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Chapitre 1: Problématique et cadre théorique

1.3 Le cadre théorique

1.3.2 Fonctionnement du modèle

Le système contrôlé est qualifié de conscient ou de délibératif (Lodge, Taber et Verhulst, 2011; Potter, 2006; Lang, 2000; Shiffrin et Schneider, 1977). Il est intentionnel et apparait lorsque le récepteur est motivé à traiter l’information, notamment lorsqu’il se sent concerné parce que l’information lui est utile. Son déclenchement diffère d’un récepteur à l’autre, puisqu'il dépend de variables

individuelles, comme les expériences passées, les perceptions, les attitudes et les comportements, en comparaison aux réponses plus instinctives et émotionnelles générées par le système automatique (Potter, 2006; Lang, 2000; Shiffrin et Schneider, 1977). Les variables individuelles impliquées dans le système contrôlé témoignent de l'effort que fait le récepteur lorsqu'il traite l'information et qu'il le conscientise. Les pensées générées au moment de l'exposition publicitaire sont appelées des réponses cognitives, qui constituent une façon d'évaluer le traitement issu de ce système contrôlé.

1.3.2.2 Le système automatique

Le système automatique est non intentionnel, involontaire, autonome et sans effort (Shiffrin et Schneider, 1977). Il est activé lorsque le récepteur réagit aux stimuli, à la nouveauté ou aux éléments de contenu du message qui sont significatifs ou susceptibles de l’éveiller (Potter, 2006; Lang, 2000; Shiffrin et Schneider, 1977). Ce système automatique entraine des attitudes implicites, c’est-à-dire inconscientes, qui ne peuvent pas être verbalisées (Wilson, Lindsey et Schooler, 2000). Les réponses orientées sont un exemple de processus automatique, puisqu’elles sont considérées comme un mécanisme d’allocation des ressources cognitives, un ensemble de réponses physiologiques et comportementales spontanées et inconscientes, déclenchées par des stimuli (Potter, 2006; Lang, 2000). Par exemple, la diminution de la fréquence cardiaque est une réponse orientée, qui illustre que le récepteur est plus attentif au stimulus. Au même titre, l’augmentation de la conductivité cutanée indique une élévation du niveau d’activation, d’éveil, de vigilance. Les réponses automatiques sont plus importantes tout de suite après la présentation d'un stimulus, comme un effet sonore (ex. bruit d'un train), qui capte l'attention de l'individu (Lang, 2013).

Ce système automatique est guidé par l’activation du système motivationnel de l’aversion/attraction, décrit précédemment. Ce système, rappelons-le, constitue un des principes fondamentaux de l’expérience émotionnelle du récepteur (Bradley et Lang, 2000) :

Based on the property of the appetitive motivational systems (positivity offset), the model predicts more resource allocation to encoding for positive compared to negative content at the lowest levels of arousing content. At the same time, based on negativity bias, the model also predicts more resource allocation for negative compared to positive content at moderate levels of arousing content (Yegiyan et Lang, 2000: 82).

La présentation d’un stimulus déplaisant enclenche le système aversif. Ce système s'active plus facilement puisque l'individu réagit plus intensément et instinctivement à la menace et à la négativité. Ce phénomène est expliqué par le biais de négativité, auquel nous avons préalablement référé pour expliquer la plus grande attention portée aux publicités électorales négatives (Lang, 2013; Soroka et McAdams, 2012; Rozin et Royzman, 2001). L’activation du système aversif entraine davantage de réactions physiologiques dans un contexte de réception de nouvelles télévisuelles négatives, selon Soroka et McAdams (2012). Il est généralement admis qu’un état affectif plaisant est relié à l’activation du système de l’attirance alors qu’une émotion déplaisante est corrélée au système aversif (Lang, 2013).

Quand un stimulus plaisant est présenté, c'est plutôt le système de l'attirance qui prend le dessus, phénomène appelé la compensation positive (Lang, 2013; Soroka et McAdams, 2012; Yegiyan et Lang, 2010). La compensation positive permet d’encoder et de stocker un plus grand nombre d’éléments du message (Lang, 2013). Les deux principales variables associées à ce système sont l’allocation des ressources cognitives par le récepteur (le niveau d'attention) ainsi que l’activation des systèmes motivationnels et leur intensité (les types d’activation et le niveau d’éveil).

