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Les réponses psychophysiologiques des électeurs à l'égard du ton émotionnel des publicités électorales audiovisuelles canadiennes

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Academic year: 2021

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(1)

Les réponses psychophysiologiques des électeurs à

l’égard du ton émotionnel des publicités électorales

audiovisuelles canadiennes

Thèse

Audrey Dupuis

Doctorat en communication publique

Philosophiæ doctor (Ph. D.)

(2)

Résumé

Durant les dernières décennies, un courant important d’études s’est développé autour des effets de la publicité électorale, spécialement sur les attitudes et le comportement de vote, s’appuyant principalement sur des données d’enquête. Cependant, peu de travaux ont été menés sous une perspective communicationnelle explorant les effets immédiats des publicités politiques, outre ceux aux États-Unis. Cette étude explore comment 15 publicités électorales audiovisuelles canadiennes variant en fonction de l’intensité de leur ton émotionnel influencent les réponses psychophysiologiques des électeurs envers le message. Au total, 60 participants ont pris part à des séances durant lesquelles la fréquence cardiaque et la conductivité de la peau ont été captées. Les niveaux de plaisir et de déplaisir ressenti à l’égard de ces publicités, les réponses cognitives et la mémorisation des publicités ont été mesurés pour mieux comprendre les étapes du processus de traitement de l’information comme l’encodage, le stockage et la récupération. Le modèle de la capacité limitée à traiter l’information médiatique de Annie Lang (2000, 2013) a été mis à profit. Les résultats ont mis en évidence un effet positif des publicités électorales coactives sur le niveau d’attention des électeurs, lesquelles ont généré des réponses légèrement défavorables envers le parti annonceur. Les résultats ont aussi mis en lumière l’influence négative des publicités déplaisantes, puisque les réponses cognitives reliées étaient défavorables, confirmant l’effet boomerang (pervers) des publicités négatives.

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Abstract

In recent years, there has been a growing body of work focusing on the effects of political advertising, particularly on attitudes and voting behavior, relying mostly on survey data. However, there is very little work from a communication perspective, especially outside the US, exploring the immediate impact of political ads. This study investigates how 15 audio-visual Canadian political ads, varying according to the intensity of their emotional tone, affect voters’ psychophysiological responses toward the message. A total of 60 participants took part in a lab experiment where heart rate and skin conductance were monitored. The valence experienced toward these ads, cognitive responses and memorizing were also measured to access the processing steps of information, as encoding, storage and retrieval based on the Annie Lang’s (2013; 2000) Limited Capacity Model of Mediated Message Processing. Results showed a positive impact of coactive political ads on voters’ level of attention, linked with lightly unfavorable cognitive responses. They also indicated a negative impact of unpleasant ads, as cognitive responses related were unfavorable, generating a Boomerang effect.

(4)

Table des matières

Résumé ... ii

Abstract... iii

Table des matières ... iv

Liste des tableaux ... vi

Liste des figures ... viii

Remerciements ... ix

Introduction ... 1

Chapitre 1: Problématique et cadre théorique ... 4

1.1 Le problème général ... 4

1.1.1 La publicité électorale : survol ... 4

1.1.2 Le contenu de la publicité électorale ... 9

1.1.3 Émotions et traitement de l’information médiatique ... 23

1.1.4 L’étude du traitement de l’information médiatique ... 27

1.2 Le problème spécifique ... 36

1.2.1 Les types d’effets des publicités électorales... 36

1.2.2 Les effets de la publicité électorale ... 46

1.2.3 Les effets directs et indirects ... 58

1.2.4 Résumé du problème de recherche ... 61

1.2.5 La question générale de recherche ... 63

1.3 Le cadre théorique ... 63

1.3.1 Prémisses et illustration du modèle LC4MP ... 64

1.3.2 Fonctionnement du modèle ... 65

1.3.3 Adaptations suggérées du modèle de Lang (2013; 2000) ... 75

1.4 Les questions spécifiques et hypothèses exploratoires ... 75

Chapitre 2 : Méthodologie... 79

2.1 Devis méthodologique quantitatif et de type explicatif ... 79

2.2 Phase 1: le corpus publicitaire en fonction de l'expérience émotionnelle vécue ... 80

2.2.1 Objectif ... 80

2.2.2 Participants ... 81

2.2.3 Procédure ... 83

2.2.4 Déroulement de la séance d'évaluation ... 87

2.2.5 Sélection des publicités pour la phase 2 de l’étude ... 91

2.3 Phase 2: mesure des réponses automatiques et contrôlées ... 97

2.3.1 Objectif ... 97

2.3.2 Participants ... 97

2.3.3 Procédure et matériel ... 98

2.3.4 Déroulement typique d'une séance ... 106

2.3.5 Pré-test ... 108

(5)

Chapitre 3 : Analyses ... 114

3.1 Description de l'échantillon ... 114

3.2 Rappel des questions, variables, indicateurs, unités de mesure et hypothèses .... 118

3.3 Analyses descriptives et inférentielles liées aux variables dépendantes ... 120

3.3.1 Variable 1: le niveau d’attention ... 121

3.3.2 Variable 2a: le niveau de plaisir et de déplaisir ressenti (valence) ... 129

3.3.3 Variable 2b: le niveau de plaisir et de déplaisir ressenti (intensité) ... 136

3.3.4 Variable 3: le niveau d'encodage et de stockage ... 139

3.3.5 Variable 4: le niveau de récupération ... 155

3.4 Synthèse des résultats et retour sur les hypothèses ... 161

Chapitre 4 : Discussion ... 164

4.1 Contribution au concept du ton émotionnel ... 164

4.2 Pertinence d’utiliser l’approche psychophysiologique pour comprendre les effets et l’efficacité des publicités électorales ... 173

4.3 Limites de la recherche ... 179 4.3.1 Limites conceptuelles ... 179 4.3.2 Limites méthodologiques ... 181 4.3.3 Limites analytiques ... 185 Conclusion ... 188 Bibliographie ... 191

Annexe A: Formulaire de consentement – Phase 1 ... 212

Annexe B: Corpus publicitaire de base (179 pubs)... 215

Annexe C: Questionnaire – Phase 1 ... 220

Annexe D: Description des 15 publicités du corpus ... 225

Annexe E: Affiche de recrutement sur le campus ... 227

Annexe F: Affiche de recrutement sur Facebook... 228

Annexe G: Affiche de recrutement sur LinkedIn ... 229

Annexe H: Formulaire de consentement – Phase 2 ... 230

Annexe I: Questionnaire – Phase 2 ... 234

Annexe J: Grille d’observation de l’animateur ... 240

Annexe K: Guide du déroulement d’une séance, précautions à prendre et matériel nécessaire ... 241

Annexe L: Exemple de l’horaire d’une séance et calendrier ... 243

Annexe M: Conversion du montage en secondes ... 244

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Liste des tableaux

Tableau 1. Catégorisation des 36 publicités utilisées pour la séance évaluative de la phase 1 (Dupuis, 2019) ... 86 Tableau 2. Liste des 36 publicités et leurs scores moyens de plaisir et de déplaisir

(Dupuis, 2019) ... 92 Tableau 3. Publicités ordonnées en fonction du continuum du ton émotionnel (Dupuis,

2019) ... 93 Tableau 4. Liste des 15 publicités retenues et leurs scores moyens de plaisir et de

déplaisir (Dupuis, 2019) ... 96 Tableau 5. Répartition de l'échantillon selon le sexe et l'âge (Dupuis, 2019) ... 115 Tableau 6. Répartition de l'échantillon selon la région (Dupuis, 2019) ... 115 Tableau 7. Répartition de l'échantillon selon la fréquence hebdomadaire de consommation

télévisuelle et le sexe (Dupuis, 2019)... 116 Tableau 8. Répartition de l'échantillon selon le choix du parti politique aux élections

fédérales de 2011 et le sexe (Dupuis, 2019) ... 117 Tableau 9. Répartition de l'échantillon selon le choix du parti politique aux élections

fédérales de 2011 et l'âge (Dupuis, 2019) ... 118 Tableau 10. Synthèse des questions, des variables, des indicateurs, des mesures, des

unités/échelles et des hypothèses (Dupuis, 2019) ... 119 Tableau 11. Comparaison de la moyenne du niveau d’attention entre les femmes et les

hommes (Dupuis, 2019)... 122 Tableau 12. Liste des 15 publicités finales et leurs scores moyens de plaisir et de déplaisir

(Dupuis, 2019) ... 123 Tableau 13. Moyennes du niveau d’attention en fonction des caractéristiques des

publicités (Dupuis, 2019) ... 124 Tableau 14. Comparaison des moyennes du niveau d’attention en fonction du ton

