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DEUXIEME PARTIE : Le diagnostic RH et son objet : la Petite Entreprise

13.3. L’approche configurationnelle

Les référentiels théoriques pour définir la PME, restent donc encore insatisfaisants, la théorie des configurations (qui ne constitue pas un ensemble de travaux homogène), ainsi que la théorie des conventions vont fournir d‟autres pistes.

Introduite au cours des années quatre-vingt, l‟approche par les configurations analyse l‟entreprise comme un ensemble d‟éléments inter reliés, touchant à la fois

à la stratégie, la structure et l‟environnement. Ces travaux enrichissent la théorie des organisations et plus précisément le concept de changement organisationnel. Mintzberg (1982,1989, 1990), principal représentant du courant de la sociologie des organisations appelé également, école de la contingence, construit un ensemble de configurations à partir des différentes variables qui caractérisent les structures, les acteurs et leur pouvoir, les buts ainsi que le contexte ; ces différentes variables se combinant pour construire un type théorique. Le changement organisationnel est alors perçu comme le passage d‟une configuration à une autre. Ces travaux sous-entendent que les idéaux-types ne constituent que des cas extrêmes et proposent l‟idée de configurations hybrides ou intermédiaires. La vision contextualiste (ou contingente) que défendent notamment François Pichault et Jean Nizet insiste elle, sur la diversité des politiques et des pratiques R.H. en fonction de facteurs internes (configurations organisationnelles et orientations stratégiques) et externes (environnement).

Ces auteurs distinguent ainsi cinq modèles : le modèle arbitraire, où l'informel domine dans les pratiques R.H ; le modèle objectivant, où l'effort porte sur l'explicitation systématique et objective des processus et critères de G.R.H ; le modèle individualisant, qui repose sur une individualisation de la relation d'emploi (rémunération personnalisée, gestion par les compétences...) ; le modèle

conventionnaliste, où les critères d'action et de décision sont le résultat de

discussions collectives ou conventions entre professionnels ; et le modèle valoriel qui est surdéterminé par l'identification des membres d'une organisation à ses valeurs et sa mission.

Toutefois ces travaux semblent cibler principalement la grande entreprise, ils mériteraient d‟être complétés d‟études sur leur applicabilité à l‟objet PME.

Parallèlement les travaux conduits par les économistes de l‟école des conventions (Boltanski et Thévenot, 1987) contribuent également à l‟évolution de la théorie des organisations. Pour ces auteurs, les conventions sont définies comme des éléments implicites nécessaires à la coordination des échanges économiques aussi bien dans les entreprises que pour les marchés financiers. Ils vont alors étudier les logiques d‟action et les formes d‟accord implicites mises en

œuvre dans les organisations. A travers la théorie des « mondes communs » qui émane de cette étude, Boltanski et Thévenot proposent une extension de la théorie conventionnaliste qui repose sur des modèles macro-économiques.

Les travaux de ces différents chercheurs constituent de réelles avancées pour appréhender le déchiffrage des configurations des grandes ou des moyennes entreprises. Cependant ils ne nous semblent pas suffisants en l‟état, pour définir les petites structures. En effet, la grande hétérogénéité de ces organisations pose problème quant à leur répartition dans les différents types de configurations. Une approche grossière pourrait conduire à les réduire à une seule catégorie qui serait la configuration « simple » dans les modèles de Mintzberg, « arbitraire » dans ceux de Nizet et Pichault et « domestique » dans ceux de Boltanski et Thévenot.

Il nous faut considérer d‟autres travaux qui rendent davantage compte de la spécificité des modèles de PME. Les recherches les plus pertinentes nous semble- t-il, sont celles qui reposent sur une définition socio-économique multicritères des PME qui associent profils d‟entreprises et profils de dirigeants. Julien et le GREPME (1997 : 1-16) ont synthétisé ces typologies et nous proposent une « typologie complexe globale » qui intègre plusieurs « continuum » : « la dimension brute (effectif, actif, chiffre d‟affaires), le secteur ou la branche d‟activité, le type de marché, la centralisation ou le contrôle et la structure ou l‟organisation, le niveau d‟indépendance, le type de stratégie suivie, le type de technologie utilisée et le recours à l‟innovation ou non » .

