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Favoriser la diversification économique

4. Quelques enseignements en termes d’enjeux et d’orientations pour l’action

4.2. Quelques orientations pour l’action

4.2.5. Favoriser la diversification économique

Dans la logique d’un système d’information et de pilotage du développement, il importe de mieux identifier les ressources du territoire (naturelles et humaines, artisanales et industrielles) et d’évaluer leur potentiel de développement local et des effets d’entrainement de l’économie locale que permettrait leur valorisation. L’idée ici est bien de raisonner « local » plutôt que strictement « filière ». Outil dynamique, un tel système est complexe à monter. Il doit pouvoir :

 être complété et actualisé en continu, dans un cadre organisé à partir des données et résultats des nouvelles études et enquêtes et des suivis déjà organisés de façon sectorielle, qu’elles soient locales, régionales ou nationales mais aussi bien sûr des données produites par les acteurs de la région et notamment les services de suivi-évaluation37 ;

 assurer la coordination des dispositifs mis en place pour collecter, conserver et mettre à disposition les données mais aussi des outils d’analyse et de valorisation/diffusion ;

 bénéficier d’un processus participatif avec les représentants des principaux acteurs du territoire, ce qui suppose sans doute un renforcement de leurs capacités.

Il convient de corriger l’insuffisance de données et d’informations dans certains domaines : les mobilités, les activités informelles non enregistrées, l’occupation de l’espace et notamment l’emprise agricole et les éventuelles disponibilités foncières, l’état des ressources naturelles, l’accès à l’énergie, sont quelques exemples. Un accent particulier doit être mis sur la production de données au niveau infra régional et notamment au niveau des cercles, voir infra-cercle, pour disposer d’un grain d’analyse suffisant. Les données existantes devraient également être davantage partagées, valorisées et utilisées, ce qui suppose des possibilités de traitement et de capitalisation des analyses à l’échelle régionale, voire des cercles. Aujourd’hui les données provenant des enquêtes et études nationales, en raison des méthodologies différentes, d’un accès quelque fois difficile aux données de base, de la faiblesse des échanges et surtout de la faiblesse des moyens qui peuvent être consacrés à ce travail, sont trop rarement utilisables pour des analyses chronologiques et intégrées.

Ces constats plaident pour renforcer les moyens et améliorer les dispositifs de collecte, de capitalisation et d’analyse des données et informations sur la région et pour la région. La création du centre numérique est une mesure qui certainement va dans ce sens. Mais cela suppose de disposer de données quantitatives nombreuses et détaillées sur tous les domaines et secteurs ni de mettre en œuvre

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L’Office du Niger est un bon exemple de production d’une masse importante d’informations qui mériteraient une mise en perspective régionale.

des cadres d’analyse complexes et très sophistiqués pour construire une vision intégrée de l’avenir du territoire. La mobilisation des ressources humaines existantes avec une bonne connaissance du territoire (personnes reconnues pour leur expertise, sectorielle ou non, et avec un vécu du territoire) dans une approche qualitative et participative permet de développer une représentation intégrée du territoire à partir des forces motrices identifiées et des interrelations avec les autres variables importantes du développement et de forger une vision de l’avenir à partir de la construction de scénarios contrastés.

Les perspectives de valorisation des ressources naturelles de Ségou sont sûrement sous-explorées. Il importe en premier lieu, notamment dans le cadre d’un système d’information intégré, de mieux comprendre et établir les besoins de préservation (notamment anticiper les problèmes de changement climatique, de perte de biodiversité, de dégradation des ressources en terres et en sol, en eau et en ligneux), en tenant compte des leviers économiques, notamment en termes d’emploi, sous-jacents. Mais il s’agit aussi de mettre en œuvre des politiques d’exploitation en visant des filières locales et innovantes, notamment en lien avec l’agriculture et avec les besoins d’énergie. Les expériences africaines d’inscription dans une logique de croissance verte autour des filières énergétiques pourraient en particulier être recherchées et analysées.