émotionnel des publicités (Dupuis, 2019) ... 126 Tableau 15. Comparaison des moyennes du niveau d’attention en fonction du ton

émotionnel (toutes intensités confondues) (Dupuis, 2019) ... 127 Tableau 16. Comparaison des moyennes du niveau d’attention en fonction du parti

politique (Dupuis, 2019) ... 128 Tableau 17. Comparaison des moyennes du niveau d’attention en fonction de la polarité

argumentaire (Dupuis, 2019) ... 129 Tableau 18. Comparaison de la moyenne du niveau de plaisir/déplaisir ressenti (valence)

entre les femmes et les hommes (Dupuis, 2019) ... 130 Tableau 19. Moyennes du niveau de plaisir/déplaisir ressenti (valence) en fonction des

caractéristiques des publicités (Dupuis, 2019) ... 131 Tableau 20. Comparaison de la moyenne du niveau de plaisir/déplaisir ressenti (valence)

en fonction du ton émotionnel (Dupuis, 2019) ... 133 Tableau 21. Comparaison de la moyenne du niveau de plaisir/déplaisir ressenti (valence)

en fonction du ton émotionnel (toutes intensités confondues) (Dupuis, 2019) ... 134 Tableau 22. Comparaison de la moyenne du niveau de plaisir/déplaisir ressenti (valence)

en fonction du parti politique (Dupuis, 2019) ... 135 Tableau 23. Comparaison de la moyenne du niveau de plaisir/déplaisir ressenti (valence)

en fonction de la polarité argumentaire (Dupuis, 2019) ... 135 Tableau 24. Moyennes de l'intensité du plaisir/déplaisir ressenti en fonction des

caractéristiques des publicités (Dupuis, 2019) ... 137 Tableau 25. Comparaison de la moyenne du niveau d'encodage/stockage entre les

(7)

Tableau 26. Comparaison de la moyenne du niveau d'encodage/stockage en fonction du

parti politique d'affiliation (Dupuis, 2019)... 141

Tableau 27. Nombre d'énoncés cognitifs par publicité (défavorables, neutres, favorables, total) (Dupuis, 2019) ... 142

Tableau 28. Moyennes des réponses cognitives en fonction des caractéristiques des publicités (Dupuis, 2019) ... 143

Tableau 29. Publicités dont les différences sont statistiquement significatives en comparaison avec la publicité no 9 (Dupuis, 2019) ... 145

Tableau 30. Publicités dont les différences sont statistiquement significatives en comparaison avec la publicité no 2 (Dupuis, 2019) ... 146

Tableau 31. Comparaison de la moyenne du niveau d'encodage/stockage en fonction du ton émotionnel (Dupuis, 2019) ... 148

Tableau 32. Comparaison des moyennes du nombre de réponses cognitives défavorables fonction du ton émotionnel (Dupuis, 2019) ... 148

Tableau 33. Comparaison des moyennes du nombre de réponses cognitives favorables en fonction du ton émotionnel (Dupuis, 2019) ... 149

Tableau 34. Comparaison des moyennes du nombre de réponses cognitives neutres en fonction du ton émotionnel (Dupuis, 2019) ... 149

Tableau 35. Comparaison des moyennes du nombre total de réponses cognitives en fonction du ton émotionnel (Dupuis, 2019) ... 150

Tableau 36. Comparaison des moyennes du niveau d'encodage/stockage en fonction du parti politique (Dupuis, 2019) ... 151

Tableau 37. Comparaison des moyennes du niveau d'encodage/stockage en fonction de la polarité argumentaire (Dupuis, 2019) ... 151

Tableau 38. Publicités fortement déplaisantes (Dupuis, 2019) ... 152

Tableau 39. Publicités moyennement déplaisantes (Dupuis, 2019) ... 153

Tableau 40. Publicités coactives (Dupuis, 2019) ... 153

Tableau 41. Publicités moyennement plaisantes (Dupuis, 2019) ... 154

Tableau 42. Publicités fortement plaisantes (Dupuis, 2019) ... 154

Tableau 43. Comparaison de la moyenne du niveau de récupération des publicités entre les femmes et les hommes (Dupuis, 2019) ... 156

(8)

Liste des figures

Figure 1. Opérationnalisation du ton émotionnel... 21

Figure 2. Système nerveux autonome ... 33

Figure 3. Le processus d'influence d'une publicité électorale audiovisuelle ... 35

Figure 4. Modélisation des effets émotionnels et cognitifs, des mesures et des indicateurs (Dupuis, 2019) ... 61

Figure 5. Modèle de la capacité limitée à traiter l'information médiatique (Lang, 2000 dans Bartholow et Bolls, 2013 : 476). ... 65

Figure 6. Modélisation du devis méthodologique quantitatif de type explicatif (Dupuis, 2019) ... 80

Figure 7. Échelle d'intensité de plaisir et de déplaisir (Dupuis, 2019)... 89

Figure 8. Échelles AdSAM (plaisir et éveil) (Morris, 1995) ... 90

Figure 9. Analyse de regroupement des publicités électorales télévisuelles ... 95

Figure 10. Capture d'un enregistrement (HR et SC) avec la Suite Physiology (Dupuis, 2019) ... 100

Figure 11. Capture d'un enregistrement (Canal SC) avec la Suite Physiology (Dupuis, 2019) ... 101

Figure 12. Image de l'encodeur ProComp5 Infiniti (Thought Technology Ltd.) ... 102

Figure 13. BVP-Flex/Pro Sensor (Thought Technology Ltd.) ... 103

Figure 14. SC-Flex/Pro Sensors (Thought Technology Ltd.) ... 104

Figure 15. Capture de l'extraction des données par publicité avec le logiciel AcqKnowledge (Dupuis, 2019) ... 110

Figure 16. Moyennes du niveau d’attention en fonction de l'intensité du ton émotionnel des publicités (Dupuis, 2019) ... 125

Figure 17. Moyennes du niveau de plaisir/déplaisir ressenti (valence) en fonction de l'intensité du ton émotionnel des publicités (Dupuis, 2019) ... 132

Figure 18. Moyennes de l'intensité du plaisir/déplaisir ressenti en fonction de l'intensité du ton émotionnel (Dupuis, 2019) ... 138

Figure 19. Moyennes des réponses cognitives en fonction de l'intensité du ton émotionnel (Dupuis, 2019) ... 144

Figure 20. Moyennes du niveau de récupération des publicités en fonction de l'intensité du ton émotionnel (Dupuis, 2019) ... 159

(9)

Remerciements

Nul ne pourra comprendre la brute réalité d’écrire une thèse de doctorat tant qu’il n’aura pas écrit une thèse de doctorat. Encourager, soutenir, écouter, divertir

et aimer sont les actions possibles des externes. En revanche, rien n’est possible sans les externes (Dupuis, 2018). En 2009, j'ai fait la connaissance de Julie. Julie est le personnage célèbre des histoires de La vie à la maîtrise, sagement racontées par Mireille Lalancette, professeure à l’UQTR. Alors qu'elles me paraissaient si anodines à l'époque, presqu'inapplicables à ma vie d'étudiante motivée, insouciante, passionnée, sans horaire ni contrainte, elles sont devenues bien réelles durant mon parcours doctoral. La fin d'une bourse d'études, le commencement d'un travail à temps partiel, ensuite à temps plein, l'arrivée de notre p'tit loup, William et, le retour en région. Sept ans plus tard, je tiens à le remercier d'être entré dans ma vie, sans qui, cette thèse n'y serait pas. Entre l'équilibre de faire plus souvent ce que l’on aime et la persévérance de montrer à son prochain l'importance de terminer le commencement, la vie n'a pas toujours été facile. Toutefois, une histoire prend fin aujourd'hui et une nouvelle, plus heureuse et accomplie, débutera demain. Cette aventure a été rendue possible grâce à plusieurs personnes :

William, mon p'tit loup. Tu es l’unique raison pour laquelle j’ai terminé cette thèse. J’ai voulu être un exemple pour toi et t’apprendre la persévérance et la détermination. Sache toutefois que plusieurs chemins mènent vers la réussite. Termine ce que tu entreprends, va jusqu’au bout de tes rêves et sois fier de tes accomplissements, petits ou grands, et de tes échecs.

Mon conjoint, Rémi, présent dans ma vie depuis bientôt 15 ans. Tu as évolué avec moi, mes passions et mes projets les plus fous, tout en y ajoutant une touche d’équilibre. Déménager à Québec était la plus belle chose qui pouvait nous arriver, un nouveau vent a soufflé et William y est né, précipitant notre retour en Mauricie. Merci d’être l’homme curieux, travaillant et inspirant que tu es. Je ne te remercierai jamais assez.

