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Figures imposées : diffusion des « bonnes pratiques » de GRH

DEUXIEME PARTIE : Le diagnostic RH et son objet : la Petite Entreprise

15. Figures imposées : diffusion des « bonnes pratiques » de GRH

Convaincu de la nécessité pour les petites entreprises d‟adopter des pratiques de GRH, conçues et développées dans les grandes entreprises, un ensemble d‟acteurs, à la fois privés et publics va se mobiliser pour promouvoir et introduire ces pratiques au sein des plus petites entreprises.

15.1. Le conseil aux PME et la demande des dirigeants

Les faits sont là, (plusieurs enquêtes le confirment), une bonne partie des dirigeants de PME ne sont pas en demande de conseil. La rencontre entre les consultants et ces mêmes dirigeants est porteuse dès l‟origine de malentendus.

L’état du conseil aux PME

Le conseil aux PME a constitué une diversification pour tous les grands cabinets de conseil en management au cours d‟une décennie réhabilitant la petite organisation comme le nouveau modèle productif. Mais ce sont surtout les procédures d‟aides financières mises en place par les pouvoirs publics qui vont favoriser le développement du conseil d‟entreprises aux PME/PMI (FRAC, ANVAR, ARTT…). On va alors assister à une prolifération d‟offres de cabinets de conseil d‟entreprise et à une grande diversité d‟interventions.

Notre recherche se focalise sur un type de conseil auprès des petites entreprises, celui des acteurs d‟intermédiation liés aux pouvoirs publics. Ce conseil est complètement oublié de la littérature à quelques très rares exceptions : Sauviat (1994) qui montre combien une analyse en termes de marché réseau rend mieux compte des déterminations qui pèsent sur le conseil ainsi que Romano (1995) qui introduit les notions de conseil externe formalisé et non formalisé.

Cet auteur souligne que lorsqu‟on étudie le conseil aux PME, trois dimensions sont oubliées : « celle des relations grandes entreprises / PME qui intervient dans les rapports de sous-traitance, celle de l‟Etat et des politiques publiques incitatives et structurantes et celle des organisations intermédiaires, à la fois prescripteurs / producteurs de formes organisées de conseil et relais de l‟intervention publique » (Romano, 1995 : 183).

C‟est cette troisième forme que nous allons observer dans notre recherche tout en tenant compte des autres car les formes de conseil aux PME sont à considérer comme étroitement imbriquées. Comme nous l‟avons déjà noté la PME est un monde sous influence et sous dépendance. De nombreux intervenants et opérateurs privés et publics tournent autour de la PME. Toute opération de consultation dans les PME doit être saisie au travers de cette nébuleuse d‟acteurs.

Figure 3 : La nébuleuse du conseil auprès des PME

L‟action des pouvoirs publics en direction des PME se justifie à travers d‟abord des enjeux de modernisation, puis de réforme, de compétitivité ensuite et enfin d‟innovation. Elle s‟est élaborée en mettant sous son contrôle les agents de transformation que sont les organisations de conseil d‟une part, mais aussi les acteurs d‟intermédiation d‟autre part, afin qu‟ils contribuent à transférer des connaissances produites selon un modèle gestionnaire idéal : modèle conçu dans les universités et grandes écoles américaines et relayé par le système éducatif français.

Le marché du conseil aux PME n‟est donc pas un marché comme un autre quel que soit le thème de l‟intervention. Nous nous limiterons aux spécificités de l‟intervention en GRH qui nous semble-t-il, a connu un réel développement lors de la mise en œuvre des 35h, qui a fait apparaitre à ces intervenants pour la plupart, opportunistes et novices en contexte de petites entreprises, les besoins en innovations organisationnelles et en GRH, exprimés plus ou moins explicitement par les dirigeants de ces PE.

Les Grandes Entreprises

Les cabinets de conseil

Pouvoirs Publics et ses relais

Laboratoires de recherche Universités / Grandes Ecoles Organismes consulaires Organismes paritaires Intervenants / Consultants PME

L‟hebdomadaire des ressources humaines « Entreprises et Carrières » dans un cahier spécial en 199841 titrait « Les nouvelles missions des consultants RH » et précisait en introduction : « Pour la seconde année consécutive, les entreprises ont accentué leur recours au conseil en ressources humaines. La croissance des sociétés de conseil et la lutte à laquelle beaucoup se livrent en matière de recrutement de consultants témoignent assez de la belle santé du secteur.

