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7.5 Développement des fonctions des dislocations référant à des entités

7.5.2 Des fonctions interactionnelles et discursives

7.5.2.5 Dislocation, marqueur de paroles rapportées

Enfin, nous avons identifié des occurrences de dislocations inaugurant des séquences de paroles ou de pensées rapportées, comme [le roi il SV] dans l’exemple (154).

(154) 01 et normalement à Stockholm / on on me on me on me 02 dit “oui eh (BRUIT) eh le roi il a acheté un nouveau eh 03 bâteau . / il il s’appelle Silvia . / écris quelque chose sur 04 ça ou / eh appelle eu:h la cour / pour / (I:mm) pour les 05 interroger .” / alors ça c’est pas intéressant .

(Lena, étudiants de 1ère et 2ème années, interview 4, stade avancé moyen) Voici un exemple issu d’une interview de LN :

(155) 01 mais il y a toujours u:n / un aller et retour / eu:h eu:h à # 02 pour travailler qu- quel matériau on va utiliser (I:mm) / 03 comment ça va tenir (I:mm) Xparce Xque y a parfois 04 des décorateurs qui / + qui ont imaginé des

05 I: oui j’imagine qu’il doit y avoir des SIM des idées ab-06 solument …

07 E: complètement / + ça oui

08 I: faramineuses SIM oui ? + (RIRE)

09 E: tout à fait SIM et eu:h / eu:h Xsi “ça ça passe / ça 10 c’est possible ça (I:oui) c’est moins possible . / eu:h si 11 on Xpourrait modifier comme ça (I:ouais) ça pourrait 12 tenir . / est-ce qu’on a # est-ce qu’on peut / rajouter un 13 peu d’épaisseur (I:ouais) ici: (I:ouais) / euh changer de 14 matériau là (I:ouais) / et et” / oui évidemment / y a un 15 échange

(Michel, LN de Paris, interview 1) Dans (155), le LN simule en discours direct les paroles d’un décorateur à l’atelier chargé de réaliser sa commande (lignes 09-14). La séquence est inaugurée par une série de dislocations [ça ça SV] et [ça c’est X] qui pour-raient avoir pour fonction de marquer le passage aux paroles rapportées.

L’utilisation de la dislocation pour marquer le début de paroles rapportées est un procédé utilisé dans notre corpus surtout avec la dislocation [moi je SV], comme nous le verrons plus loin (voir 7.6).

7.5.3 Bilan

L’examen des fonctions de gestion des topiques des dislocations nominales à gauche nous a permis de proposer un ordre de développement (Ordre de

développement 5 en 7.5.1). Celui-ci suggère que l’ensemble des fonctions

de gestion des topiques sont disponibles à partir du stade post-initial. Le répertoire des fonctions des LNN comprend même une fonction absente de la langue-cible : la fonction d’INTRODUCTION DE RÉFÉRENT NOUVEAU NON IDENTIFIABLE (F6). Celle-ci est toutefois jouée par une faible part des dislo-cations nominales à gauche relevées dans les interviews (3 sur 241). L’examen des fonctions de gestion des topiques dans les interviews permet de tirer deux conclusions principales : premièrement, les apprenants de fran-çais maîtrisent tôt les fonctions pragmatiques et discursives de la dis-location ; deuxièmement, les emplois des disdis-locations dans des emplois « non natifs » restent rares. Hendriks (2000) parvient à ces deux conclusions dans son étude de récits d’apprenants sinophones de français appartenant à la variété post-basique. Notre étude permet donc de confirmer les résultats de Hendriks d’une part pour une situation de discours différente (des inter-views), d’autre part pour des apprenants ayant une autre langue maternelle (le suédois).

Nous avons également vu que, outre les fonctions de gestion des topiques, les dislocations jouent dans les interviews des LNN des fonctions interac-tionnelles et discursives. Celles-ci sont aussi bien présentes chez les LNN que chez les LN.

