonal encastrés dans une matrice de GaAs

Vue globale Vue agrandie  Diamètre moyen : de 20 à 30 nm,

varie selon les paramètres de fabrication.

 Distribution de taille allant de 10 à 50 nm.

 Seule orientation cristallographique observée dans la majorité des études : MnAs{0001}//GaAs{111} et MnAs< ̅ ̅ >//GaAs<110>  Faible concentration résiduelle de

Mn dans la matrice (inférieure à 1018

cm-3 selon Moreno et al.) [50] [52].

Mn(Ga)As-ZB + GaAs:Mn

Description : Agrégats zincblende de Mn(Ga)As encastrés dans une matrice de GaAs ayant une concentration importante de Mn résiduelle

Vue globale Vue agrandie

 Diamètre moyen : environ 5 nm.  La matrice contient une quantité résiduelle de Mn plus importante que dans la situation précédente [49].

 Les flèches blanches sur l’image (d) indiquent les agrégats.

MnAs-hex + Mn(Ga)As-ZB désordonné

Description : Mélange d’agrégats de MnAs-hexagonal et d’agrégats de Mn(Ga)As-ZB légèrement désordonnés

Vue globale Vue agrandie

 Diamètre moyen :

o Mn(Ga)As-ZB désordonné : de 3 à 5 nm

o MnAs-hex : de 10 à 12 nm  La mention « désordonné » signifie

qu’il y a présence de défauts dans l’agrégat Mn(Ga)As-ZB.

 L’image (f) montre des agrégats désordonnés.

Mn(Ga)As-ZB tétraédriques

Description : Agrégats zincblende tétraédriques encastrés de manière cohérente avec la matrice.

Vue globale Vue agrandie

 Diamètre moyen : inférieur à 10 nm  Les agrégats présentent des facettes

parallèles aux plans GaAs{111}.

Commentaires généraux : Tous les états présentent une distribution spatiale des agrégats relativement uniforme sur toute l’épaisseur de la couche. De plus, la matrice de GaAs est cohérente avec le substrat et aucune dislocation n’est observée.

La Figure 2-2 présente les différents états hétérogènes observés à différentes conditions de recuit tel que rapporté dans les travaux antérieurs.3 On remarque que l’état hétérogène des couches varie fortement en fonction de la température et du temps de recuit et de la concentration de Mn. Pour de faibles températures de recuit, de l’ordre de 500 °C, on obtient des couches avec des agrégats de Mn(Ga)As-ZB encastrés dans une matrice de GaAs:Mn. Pour des températures intermédiaires, de 500 à 650 °C, on observe un état où coexistent des agrégats zincblende et de MnAs-hexagonal. À l’exception des couches fabriquées avec des concentrations initiales de Mn élevées (x > 0,08), on remarque qu’au-delà de 650 °C, les couches recuites sont composées d’agrégats de MnAs-hexagonal encastrés dans une matrice de GaAs ayant une faible concentration résiduelle de Mn (< 1018 cm-3). Ainsi, l’augmentation de la température favorise la formation d’agrégats de MnAs-hexagonal et la réduction de Mn résiduel dans la matrice. Ce phénomène est également présent lors de l’augmentation du temps de recuit. Par exemple, pour

3 Il est à noter que certaines descriptions dans la figure ne correspondent pas exactement aux états décrits

précédemment, car il est parfois difficile de bien caractériser la nature des agrégats. Ainsi, pour certaines études, nous avons seulement indiqué une description des couches, par exemple, avec la mention « plusieurs petits agrégats ». De plus, en tenant compte des différents éléments d’analyse présents dans l’étude en question, nous avons proposé des hypothèses sur la nature de ces agrégats tel qu’indiqué dans la figure.

un recuit à 600 °C et un temps de recuit de moins d’une minute on obtient une couche composée de petits agrégats probablement de type zincblende, tandis que pour des temps de recuit de 10 ou 30 minutes, on obtient des agrégats de MnAs-hexagonal. En ce qui concerne les échantillons avec des concentrations initiales de Mn élevées (x > 0,08), on observe la présence de plusieurs petits agrégats (~ 4 nm) et où, parfois, il y a coexistence avec de plus gros (de 25 à 50 nm). La nature de ces agrégats est pour l’instant indéterminée. Par contre, à la lumière des autres résultats, on peut supposer que les gros agrégats sont du MnAs-hexagonal et que les petits correspondent à des agrégats Mn(Ga)As-ZB désordonnés ou pas. Moreno et al. ont suggéré que la formation de plusieurs petits agrégats serait due à la présence initiale de très petits agrégats à base de manganèse dans la couche du semi-conducteur dilué Ga1-xMnxAs et qui agiraient comme centres

de germination durant le recuit [52].

