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Chapitre 4. L’analyse sociolinguistique des interactions verbales au service de

4.1. Exposition des apprenants à des interactions verbales authentiques

4.1.2. FLEURON

Cette indispensable exposition à la langue cible pour des apprenants de langue a, en partie, donné naissance au projet FLEURON (André 2016). Ce projet a vu le jour dans les années 2000 au Centre de Recherches et d’Applications Pédagogiques en Langues (CRAPEL)51 à Nancy, au moment où ses membres cherchaient un projet fédérateur qui pouvait réunir toutes les thématiques de l’équipe. Parmi ces thématiques, les plus fortes et celles qui ont eu le plus d’influence dans le domaine de la didactique des langues sont notamment : les centres de ressources, l’autonomie, le conseil en langues, la séparation des aptitudes, les styles d’apprentissage, les nouvelles technologies au service de l’apprentissage et l’exploitation de documents authentiques. Le projet FLEURON, s’il est aujourd’hui concrétisé par un dispositif d’apprentissage en ligne52 visant à exploiter un corpus multimodal (André 2017), trouve son origine dans les travaux du CRAPEL concernant chacune de ces thématiques. En effet, en résumé, l’idée originale et originelle de FLEURON était de créer un dispositif numérique utilisable en autonomie pour apprendre à comprendre et à s’exprimer à l’oral grâce à des documents authentiques. Les étudiants étrangers étaient le public cible de ce dispositif pour au moins deux raisons : la première est l’accroissement du nombre d’étudiants étrangers qui viennent faire un séjour universitaire

50 Je ne rentrerai pas ici dans le débat du niveau de langue attribué à des documents authentiques. En ce qui me concerne, comme je l’ai précisé en introduction, j’estime que les documents ne sont ni simples ni complexes. Ce sont les activités réalisées qui varient selon le niveau des apprenants.

51 Devenu aujourd’hui l’équipe Didactique des langues et sociolinguistique de l’ATILF.

en France et la seconde est la complexité des démarches administratives à l’université. Le projet a évolué lentement au sein de l’équipe, avant que je le reprenne en 201153.

Je vais m’intéresser tout d’abord plus particulièrement au fait que FLEURON a bénéficié des travaux pionniers du CRAPEL sur l’usage des documents authentiques dans l’enseignement et l’apprentissage des langues. En effet, avant le nouveau paradigme de la « révolution corpus » (McCarthy 2008 : 564) sur laquelle je reviendrai, l’authenticité a longuement été discutée en didactique et l’est encore aujourd’hui (Widdowson 1998, Adami 2009b, Chambers 2009). Elle a été prônée à Nancy dès les années 1970 (Duda et al. 1972 ; Abé et al. 1979 ; Holec 1990). L’exposition à la langue cible a été une des priorités, quasiment un combat, des chercheurs du CRAPEL. L’utilisation de documents authentiques constitue le fondement du projet FLEURON. Toutes les approches rigoureuses s’accordent aujourd’hui pour reconnaitre que l’authenticité des données comme input est l’un des principes fondamentaux des démarches didactiques. En étant confrontés aux pratiques interactionnelles de différents locuteurs, les apprenants développent des compétences acquisitionnelles (Krashen, Terrell 1983 ; Krashen 1985 ; Duda, Tyne 2010).

Ainsi, le corpus FLEURON (décrit dans le chapitre 2, en 2.3.) est né du souhait de pouvoir exposer les étudiants étrangers, apprenants de FLE, à la langue à laquelle ils allaient être confrontés dès leur arrivée en France pour pouvoir vivre comme un étudiant. Pour cela, aucun document ne peut être construit ou fabriqué à des fins didactiques. Le document authentique offre à voir aux apprenants une langue réellement utilisée par ses locuteurs. Ainsi, le corpus multimédia FLEURON propose un ensemble de documents authentiques de différentes natures. L’objectif est de montrer aux apprenants les usages réels de la langue dans des situations de communication réelles avec des locuteurs qui réalisent des activités interactionnelles spécifiques et qui visent des objectifs particuliers. Les apprenants, avec le dispositif FLEURON, sont exposés de différentes façons à la langue (j’y reviendrai) et peuvent observer son fonctionnement interactionnel, pragmatique et social.

Après plusieurs années de développement, le site FLEURON a été stabilisé en 2016 et mis à jour en 2019. Voici son interface actuelle :

Figure 13 : Page d’accueil du site FLEURON

Le cœur de FLEURON est constitué des ressources multimodales authentiques et d’un concordancier (présenté précisément dans le chapitre suivant, point 5.3.1.). L’exploitation des ressources multimodales et du concordancier feront l’objet de descriptions précises dans certains des points suivants.

Le dispositif propose différents outils destinés à aider les apprenants à s’approprier le site et à l’utiliser à des fins d’apprentissage. Par exemple :

- chaque ressource est transcrite et sous-titrée

- l’utilisateur peut afficher ou masquer la transcription et/ou les sous-titres

- chaque ressource renvoie à d’autres ressources recommandées (par un algorithme) - certaines ressources sont accompagnées de conseils pour l’apprentissage (comment

travailler avec la ressource)

- en se créant un compte (gratuit), l’utilisateur peut : o mettre des ressources de côté

o prendre des notes (libres ou orientées par des questions)

o faire des commentaires sur les ressources et les partager avec tous les utilisateurs ou seulement avec les administrateurs

o accéder à un glossaire (principales abréviations et lexique universitaire) Les outils proposés par le dispositif FLEURON permettent à la fois aux apprenants de travailler en autonomie et aux enseignants d’utiliser le dispositif en salle de classe, en agissant comme un guide ou un conseiller. Ces outils facilitent la prise en main du dispositif mais sont tous au service de l’exposition des apprenants à des données interactionnelles authentiques.

Les ressources présentées dans cette partie - PFC-EC, FLORALE, CLAPI-FLE et FLEURON – sont complémentaires. Elles présentent chacune des caractéristiques de l’oral et du français parlé en interaction utiles pour des enseignants et des apprenants de FLE. Elles sont didactisées de différentes façons (explications, fiches descriptives, outils d’interrogation des données, etc.) et peuvent être utilisées pour travailler les deux aptitudes orales, compréhension et expression (Carton 1995). Les auteurs de ces différentes ressources travaillent en collaboration pour offrir à leurs utilisateurs un panel varié de corpus oraux et multimodaux exploitables à des fins didactiques. L’objectif commun de l’élaboration de ces ressources est de proposer aux enseignants et aux apprenants des pratiques interactionnelles réelles.

4.2. Écart entre langue prescrite et langue réelle. Des pratiques