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Fonctions de gestion des topiques des dislocations nominales à

7.5 Développement des fonctions des dislocations référant à des entités

7.5.1 Fonctions de gestion des topiques des dislocations nominales à

Nous analysons dans cette partie uniquement les dislocations nominales à gauche. En effet, celles-ci sont présentes dans les productions des apprenants dès le stade initial. Les autres types de dislocations (notamment les disloca-tions pronominales à gauche et les dislocadisloca-tions à droite) sont en nombre trop restreint.

Dans l’ensemble des interviews, les dislocations à gauche jouent les huit fonctions de gestion des topiques présentées en 6.3.1.4. La distribution de ces fonctions est présentée dans les tableaux 48 et 49 ci-dessous.

Tableau 48. Fonctions des dislocations nominales à gauche dans les interviews aux

différents stades de développement

Stades de développement (n = nombre d’interviews) (N = nombre d’informants) Stade initial (n=10) (N=9) Stade post-initial (n=24) (N=17) Stade intermé-diaire (n=6) (N=5) Stade avancé inférieur (n=8) (N=5) Stade avancé moyen (n=11) (N=8) Stade avancé supérieur (n=11) (N=11) Total (n=70) (N=40) F1 : activation et établissement de référent en topique 3 7 1 17 11 21 60 F2 : établissement en topique de

référent déjà actif en focus 1 2 1 8 5 4 21 F3 : sélection en topique d’un

référent parmi plusieurs déjà en

topique 1 5 2 8

F4 : sélection en topique d’un

référent parmi plusieurs en focus – 1 1 F5 : maintien de topique en

topique d’un référent actif – – – 2 1 1 4

F6 : introduction de référent

nouveau non identifiable 1 – – – 1 2

F7 : activation et établissement en topique de référent apparte-nant aux connaissances parta-gées préalables des

interlocu-teurs – 2 4 8 14

F8 : introduction de référent

nouveau identifiable 1 7 5 7 18 18 56

Total 6 24 7 40 43129 46 166

129 En raison de l’ambiguïté de certains passages des interviews, il n’a pas été possible d’attribuer de fonctions à deux dislocations relevées au stade avancé moyen.

Tableau 49. Fonctions des dislocations nominales à gauche dans les interviews des

LNN de Paris, des LN Erasmus et des LN de Paris

(n = nombre d’interviews) (N = nombre d’informants) LNN Paris (n=10) (N=10) LN Erasmus (n=10) (N=10) LN Paris (n=8) (N=8) Total LN (n=18) (N=18) F1 : activation et établissement de référent en topique 34 14 8 22 (LN) F2 : établissement en topique de

référent déjà actif en focus 5 11 10 21 (LN)

F3 : sélection en topique d’un référent parmi plusieurs déjà en

topique 3 1 2 3 (LN)

F4 : sélection en topique d’un

référent parmi plusieurs en focus – 1 1 2 (LN) F5 : maintien de topique en

topi-que d’un référent actif 2 1 2 3 (LN)

F6 : introduction de référent

nou-veau non identifiable 1 0 (LN)

F7 : activation et établissement en topique de référent appartenant aux connaissances partagées

pré-alables des interlocuteurs 9 7 2 9 (LN)

F8 : introduction de référent

nou-veau identifiable 21 18 17 35 (LN)

Total 75 53 42 95 (LN)

Le tableau 49 montre que les fonctions les plus fréquentes dans les inter-views des LN sont F1 (14 + 8 = 22 occurrences sur un total de 95), F2 (11 + 10 = 21 occurrences), F7 (7 + 2 = 9 occurrences) et F8 (18 + 17 = 35 occur-rences). Notons également que toutes les fonctions F1 à F8 ont été relevées dans les interviews des deux groupes de LN, à l’exception de la fonction d’INTRODUCTION DE RÉFÉRENT NOUVEAU NON IDENTIFIABLE (F6).

Les fonctions F1, F2, F7 et F8 sont également les plus fréquentes chez les lycéens et l’ensemble des étudiants (tableau 48) et chez les LNN de Paris (tableau 49). Nous notons par ailleurs le faible emploi de la fonction de SÉ-LECTION EN TOPIQUE DUN RÉFÉRENT PARMI PLUSIEURS EN FOCUS (F4) chez les LNN (une seule occurrence au stade avancé supérieur ; voir tableau 48) ; mais il s’agit d’une fonction rare : nous n’en avons identifié qu’une occur-rence chez les LN Erasmus et une autre chez les LN de Paris. La fonction de

MAINTIEN DE TOPIQUE EN TOPIQUE DUN RÉFÉRENT ACTIF (F5) ne remplit pas, elle non plus, les conditions du critère d’emploi systématique ni chez les LNN de Paris (tableau 49), ni à aucun des stades de développement (ta-bleau 48). Mais cela pourrait de nouveau s’expliquer par la relative rareté de cette fonction, qui ne compte qu’une occurrence dans les interviews des LN Erasmus et deux dans celles des LN de Paris (tableau 49).

Les tableaux 48 et 49 nous permettent de proposer un ordre de dévelop-pement des fonctions de gestion des topiques des dislocations nominales à gauche.