(10)

Mes parents, France et Serge, pour leurs encouragements, leurs questionnements et pour avoir repéré, instinctivement, les moments où il était préférable de ne pas aborder le sujet, mais de me soutenir autrement, sans jugement. Malgré que nous soyons devenus si proches physiquement, vous m’avez vue briller par mon absence depuis notre retour en Mauricie et cette thèse y est pour beaucoup. Je sais que vous comprenez et c’est ce qui vous rend uniques.

Ma sœur, Valérie, qui a été une source d'inspiration durant les derniers miles de la rédaction, de par son retour aux études, avec deux enfants, un travail à temps plein et le défi que la vie a envoyé à toute ta famille. Saches que je serai, dorénavant, plus disponible et présente et, que je t’aime fort.

Les filles, MC, San, Mary, JV, Jo et Ju, vous m’avez divertie, soutenue et comprise. L’amitié qui nous unit depuis le Cégep, parfois le primaire, est plus forte que tout le reste.

Mes amis et collègues de l’UQTR et de l’Université Laval, particulièrement ceux et celles qui ont animé l’ancien labo du Casault, Emmanuelle, Marion, Catherine, Martin, Mikaël, Maxime, Émilie, Geneviève et Valériane. Vous faites partie intégrante de ce travail et, bien que je n’aie pas trouvé le courage d’assister à vos soutenances de thèse, je suis infiniment fière et admirative de tout ce que vous avez accompli. La distance nous sépare, mais je pense souvent à vous.

Mes collègues de travail actuelles, Dany, Valérie, Kelly, Lixin et Maude, votre positivisme et votre bonheur sont contagieux. Merci de m’encourager quotidiennement, de prendre des nouvelles de l’avancement de ma thèse et de me surnommer Docteure. Vous me rappelez l’importance d’écrire à chaque soir, quand William est couché, pour mieux profiter de la vie après la thèse. Grâce à vous, je ne vois pas mes journées passer. Vous respirez la qualité et l’équilibre de vie, mon modèle ultime. Merci également pour vos encouragements dans le dernier droit.

(11)

Mes mentors de l’UQTR, les professeurs Stéphane Perreault et Mireille Lalancette, vous avez toujours été présents, parfois même si nous ne nous étions pas vus depuis quelques temps. Vous êtes des piliers du département de communication et un modèle pour beaucoup d’étudiants. Vous m’avez appris à toujours aller plus loin et à être déterminée.

Ma directrice de thèse, la professeure Pénélope Daignault, tu as su comprendre les moments difficiles, m’accompagner dans mes périodes d’anxiété et répondre à mes questionnements quand j’en avais. Ton équilibre, ta zénitude et ton sens critique dans la révision de mes écrits sont des qualités que j’apprécie chez toi. Merci également de m’avoir fait confiance en m’octroyant des contrats de recherche et en m’impliquant dans tes communications et publications qui, jumelés à ma Bourse d’études supérieures du Canada Vanier, m’ont permis de me consacrer à ce projet de recherche à temps plein, durant quatre ans.

Enfin, merci à tous ceux qui ont pris soin de mon p’tit loup dans les semaines précédant mon dépôt initial. Votre temps m’a été d’une aide inestimable.

RIP Poupou. Tu étais mon fidèle compagnon. Merci, du plus profond de mon cœur,

(12)

Introduction

La publicité électorale est connue pour être empreinte d’émotion, et ce, depuis plusieurs décennies. Parfois semée d’arguments d’attaque ou de valorisation des prouesses et promesses du parti politique et de ses candidats, l’argumentaire est souvent insuffisant pour rendre le message marquant pour les électeurs. Les éléments audiovisuels deviennent alors primordiaux afin de susciter des réactions, par exemple des réponses émotionnelles, une mémorisation des éléments publicitaires ou le partage des vidéos sur le web, entre autres.

Les recherches ayant porté sur l’efficacité des publicités électorales ont permis de soulever la catégorisation souvent duale de leur contenu, particulièrement étudié sous l’angle de leurs arguments positifs ou négatifs. Certains chercheurs ont souligné le manque d’attention portée à l’étude de la variance dans le ton des publicités électorales, trop souvent catégorisées de manière dichotomique. Cette approche conceptuelle complexifie la mesure subséquente des effets, puisqu’elle permet difficilement de catégoriser une publicité électorale selon des nuances ou l’intensité de son ton, notamment en intégrant l’étude des publicités qui combinent à la fois des arguments positifs et négatifs ou en considérant l’expérience du récepteur pour mieux catégoriser le contenu publicitaire et en mesurer les effets. De plus, la mesure des effets indirects et à long-terme des publicités électorales est questionnée dans la littérature en communication politique et en psychologie des médias. L’utilisation unique d’une mesure auto-rapportée (réponses indirecte) à l’égard d’une publicité ne permet pas de rendre compte, sous tous ses angles, de la façon dont un récepteur traite l’information qui lui est présentée. Le processus de traitement de l’information est complexe et implique une portion conscientisée par l’individu (contrôlée) et une portion qui ne l’est pas nécessairement (automatique). De surcroit, la mesure de l’effet d’une publicité sur le comportement de vote (ex. choix électoral inscrit sur le bulletin de vote) est presque impossible, puisqu’une multitude de variables influencent le chemin qui sépare le message du

(13)

comportement. L’utilisation de l’approche de la psychophysiologie des médias, qui permet d’accéder à la fois aux réponses directes à l’aide de mesures physiologiques, combinées aux réponses indirectes comme l’utilisation de sondages ou d’exercices auto-rapportées, permettent une étude plus approfondie et nuancée du traitement de l’information des récepteurs vis-à-vis une publicité électorale, sans, bien sûr, prétendre à une pérennité de ses effets. L’application récente de l’approche de la psychophysiologie des médias à la communication politique demeure une piste à explorer pour mieux comprendre ce qui se passe dans la tête des électeurs en lien avec la vie démocratique.

Nous proposons d’inscrire notre thèse dans cette problématique de la catégorisation et de la mesure des effets des publicités électorales, empreintes d’émotion, en utilisant le concept de ton émotionnel pour intégrer une variance dans l’étude de son contenu. Nous suggérons également de mettre à profit les mesures psychophysiologiques pour accéder aux réponses directes et à court-terme des récepteurs et mieux saisir les nuances dans les effets des publicités électorales qui varient en termes de ton émotionnel.

Notre cadre théorique repose sur le modèle de la capacité limitée à traiter l’information médiatique, développé par Annie Lang (2000). Elle suggère que les récepteurs traitent activement l’information médiatique qui leur est présentée, mais qu’ils le font également de façon limitée. Ainsi, ils allouent des ressources cognitives en fonction de deux systèmes, l’un étant conscient (contrôlé) et l’autre, inconscient (automatique). Dans ce modèle, le traitement de l’information est considéré sous l’angle de la psychophysiologie des médias. Il est à la source de nos quatre questions spécifiques de recherche (qui seront présentées plus loin).

Notre démarche méthodologique est scindée en deux phases, l’une ayant permis de sélectionner les publicités électorales canadiennes constituant notre corpus et l’autre, de mesurer les effets psychophysiologiques de ces publicités. Elle est issue du paradigme postpositiviste et d’une démarche hypothético-déductive. Des

(14)

analyses descriptives et inférentielles en découlent, permettant d’explorer les effets psychophysiologiques encore méconnus des publicités électorales canadiennes dont le ton émotionnel varie. Ces analyses permettront de proposer des pistes de réflexion et de recherches futures pour raffiner ces résultats et assurer une meilleure validité externe.

Enfin, cette thèse est divisée en quatre chapitres : (1) la problématique de recherche et le cadre théorique, (2) la méthodologie, (3) les analyses et (4) la discussion.

(15)

Chapitre 1: Problématique et cadre théorique

The experience of consuming media content, after all, is fundamentally an emotional one (Potter et Bolls, 2012: 101). Rather than yielding "thoughtful" answers or replies to questions that are carefully contemplated (and sometimes strategically answered) by study participants, psychophysiological data may indicate how much mental effort viewers dedicate to a particular message or stimulus, the direction of emotional response at the time of exposure, or the state of action readiness or arousal that a political communication may place different viewers in (Bucy et Bradley, 2011: 526).

