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B- Thème développé : Elaboration de filaments fonctionnels

II. 1.1 Fonctionnalisation de polymères biosourcés

Bien que les polymères biosourcés puissent posséder de nombreuses qualités, en fonction de l’application à laquelle ils sont destinés, une fonctionnalisation peut être nécessaire.

a) Contexte de l’étude : Le PLA

Le Poly(Lactic Acid) (PLA) est un polyester aliphatique biodégradable produit à partir de ressources renouvelables telles que le maïs ou la betterave à sucre. De nos jours, le marché du PLA passe de "jetable" à des matériaux plus "durables" et ses propriétés permettent de penser qu’il peut remplacer certains polymères classiques issus de la pétrochimie dans des applications spécifiques incluant les filaments et les textiles. La Figure B-56 illustre les capacités de production du PLA et peuvent laisser penser au remplacement progressif du polyéthylène téréphtalate (PET) dans le secteur du textile.

Figure B-56 Évolution des capacités de production mondiale de PLA (2011-2020) [93]

Malheureusement, le PLA souffre de quelques lacunes : faible ductilité, ténacité, faible température de transition vitreuse, température de déformation à la chaleur, taux de cristallisation ; mais aussi sa haute sensibilité à l'humidité et dégradation rapide par hydrolyse, etc... En outre, des propriétés spécifiques d'utilisation sont requises pour les différentes

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applications, telles que l'ignifugation, la conductivité électrique, l’anti-UV, l’antibactérien ou les effets barrières, …

Le laboratoire GEMTEX travaille sur le développement de fibres biosourcées en PLA depuis le projet INTERREG MABIOLAC (2004) et a continué d’optimiser ces filaments en apportant de multiples propriétés. A mon arrivée, le projet NANOLAC (INTERREG IV) consistait à apporter des propriétés antibactériennes via l’ajout de nanoparticules d’argent ou d’oxyde de zinc lors de la transformation par filage à l’état fondu. La collaboration étroite entre le Gemtex, l’UMET et Matéria Nova a permis de laisser imaginer des filaments qui possèderaient une double fonctionnalité : ignifuge et antibactérien, sujet sur lequel j’ai pu travailler lors de mon post-doc. L’incorporation de deux types de charges dans un multifilament n’avait pas été travaillée au laboratoire GEMTEX auparavant.

b) Développement d’un multifilament en PLA ignifuge et antibactérien

Le but de cette étude est de développer une structure tricotée en PLA avec la combinaison de deux propriétés : ignifuge et antibactérienne. Le travail vise à incorporer au PLA15 des silicates stratifiés organomodifiés16 (C30B) qui apporteront les propriétés de retard au feu et des nanoparticules d'argent17 (Ag) qui apporteront les propriétés antibactériennes. Après une adaptation des conditions de mises en œuvre (températures de l’extrusion, débit, vitesses et températures des rouleaux), les multifilaments bi-fonctionnels ont pu être obtenus avec différents taux de C30B (2, 4, 6 et 9% en masse) et 0,3% en masse d’Ag. Les filaments ainsi obtenus ont été tricotés pour former des structures textiles (Figure B-57) avec la contexture « point de Rome » adaptée au cône calorimètre et au test antibactérien.

Figure B-57 Schématisation du point de Rome et du tricot bifonctionnel

La dispersion des couches de silicate dans les filaments a été examinée par analyse MET et montre une bonne intercalation des feuillets, mais pas une exfoliation complète, ce

15 NatureWorks LLC 6202D 16 Argile : Cloisite® 30B

qui entraîne une diminution des propriétés mécaniques (ténacité, contrainte) lors de l’augmentation de la quantité de C30B. En ce qui concerne les propriétés thermiques, l’Ag favorise l’augmentation du taux de cristallinité des filaments (agent nucléant) alors que la C30B a pour conséquence de limiter cet effet. Pour les propriétés thermiques, il y a une diminution de la température de dégradation avec l’Ag qui est compensée par l’ajout de C30B qui stabilise thermiquement le mélange dès 4 wt.%.