L’allocation des ressources cognitives (le niveau d'attention)

L’allocation des ressources cognitives réfère à la quantité de ressources mentales que doit utiliser l'individu pour traiter l'information. Elle réfère plus précisément au

niveau d’attention porté à un stimulus (ici, publicitaire), raison pour laquelle nous y réfèrerons dorénavant de cette manière pour alléger la nomenclature. Lang (2013) précise que le récepteur a une capacité limitée à traiter l'information médiatique. Le niveau d’attention varie en fonction des systèmes (automatique et contrôlé) déclenchés chez le récepteur au moment de l’exposition. À titre d’exemple, un nouvel élément dans l’environnement de l’individu, comme un effet sonore dans une publicité, peut déclencher une réponse orientée, qui consiste en une augmentation momentanée de l’attention.

Une variété de mesures sont proposées pour rendre compte de l’attention. Mentionnons notamment l’exercice appelé le « Secondary task reaction times (STRTs) », qui consiste à demander à des participants, dans le cadre d’une expérimentation, de réaliser une première tâche, par exemple de visionner un extrait vidéo, et à certains moments, un signal sonore leur est envoyé afin qu’ils effectuent une deuxième tâche le plus rapidement possible, par exemple d’appuyer sur le bouton d’un appareil. Le temps de réaction devient alors un indicateur du niveau d’attention du participant à l’égard du message médiatique.

Une autre façon de mesurer le niveau d'attention, que nous avons utilisé dans le cadre de cette thèse, consiste à capter la fréquence cardiaque du récepteur au moment du visionnement de la publicité. Il s’agit du principal indicateur psychophysiologique du niveau d’attention ou, pour référer au modèle de Lang (2013), de l’allocation de ressources cognitives (Potter et Bolls, 2012; Reeves et al., 1999; Lang, 1994). Si les battements cardiaques diminuent, cela indique que l’individu est plus attentif au stimulus présenté (Lang, 1994b) :

Whithin the LC4MP, variation in resource allocation during media use is also indexed by heart rate (Lang, 1994b). Parasympathetic innervations of the heart result in heart rate deceleration during periods of intense attention to external stimuli. Heart rate can be measured time-locked to media messages and analyzed in such a way as to provide information on both short-term, called phasic, and long-term, called tonic, variations in heart rate thought to be correlated with short- and long-term changes in resource allocation. Heart rate provides a more continuous and dynamic measure than STRT (Lang, 2013: 10).

Cette citation renforce la pertinence d’utiliser les mesures psychophysiologiques pour accéder au traitement de l’information des récepteurs dans un contexte persuasif. De surcroit, une diminution momentanée – ou phasique – de la fréquence cardiaque durant une exposition à un message publicitaire indique non seulement que l’individu est davantage attentif, mais aussi qu’il encode mieux l’information qui lui est présentée (Potter et Bolls, 2012) :

Ultimately it appears that cardiac deceleration observed as individuals allocate more cognitive resources to encoding information from the environment reflects the working of processes which serve to facilitate the intake of potentially meaningful information (De Pascalis, Barry, et Sparita, 1995; Jennings, 1992 dans Potter et Bolls, 2012: 76).

Sur le plan biologique, rappelons que le système nerveux autonome est composé de deux principales branches: le système nerveux sympathique et le système nerveux parasympathique. Le premier fournit des indices à propos du niveau d’éveil de l'individu, alors que la variation du deuxième nous en apprend plus sur son niveau d’attention (ressources cognitives) (Potter et Bolls, 2012).

Ainsi, les publicités qui contiennent des appels émotionnels intenses activent le système nerveux sympathique, qui à son tour, influence le niveau d’attention des récepteurs. Ainsi, quand l’individu est confronté à un stimulus négatif, non seulement le système aversif décrit par Lang (2000) s’enclenche, mais le récepteur devient plus éveillé et plus attentif au contenu du message, ces résultats étant conséquents à l’activation des deux branches du système nerveux autonome. Il est important de

comprendre ici que le système nerveux autonome est responsable de l’activation des fonctions qui ne peuvent être contrôlées par l’humain (Potter et Bolls, 2012) :

Thus, broadly speaking, cognitive processes evoked during exposure to a media message have a top-down influence through the central nervous system on activity of the autonomic nervous system and variation in this nervous system activity changes the speed at which the heart beats (Potter et Bolls, 2012: 80).

Dans cette optique, l’électrocardiogramme constitue un autre outil qui permet d’accéder au niveau d'attention du récepteur en temps d’exposition publicitaire. Il permet plus précisément de mesurer l’amplitude du cycle cardiaque, en volts. Il est donc un ajout à la mesure de la fréquence cardiaque. Cependant, la plupart des chercheurs mesurent simplement l’intervalle entre les battements ou bien le nombre de battements par minute pour préciser leurs données, plutôt que d’utiliser l’électrocardiogramme (Potter et Bolls, 2012).