1.1 Le problème général

1.1.1 La publicité électorale : survol

La publicité électorale fait partie d'un processus de marketing politique plus large et une part importante du budget des partis politiques y est consacrée (Hugues, 2003). Elle constitue un outil de communication politique essentiel à toute campagne électorale moderne. Outre de promouvoir un candidat, un chef ou un parti, de même que leurs idées sur différents enjeux, la publicité électorale comporte plusieurs objectifs, dont ceux de motiver les électeurs, d'augmenter le nombre de partisans vis-à-vis le parti politique promu, de favoriser la participation démocratique en encourageant les électeurs à devenir ou à demeurer politiquement actifs, en plus d’informer ceux qui sont peu intéressés et impliqués dans la vie démocratique (Pinard, 2011; Cho, 2008; Tremblay, 2008; Brader, 2006; Kaid, 2004; Gosselin, 1997).

La publicité électorale peut être utilisée pendant une campagne, mais aussi en dehors de la période officielle pour laquelle les citoyens sont appelés à aller aux urnes, ce que certains auteurs qualifient de campagne permanente (Rose, 2012). Elle appelle un processus interactif et constant de négociation de l'attention des électeurs et de construction d'une réalité par les organisations politiques (Pinard, 2011; Kaid, 2004; Hugues, 2003; Kaid et Johnston, 2001).

(16)

Elle a traversé les derniers siècles en étant diffusée par l'entremise de différents canaux de communication : l'imprimé, la radio, la télévision et le web. L'imprimé dominait entre le 18e et le 20e siècle, avec des formats comme les dépliants, des

affiches traditionnelles ou des autocollants pour les voitures, permettant de mettre l'accent sur les slogans et les noms des organisations ou candidats politiques (Kaid, 2012; Seidman, 2008). Au même titre que la publicité électorale télévisuelle d'aujourd'hui, l'affiche était à l’époque un véhicule important pour la promotion de l'image ou celle de mouvements de protestation, ou encore pour proliférer des attaques envers l'adversaire (Kaid et Holtz-Bacha, 2006; Brooks, 1996).

La publicité électorale radiophonique est quant à elle apparue durant la première moitié du 20e siècle. Beaucoup moins onéreuse que son pendant télévisuel (Kaid, 2012), la rendant particulièrement attrayante pour les candidats des régions (Panagopoulos et Green, 2008), la publicité électorale radiophonique permet de mettre l'accent sur les enjeux politiques, de faire appel aux émotions dans le choix des mots (Potter, 2006; Rudd, 1989) et de recourir à des effets spéciaux (Potter, Lang et Bolls, 1997).

Sa fréquence d'utilisation s'est grandement accrue dans les années 1950 par la présence massive de la télévision dans les foyers nord-américains, qui apporte des changements importants dans la façon de transmettre l’information politique (Glynn, Herbst, O'Keefe et Shapiro, 1999). Sachant que près de 90% de la population américaine a maintenant accès au petit écran, les partis politiques l’ont apprivoisé peu à peu et la télévision est devenue le média dominant de la communication politique (Bucy et Bradley, 2004). La publicité électorale télévisuelle est d’ailleurs considérée comme étant la forme de communication la plus importante entre les partis politiques et les citoyens (Noogle et Lee, 2000), particulièrement aux États-Unis (Kaid, 2004). La télévision est un média très prisé. Elle permet de rejoindre une masse importante de l'électorat, la rendant très influente et permettant une diffusion directe des stratégies électorales basées sur les enjeux et l'image du chef, des candidats ou du parti politique auprès des électeurs: « Les campagnes électorales

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sont maintenant conçues pour la télévision. Les candidats développent des stratégies électorales axées sur la promotion de leur personnalité, de leur image, que les débats télévisés – de même que les publicités électorales – leur permettent de diffuser directement auprès des électeurs » (Giasson, Nadeau et Bélanger, 2005 dans Tremblay, 2008: 869). L'avantage de pouvoir contrôler complètement le message a d'ailleurs prouvé l'efficacité du format télévisuel de la publicité électorale selon Kaid (2004). La télévision a le pouvoir de valoriser l’authenticité, la relation de proximité et le mélange de la musique aux images, éléments qui sont susceptibles de faire appel à nos sens (Graber, 2001). De ce fait, elle possède une plus grande puissance émotionnelle que les autres sources d’information politique (Kaid, 2012; Brader, 2006).

La publicité électorale télévisuelle est très prisée en Amérique du Nord (Gosselin, 1997) et sa diffusion y est autorisée à grande échelle, contrairement à des pays comme l’Espagne, l’Allemagne ou la Finlande, où la diffusion des publicités électorales n’est permise que sur les chaînes privées (Gerstlé et Piar, 2016). Certaines publicités ont d'ailleurs marqué la politique américaine, notamment la publicité controversée, présentée qu’une seule fois, qui faisait la promotion du candidat Lyndon B. Johnson. Intitulée The Daisy Girl, elle présentait une fillette détachant les pétales d'une marguerite sous un décompte prenant fin au son de l'explosion d'une bombe nucléaire, indiquant ensuite de voter pour Johnson – les risques de faire autrement étant trop élevés. Elle marqua le début d'une série de publicités d'attaque aux États-Unis. D'ailleurs, une partie importante des budgets des partis politiques est investie dans la publicité électorale et ne cesse de croitre, particulièrement aux États-Unis. À titre d'exemple, la publicité représentait 1,92 milliard de dollars des dépenses de la campagne présidentielle américaine de 2012 (Ridout et Fowler, 2012).

Au Canada, l'utilisation des services d'agences de publicité par les partis politique a débuté en 1917, lorsque Sir Robert Borden y a eu recours pour le recrutement de soldats. Cette pratique s'est normalisée dans les années 1930 (Gosselin, 1997). Les

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partis politiques canadiens y consacrent aujourd'hui presque la moitié de leur budget, le montant qui est autorisé au Canada pour une campagne électorale d’une période de 37 jours étant de 150 000 $ (Élections Canada, 2018).

Élections Canada distingue deux formats de publicités électorales: traditionnelle et sur Internet. La publicité traditionnelle comprend les « publicités diffusées en période électorale par des moyens traditionnels (pancartes, panneaux-réclames, prospectus, dépliants, radio, télévision, journaux ou magazines) (...) qui doivent être autorisées par l'agent officiel. Cette autorisation doit être mentionnée dans la publicité. » (Élections Canada, 2015-08:1). La publicité sur Internet est considérée comme une dépense électorale uniquement si elle comporte des frais de placement et est autorisée par l'agent officiel. Par exemple, les messages diffusés sur Facebook, envoyés par courriel ou publiés sur le site Web d'un candidat ne sont pas considérés comme une publicité sur Internet, à moins qu'elle n'occasionne des dépenses connexes, comme la diffusion d'une vidéo pendant la période électorale (Élections Canada, 2015-08:2). Les références sont généralement désuètes en lien avec les études ayant porté sur l'analyse des publicités électorales canadiennes. Certains auteurs, comme Rose (2012), De Repentigny (1999) et Lebel (1999) ont, entre autres, ciblé les publicités dans le cadre des élections fédérales de 1993. Quelques auteurs, comme Daignault, Soroka et Giasson (2013) se sont plus récemment intéressés aux publicités électorales dans un contexte canadien, ciblant des campagnes ayant eu lieu au-delà des années 2000.

Au Québec, les données publiées par le Directeur général des Élections (2013), indiquent que 49% du total des dépenses électorales de la campagne de 2012 étaient consacrés à la publicité électorale, ce qui représentait 10 millions de dollars. Peu de chercheurs se sont intéressés à la publicité électorale dans un contexte québécois (Monière, 1998, 1992; Monière et Bousquet, 1995; Monière et Herman-Guay, 1995; Thibeault, 1995). Monière (2008) a observé une tendance à la négativité dans ses travaux, notamment pendant les élections québécoises de 2007.

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Cette stratégie politique, précédemment connue et utilisée, serait dosée différemment et d'une plus grande intensité.

