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Chapitre 2 ÉTAT DES CONNAISSANCES

2.1 Des semi-conducteurs magnétiques dilués aux couches hétérogènes SC:FM

SC:FM

Les semi-conducteurs magnétiques dilués (SMD) sont des couches minces épitaxiales et homogènes de semi-conducteurs III-V où des atomes de l’élément III sont généralement substitués de façon aléatoire par des atomes d’un métal de transition dans une proportion de 1 à 10 %. Le manganèse est le métal de transition le plus souvent utilisé étant donné son moment magnétique élevé (S=5/2). L’intérêt pour ces matériaux provient de leurs propriétés magnétiques et de transport de charge et de spin, qui en font des candidats très prometteurs pour le développement de dispositifs spintroniques [25]. La fabrication de semi-conducteurs magnétiques dilués a été rapportée pour la première fois en 1989 par l’équipe de Ohno pour une couche de In1- xMnxAs [42]. La réalisation d’un semi-conducteur magnétique dilué à base de GaAs (Ga1-

xMnxAs) en 1996 par la même équipe a marqué le début d’un engouement important pour ce

genre de matériaux [43]. Depuis, plusieurs études théoriques et expérimentales portant sur cette classe de matériaux ont été rapportées, allant de l’origine du ferromagnétisme jusqu’à la fabrication de dispositifs spintroniques. Comme la présente thèse ne traite pas directement des SMD, nous ne présenterons pas une revue exhaustive de la littérature concernant ces matériaux. Cependant, au lecteur qui désire en connaître davantage sur le sujet, nous suggérons de consulter le chapitre écrit par Sinova & Jungwirth de la Réf.[44] et le site Web du Ferromagnetic Semiconductors Web Project [45].

À la suite de la réalisation de couches de Ga1-xMnxAs en 1996, on note que la majorité des

études expérimentales subséquentes portent sur ce matériau. Ainsi, la presque totalité des travaux mentionnés dans le présent chapitre se réfère au système Ga1-xMnxAs et à son équivalent

hétérogène, le GaAs:MnAs. Nous discuterons également de quelques études sur les phosphures, puisqu’elles touchent de près nos travaux sur le GaP:MnP.

Pour fabriquer un semi-conducteur magnétique dilué, on utilise habituellement l’épitaxie à jets moléculaires à des températures inférieures à 300 °C (LT-MBE – low temperature

moleculaire beam epitaxy) afin de limiter la précipitation des phases secondaires. La Figure 2-1

présentée par Ohno et al. à la Réf.[46] montre la relation entre les propriétés structurales de couches de Ga1-xMnxAs et les deux paramètres de croissance les plus importants : la température

Figure 2-1 Diagramme montrant la relation entre les propriétés structurales des couches de Ga1-xMnxAs obtenues par épitaxie à jets moléculaires à basse température (LT-MBE) et les deux

paramètres de croissance les plus importants, la température du substrat et la concentration de manganèse. Source : image adaptée de la Réf.[46]

L’obtention d’une couche homogène d’un semi-conducteur magnétique dilué est possible seulement pour des températures situées entre 175 °C et ~300 °C et pour des concentrations de Mn inférieures à x = 0,08. Pour cette plage de paramètres de croissance, on obtient des couches épitaxiales semi-conductrices, homogènes et cohérentes avec le substrat de GaAs. Pour des concentrations élevées de Mn [47] ou des températures élevées (> 300 °C), la croissance devient hétérogène et des agrégats de MnAs sont détectés en surface. Pour des températures de croissance supérieures à 400 °C, Ohno et al. mentionnent qu’aucun ordre épitaxial n’est observé [46]. Munekata et al. ont également rapporté qu’à 580 °C il y accumulation de Mn en surface [42]. Les SMD n’ont d’intérêt que si les couches obtenues sont homogènes, exemptes de défauts (ex : manganèse interstitiel et antisites d’arsenic) et si la distribution des Mn est aléatoire. La formation d’agrégats doit être évitée, car leur présence modifie les propriétés magnétiques et de transport des SMD. En effet, la particularité des SMD provient du ferromagnétisme qui induit

une polarisation des spins des porteurs de charges. C’est cette polarisation qui permet d’envisager le développement de dispositifs spintroniques. Or, la polarisation des spins des porteurs de charges se réalise lorsque la couche est homogène et que les atomes de manganèse sont substitutionnels aux atomes de l’élément III. La difficulté actuelle dans le domaine des dispositifs à base des SMD est d’obtenir des couches homogènes ayant des températures de Curie dépassant la température de la pièce. Pour l’instant, les couches optimisées obtenues possèdent des températures de Curie n’excédant pas 170 K. C’est cette faible température critique qui a généré l’intérêt pour les couches hétérogènes, qui, contrairement aux SMD, possèdent des propriétés ferromagnétiques à la température ambiante. De plus, les couches hétérogènes possèdent des propriétés intéressantes (section 1.1) qui permettent d’envisager de nouvelles applications.

Les études sur la croissance des SMD indiquent que l’augmentation de la température provoque un changement de régime de croissance caractérisé par la rupture de l’épitaxie de la couche homogène et la présence d’agrégats ferromagnétiques en surface. Cependant, les conditions de croissance utilisées pour la fabrication de couches homogènes ne sont pas optimisées pour l’obtention de couches hétérogènes caractérisées par des agrégats répartit uniformément dans la matrice. Pour obtenir une couche hétérogène SC:FM proprement dite, il faut procéder en deux étapes. La méthode la plus courante consiste à obtenir une couche d’un semi-conducteur III-V incorporé d’atomes de Mn et de la recuire à des températures élevées (de 500 à 900 °C). L’incorporation d’atomes de Mn peut être obtenue par la croissance d’un SMD par épitaxie à jets moléculaires à basse température ou par implantation d’ions de Mn dans un substrat III-V. Il existe également une troisième technique, qui consiste tout simplement à faire la croissance par épitaxie en phase vapeur aux organométalliques (MOVPE) à haute température. Dans les prochaines sections, nous allons présenter brièvement ce qui est connu sur les propriétés structurales des couches hétérogènes obtenues selon chaque technique.