Ordre de développement 5 : Dès le stade initial :

• emploi systématique de F1

À partir du stade post-initial :

• emploi systématique de F2, F3, F7 et F8

Nous avons par ailleurs relevé des occurrences isolées des fonctions suivantes :

• F4 (au stade avancé supérieur),

• F5 (aux trois stades avancés et chez les LNN de Paris), • F6 (au stade post-initial, au stade avancé supérieur et

chez les LNN de Paris)

F1 : activation et établissement de référent en topique F2 : établissement en topique de référent déjà actif en focus

F3 : sélection en topique d’un référent parmi plusieurs déjà en topi-que

F4 : sélection en topique d’un référent parmi plusieurs en focus F5 : maintien de topique en topique d’un référent actif

F6 : introduction de référent nouveau non identifiable

F7 : activation et établissement en topique de référent appartenant aux connaissances partagées préalables des interlocuteurs

F8 : introduction de référent nouveau identifiable

En première analyse, la dislocation nominale à gauche semble connaître un développement de ses fonctions de gestion des topiques. Les apprenants développent d’abord des fonctions en nombre limité (stade initial). Puis, dès le stade post-initial, ils utilisent les dislocations avec presque tout le réper-toire des fonctions des dislocations des LN130, auxquelles s’ajoute F6, qui est absente du français langue-cible. F6 ne fait cependant jamais l’objet d’un emploi systématique chez les LNN131.

Soulignons toutefois que nous n’avons relevé que six dislocations nomi-nales à gauche au stade initial. Il faut donc considérer les résultats à ce stade avec prudence. Il n’est pas exclu que les fonctions des dislocations utilisées par les LN soient disponibles dans le répertoire des apprenants dès le stade initial, mais qu’elles ne se manifestent pas dans notre corpus en raison du

130 Les fonctions F4 et F5 ne sont néanmoins représentées dans nos données que par des oc-currences isolées. Mais, comme nous l’avons fait remarquer plus haut, ces fonctions sont également peu fréquentes dans les interviews des LN du corpus.

faible nombre de dislocations à ce stade. Dans cette seconde hypothèse, les LNN disposeraient de tout le répertoire natif auquel s’ajouterait, dans les productions de quelques locuteurs, la fonction non native F6. Les LNN ac-querraient, dès le début de l’acquisition, les formes des dislocations référant aux entités tierces (voir 7.3.2.1) et les fonctions de gestion des topiques que jouent ces formes. Le nombre restreint des dislocations au stade initial ne nous permet pas de dire avec certitude laquelle de ces deux conclusions est la plus vraisemblable.

Dans l’étude de Hendriks (2000 ; voir 2.2.1), les apprenants de français L2 utilisent, dans l’ensemble, les dislocations avec les mêmes fonctions que les locuteurs natifs, c’est-à-dire :

• pour réintroduire dans le discours un référent connu, ce qui corres-pond, dans la terminologie de notre étude, à la fonction d’ACTIVATION ET ÉTABLISSEMENT DE RÉFÉRENT EN TOPIQUE (F1), • à des fins de désambiguïsation (cf. F3 : SÉLECTION EN TOPIQUE DUN

RÉFÉRENT PARMI PLUSIEURS DÉJÀ EN TOPIQUE ; F4 : SÉLECTION EN TOPIQUE DUN RÉFÉRENT PARMI PLUSIEURS EN FOCUS),

• « pour rendre ancienne une information nouvelle » (Hendriks 2000 : 389).

Hendriks relève également quelques cas de dislocations employées pour introduire un référent nouveau dans le discours (cf. F6 : INTRODUCTION DE RÉFÉRENT NOUVEAU NON IDENTIFIABLE), comme dans l’exemple suivant (déjà cité en 2.2.1) :

(134) Un jour un cheval il est venu dans un pré où il y a des fleurs. (exemple de Hendriks 2000 : 388, italiques

et soulignement de l’auteur) Ces cas d’introduction de référent nouveau sont cependant rares. Ainsi, Hendriks (2000 : 389) conclut que les apprenants adultes L2 de la variété post-basique n’ont aucune difficulté à comprendre les règles pragmatiques et discursives qui sous-tendent l’emploi des dislocations en français langue-cible (voir également Lambert 2003 : 118). Les résultats de l’étude de Hen-driks sont comparables aux nôtres : dès le stade post-initial, les apprenants suédophones de français et les LN emploient les dislocations dans des fonc-tions de gestion des topiques semblables, la différence essentielle entre LN et LNN tenant à l’emploi, toutefois non systématique, de la fonction F6 chez ces derniers. En voici un exemple, issu de l’interview d’un informant du groupe des doctorants.

(135) 01 E: oui (EN RIANT) . et je me souviens j’avais un une fête 02 anniversaire une fois / (I:mm) / et une copine / à moi / je 03 l’avais invitée . et je pense que peut-être une semaine à

04 l’avance ou quelque chose comme ça . ensuite je l’avais 05 pas rappelée (I:mhm) pour dire que oui en fait je vais 06 avoir ma fête .

(Viveka, doctorants, stade avancé supérieur, interview 1) Dans cet exemple, la LNN emploie une dislocation pour introduire dans le discours un référent nouveau, UNE COPINE À MOI.Ce référent n’est pas iden-tifiable (voir 6.3.1.2.2).

Ainsi, nous pouvons tirer, pour la situation de discours de l’interview, des conclusions comparables à celles de Hendriks pour les récits : dans l’ensemble, les apprenants de français suédophones comprennent précoce-ment les règles pragmatiques et discursives de l’emploi de la dislocation en français. Lambert (2003 : 110), également, relève des cas d’emploi de la dislocation dans des récits d’apprenants de français avancés polonophones avec cette même fonction d’introduction de référent (cf. également Hick-mann & Hendriks 1999 pour l’acquisition du français L1132). Autrement dit, si ce phénomème est assez peu fréquent dans les productions des LNN (3 occurrences sur un total de 241 dislocations nominales à gauche relevées dans les interviews de notre corpus), il n’en présente pas moins une certaine constance, puisqu’il est remarqué dans plusieurs études133. Nous pouvons conclure que la plupart des apprenants mettent en œuvre les règles pragmati-ques et discursives de l’emploi de la dislocation en français, mais qu’il faut constater des déviances chez certains apprenants, y compris aux stades les plus avancés.