Parmi les différentes façons de diffuser la publicité électorale est apparue le web, dans les années 2000, qui a fait exploser l'instantanéité des interactions, facilité le partage du contenu et sa transformation parfois étonnante en un phénomène viral (Small, 2009; Ruette-Guyot et Leclerc, 2009). Alors que les messages des publicités électorales sur le web seraient plus difficiles à contrôler que lorsque le format télévisuel est privilégié (Kaid, 2004), l'interactivité qu'offre le web entrainerait des évaluations plus positives de la part des électeurs (Kaid, 2012; Trammell et al., 2006; Kaid et Postelnicu, 2005; Sundar, Kalyanaraman, et Brown, 2003; Kaid, 2002). Le web rendrait aussi disponible une multitude d'informations sur les enjeux promus par les candidats politiques, en plus d'éviter tout filtre médiatique ou l'interprétation par un groupe d'intérêt, par exemple (Bystrom et al., 2004). Ce canal serait aussi utile afin de présenter une plus grande variété dans l'intensité audiovisuelle du contenu présenté, contrairement à la télévision. Les récepteurs ne seraient pas prêts à ce qu'une publicité provoquante ou controversée leur soit présentée à la télévision, alors que le web offre cette possibilité (Eckler et Bolls, 2011):

Most critically, a new generation of digital natives, those who have grown up with web-based media, is no longer subject to a top-down, command-and-control media system in which messages flow in only one direction. Audiences now have the capacity to create their own islands of information from the endless sea of media choices that surround them, as well as to produce and circulate their own videos, photos, opinions, and products, and to attract their own advertising (Taras et Wadell, 2012: 2).

D’ailleurs, l'aspect moral lié à l'utilisation de la publicité électorale est parfois questionné et ses effets indésirables pour notre société sont soulevés. Certains dénoncent son aspect manipulatoire, superficiel et son manque de contenu informationnel (Ansolabehere et Iyengar, 1995). D'autres décrient la surutilisation d'un ton négatif, ce qui augmenterait le cynisme politique et désengagerait les électeurs (Scammell, 2006; Freedman, Franz et Goldstein, 2004).

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Les effets des publicités électorales – particulièrement des publicités négatives - soulevés par les chercheurs dans le domaine de la communication politique ne font cependant pas consensus. Les résultats sont contradictoires, notamment en raison de l'utilisation de méthodologies variées entre les études (ex. indicateurs des effets vs variables de contrôle) (Daignault et al., 2016). Nous discuterons des effets publicitaires plus loin dans ce chapitre, mais avant, détaillons ce qui a trait au contenu de la publicité électorale.

1.1.2 Le contenu de la publicité électorale 1.1.2.1 La catégorisation du contenu

Notre revue de la littérature nous a permis de constater que le contenu de la publicité électorale a longtemps été catégorisé de façon duale et les récentes recherches démontrent qu'il le demeure toujours. Ces principales oppositions concernent les appels persuasifs et la valence, que nous détaillons dans l’ordre.

Les appels persuasifs

Alors que certains, comme Kaid et Johnston (2001) comparent les publicités axées sur des enjeux politiques à celles liées à l'image et aux caractéristiques personnelles d’un candidat, d'autres, comme Tremblay (2008), Kaid et Tedesco (1999), Kaid et Holtz-Bacha (1995), Kaid (1994) et Biocca (1991) se sont plutôt attardés à dichotomiser les stratégies persuasives, en différenciant les appels rationnels (ex. arguments logiques) des appels émotionnels (ex. musique et images). Bien que les termes utilisés pour nommer ces catégories diffèrent, elles réfèrent aux mêmes éléments et il est complexe de distinguer les enjeux politiques des appels à la raison, les enjeux étant en soi des appels à la raison et, les images, des appels émotionnels. Les appels à la raison (ou aux enjeux) sont définis comme une stratégie publicitaire qui mise sur les enjeux priorisés par les partis et les candidats politiques

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(Tremblay, 2008; Kaid et Johnston, 2001; Geiger et Reeves, 1991). Ils peuvent servir à élever leur crédibilité, proposer des arguments basés sur des faits ou à présenter des preuves ou des statistiques (Dillard et Pfau, 2002). Les politiques spécifiques, comme la protection de l'environnement, en font partie (Kaid et Sanders, 1978). Pour leur part, les appels aux émotions (ou à l'image) sont des communications destinées à susciter une réponse émotionnelle chez le récepteur (Brader, 2005). Il s’agit d’une stratégie publicitaire qui met notamment de l'avant les caractéristiques personnelles des candidats politiques (Geiger et Reeves, 1991; Kaid et Sanders, 1978). Ils permettent de recourir à des émotions positives ou négatives, fortement tributaires des éléments audiovisuels utilisés. Selon Scammel et Langer (2006), ces appels sont susceptibles de favoriser des raccourcis cognitifs chez les électeurs et de susciter davantage de réponses émotionnelles indésirables ou allant à l’encontre d’une visée démocratique. Ce type d'appels est omniprésent dans la publicité électorale américaine, et ce, depuis des décennies. Par exemple, l'étude de Kaid et Johnston (1991) a démontré que les publicités positives des campagnes présidentielles ayant eu lieu entre 1960 et 1988 aux États-Unis étaient basées à 86% sur ce type d’appels. Fowler et Ridout (2012) évoquent également une prédominance de la négativité, alors que Lau et Rovner (2009) soulèvent plutôt une représentation exagérée du contenu négatif dans les médias, ce qui augmenterait cette impression d’une plus grande négativité dans les publicités électorales. Nesbitt-Larking (2009) dénote aussi une tendance à la négativité dans les campagnes électorales, cette fois canadiennes.

La valence

La publicité électorale est aussi fréquemment catégorisée en fonction de sa valence positive ou négative (Phillips, Urbany et Reynolds, 2008; Stewart, Morris et Grover, 2007; Lang, Dhillon et Dong, 1995). La catégorisation selon la valence est celle qui est la plus représentée dans les études liées aux effets des publicités électorales (Kaid, 2012; Dillard et Pfau, 2002; Iyengar et Simon, 2000). La valence est définie comme une des trois dimensions de la réponse émotionnelle. Nous reviendrons sur

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la définition de l'émotion et de ses composantes un peu plus loin. Mentionnons toutefois rapidement que les chercheurs utilisent la terminologie de publicité positive ou négative et utilisent rarement le terme « valence » à proprement dit, ou le remplacent par « polarité ».

Les chercheurs opposent généralement les publicités positives aux négatives, en référant principalement aux arguments verbaux et/ou écrits mis de l'avant et à l'impression globale que la publicité dégage (arguments de support ou d'attaque) (Wang, Morey et Srivastava, 2014; Daignault et al., 2013; Kaid et Johnston, 1991; Thorson, Christ et Caywood, 1991; Roddy et Garramone, 1988). Ils excluent souvent, par conséquent, les éléments audiovisuels, par exemple, les effets sonores, qui font partie intégrante des publicités électorales.

Ainsi, la publicité électorale positive propose des images, un décor ainsi qu'une mise en scène qui valorisent les qualités personnelles d'un candidat, d’un chef ou d'un parti et/ou de miser sur ses bons coups et sur les forces du programme proposé, notamment en mettant de l'avant des arguments promotionnels (Chang, 2001; Gosselin, 1997; Shapiro et Rieger, 1992). Elle a pour principal but d'augmenter l'intérêt des électeurs (Daignault, Dupuis, Boivin et Guillemette, 2016). La publicité négative met l'accent sur les faiblesses du programme d’un parti adverse, des réalisations et/ou des caractéristiques personnelles de l'adversaire politique. Elle vise à le discréditer auprès de l'électorat dans l'objectif ultime de gagner des élections (Carraro, Gawronski et Castelli, 2010; Cheng et Riffe, 2008; Kaid, 2004; Gosselin, 1997; Johnson-Cartee et Copeland, 1991). Elle peut être composée d'attaques directes, de comparaisons directes et de comparaisons implicites et mettre de l'avant une conception et des styles variés. En termes de stratégies, les consultants suggèrent aux candidats qui sont la cible d'une publicité négative de répondre en utilisant une autre stratégie persuasive comme le déni, l'offuscation (technique qui vise à obscurcir le sens d'un message), l'inoculation (renforcement des croyances et attitudes) ou la réfutation (Johnson-Cartee et Copeland, 1991), ce qui augmente la présence de publicités négatives diffusées dans les médias. Cette

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technique a toutefois le potentiel d'activer la spirale du cynisme des électeurs, c’est-à-dire une augmentation du manque de confiance envers la politique (Foster, 2018; Cappella et Jamieson, 1997). Au Canada et au Québec, l'utilisation des publicités d'attaque est bien connue. C'est l'intensité et le dosage des publicités négatives qui est changeant (Monière, 2008).