L’activation des systèmes motivationnels (valence) et leur intensité (niveau d’éveil) L’activation du système motivationnel a un effet direct sur les trois processus du traitement de l’information, soit l’encodage, le stockage et la récupération (Lang, 2013). Les éléments perçus comme plaisants ou déplaisants de notre environnement déclenchent l’activation de deux systèmes motivationnels, soit l’attirance, aussi appelé l'approche, ainsi que l’aversion, également appelé l’évitement (Cacioppo et Gardner, 1999). La variable de l’activation des systèmes motivationnels réfère davantage à l’expérience émotionnelle spontanée du récepteur et ses deux principales dimensions : la valence hédonique (de déplaisant à plaisant), que nous appelons le type d’activation ou valence, et l’éveil (de calme à excité), que nous appelons l’intensité ou le niveau d’éveil (Lang, 2013; Wang, Lang et Busemeyer, 2011).

L'activation des systèmes motivationnels peut être identifiée à l'aide de mesures auto-rapportées (type d’activation) ou de mesures psychophysiologiques (niveau

d’activation) (Shen, 2008; Stewart, Morris et Grover, 2007; Poels et Dewitte, 2006; Lang, 1993). Par exemple, les participants à une expérimentation peuvent attribuer une cote à chaque message médiatique afin de déterminer si leur expérience émotionnelle vis-à-vis le stimulus est positive (plaisante) ou si elle est négative (déplaisante) (Lang, 2013). Il est également possible de mesurer le niveau d'éveil (calme à élevé) en captant la conductivité cutanée des participants lors de l'exposition à un message.

The arousal dimension of emotion, thought to be indicative of activation in the appetitive and/or aversive motivational systems, is correlated with skin conductance (SC). SC is measured by running a very slight DC current between electrodes placed on the palm. Increases and decreases in the sympathetic division of the autonomic nervous system, correlated with the experience of arousal, result in the raising and lowering of the level of sweat in the eccrine sweat glands. Thus, with increasing sympathetic arousal, the level of sweat in the glands rises, resulting in faster conductance of the current across the surface of the hand, and thereby increased skin conductance (Lang, 2013: 12).

La conductivité de la peau ou la réponse électrodermale de conduction est généralement utilisée afin de mesurer le niveau d’éveil du récepteur lors du visionnement d’un message médiatique. Cette mesure permet, entre autres, d’évaluer à quel point le système nerveux sympathique est stimulé, ce qui se manifeste par l’activation des glandes sudoripares de type eccrines, principalement au niveau des mains, des pieds et du front (Hopkins et Fletcher, 1994). Plus ces glandes sont activées, plus la conductivité cutanée est élevée et plus la réponse émotionnelle est intense :

When there is more activation of the autonomic nervous system, there will be more sweat secretion and consequently a higher level of SC. Because the increase in activation of the autonomic nervous system is an indicator of « arousal, » SC can be used as a measure of arousal (Ravaja, 2004). (Poels et Dewitte, 2006 : 24-25).

La conductivité cutanée ne permet cependant pas de déterminer la valence (positive ou négative) de la réponse émotionnelle, mais seulement son intensité. Pour ce

faire, d’autres mesures doivent être combinées, notamment l'électromyographie, qui permet de mesurer l’activité musculaire du visage, laquelle peut indiquer une réaction positive ou négative à l’égard du stimulus, tout dépendant des groupes de muscles activés (Poels et Dewitte, 2006). Par exemple, les messages positifs activent davantage le grand muscle zygomatique, alors que les messages dont le ton émotionnel est négatif suscitent un mouvement plus prononcé du muscle sourcilier (Bolls, Lang et Potter, 2001).

En somme, les mesures psychophysiologiques nous permettent d’évaluer les principales réponses liées aux composantes automatiques et contrôlées du modèle de Annie Lang (2013; 2000):

A large number of psychophysiological studies have used peripheral nervous system measures to index brain processes theorized to unfold during exposure to persuasive media content. Specifically, heart rate has been used primarily as an indicator of cognitive resources allocated to encoding information from the message, skin conductance has been used to index arousal, facial EMG has been used to index the valence of emotional responses, and more recently, the startle eyeblink response has been used to index the extent to which media content is perceived to be aversive (Potter & Bolls, 2012) (Bartholow et Bolls, 2013: 488).