Selon Julien (1997), on retrouve de manière générale, six grandes caractéristiques pour définir la PME dans la littérature : la petite taille, la centralisation de la gestion, une faible spécialisation, une stratégie intuitive ou peu formalisée, un système d‟information interne peu complexe ou peu organisé et un système d‟information externe simple.

La littérature sur la PME s‟est aussi intéressée à la trajectoire des dirigeants de PME et propose un certain nombre de typologies. Celle-ci étant souvent caractérisée dans la littérature par l‟importance du profil du dirigeant, des typologies de comportements des dirigeants existent. Citons celle de Julien et Marchesnay (1988), très attentifs aux petites entreprises industrielles, de

l‟artisanat ou des services, ces auteurs proposent une typologie d‟entrepreneurs basée sur leurs buts et inspirée de l‟observation des pratiques courantes en matière de stratégie.

Il en ressort deux types d‟entrepreneurs.

Un premier type appelé PIC (pérennité-indépendance-croissance) dont le but prioritaire est de pérenniser son affaire. L‟entreprise est créée et développée pour qu‟elle survive à son créateur. Le chef d‟entreprise maitrise un métier et réinvestit les bénéfices dans l‟affaire au prix d‟une logique familiale. Il a la préoccupation de détenir le capital social et d‟éviter l‟endettement long. La croissance de l‟entreprise est plutôt réactive et appréhendée de manière émergeante.

Le second type d‟entrepreneur est appelé CAP (croissance-autonomie- pérennité). C‟est plutôt un opportuniste qui privilégie les secteurs d‟activités pour lesquels il peut espérer pour son entreprise, des marges de profit élevées, même si ces activités présentent plus de risques. La volonté de puissance se manifeste par la recherche du développement des activités et des ventes, tout en cherchant à préserver son autonomie. Le chef d‟entreprise cherche à conserver une flexibilité dans la prise de décision stratégique. Il n‟hésite pas alors à s‟endetter ou à faire appel à des capitaux extérieurs.

Ces deux grandes formes d‟entrepreneuriat représentent des situations extrêmes, celles-ci n‟excluant pas d‟ailleurs l‟existence de formules plus ou moins permanentes ou transitoires d‟ « entrepreneuriat déviant » de type AMI (autonomie-maintien avec indépendance) et API (autonomie – puissance sous condition d‟indépendance).

Selon ces travaux et bien d‟autres - Mahé de Boislandelle qui en 1988 croise des typologies de dirigeants de PME et le système de GRH en PME ou Bauer qui en 1993 met l‟accent sur l‟extrême hétérogénéité des figures patronales dans les PME en conjuguant trois logiques : économique, politique et familiale - sont mises en exergue les relations entre les profils socioculturels de leurs dirigeants et le fonctionnement des petites entreprises.

L‟originalité des travaux d‟une équipe du Céreq (Bentabet, Michun, Trouvè, 1999)35 qui s‟inscrivent dans la lignée de toutes les recherches précédemment citées est d‟abord de penser la TPE comme une forme spécifique de PME. Leur approche configurationnelle des petites entreprises nous semble adaptée à notre objet de recherche : la GRH dans les PME, car elle est construite à partir des pratiques de gestion de la main d‟œuvre et de formation dans les TPE. La typologie de « combinaisons productives » a été, depuis, confrontée à d‟autres thématiques ou comparée à d‟autres productions européennes et perfectionnée à l‟occasion de publications ultérieures (Trouvé, 2001, 2003 ; Letowski et Trouvé, 2004 ; Bargues, 2012 ; Trouvé, 2012).