Dans une analyse de contenu des publicités électorales à l'échelle internationale, Kaid et Holtz-Bacha (2006) ont remarqué la présence d'au moins un aspect négatif dans la plupart des publicités positives, ce qui nous amène aux publicités mixtes (arguments comparatifs). Nous avons relevé deux principaux chercheurs qui se sont intéressés à la publicité mixte, soit Meirick (2002) et Pinkleton (1997). Cette catégorie est peu évoquée dans la littérature en communication politique (Stevens, Sullivan, Allan et Alger, 2008; Meirick, 2002; Pinkleton, 1997). La publicité mixte met de l’avant les faiblesses de l'opposant tout en faisant la promotion des forces du candidat. Elle est le résultat d'une combinaison entre des éléments positifs et négatifs et permet de valoriser un politicien et son parti tout en disqualifiant son adversaire (Brader, 2006; Meirick, 2002; Pinkleton, 1997; Johnson-Cartee et Copeland, 1991).

Ces catégorisations duales du contenu des publicités électorales demeurent très vastes et laissent peu de place aux nuances. Pourtant, les publicités électorales sont empreintes d'éléments audiovisuels, dont l'intention première est d'interpeler nos émotions, de faciliter la mémorisation de l'information ou de faire réagir. Quelques auteurs se sont intéressés aux publicités électorales sous l'angle des éléments précis qu'elles contiennent, par exemple les éléments sémantiques, la production technique, les images ou la musique.

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Les éléments du contenu

Kaid et Davidson (1986) se sont intéressés au concept de « style vidéo » (videostyle) afin d’analyser la façon dont les partis politiques et leurs candidats se présentent au public à travers un médium télévisuel. Leur analyse de contenu est divisée en trois parties : le contenu verbal (éléments sémantiques), le contenu non verbal (éléments audiovisuels) ainsi que les aspects liés à la production technique (présentation télévisuelle). Cependant, les catégories de leur grille d'analyse ne sont pas mutuellement exclusives. Par exemple, la musique et les bruits sont à la fois inclus dans le contenu non verbal, en plus d’être considérés comme des éléments liés à la production technique, ce qui complexifie la tâche.

Monière (1998), l’un des rares chercheurs à avoir analysé le contenu de publicités électorales québécoises, propose quelques catégories plutôt larges dans son ouvrage, notamment la description, les objectifs, la présentation de soi, la critique de l’adversaire, le bilan des réalisations, le slogan ou les éléments inclassables. Cette classification réfère davantage à un argumentaire rationnel et les éléments audiovisuels, comme la musique ou les couleurs, n'y sont pas intégrés.

Pour sa part, Tremblay (2008) présente, dans le cadre de son mémoire de maitrise, une classification intéressante en lien avec la stratégie publicitaire des appels persuasifs. Elle associe trois principales composantes (visuelle, sonore, narrative) à chaque catégorie d’appels (rationnels ou émotionnels). Cependant, les indicateurs qu’elle suggère (par exemple, des images ou une musique symboliquement évocatrice de sentiments comme l’enthousiasme, ou des énoncés subjectifs qui ont pour but de provoquer certaines émotions) nous semblent plutôt vagues et ne permettent pas d’inclure les éléments de production technique comme les plans de caméra ou la lumière. De plus, les catégories ne sont pas mutuellement exclusives; la narration, qu’elle catégorise séparément de la composante sonore est, à notre avis, une composante sonore en soi.

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Quant à lui, West (2005) distingue cinq catégories qui nous semblaient, à première vue, très pertinentes, soit les images visuelles, le texte visuel, les voix audio d’arrière-plan, la musique, les sons ainsi que les couleurs. Toutefois, cet auteur ne définit pas très bien ce que constituent des images visuelles et ne mentionne pas si les éléments de production technique y sont inclus.

Brader (2006; 2005) parle plutôt de « marqueurs d'émotions » pour référer aux indicateurs du contenu des publicités électorales. Selon cet auteur, les marqueurs d'émotions sont des indices, généralement des éléments audiovisuels comme un effet sonore ou visuel, nous permettant de reconnaitre la stratégie persuasive des appels aux émotions et d'attirer l'attention des récepteurs. L'objectif de ses recherches consiste à mieux comprendre les liens qui unissent le contenu – essentiellement audiovisuel – des publicités, les émotions qu’elles suscitent et le comportement électoral, tel que mesuré par le niveau d’engagement politique, la recherche d'informations ainsi que le choix de vote final. Brader (2005) précise que nous n'en savons que très peu à propos des effets des marqueurs d'émotions. Les limites de la catégorisation duale du contenu publicitaire

En somme, cette conception généralement composée de deux catégories, parfois de trois, permet difficilement de caractériser une publicité électorale selon des nuances ou l'intensité de son ton. Fridkin et Kenney (2008) soulignent d'ailleurs le manque d'attention portée à l'étude de la variance dans le ton des publicités, trop souvent catégorisées de manière dichotomique. Pourtant, cette façon d'aborder le contenu des publicités électorales permettrait de nuancer les effets au gré des variations de son intensité émotionnelle. En fait, les chercheurs ont tendance à isoler et étudier une seule stratégie publicitaire afin de construire leur grille de catégorisation, éliminant du coup plusieurs aspects qui pourraient avoir une influence dans le processus de réception. Par exemple, la stratégie visant à miser sur les enjeux politiques promus par le parti/candidat versus l'image de ces derniers (Kaid et Johnston, 2001) ne permet pas de souligner les éléments sonores comme

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la musique ou la narration, qui agiraient pourtant sur les attitudes des récepteurs (Georget, 2005; Lang, Dhillon et Dong, 1995).

Or, les effets des publicités électorales varient nécessairement en fonction des éléments audiovisuels qui y sont intégrés. Rares sont les chercheurs ayant tenté d'apporter des nuances à cette polarisation de la publicité politique, entre autres, en s'intéressant à la publicité mixte/comparative (Meirick, 2002; Pinkleton, 1997) ou en ajoutant divers niveaux d'intensité (forte ou faible). Ce constat est possiblement influencé par le fait que la plupart des études menées jusqu'à présent en communication politique ont porté sur l'argumentaire qui est mis de l'avant dans ces vidéos, lequel fait soit la promotion d'un parti, ou attaque l'adversaire politique. Pourtant, de multiples composantes audiovisuelles s'ajoutent à l'argumentaire écrit et/ou verbal et elles sont susceptibles de faire varier le ton de la publicité, ses niveaux de positivité et de négativité, enfin, son intensité émotionnelle (Eckler et Bolls, 2011).

La publicité électorale s'appuie sur des éléments audiovisuels qui impliquent des arguments et un recours aux émotions (Chang, 2001). Les composantes audiovisuelles y sont d'ailleurs omniprésentes, et ce, depuis des décennies. C'est pourquoi nous utiliserons l'expression « publicité électorale audiovisuelle » dans cette thèse. Nous entendons par ce concept la mise en avant-plan d'une vidéo, qu'elle soit diffusée à la télévision ou sur le web, qui fait l'amalgame d'éléments auditifs, visuels et rhétoriques (Daignault et al., 2016). Ce format de publicité électorale permet aux stratèges politiques de jouer avec divers éléments audiovisuels, tels que la musique, les images, les couleurs, les effets sonores, en plus de contrôler le type et la nature des arguments verbaux et écrits. L'objectif est d'attirer l'attention des citoyens, de susciter des réactions tant émotionnelles (ex. : faire rire, donner le gout au récepteur de partager la vidéo) que cognitives (ex. : faciliter la mémorisation du slogan ou des enjeux, renforcir les croyances) afin de persuader les récepteurs (Kaid, 2012; Potter, Lang et Bolls, 2008; Brader, 2006; Lang, 2000).

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La difficulté à distinguer l'émotion en tant qu'élément du contenu médiatique et l'émotion en tant que réponse ressentie vis-à-vis un contenu médiatique émotionnel (Lang, Bolls, Potter et Kawahara, 1999) ajoute à la complexité entourant la catégorisation du contenu des publicités électorales et à la mesure de ses effets. L'utilisation du concept de marqueurs d'émotions par Brader (2006, 2005) comme indicateurs du contenu publicitaire (ex. effets sonores, images) en est un exemple. Ces marqueurs sont définis comme des composantes du message, visuelles ou sonores, aussi appelés des stimuli médiatiques, qui sont susceptibles d'entrainer des réponses spécifiques chez les récepteurs. Nous pensons toutefois qu'il est ardu d'isoler les effets qui sont directement reliés à ces marqueurs. Conséquemment, nous proposons une catégorisation de la publicité électorale basée sur l'expérience vécue par l'individu et non sur les caractéristiques qui composent les publicités. Ce concept s'appelle le « ton émotionnel ». Afin de bien le comprendre, il convient d’abord de définir ce qu’est une émotion.