À partir de l’observation de ces états hétérogènes, Moreno et al. ont proposé une séquence d’événements permettant d’expliquer la séparation de phase [36], [52]. Initialement, un processus de diffusion permet l’accumulation d’atomes de Mn sur les plans {111} du GaAs. Cette ségrégation donne lieu à la formation d’agrégats de Mn(Ga)As zincblende cohérents avec la matrice. Certaines images TEM [Tableau 2-1 (g)-(h)] montrent que ces agrégats sont parfois de forme tétraédrique où les facettes coïncident avec les plans GaAs{111} [48], [52]. Si on fournit un apport d’énergie au système (augmentation de la température ou de temps de recuit), la structure des agrégats zincblende se modifie, ce qui produit d’abord des agrégats zincblende désordonnés et finalement des agrégats de MnAs de structure hexagonale. Les agrégats de MnAs- hexagonal qui se forment à partir des agrégats zincblende croissent sur les facettes {111} du GaAs, ce qui explique la relation cristallographique observée: MnAs{0001}//GaAs{111}. La couche hétérogène composée d’agrégats de MnAs-hexagonal offre un état plus stable que la couche composée d’agrégats zincblende ou que la couche homogène de Ga1-xMnxAs. De plus,

Moreno et al. montrent que les déformations sont plus faibles dans la couche hétérogène que dans la couche homogène.

Sur la Figure 2-2 on observe aussi que les propriétés structurales des agrégats, telles que leur taille et leur densité, varient avec les paramètres de fabrication. Pour les couches de type GaAs:MnAs-hex, le diamètre moyen augmente en fonction de la température et il est fonction croissante de la concentration initiale de Mn. Par exemple, pour une concentration de l’ordre de x = 0,06 et un temps de recuit de 30 minutes, le diamètre moyen passe de 10-12 à 20 nm en si on

fait passer la température de recuit de 550 à 600 °C. Un comportement similaire est observé si on augmente la concentration initiale de Mn. En effet, si on fixe les conditions de recuit à 600 °C et à 30 minutes, on observe que le diamètre moyen passe de 10 à 20 nm pour une augmentation de la concentration de x = 0,03 à 0,06. De plus, une augmentation de la concentration initiale de Mn (pour une température et un temps de recuit fixes) fait augmenter le diamètre des autres types d’agrégats. La densité des agrégats change également en fonction des paramètres de fabrication. En général, on observe que les couches comportant de petits agrégats de type Mn(Ga)As-ZB ont des densités plus élevées que les couches comportant des agrégats de MnAs-hexagonal.

Une des propriétés structurales importantes à considérer lors de la fabrication de ces matériaux est l’orientation cristallographique (i.e la texture) des agrégats ferromagnétiques [34], [36]. Les données recueillies jusqu'à maintenant proviennent principalement de l’étude des couches de GaAs:MnAs-hex. Elles suggèrent que la majorité des agrégats possède la relation d’orientation suivante : MnAs{0001}//GaAs{111} et MnAs< ̅ ̅ >//GaAs<110>. Moreno et al. ont observé que certains agrégats possèdent des orientations légèrement inclinées (~ 3-6°) par rapport à l’orientation dominante [36], [37]. Pour expliquer cela, les auteurs suggèrent que les agrégats de MnAs-hexagonal s’agglomèrent et qu’ils s’attachent les uns aux autres d’une manière imparfaite [37]. Les auteurs suggèrent également que l’orientation cristallographique des agrégats selon le plan de croissance pourrait être régulée par la déformation de la matrice, soit par la modification de l’orientation de la surface de croissance imposée par le substrat [36]. Ils s’appuient sur une étude qui prédit que la contrainte provenant du désaccord de maille à l’interface matrice/substrat influence l’orientation cristallographique des nanoparticules encastrées dans la matrice [55]. À l’exception de la relation cristallographique mentionnée ci- dessus et de ces quelques remarques, aucune autre information sur l’orientation cristallographique des agrégats n’a été rapportée. Dans la dernière section du présent chapitre, nous discuterons des raisons et des implications de l’absence d’études systématiques sur la texture des agrégats dans les matériaux hétérogènes. Précisons toutefois que plusieurs études de textures ont été effectuées sur des couches polycristallines de pnictures de manganèse [ex. : MnAs/GaAs(001), MnAs/GaAs(111), MnSb/GaAs(001)] ayant crû sur des substrats de semi-conducteurs III-V. Nous présenterons ces études à la section 2.6.

Pour terminer cette section, mentionnons qu’il existe quelques études sur l’incorporation de manganèse dans des couches de GaP. La prédominance des études sur le GaAs s’explique

entre autres par le fait que la croissance de phosphures par MBE nécessite des installations de pompage et de sécurité particulières. Les études sur l’incorporation de Mn dans GaP ne sont pas motivées par la formation d’agrégats, mais plutôt par l’obtention de couches homogènes de type Ga1-xMnxP. Overberg et al. ont rapporté la croissance d’une couche de GaMnP par MBE à

600 °C [56]. Ils affirment que les couches obtenues sont homogènes et qu’elles sont ferromagnétiques jusqu'à une température de 250 K. Des mesures TEM et de diffraction des rayons X en configuration θ-2θ semblent soutenir l’absence de secondes phases (ex. : MnP ou MnGa). Par contre, la température de croissance élevée et le ferromagnétisme à haute température sont deux éléments associés à la formation de secondes phases dans les couches de GaMnAs. Il est beaucoup plus plausible que les couches contiennent une seconde phase, mais que celle-ci soit difficile à détecter. De plus, Scarpulla et al. ont montré que, dans des couches obtenues par implantation ionique et recuites par laser, la température de Curie pour une « vraie » couche homogène de Ga1-xMnxP est de l’ordre de 60K [57]. D’ailleurs, ces auteurs font la

remarque que l’origine du ferromagnétisme à haute température dans les couches de Overberg et

al. n’a pas été établie de façon concluante.