La caractérisation des performances au feu des différents nanocomposites a été effectuée grâce à un cône calorimètre à consommation d’oxygène de chez Fire Testing Technology au sein du laboratoire UMET (ENSCL, Lille). Cet appareil permet de simuler et d’évaluer le comportement du matériau face au feu dans les conditions d’une combustion proche de celle d’un incendie, et ainsi de qualifier et quantifier des phénomènes liés au feu (inflammation, combustion, fumées, etc.). Les tricots sont soumis à un flux de chaleur fixé 35 kW/m². Lors de la combustion du matériau, la connaissance de la déplétion massique en oxygène va engendrer le calcul du débit calorifique par unité de surface en fonction du temps : le RHR (Rate of Heat Release) exprimé en kW/m². Plus le RHR est faible, meilleures sont les propriétés retard au feu. D’autres paramètres tels que le temps mis par l’échantillon pour s’enflammer appelé temps d’ignition tign, la chaleur totale dégagée par la combustion de l’échantillon (Total Heat Release (THR)), la perte de masse, l’opacité des fumées, les teneurs en CO et en CO2 peuvent être également déterminés par cette méthode. Les résultats du cône calorimètre (Figure B-58) montrent que l'ajout d'argiles induit une forte diminution de la valeur maximale de chaleur dégagée (RHR) atteignant 40% pour le PLA chargé à 6% de C30B et 56% pour le PLA chargé à 9% de C30B. Les échantillons gardent une structure solide après combustion à partir de 4% de C30B. La dispersion d’argiles lamellaires au sein de matrices polymères a déjà démontré son potentiel pour améliorer la résistance au feu des nanocomposites produits grâce à l’effet barrière des feuillets d’argile [94]. En contrepartie, l’ignition des tricots intervient plus rapidement lorsque la concentration en C30B augmente à cause du nombre croissant de ruptures de monofilaments au sein du tricot qui sont autant de sites favorisant l’ignition. Dès lors, un compromis doit être effectué au niveau du choix de la concentration en argile afin de limiter le flux de chaleur dégagé lors de la combustion sans trop réduire le temps d’ignition.

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Figure B-58 Courbes de RHR du PLA et de ses nanocomposites tricotés

Après avoir analysé les propriétés feu de ces tricots, les propriétés antibactériennes sont évaluées par un test de diffusion (non quantitatif) et par un test de shake flask (quantitatif). Les résultats Figure B-59 montrent une bonne réduction du nombre de bactéries que ce soit après 1h ou après 24h de culture. Les propriétés antibactériennes du tricot sont conservées, la présence de C30B n’a pas d’influence sur celles-ci. Un travail sur la variation de la forme de la section (circulaire, trilobée, octalobée) a montré que plus la surface spécifique augmente, plus l’activité antibactérienne est bonne.

Figure B-59 “Dynamic shake flask” Esherichia coli (gram -) chez Devan Chemicals et test de diffusion sur

Cette étude montre, malgré la modification de la rhéologie par l’ajout de charges du polymère biosourcé qu’est le PLA, que des multifilaments ont pu être obtenus en filage à l’état fondu. Ces nanocomposites ont permis d’obtenir une double fonctionnalité : ignifuge et antibactérienne.

Dans la partie suivante, nous allons traiter de l’ajout d’additifs (charges ou polymères) issus de ressources renouvelables, eux-aussi. En effet, de nombreuses fonctionnalités sont obtenues par l’incorporation de charges ayant un impact conséquent sur l’environnement. Mon apport, dans les études qui vont suivre, est d’orienter ces développements vers le choix d’additifs issues de ressources renouvelables tous en conservant les propriétés textiles, mais aussi est d’optimiser les procédés pour le développement de ces fils fonctionnels.