1.1.2.2 L'émotion

Lorsque les chercheurs font référence à la publicité électorale, ils questionnent généralement le rôle des émotions en communication politique (Brader, 2006; Redlawsk, 2006; Marcus, Neuman et Mackuen, 2000). En fait, la catégorisation de l'ensemble des composantes audiovisuelles, comprenant l'argumentaire verbal et/ou écrit, demeure toujours complexe. Ce constat est dû, entre autres, à la difficulté des chercheurs à définir le concept d'émotion et à déterminer ce qui constitue un appel émotionnel versus un appel à la raison (Nabi, 2009; Chang, 2001).

Les émotions en publicité sont généralement regroupées selon deux approches, soit l'approche discrète et l'approche dimensionnelle (Shen, 2008; Bolls, Lang et Potter, 2001). Dans l'approche discrète, les émotions sont le fruit d’une expérience sensorielle ressentie et correspondent aux émotions de type primaire, comme la peur, la joie, la colère et la tristesse. Sous l'approche dimensionnelle, les émotions

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sont plutôt abordées comme des dimensions de l'expérience affective, référant au modèle tridimensionnel de l'émotion, qui comprend le plaisir (valence), l'éveil (intensité) et la dominance (notion de contrôle) (Shen, 2008; Lang et al., 1993; Russell et Mehrabian, 1977).

Pleasure-displeasure referred to positive versus negative affective state in response to a stimulus and correspond to the pleasantness component of emotion. Arousal-nonarousal referred to physical activity and/or mental alertness and corresponded to the activation component. Dominance-submissiveness referred to feelings of control and influence over others and situations versus feeling controlled and influenced by external circumstances and corresponded to the potency component of emotion (Mahrabian et Russell, 1974) (Shen, 2008: 56).

La première dimension, la valence, indique le degré avec lequel l’émotion, en tant qu’expérience vécue par le récepteur, est positive (état plaisant) ou négative (état déplaisant) (Shen, 2008; Stewart, Morris et Grover, 2007; Brader, 2006; Potter, 2006; Bolls, Lang et Potter, 2001).La seconde dimension, l'éveil, réfère au niveau d’activation ou d'alerte physique ou mentale de cet état de plaisir ou de déplaisir, allant de calme à éveillé (Shen, 2008; Du Plessis, 2005; Bolls, Lang et Potter, 2001; Bradley et Lang, 2000). Elle correspond à l'intensité de la réponse affective du récepteur (Fennis et Stroebe, 2010). L’éveil est intimement lié au niveau de vigilance du récepteur et permet de déterminer l’étendue de l’effort mental qu’il est en mesure de déployer lorsqu’il traite l’information (Potter et Bolls, 2012; Reeves et al., 1999; Lang, 1994; Petty et Cacioppo, 1981). La dominance, troisième dimension, sert quant à elle à mesurer le degré de contrôle de l'individu sur ses émotions (Bolls, Lang et Potter, 2001; Bradley et Lang, 2000). Cependant, la dominance a éventuellement été mise à l'écart dans les études liées aux émotions puisqu’elle s’est avérée non significative (Shen, 2008).

L'utilisation de la perspective discrète pour étudier les affects issus de l’exposition publicitaire est complexe, puisque chaque émotion génère des effets indépendants. Par exemple, l’anxiété pourrait amener un individu à vouloir éviter le stimulus, alors que la colère pourrait engendrer l’effet contraire, soit d’amener l’individu à vouloir

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s’en approcher (Hullett, Louden et Mitra, 2003). L’utilisation de cette approche aurait été laborieuse dans le cadre de cette thèse, puisqu'elle aurait exigé une connaissance plus approfondie du domaine de la psychologie des émotions, ce qui nous apparaissait irréaliste en raison de l’abondante et complexe littérature que nous avions déjà eu à nous approprier en psychophysiologie des médias et en communication politique. De plus, l’utilisation de cette perspective aurait exigé un devis méthodologique complexe, en plus de ne pas répondre exactement à nos questions de recherche. Ces questions visent plus à rendre compte de l’aspect motivationnel du récepteur à traiter l’information (motivation à allouer des ressources cognitives ou à encoder le message, par exemple) que des émotions qui sont ressenties, comme l’anxiété, lesquelles sont plus susceptibles de dépendre de l’expérience subjective du récepteur (Nabi, 2009). De surcroit, la littérature consultée fait déjà état d’études récentes s’intéressant aux émotions primaires et à leur lien avec le comportement électoral (e.g. McDermott, 2013). Par ailleurs, le cadre théorique que nous mobilisons dans cette thèse (voir 1.2) étant directement ancré dans la perspective dimensionnelle des émotions, il justifie que nous y ayons recours pour étudier les réponses émotionnelles et cognitives suscitées par la publicité électorale audiovisuelle; la perspective des émotions discrètes ne nous donnant pas nécessairement accès aux réponses cognitives, en plus de devoir être captées à l’aide de mesures auto-rapportées.

Nous préconisons également la définition de l'émotion de Du Plessis (2005), considérée comme une expérience vécue par l'individu, son état mental positif ou négatif, qui peut être accompagné de divers types de changements, notamment des réactions corporelles. Ce changement est un indicateur que l'individu est prêt à passer à l'action, soit à répondre à un stimulus. Lorsqu'une émotion est déclenchée, le système limbique de notre cerveau, aussi appelé cerveau émotionnel, est sollicité et prépare le corps à répondre au stimulus (Du Plessis, 2005) pour ensuite capter l'attention des individus (Oatley et Jenkins, 1996). Les émotions encodées par cette partie du cerveau sont positives (plaisantes) ou négatives (douloureuses/

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1.1.2.3 Le ton émotionnel

Le concept de ton émotionnel résulte d'une difficulté à opérationnaliser l'émotion, due à la subjectivité qui lui est généralement associée (Nabi, 2009; Shen, 2008; Du Plessis, 2005; Bolls, Lang et Potter, 2001; Chang, 2001; Holbrook et O’Shaughnessy, 1984). Alors que l'émotion peut être définie comme une expérience affective, elle peut aussi être abordée comme un élément du contenu médiatique:

A major conceptual problem encountered by researchers studying emotional responses to emotional messages is the conceptualization of emotion as both a feature of media content and an audience member's response to that emotional content (Lang, Bolls, Potter et Kawahara, 1999). (Bolls, Lang et Potter, 2001: 628).

Ainsi, l'émotion peut être définie comme une propriété du message médiatique, celle-ci étant déterminée en fonction de l'ensemble des éléments émotionnels qu'il contient. Cependant, pour mesurer ce que ces auteurs appellent le ton émotionnel des publicités (en termes de contenu), il faut se référer à l'évaluation affective qu'en font les récepteurs. Bolls, Lang et Potter (2001) suggèrent, entre autres, de faire appel aux membres d'un jury pour évaluer le ton émotionnel des messages en leur demandant d'attribuer une cote à chacun de ceux-ci:

Thus, this article conceptualizes emotional tone as a property of the message, which can be measured through definitions of content or subject ratings (Bolls, Lang et Potter, 2001: 632).

L'émotion en tant qu'élément du message médiatique, plus précisément le ton émotionnel, est déterminé en fonction de l'expérience émotionnelle du récepteur. Notons cependant que l'éveil (intensité), qui constitue l'une des trois composantes du modèle tri-dimensionnel de l'émotion (Lang et al., 1993), n'est pas intégré ici dans la pensée d'Eckler et Bolls (2011), mais qu'elle pourrait être intégrée à un continuum du ton émotionnel publicitaire, allant de très positif à très négatif. À titre d'exemple, Wang, Lang et Busemeyer (2011) utilisent une catégorisation incluant les deux

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dimensions suggérées, soit la valence positive et négative, conjuguée avec le niveau d'éveil d'intensité élevée, moyenne et faible.