Du fait de la prégnance de l’agriculture et surtout du potentiel agricole du fait d’une abondante ressource en eau, la Région de Ségou semble a priori propice à une diversification économique par l’industrie agro-alimentaire. C’est d’ailleurs LA voix privilégiée par la plupart des personnes ressources s’étant exprimées durant l’étude. Comme déjà signalé, le développement agricole doit être compris et pensé comme un atout pour le développement de filières et d’ensemble de filières renforçant le tissu industriel et artisanal de Ségou. L’histoire récente montre la difficulté de maintenir les plus performantes des entreprises dans la Région, la plupart se délocalisant à Bamako, pour profiter de son marché et de ses infrastructures de marché. Il s’agit de plaider pour une politique industrielle régionale, articulée aux politiques nationales mais faisant valoir la force des effets d’entraînement locaux et la structuration du territoire par le développement d’un à deux pôles urbains jouant aussi le rôle de bassin d’emploi. Le Mali souffre de l’hypertrophie de Bamako, qui bloque le développement de ses villes secondaires, alors même que les projections annoncent une poursuite de l’augmentation de la population et des besoins d’emplois sur tout le territoire. La densification par les infrastructures économiques justifie de s’inscrire dans la durée et de fournir des incitations et un accompagnement pour la relocalisation près des zones de production des industries.

L’artisanat dans la région se développe, les facteurs de blocage demeurent les difficultés de mise en marché des produits et le caractère informel des entreprises. Pour pallier ces difficultés, en plus d’un effort sur les infrastructures collectives fluidifiant l’activité, il importe là-aussi, en articulant politiques régionales et nationales, de renforcer les capacités des artisans par le biais de différentes formation professionnelle (design, etc.), dans le but de mieux positionner leurs produits sur le marché local et national. Outre la question du respect des normes, il importe aussi de mieux coordonner les actions locales en fonction des spécificités à la fois des matières premières disponibles, mais aussi des habitudes et besoins des consommateurs de la région. Comme pour l’industrie, et devant l’ampleur des défis, il faut nécessairement jouer de la complémentarité intersectorielle. Le dépassement de la contrainte de l’informel est délicat, parce qu’il importe de ne pas fragiliser encore des structures déjà vulnérable. Une approche pragmatique, mais qui renvoie beaucoup à la légitimité de l’autorité publique, serait de rechercher la professionnalisation et la normalisation (notamment pour augmenter les recettes fiscales) mais de le faire progressivement et en déployant les accompagnements nécessaires.

L’exploitation du sous-sol pourrait représenter une réelle opportunité pour créer de la richesse, mais encore faut-il que les ressources soient avérées. Si c’était le cas, les mêmes principes de synergies et de maximisation des retombées locales devraient être appliqués.

Les ressources touristiques sont importantes et l’expérience réussie d’une politique autour du fleuve Niger devrait être valorisée et renforcée. Un préalable est bien évidemment la restauration d’un niveau suffisant de sécurité, mais il serait sûrement utile de préparer dès à présent la Région à mieux exploiter ce potentiel. Cela va de toute façon dans le sens de la construction d’une identité régionale forte. Au final, dans le contexte global de Ségou, il semble que les solutions pour relever les défis économiques et sociaux à venir soient surtout locales, à travers la valorisation des actifs de la Région. Pour l’instant, les incertitudes qui pèsent sur l’avenir, jouent plutôt en défaveur d’une baisse de la natalité qui pourrait faire profiter l’économie locale d’un dividende démographique38

: comme l’indique les résultats de nos enquêtes, la sécurité d’une famille nombreuse détermine encore les choix stratégiques. Relever les défis démographiques suppose donc l’émergence d’un environnement régional plus prometteur, ce qui passe par de réelles perspectives politiques et stratégiques dans le cadre d’une décentralisation aboutie et d’un soutien public plus affirmé et mieux doté en ressources financières et humaines.

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Qui correspondrait à un nombre plus important d’actifs que d’inactifs durant un période donnée de transition (Guengant 2011).