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Chapitre 2 ÉTAT DES CONNAISSANCES

2.4 Fabrication par implantation ionique suivie d’un recuit thermique

Selon cette méthode, des ions de Mn sont implantés dans une couche d’un semi- conducteur III-V (ex. : GaAs) qui est ensuite chauffée par recuit thermique rapide (RTA). L’implantation s’effectue dans des couches III-V obtenues par épitaxie à jets moléculaires à basse température (LT-MBE) ou directement dans un substrat. L’énergie des ions est variée de 50 à 200 keV alors que les doses utilisées vont de 1×1014 à 5×1016 Mn/cm2. Le profil d’implantation typique se caractérise par une profondeur de pénétration (Rp) de l’ordre de 100 nm et une largeur

de distribution (ΔRp) d’environ 50 nm. Lors du recuit, les couches sont recouvertes d’un substrat

de GaAs ou de Si pour compenser la désorption des éléments V et sont ensuite chauffées sous atmosphère d’azote ou de N2/H2 (forming gas). Les températures de recuit sont comprises entre

600 à 900 °C, pour des durées de quelques secondes à plusieurs minutes.

Les études utilisant cette méthode rapportent principalement des observations qualitatives. Peu d’études ont abordé de façon systématique l’influence des paramètres de fabrication sur les propriétés structurales des couches hétérogènes. Cependant, la mise en commun de ces études permet d’établir certaines tendances, qui sont résumées dans le Tableau 2-2 . On observe que

pour des températures de recuit situées entre 600 et 750 °C, les couches sont principalement composées d’agrégats de MnAs-hexagonal. Quelques études ont également rapporté la faible présence d’agrégats de MnAs enrichi en Ga, dénoté MnAs1-xGax (généralement la concentration

de Ga est inférieure à 0,15). La Figure 2-3 (a) montre une couche typique obtenue après un recuit de 5 secondes à 750 °C. On y voit essentiellement des agrégats de MnAs-hexagonal de 5 à 25 nm de diamètre encastrés dans une matrice cristalline de GaAs. Bien que cela ne soit pas très visible dans l’image TEM de la Figure 2-3 (a), quelques études ont montré que le recuit provoque une diffusion du Mn en surface où il y a formation d’agrégats ferromagnétiques de MnAs ou d’oxyde de manganèse Mn-O [58–60]. Serres et al. ont montré que la diffusion de Mn vers la surface se produit, peu importe la température de recuit utilisée entre 600 et 850 °C [59].

Les études sur l’influence des paramètres de fabrication sont peu nombreuses. Serres et al. ont montré que des temps de recuit plus longs amènent une réduction de la densité des agrégats et une augmentation de leur taille [60]. Quant à la température, plusieurs travaux ont observé qu’une augmentation de la température au-delà de 800 °C induit la formation de volumineux agrégats de MnnGam en surface.

Finalement, en ce qui concerne la texture des agrégats, les travaux rapportent la même relation d’orientation observée dans les couches recuites de semi-conducteurs magnétiques dilués, soit MnAs{0001}//GaAs{111} et MnAs< ̅ ̅ >//GaAs<110>. La Figure 2-3 (b) est une vue agrandie d’un agrégat de MnAs-hexagonal et montre la relation d’orientation agrégats/matrice.

Tableau 2-2 Synthèse des caractéristiques structurales de couches de GaAs:MnAs obtenues par implantation ionique de Mn suivie de recuits thermiques rapides

Température

de recuit Nature des agrégats Caractéristiques structurales

600 - 750 °C MnAs-hexagonal encastrés (présence de MnAs1-xGax)

 MnAs-hexagonal :

o Diamètre : de 5 à 25 nm e,f,g

o Orientation cristallographique e,f,g : MnAs{0001}//GaAs{111} et MnAs< ̅ ̅ >//GaAs<110>

o Une augmentation du temps de recuit de 15 à 120 s (à 750 °C) augmente le diamètre moyen de 8 à 10 nm et diminue la densité d’agrégatsg.

 MnAs1-xGax : diamètre de 2-5 nm e,g

 Accumulation de manganèse en surface pour des températures de recuit de 600 à 850 °Cd,g, f.

800 - 950 °C (présence de MnAsMnnGam en surface 1-xGax et de

MnAs-hexagonal)

 Diamètre allant de 100 à 500 nm. a, b, c, d

 Une diminution de la dose a pour effet de diminuer la densité d’agrégats, mais d’augmenter leur diamètrea.

a Réf.[61], b Réf.[62], c Réf. [63], d Réf.[58], e Réf.[38], f Réf.[59], g Réf.[60]

Figure 2-3 Images de microscopie électronique en transmission (TEM) d’une couche de GaAs ayant subi une implantation d’ions de Mn avec une dose de 1×1016 Mn/cm2 et recuite pendant 5 secondes à 750 °C. (a) Image TEM en vue transversale de la couche. (b) Image en haute résolution (HR-TEM) d’un agrégat de MnAs hexagonal encastré dans la matrice de GaAs. Image prise à l’axe de zone GaAs[110] et MnAs[2 ̅ ̅ ]. Les lignes blanches identifient les plans cristallins de MnAs et de GaAs et montrent la relation d’orientation cristallographique entre l’agrégat et la matrice. Source : image adaptée de la Réf. [38].

Étant donné que les travaux présentés dans la présente thèse portent sur des couches hétérogènes à base de GaP, nous allons présenter dans les prochains paragraphes les quelques études rapportées sur les phosphures.

