• Aucun résultat trouvé

Acquisition, itinéraires acquisitionnels et stades de développement

3.1 Acquisition L2 et développement

3.1.2 Acquisition, itinéraires acquisitionnels et stades de développement

Une partie des recherches en acquisition L2 s’est intéressée à l’ordre dans lequel s’acquièrent les éléments d’une langue (pour un aperçu de cette orien-tation de recherche, voir R. Ellis 2008 : 96-98) : c’est le cas, par exemple, du projet ZISA (Meisel et al. 1981), du projet ESF (Klein & Perdue 1992, 1997), ou encore de la théorie de la processabilité (Pienemann 1998). Ces derniers ont montré que certains éléments d’une langue s’acquièrent selon un ordre déterminé, valable pour tous les apprenants, que la langue soit acquise en tant que langue étrangère ou en tant que langue seconde, que l’acquisition soit guidée ou non (Bartning & Schlyter 2004 : 281). Les séquences selon lesquelles apparaissent certaines formes et structures d’une langue ont reçu plusieurs appellations : séquences acquisitionnels (« sequences of

acquisi-tion », R. Ellis 1997), itinéraires acquisiacquisi-tionnels ou parcours développemen-taux (Bartning & Schlyter 2004). Ces séquences concernent des

phénomè-mes isolés, comme l’ordre des mots, la négation, etc. Les stades de

dévelop-pement, pour leur part, se caractérisent par des faisceaux de traits

caux apparaissant à peu près simultanément dans la langue des apprenants. Nous utiliserons dans notre étude les stades de développement proposés par Bartning & Schlyter (2004). Ces stades ont été établis sur la base de données empiriques provenant de deux corpus constitués de productions orales de locuteurs adultes suédophones apprenant le français : le corpus InterFra (de l’université de Stockholm) et le corpus de Lund40. Les traits étudiés sont, entre autres :

• la structuration de l’énoncé (structuration nominale, structuration verbale à verbe non fini, ou structuration verbale à verbe fléchi), • le système temporel et modal,

• la forme et la place de la négation, • la forme et la place des pronoms, • l’acquisition du genre,

• l’accord au sein du syntagme nominal, • la subordination.

Les stades sont présentés plus en détail dans le tableau 8 suivant.

Tableau 8. Stades de développement en français L2 de Bartning & Schlyter (2004) Stade 1 – le stade initial

(stade comparable au niveau prébasique et, en partie, à la variété basique du projet ESF)

Structuration de l’énoncé :

• structuration de l’énoncé en grande partie nominale,

• emploi de formes finies courtes et de formes non finies en contexte fini, • pas d’opposition entre les personnes des formes verbales.

Système temporel et modal TMA (Temps, Mode, Aspect) :

• rareté des formes du passé composé, • marquage de très peu de contextes du passé.

Forme et place de la négation :

• emploi de la négation Nég X (non grand lit),

• négation comme dans la langue-cible dans des formules du type je (ne) sais pas.

Syntagmes nominaux et pronoms :

• emploi des articles défini et indéfini,

• emploi du pronom sujet je (très souvent accentué et non élidé).

Connecteurs :

début d’emploi des connecteurs et, mais et puis.

40 Ces stades concernent donc le développement du français d’apprenants suédophones. Néanmoins, ils sont probablement généralisables aux apprenants d’autres langues sources semblables, notamment les autres langues germaniques (Bartning & Schlyter 2004 : 282). C’est effectivement ce que Housen et al. (2009) ont pu vérifier pour l’acquisition de la mor-phologie verbale par des apprenants de français ayant le néerlandais pour langue maternelle.

Stade 2 – le stade post-initial

(stade correspondant en partie à la variété basique du projet ESF)

Structuration de l’énoncé :

• recours fréquent à c’est pour construire les énoncés et comme formule passe-partout,

• diminution des formes non finies en contexte fini et augmentation des formes fi-nies courtes,

• opposition faite entre la 1ère et la 2ème personne du singulier pour les verbes non thématiques être et avoir,

• alternance de nous V-ons et de *nous V (sans désinence).