Dans cette thèse, nous empruntons la définition de Bolls, Lang et Potter (2001) selon laquelle le ton émotionnel est une propriété du message médiatique, dont la mesure peut dépendre soit de la présence d'un contenu défini comme émotionnel, soit de l'évaluation émotionnelle qu'en font les récepteurs. Ces auteurs proposent différentes mesures de ces deux concepts. Par exemple, le ton émotionnel (contenu) peut être identifié de trois façons : (1) en relevant les marqueurs d’émotions comme le type d’effets sonores ou de couleurs; (2) en demandant à des gens d’évaluer le niveau émotionnel du message (valence et éveil); (3) en manipulant le ton émotionnel du message afin de déterminer avec plus de précision l'intensité du ton émotionnel (Newhagen et Reeves, 1992). De l’autre côté, la réponse émotionnelle (réception) peut être saisie de trois façons : (1) en observant le comportement émotionnel comme les réactions faciales, (2) en utilisant une mesure auto-rapportée, soit un rapport écrit ou verbal de la part du participant, (3) en mesurant les réponses physiologiques, par exemple la fréquence cardiaque ou la conductivité de la peau. Il existe trois principales catégories de ton émotionnel. Eckler et Bolls (2011) ainsi que Bolls, Lang et Potter (2001) suggèrent de catégoriser les publicités comme étant plaisantes (état positif ressenti par le récepteur), déplaisantes (état négatif ressenti par le récepteur) ou coactives (présence de ces deux états émotionnels). L'état coactif a d'ailleurs été récemment inclus par certains auteurs durant les dernières années en qualifiant cette catégorie comme le mélange d'un sentiment de plaisir et de déplaisir ressenti durant l'exposition à une publicité, nonobstant leur intensité (Norris, Bailey, Bolls, et Wise, 2012; Eckler et Bolls, 2011; Yegiyan et Yonelinas, 2011). Bucy et Bradley (2011) vont plutôt remplacer cette appellation par un ton émotionnel neutre.Cette catégorisation, basée sur la valence des émotions, exclut cependant la notion d’éveil (intensité). Par conséquent, nous croyons qu’il est pertinent d’intégrer le niveau d’activation de la valence (éveil) à la catégorisation proposée par Eckler et Bolls (2011) afin d'ajouter une variante d'intensité sur le

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continuum du ton émotionnel, allant de fortement déplaisant à fortement plaisant. Cette suggestion va dans le sens des propos de Wang et ses collègues (2014, 2011), qui précisent que le ton émotionnel d’une même publicité électorale peut non seulement varier en termes de polarité (positif versus négatif), mais aussi en intensité (faible à élevée).

Nous suggérons donc de classifier les publicités électorales en cinq catégories: (1) fortement déplaisantes, (2) moyennement déplaisantes, (3) coactives, (4) moyennement plaisantes, (5) fortement plaisantes.

Voici une illustration de la façon dont nous opérationnalisons le ton émotionnel, dans une logique de mesure des effets des publicités électorales audiovisuelles:

Figure 1. Opérationnalisation du ton émotionnel

Publicité électorale audiovisuelle

Ton émotionnel

Effets Traitement de l'information effectué par le

récepteur Variable indépendante

(1) Fortement déplaisante (2) Moyennement déplaisante (3) Coactive (plaisir + déplaisir)

(4) Moyennement plaisante (5) Fortement plaisante

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Nous considérons le ton émotionnel comme une variable indépendante, qui n’est ni médiatrice, ni modératrice puisqu’elle n’est pas considérée comme une variable intermédiaire, comme l’entend El Akremi et Roussel (2003), mais plutôt comme une composante de la source du message, c’est-à-dire que le ton émotionnel fait partie intégrante de la publicité électorale.

En somme, la catégorisation dichotomique des publicités électorales, généralement qualifiées de positives ou négatives, tient rarement compte des publicités mixtes qui intègrent des éléments à la fois positifs et négatifs, et ne considère pas non plus les nuances selon un continuum d'intensité de polarité, encore moins selon le ton émotionnel.

Les divers éléments audiovisuels d'une publicité teintent nécessairement le ton émotionnel de celle-ci et ont une influence dans le traitement de l'information des électeurs:

Se baser sur le contenu argumentaire dominant d'une publicité électorale pour en définir le ton (positif/négatif) suppose qu'une importance souvent exclusive soit accordée aux arguments verbaux ou écrits (promotion/attaque). Ce faisant, les composantes audiovisuelles inhérentes à la publicité électorale sont complètement évacuées de la définition du ton. (...). Bien qu'ils soient souvent ignorés dans la définition du ton publicitaire, les aspects audiovisuels de la publicité électorale sont pourtant reconnus comme déterminants dans l'expérience émotionnelle des récepteurs qui s'y exposent (Kaid et Johnston, 2001; Richardson, 2001; Brader, 2005 et 2006; Kaid & Holtz-Bacha, 2006). (Daignault et al., 2016: 5).

Ainsi, les éléments audiovisuels, nonobstant les émotions, ont un rôle actif dans le processus de traitement de l'information d'une publicité électorale et ses effets directs (ex. plaisir ressenti pendant le visionnement) et des effets à long terme (ex. le comportement d'aller voter).

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Précisons que nous considérons les effets et l'efficacité comme deux concepts distincts. Alors que les effets sont, à notre avis, les réactions générées pendant ou après le visionnement d'une publicité, l'efficacité réfère plutôt au résultat ultime, c'est-à-dire au changement de comportement (ex. : s'engager ou aller voter pour le parti concerné).

1.1.3 Émotions et traitement de l’information médiatique

L’information contenue dans une publicité – ici électorale, influence nécessairement les processus cognitifs des récepteurs, tels la mémoire, l’attention, l’apprentissage et les associations mentales (Corson, 2002; Forgas, 1995). En ce qui a trait aux effets de cette information sur les émotions ressenties et à l’influence de ces affects sur les attitudes et comportements politiques, certains chercheurs soulèvent le manque de consensus dans la littérature (Chang, 2001; Marcus, 2000), notamment parce que les travaux à ce sujet s’inscrivent dans différentes perspectives théoriques, qui ne sont pas toujours réconciliables.

Divers auteurs ont influencé notre pensée relativement au rôle des émotions dans le traitement de l’information politique, et plus précisément de la publicité électorale. Sans en faire une revue exhaustive, nous survolons ici les travaux de ceux que nous considérons comme étant les plus influents.

Neuman et ses collègues (2007) ont consacré un ouvrage collectif à la place qu'occupe l'affect dans la pensée et le comportement politique. Cet ouvrage théorique est consacré aux fondations philosophiques et neuroscientifiques des émotions en politique, à ses effets sur l’individu et la société et propose des pistes de recherche pour le futur. Ces auteurs concluent que les émotions joueraient un rôle important dans la prise de décision politique en réfléchissant autour des liens entre l’affect et la cognition. Pour ce faire, ils recensent plus de 24 théories, modèles et concepts centraux qui expliquent l’interaction entre l’affect et la cognition. Ils définissent l’affect comme une partie intégrante de la cognition, alors que la cognition, au contraire, est exclue de l’affect. L'affect, que nous utilisons ici comme

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synonyme d’émotion puisque leur distinction n’est pas toujours évidente dans la littérature, y est considérée comme une évaluation fondée sur la valence, soit le fait d'aimer ou de ne pas aimer (Marcus, 2000).

D'autres chercheurs, comme Dolan et Holbrook. (2001) ainsi que Bucy et Bradley (2011) abondent en ce sens, soit que les émotions auraient un rôle primordial dans le processus de traitement de l’information, qui influencerait à son tour la prise de décision politique. Toujours au regard de la prise de décision politique, Lau et Redlawsk (2006) ont testé différentes variables pouvant intervenir dans ce processus, notamment les expériences passées des électeurs et leurs caractéristiques personnelles (ex. traits de personnalité), leur niveau de culture politique, les facteurs liés à la campagne électorale et la nature de la décision à prendre.

Brader (2005) est parmi les récents chercheurs à s’être intéressés spécifiquement aux effets potentiels des éléments audiovisuels – souvent de nature émotionnelle (musique, effets visuels et sonores, etc.) – d’une publicité électorale sur le traitement de l’information, mais aussi sur trois dimensions du comportement politique, soit l’engagement, la recherche d’informations et le choix final du candidat. Il en conclut que les campagnes publicitaires peuvent utiliser des images et de la musique de façon à manipuler les émotions, comme l’enthousiasme ou l’anxiété et, par le fait même, influencer le comportement des électeurs. Les publicités qui appellent aux émotions changeraient la manière par laquelle les électeurs font un choix. Il précise également que les publicités positives amènent l’électeur à aimer le commanditaire alors que les publicités négatives l’amènent à ne pas aimer le parti adverse. Enfin, les appels à l’enthousiasme augmentent le pouvoir motivationnel des publicités politiques, bien qu’il soit ardu d’isoler la musique et les images comme source potentielle d’influence.

La théorie de l'intelligence affective de Marcus, Newman et Mackuen (2000) a, quant à elle, marqué le domaine de la psychologie politique. Sa principale prémisse est

Figure

Figure 2. Système nerveux autonome
Figure 4. Modélisation des effets émotionnels et cognitifs, des mesures et des  indicateurs (Dupuis, 2019)
Tableau 1. Catégorisation des 36 publicités utilisées pour la séance évaluative de  la phase 1 (Dupuis, 2019)
Tableau 2. Liste des 36 publicités et leurs scores moyens de plaisir et de déplaisir  (Dupuis, 2019)
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