Bucsa et al. ont caractérisé la structure de couches de GaP(001) et d’InP(001) où du Mn a été implantées ainsi que des couches où du Mn et des ions de phosphore ont été coimplantées [64], [65]. L’implantation de Mn est réalisée à des énergies de 200 keV pour des doses comprises entre 1×1016 et 5×1016 Mn/cm2. La coimplantation de P a lieu à des énergies de 120 et de 300 keV pour des doses comprises entre 1,5 ×1016 et 3×1016 P/cm2. Les auteurs ont observé des différences importantes selon le type d’implantation. Leurs observations principales sont résumées au Tableau 2-3 (les conditions de recuit sont présentées en bas de tableau). La différence majeure entre les couches où seul du Mn a été implanté et celles où du Mn et des ions de phosphore ont été implantés concerne la distribution des atomes de Mn dans la couche recristallisée. Dans les couches coimplantées, les atomes de Mn sont distribués uniformément dans la région implantée et ils sont incorporés à hauteur de 78% dans des agrégats de MnP (le reste étant des impuretés paramagnétiques isolées). À l’inverse, dans les couches où seul du Mn a été implanté, les atomes de Mn sont principalement situés en surface après le recuit et seulement 31% d’entre eux sont incorporés dans des agrégats de MnP. Pour expliquer ces changements, Bucsa et al. proposent un scénario où la diffusion des atomes de Mn est liée à la présence de défauts ponctuels. Les auteurs basent leur scénario sur le fait que l’implantation d’atomes de P augmente la concentration de sites d’indium vacants. Or, il est connu que les atomes de Mn ont une préférence à s’incorporer de façon substitutionnelle sur les sites de l’élément III (Indium) et que les atomes de Mn substitutionnels sont moins mobiles que les atomes de Mn interstitiels. Une augmentation de Mn substitutionnel provoque une réduction de la diffusion des atomes Mn lors du recuit ainsi qu’une diminution de la ségrégation en surface. Cela suggère que la microstructure de la couche avant le recuit (ex. : dislocation, défauts ponctuels, concentration de Mn, etc.) est un paramètre qui influence fortement l’état final de la couche hétérogène.

Tableau 2-3 Synthèse des observations structurales de couches où du Mn et du P ont été implantées et recuites de GaP et d’InP rapportées par Bucsa et al. [64], [65]

Implantation de Mn Implantation de Mn et de P

Impla

ntation Amorphisation du substrat en surface sur une épaisseur d’environ 300 nm

R

ec

uit

 recristallisation de la couche amorphe

 31% des atomes de Mn implantés sont incorporés dans des agrégats de MnP (les autres sont des impuretés isolées)

 ségrégation des Mn sur une bande de 60 nm en surface

 formation d’agrégats de MnP en surface

 recristallisation de la couche amorphe

 78% des atomes de Mn implantés sont incorporés dans des agrégats de MnP (les autres sont des impuretés isolées)

 distribution uniforme des Mn dans la région ayant subi l’implantation (faible ségrégation en surface)  formation d’agrégats de MnP dans

la région ayant subi l’implantation Les agrégats de MnP ont des tailles de 5-10 nm et certains possèdent l’orientation cristallographique MnP{220}//InP{001} et MnP{001}//InP{110}.

Implantation de Mn : énergie à 200 keV et doses de 1×1016, de 3×1016 et de 5×1016 Mn/cm2.

Coimplantation de Mn et de P : énergie à 120 et à 300 keV (45 °C) et doses de 1,5×1016, de 2×1016 et de

3×1016 P/cm2.

Paramètres des recuits : température entre 600 et 750 °C, durée de 30-60 s, sous atmosphère d’azote et échantillon recouvert d’un substrat.

Note : les résultats structuraux sont similaires pour les deux types de substrats : GaP et InP.

Overberg et al. ont étudié des couches de GaP ayant subit une implantation de Mn [66], [67]. L’implantation a été faite sur des substrats de GaP à des doses allant de 3×1016 à 5×1016 Mn/cm2 et pour des énergies de 250 keV. Durant l’implantation, les substrats sont chauffés à 350 °C pour éviter l’amorphisation. Après l’implantation, les couches sont recuites à 700 °C durant 5 minutes. Les couches ainsi produites possèdent des températures de Curie allant de 270 et 330 K, selon les conditions de fabrication. Les auteurs affirment avec le soutien d’images TEM

que les couches sont exemptes de secondes phases (ex. : MnP, GaMn) et qu’elles représentent donc des semi-conducteurs magnétiques dilués de type Ga1-xMnxP ferromagnétiques à la

température de la pièce. Par contre, à la lecture des travaux de Bucsa et al., on comprend que la détection de secondes phases requiert une attention particulière et qu’il est hasardeux de statuer sur l’absence de secondes phases en se basant uniquement sur la simple observation d’images TEM.4 Il semble plus probable que les couches fabriquées par Overberg et al. (Ref. [66]) contiennent des agrégats magnétiques expliquant ainsi le ferromagnétisme à des températures élevées.

Finalement, Shon et al. ont étudié les propriétés structurales de couches d’InP où des ions de Mn ont été implantés à des doses de 5×1016 Mn/cm2 et pour des énergies de 200 keV [68]. Après l’implantation, les couches ont été recuites à des températures comprises entre 350-550 °C pendant 30-60 secondes. Des mesures chimiques par spectroscopie énergétique des rayons X (EDS) indiquent que les atomes de Mn sont distribués uniformément dans la couche. Des mesures TEM et de diffraction des électrons indiquent la présence d’agrégats de MnP et d’InMn3

encastrés dans une couche polycristalline d’InP. Les agrégats ferromagnétiques ont des tailles moyennes de 20 nm. Les auteurs rapportent que la concentration et la taille des agrégats augmentent lorsque la température de recuit passe de 350 à 450 °C.