Système temporel et modal TMA (Temps, Mode, Aspect) :

• début d’emploi du futur périphrastique et des verbes modaux suivis de l’infinitif, • emploi du passé composé plus fréquent,

• utilisation de l’imparfait chez certains apprenants (formes était et avait).

Forme et place de la négation :

apparition de la négation préverbale ne sans pas à côté de la négation postverbale.

Syntagmes nominaux et pronoms :

pronoms objet généralement postposés.

Subordination :

apparition de la subordination simple introduite par quand, parce que et qui, que.

Stade 3 – le stade intermédiaire Structuration de l’énoncé :

• raréfication des formes verbales non finies en contexte fini, • marquage de nous V-ons dans la plupart des cas,

• début d’opposition entre la 3ème personne du singulier et du pluriel pour ont et sont (opposition faite dans la moitié des cas),

• emploi en alternance des formes du type ils *prendre, ils *prend et ils prennent.

Système temporel et modal TMA (Temps, Mode, Aspect) :

• emploi du passé dans la plupart des contextes au passé,

• marquage du futur pour les références à l’avenir (futur périphrastique et futur sim-ple),

• début d’emploi du subjonctif.

Forme et place de la négation :

négation comme dans la langue-cible (ne V fini pas).

Syntagmes nominaux et pronoms :

pronoms objet placés devant le verbe lexical pour les temps composés et simples, souvent incorrectement après l’auxiliaire est /a.

Subordination :

enrichissement de la subordination (subordonnées causales, temporelles, relatives, complé-tives et interrogacomplé-tives).

Stade 4 – le stade avancé inférieur Structuration de l’énoncé :

• disparition presque complète des formes verbales non finies en contexte fini, • formes ils ont/sont plus fréquentes que les formes ils *a/*est,

• marquage fréquent du pluriel sur les verbes lexicaux (alternance des formes de type ils prennent et de type ils *prend).

Système temporel et modal TMA (Temps, Mode, Aspect) :

début d’emploi du conditionnel, du plus-que-parfait et du subjonctif. (Les contextes obliga-toires ne sont cependant pas encore systématiquement marqués par les formes pertinentes.)

Forme et place de la négation :

négation complexe (avec rien, jamais, personne) souvent bien placée et correcte.

Syntagmes nominaux et pronoms :

• pronom clitique placé avant l’auxiliaire, • clitisation du pronom sujet acquise, • clitisation de l’article acquise,

• genre de l’article toujours problématique pour l’apprenant.

Connecteurs :

• diversification des connecteurs,

• suremploi par rapport aux LN des marqueurs polyfonctionnels mais et parce que.

Stade 5 – le stade avancé moyen Structuration de l’énoncé :

emploi des formes verbales au pluriel ils sont, ils ont, etc. (quelques résidus de formes du type ils *sort sur les verbes lexicaux).

Système temporel et modal TMA (Temps, Mode, Aspect) :

• emploi, la plupart du temps correct, du plus-que parfait, du conditionnel et du fu-tur simple,

• subjonctif plus fréquent.

Forme et place de la négation :

emploi de la négation en tant que sujet (exemple : rien ne V, personne ne V).

Syntagmes nominaux et pronoms :

accord du genre sur le déterminant et sur l’adjectif encore problématique.

Subordination :

• emploi de propositions subordonnées relatives introduites par dont, • emploi du gérondif.

Stade 6 – le stade avancé supérieur

Structuration de l’énoncé – Système temporel et modal TMA (Temps, Mode, Aspect) :

morphologie flexionnelle stabilisée.

Subordination :

• haut degré d’empaquetage, d’ellipse et d’intégration des propositions,

• emploi presque natif des propositions subordonnées relatives macrosyntaxiques.

Connecteurs :

emploi natif des connecteurs enfin et donc.