1.3.2.3 Les étapes du traitement de l'information

Pour pouvoir traiter un message médiatique, le récepteur doit encoder, stocker et récupérer l’information qui lui est présentée :

The basic parts of information processing are to perceive stimuli, turn them into mental representations, do mental work on those representations, and reproduce them in the same or in an altered form (Lang, 2000: 47).

Ces étapes ne sont pas linéaires, mais plutôt itératives et effectuées en continu. Lang les caractérise comme des processus qui sont engagés de façon simultanée.

L'encodage

L'encodage, soit le processus de mise en mémoire, est la première étape du traitement d’un message médiatique. Lors de l’encodage, certains éléments d’information sont convertis en des représentations mentales qui restent actives momentanément en mémoire à court-terme ou mémoire active (Lang, 2000, 2013). Pour mesurer l'encodage, Lang (2013) suggère l’exercice de reconnaissance, dont l’objectif est essentiellement d’évaluer si le récepteur se souvient avoir vu un stimulus médiatique (ex. : une publicité ou un élément publicitaire), et ce, immédiatement après exposition à divers stimuli. Une représentation exacte de ce qu’il a vu peut être présentée au participant, lequel doit décider s’il l’a déjà vue ou non (Lang, 2013). Une variation de cet exercice consiste à présenter au participant deux énoncés, l’un étant une représentation exacte contenue dans le message médiatique et l’autre où cette représentation a été légèrement modifiée, et lui demander de reconnaître la bonne (Lang, 2013). Son temps de réaction peut aussi être calculé. L’étude de Lang (2013) met en lumière que plus le récepteur est attentif, meilleur est l’encodage. Par conséquent, à l’aune de l’exposé précédent sur les mesures physiologiques, nous pourrions supposer que plus la fréquence cardiaque est faible, meilleur est l’encodage de l’information.

Le stockage

La deuxième étape du processus de traitement de l’information suggérée dans le modèle de Lang est celle du stockage, où certains éléments encodés dans la mémoire à court-terme sont associés à d’anciens souvenirs déjà disponibles dans la mémoire à long-terme. Cette tâche est liée à la mémoire associative, qui fait le pont entre les deux principaux types de mémoire (court et long terme). Par exemple, le fait de voir un drapeau du Canada dans une publicité électorale peut nous rappeler une expérience passée déjà vécue avec la Fête du Canada et dont nous avons conservé un souvenir agréable. Une personne nouvellement arrivée au Canada pourrait associer le drapeau à son expérience d'intégration au pays ou bien au

caractère pacifique du pays. Plus une personne effectue de liens entre les nouvelles informations et les anciennes, mieux l’information est stockée (Lang, 2013; 2000). Tel que l’explique Lang (2000):

Certain message characteristics, such as emotion, as well as the goals of the viewer, may increase the resources allocated to storage, which in turn may increase how much and how well content information is stored (Lang, 2000: 55).

L’exercice du rappel indicé constitue un indicateur de cette deuxième étape puisqu’il permet de voir si l’individu se rappelle d’un élément précis en lui demandant de compléter l’énoncé manquant dans une phrase. Ainsi, le participant reçoit une indication précise du détail que nous souhaitons qu’il se rappelle et l’objectif est de mesurer si cela se produit (Lang, 2013). De cette manière, il est possible d’observer si l’énoncé à récupérer a été stocké en mémoire. L'individu a pour tâche de compléter l’énoncé au meilleur de ses souvenirs. Idéalement, il est préférable de sélectionner une citation qui suit une réponse orientée, puisque l’encodage est susceptible d’être plus important (Lang, 2013). Plus l’individu fait de liens entre les messages médiatiques visionnés et les énoncés, mieux l’information est stockée (Lang, 2000).

La récupération

Finalement, l’étape de la récupération consiste à réactiver les représentations mentales qui ont été stockées dans la mémoire à long-terme pour qu’elles redeviennent actives dans la mémoire à court-terme. Les aspects du message qui seront retenus par le récepteur sont, au final, l’aboutissement du traitement de l’information (Lang, 2013; 2000). Dans la suite de cette thèse, pour des fins de simplification, le terme « mémorisation » est utilisé pour rendre compte de cette étape.

Dans son modèle, Annie Lang (2013; 2000) suggère l’exercice de récupération, qui consiste à demander au récepteur de se souvenir des stimuli médiatiques dans leur

ensemble, sans qu’aucune aide ne lui soit fournie. Dans un questionnaire, il doit inscrire tout ce qui lui vient en tête (mots ou courtes phrases) en lien avec les stimuli visés dans l'étude. Cette mesure de la récupération permet d’identifier les éléments précis des messages médiatiques qui ont été traités par le récepteur.