• Aucun résultat trouvé

Chapitre 2 ÉTAT DES CONNAISSANCES

2.7 Synthèse : croissance et structures de couches hétérogènes SC:FM

2.7.1 Croissance des couches hétérogènes

Il existe trois méthodes pour fabriquer des couches hétérogènes hybrides semi- conductrices/ferromagnétiques : (1) recuit thermique de couches minces de semi-conducteurs magnétiques dilués obtenues par épitaxie à jets moléculaires à basse température; (2) recuit thermique de couches minces semi-conductrices obtenues par implantation d’ions magnétiques; (3) croissance par épitaxie en phase vapeur aux organométalliques. Les méthodes par recuit sont les plus souvent utilisées. Le recuit amorce un processus de diffusion des atomes de Mn qui mène à la formation d’agrégats à base de Mn encastrés dans la matrice III-V. Les propriétés structurales des couches hétérogènes obtenues par recuit dépendent essentiellement des paramètres du recuit (température, temps de recuit) et de l’état initial de la matrice avant le recuit (concentration de Mn, présence de défauts cristallins).

Lorsque les couches sont fabriquées à partir du recuit d’un semi-conducteur magnétique dilué obtenu par LT-MBE, la formation d’agrégats est le résultat d’un processus de diffusion ponctué par différents états hétérogènes : (1) une accumulation des atomes de Mn sur les plans {111} (postulé par Moreno et al. [36], [52]); (2) formation de petits agrégats Mn(Ga)As zincblende tétraédriques cohérents avec la matrice; (3) formation d’un mélange d’agrégats Mn(Ga)As zincblende désordonnés et d’agrégats de MnAs hexagonal; (4) formation d’agrégats de MnAs hexagonal dans une matrice où la concentration de Mn est faible. Ces observations sont cohérentes avec les études théoriques qui prédisent une tendance des atomes de Mn à s’agglomérer et une séparation de phase de la couche homogène en ses composés binaires MnAs et GaAs (voir section 2.2). L’état constitué d’agrégats zincblende (comme la matrice) est un état transitoire (ou métastable). En effet, lorsque les agrégats ont des tailles de quelques nanomètres seulement, on peut supposer qu’il est énergétiquement favorable de former des agrégats cohérents avec la matrice qui minimisent les déformations de la matrice, mais accumulent de l’énergie élastique proportionnelle au volume des agrégats. Si on maintient l’apport d’énergie dans le système (augmentation du temps de recuit ou de la température), la diffusion de Mn (favorable à l’agrégation) élargit les agrégats et le système tend vers l’état d’équilibre constitué d’agrégats hexagonaux qui minimisent l’énergie libre. L’énergie élastique associée aux agrégats peut générer des défauts et il y a probablement une énergie résiduelle de contrainte, repartie entre les agrégats et la matrice. Par contre, la déformation à l’interface couche/substrat est plus faible dans la couche hétérogène GaAs:MnAs que dans la couche homogène, ce qui favorise aussi la formation d’agrégats hexagonaux [36], [48].

Dans le cas des couches de GaAs:MnAs obtenues par implantation ionique, on obtient également des agrégats de MnAs-hexagonal encastrés dans la matrice. Par contre, une forte proportion des agrégats est située en surface et on observe la présence de défauts dans la matrice. Cette différence de morphologie s’explique par le fait que l’état initial de la matrice après l’implantation possède beaucoup plus de défauts que celle des couches obtenues par LT-MBE. La formation des agrégats repose sur la diffusion des atomes de Mn. Or, la position de ces atomes dans le réseau (interstitielle ou substitutionnelle) et la présence de défauts ponctuels va modifier

la mobilité des atomes de Mn8 et par le fait même la structure finale de la couche recuite. En somme, la structure de la matrice avant le recuit influence fortement la morphologie finale de la matrice et des agrégats.

En ce qui concerne la taille, la nature et l’orientation cristallographique des agrégats, les deux techniques par recuit donnent des résultats similaires. Lorsque la température et le temps de recuit sont du même ordre, on obtient, dans les deux cas, des agrégats de 10 à 50 nm de MnAs- hexagonal encastrés dans une matrice de GaAs. Nous avons également souligné que la température de recuit et le temps de recuit modifient la taille. En effet, une augmentation de la température ou du temps de recuit favorise la formation de gros agrégats, peu importe la technique d’incorporation de Mn. Nous avons aussi rapporté que la nature des agrégats dépend de la température de recuit. Par exemple, dans le cas des couches obtenues par implantation, on observe la formation d’agrégats de MnGa pour des températures de recuit supérieures à 800 °C. Concernant l’orientation cristallographique, les travaux rapportent tous la même orientation : les agrégats de MnAs sont majoritairement orientés selon les relations MnAs{0001}//GaAs{111} et MnAs< ̅ ̅ >//GaAs<110>.

La troisième méthode de fabrication consiste à faire croître la couche dans un système de dépôt par MOVPE. La température requise pour ce type de dépôt est généralement plus élevée, ce qui permet la formation d’agrégats sans besoin de recourir à un recuit après le dépôt. Pour l’instant, il y a très peu d’études portant sur l’utilisation de cette méthode. Les quelques études existantes montrent que les couches hétérogènes obtenues présentent des agrégats beaucoup moins uniformes en taille et en distribution que ceux observés dans les couches obtenues par LT- MBE suivi d’un recuit. De plus, les agrégats ont des tailles moyennes et des distributions de taille beaucoup plus élevées. Pour les couches de GaAs:MnAs, l’orientation cristallographique des agrégats est la même que celle rapportée avec les méthodes par recuit.

Que retient-on de la mise en commun de ces travaux sur la croissance des couches hétérogènes? D’abord, on remarque que les informations données sont assez disparates et souvent anecdotiques, particulièrement pour les couches obtenues par MOVPE. Plusieurs articles

8 Puisque le recuit répare les défauts, la mobilité des atomes de Mn devrait être affectée seulement pour des

rapportent des résultats structuraux provenant d’un éventail limité de conditions de croissance. Il y a peu de données systématiques traitant de l’influence des paramètres de croissance sur les propriétés structurales. Dans ces circonstances, il est difficile d’établir des tendances permettant de prédire la structure des agrégats et de la matrice.

Il est donc nécessaire d’entreprendre une étude systématique de l’influence des paramètres de croissance sur les propriétés structurales. Les travaux présentés dans la présente thèse visent à identifier les mécanismes de croissance en œuvre lors de la fabrication de couches hétérogènes par MOVPE. Pour l’instant, nous avons très peu d’information sur la formation des agrégats dans les couches hétérogènes obtenues par MOVPE. Les observations suggèrent que la formation des agrégats se produit à la surface de la couche et qu’au fur et à mesure que la couche croît, les agrégats s’encastrent dans la matrice. De plus, des travaux sur la croissance d’îlots de MnAs obtenus par MOVPE (section 2.6.1.3) ont montré que dans certaines conditions, la croissance est endotaxiale. Ces résultats suggèrent que la contribution des énergies en jeu lors d’un dépôt par MOVPE pourrait différer de celle des énergies à l’œuvre lors de la croissance des couches obtenues par recuit. On peut supposer que si les agrégats se forment en surface, la contribution de l’énergie élastique et d’interface sera différente de celle d’agrégats formés en volume. Notre étude de l’influence des paramètres de croissance sur les propriétés structurales va nous permettre de mieux comprendre les mécanismes de formation des agrégats et comment ils affectent les propriétés structurales des agrégats et de la matrice.