7.6 Développement des fonctions des dislocations

[moi je SV] et [moi + Pro objet]

En raison du faible nombre d’occurrences des autres types de dislocations référant au locuteur, nous n’approfondirons ici que l’analyse des dislocations [moi je SV] et [moi + Pro objet]140. Par ailleurs, ne disposant pas, pour ce type de dislocations, de critères de classement aussi précis que pour l’analyse des fonctions de gestion des topiques, nous ne donnerons pas de chiffres exacts concernant l’emploi des fonctions de [moi je SV] et [moi + Pro objet] aux différents stades de développement. En effet, l’emploi de certaines de ces dislocations permet plusieurs interprétations possibles, tandis que d’autres semblent jouer plusieurs fonctions simultanées. Nous distinguerons simplement les cas où une fonction n’est attestée qu’une fois, et les cas où une fonction est employée deux fois ou plus (c’est-à-dire quand elle fait l’objet d’un emploi systématique, au sens du critère présenté en 6.4).

140 Nous avons écarté de l’analyse les quatre occurrences de dislocations pronominales à droite de type [je SV / moi].

Nous avons identifié, dans le corpus, quatre fonctions principales des dis-locations [moi je SV] et [moi + Pro objet] (voir 6.3.2) : contraste, point de vue, amorce et marquage du discours rapporté (voir tableaux 50 et 51 infra). Tableau 50. Fonctions des dislocations de type [moi je SV] et [moi + Pro objet]

dans les interviews aux différents stades de développement

Stades de développement (n = nombre d’interviews) (N = nombre d’informants) Stade initial (n=10) (N=9) Stade post-initial (n=24) (N=17) Stade intermé-diaire (n=6) (N=5) Stade avancé inférieur (n=8) (N=5) Stade avancé moyen (n=11) (N=8) Stade avancé supérieur (n=11) (N=11) Contraste 1 – 1 – 2 ou + 2 ou + Point de vue 2 ou + 2 ou + 2 ou + Amorce – – – 1 2 ou + 1 Discours rapporté – – – – 1 1

Tableau 51. Fonctions des dislocations de type [moi je SV] et [moi + Pro objet] dans

les interviews des LNN de Paris, des LN Erasmus et des LN de Paris

(n = nombre d’interviews) (N = nombre d’informants) LNN Paris (n=10) (N=10) LN Erasmus (n=10) (N=10) LN Paris (n=8) (N=8) Contraste 2 ou + 2 ou + 2 ou + Point de vue 2 ou + 2 ou + 2 ou + Amorce 2 ou + 2 ou + 1 Discours rapporté 2 ou + 2 ou +

La fonction d’expression du point de vue est la première à remplir les condi-tions du critère d’emploi systématique (au stade avancé inférieur). Le contraste et l’amorce moi je sont employés de manière systématique à partir du stade avancé moyen. L’ensemble des fonctions identifiées chez les LN sont attestées chez les LNN de Paris. Nos données nous permettent d’identifier un ordre de développement des fonctions des dislocations de type [moi je SV] et [moi + Pro objet] :

Ordre de développement 6 :

POINT DE VUECONTRASTE, AMORCEDISCOURS RAPPOR-TÉ

L’analyse du corpus montre donc que les apprenants suédophones de fran-çais mettent graduellement en œuvre les fonctions des dislocations [moi je SV] et [moi + Pro objet].

Dans son étude de l’emploi de la dislocation par des apprenants germano-phones avancés de français, Pekarek Doehler (2004 : 143 ; voir 2.2.2) cons-tate que, si la forme disloquée [moi je SV] semble employée par les LN de manière quasiment automatique et constante, elle fait en revanche l’objet d’emplois fonctionnels plus spécialisés chez les LNN, notamment pour

prendre position (en combinaison avec des verbes de pensée, comme dans « moi je pense »), et pour prendre la parole aux moments de compétition pour le tour de parole. La première de ces deux fonctions a également été relevée dans notre corpus d’interviews (cf. la fonction POINT DE VUE supra). En revanche, nous n’avons pas identifié d’occurrences de la seconde. Cela pourrait tenir aux caractéristiques des interviews de notre corpus : l’objectif de l’intervieweur est de faire parler les personnes qu’il interroge ; il entre donc rarement en compétition avec les LNN pour le tour de parole. Ainsi, l’absence dans notre corpus de la fonction de prise de parole s’explique pro-bablement par l’absence de contextes permettant ce type d’emploi de la di-slocation [moi je SV].