Pour un certain nombre de grandes entreprises concernées par la mondialisation de leurs marchés, les concentrations, les fusions dans leur secteur, tout comme pour les PME, ces années de sortie de crise sont en effet, propices à la réflexion sur l‟organisation et les process, et justifient un recours accru aux consultants. En outre, un chantier d‟ampleur nationale tel que les 35 heures dynamise énormément l‟activité de conseil ». Une page entière est alors consacrée à : « ARRT/ 35 heures : l‟affaire de l‟année », avec la précision suivante « La loi Aubry est une véritable manne pour les cabinets : tout le monde ou presque, s‟est mis à faire de l‟ARRT ».

Tout un travail en réseau prend alors naissance en s‟appuyant sur les acteurs déjà présents dans les PME, parmi lesquels on trouve les chambres consulaires, qui vont également saisir cette opportunité des 35 h pour se spécialiser sur le champ des ressources humaines et de la gestion des compétences. C‟est, en effet, en 1998, qu‟est créé le dispositif de Certification des Compétences au sein de l‟ACFCI et dès 2001, que se constitue un groupe de travail (à l‟origine des développeurs Emploi et Compétences, DEC) et que s‟élabore une nouvelle offre (le diagnostic RH, DIAGRH).

Une offre d‟accompagnement va alors se structurer autour de ces problématiques, selon le modèle managérial décliné dans les grandes organisations. Nous assistons alors à un phénomène de professionnalisation de l‟ensemble des acteurs influents en PME selon un modèle unique : celui de la compétence.

41 Supplément du N°457 d‟Entreprise & Carrières du 24 au 30 novembre 1998. L‟hebdomadaire

Entreprise & Carrières, lancé en kiosque en 1989, est édité par Wolters Kluwer France, l‟un des leaders mondiaux des solutions d‟information dédiés aux professionnels du droit, de la réglementation, de la santé, des finances

La demande de conseil des dirigeants de PME

Le paradoxe est là, les PME et les plus petites d‟entre elles ne sont pas, ou peu demandeuses de conseil. Toutes les enquêtes le prouvent. Nous nous appuierons sur les résultats d‟une étude42 conduite par la CICF (Chambre de l‟Ingénierie et du Conseil en France) en 2011 dont la motivation est de valoriser le conseil auprès des PME43. « L‟étude s‟inscrit dans une démarche de valorisation du métier du conseil et de recherche d‟opportunités de marché.

Elle souhaite comprendre les PME : comprendre leurs freins et leurs motivations pour les prestations de conseils, cerner le discours conseil qu‟elles sont prêtes à entendre, chercher comment le conseil permettrait de les rendre plus compétitives, de les mettre sur la voie des ETI » (CICF, 2011). Tout est là. D‟un côté des PME qui ne sont pas intéressées par le conseil et de l‟autre, un ensemble d‟acteurs qui proposent de manière intensive des interventions aux PME, afin d‟une part, de développer de nouvelles parts de marché au conseil privé et d‟autre part, de façonner ces entreprises selon un modèle managérial développé dans les grandes organisations (les faire rentrer dans le rang).

Cette étude a été conduite auprès de 1012 dirigeants et tops managers de PME. Leur définition de la PME n‟est pas celle que nous avons présentée (paragraphe 13.2. définition de la communauté européenne de 2003), ils l‟étendent aux entreprises ayant jusqu‟à 500 salariés. Toutefois 81% de leur échantillon est composé d‟entreprise de 10 à 49 salariés, ce qui correspond à notre objet de recherche.

Les résultats qui nous semblent éclairants pour notre recherche sont les suivants :

42 Etude inédite, portant sur les achats de conseil dans les entreprises de moins de 500 personnes,

pilotée par CICF Management, réalisée par le CSA, avec le concours de La FNCPC et le soutien de la DGCIS

43

Rapport DGCIS sur la PME à partir de l‟étude précédemment citée (CICF, 2011) :

« Les PME françaises, qui doivent améliorer leur compétitivité, sollicitent peu les professionnels du conseil, qui peuvent pourtant y contribuer.

Dans le même temps, l‟offre de conseil s‟accroît considérablement. Environ 100 000 structures exercent ce métier sous des formes juridiques multiples.

Ce déséquilibre flagrant entre une demande « plate », au regard d‟une offre importante, en croissance, amène la profession de conseil à se préoccuper d‟une situation qui a des conséquences tant sur le volume et la qualité des prestations, que sur les prix de journée, qui stagnent, voire subissent de fortes pressions à la baisse.

Il est pourtant crucial que les conseils puissent exercer leur métier dans de bonnes conditions économiques. Il en va de la reconnaissance, de l‟attractivité, de la qualité de l‟offre de la profession. »