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Des dynamiques économiques territoriales contrastées, des doutes sur les perspectives de

3. Autres éléments pour appréhender le futur

3.3. Représentations des dynamiques régionales par les personnes ressources interviewées pour l’étude

3.3.2. Des dynamiques économiques territoriales contrastées, des doutes sur les perspectives de

3.3.2.1. Agriculture, un secteur durablement stratégique

Sans surprise, l’agriculture est perçue comme le présent et le futur le plus crédible de la Région : « on n’a pas le choix, c’est la base de l’économie ! »

La majorité des personnes ressources interrogées estiment que le secteur est en évolution positive. Les progrès et la stabilisation des performances sur les aménagements hydrauliques (y compris la diversification culturale), doublés des augmentations de surfaces et de la multiplication des projets, sont notés. Les technologies sont jugées en développement, et une personne témoigne en particulier des apports des déclinaisons locales du Programme Compétitivité et Diversification Agricoles (PCDA). Les représentations positives, la protection des végétaux et la santé animale s’amélioreraient. Par ailleurs, la financiarisation du secteur céréalier, avec le développement de structures comme celle

des Moulins Modernes du Mali (M3) mais aussi l’arrivée d’opérateurs étrangers dans les filières de production dans les zones irriguées, malgré les controverses liées à l’accès à la terre et aux risques possibles sur les prix intérieurs, est perçue comme un dynamisme positive et comme une preuve de l’attractivité de la Région.

Mais certains interlocuteurs ont des avis mitigés sur l’état du secteur, soulignant des progrès en termes de volumes produits, mais signalant des risques de ruptures liés à des systèmes techniques trop gourmands en ressources naturelles (eau en particulier) et inadaptés au contexte local, mais aussi à une trop faible structuration des producteurs, incapables de défendre correctement leurs intérêts et la captation de la valeur ajoutée par des opérateurs hors de la Région. La différenciation entre les zones à maîtrise de l’eau et les autres participe d’un bilan en demi-teinte.

Enfin, d’autres regrettent plus franchement la situation actuelle. L’agriculture serait sinistrée par manque de volonté et de moyens publics : les investissements structurants nécessaires à un décollage seraient loin d’être réunis. L’inorganisation des filières, la disparition de zones entières de culture de céréales sèches, l’absence et/ou la faiblesse de la mécanisation, des prix non rémunérateurs pour les paysans ; ces constats seraient symptomatiques d’une crise déjà là.

Face à ces constats, l’avenir de l’agriculture est perçu positivement par la plupart des personnes interrogées. Elles estiment que le prolongement des dynamiques actuelles, avec la multiplication des acteurs (y compris l’articulation entre acteurs privés et public) et l’instauration d’un contexte propice à l’innovation, garantit des progrès techniques susceptibles de faire jouer à l’agriculture un rôle moteur dans le développement régional. Pour autant, l’attention se focalise sur les terres aménagées, dont l’extension est nécessaire à l’entretien des initiatives ; de même, le développement s’entend via la poursuite des projets soutenus par l’Etat et/ou l’aide au développement. Les succès sont en partie attribués à l’aide technique et financière et cet effort doit se maintenir pour que l’agriculture continue de progresser.

Outre des visions « fatalistes » n’envisageant de toute façon pas l’avenir sans agriculture, certaines personnes interrogées sont moins positives. Elles pensent que sans intensification des soutiens au secteur, les progrès seront annulés et que le potentiel aperçu dans les dernières décennies requiert encore des moyens et des politiques publiques de protection pour s’exprimer pleinement. Ces soutiens requis concernent classiquement l’accès aux intrants, mais aussi des prix plus rémunérateurs, la poursuite de la recherche et de l’innovation, les appuis aux secteurs de l’amont et de l’aval, avec une perspective de modernisation/professionnalisation de l’ensemble des acteurs.

Dans le prolongement de ce paysage contrasté, les personnes interrogées font de nombreuses propositions d’actions. Pour eux, la poursuite des progrès déjà réalisés passe par des efforts combinés et coordonnés en direction de tous les segments des filières et de tous leurs acteurs, y compris visant spécifiquement la sécurité alimentaire. Des approches territoriales sont ainsi plébiscitées, qui doivent permettre de ne pas concentrer l’attention sur les périmètres et autres aménagements d’envergure. Si sur ces derniers les innovations apportées par le privé est souligné et jugé nécessaire d’être poursuivi (par des politiques rendant l’investissement attractif), il importe de différencier la réflexion. Des formes d’appuis adaptés aux 3 zones agro-écologiques définies plus haut, devront tenir compte de la diversité des dynamiques à l’œuvre à toutes les échelles examinées.

Ces propositions concernent notamment des actions concertées à l’échelle de terroirs favorisant des aménagements et des plans de gestion économes en ressources naturelles, adressant l’accès à la terre de façon collective, ouvrant de nouvelles perspectives de politiques semencières, ciblant les jeunes diplômés, dédiant des financements spécifiques, selon les zones, aux agricultures familiales et paysannes, encourageant l’utilisation de source d’énergie renouvelable, caractérisant la qualité des productions et la nature des marchés ciblés, encourageant l’action collective, etc. Par ailleurs, l’aval des filières est jugé important, notamment à travers une meilleure connexion entre sphères de la production, de la transformation, du transport, de la commercialisation urbaine et de la consommation.

Il est proposé aussi de penser la création d’emploi en agriculture, en prenant attention à moderniser les systèmes mais à privilégier les plus intensifs en travail.

Plusieurs personnes proposent enfin de s’attacher, avant même d’innover, à appliquer tout ce qui existe déjà en matière d’engagement public pour l’agriculture. Les écarts entre les textes et les réalisations invitent selon elles à mettre en priorité les moyens et la gouvernance nécessaires pour la mise en œuvre de l’existant, qu’elles jugent validées par l’Etat, la collectivité locale, mais aussi les bailleurs ayant accompagné les processus de formulation des politiques.

3.3.2.2. Commerce et artisanat, des secteurs d’avenir ?

Principaux secteurs productifs fournisseurs d’emploi après l’agriculture, le commerce et l’artisanat peinent à monter en puissance. Ils n’offrent pas encore d’alternatives quantitatives crédibles aux défis démographiques et ne permettraient pas, en particulier, d’absorber d’éventuel sortant de l’agriculture, et donc d’enclencher la diversification économique appelée de leurs vœux par les politiques et les prévisionnistes économiques.

Contrairement à l’agriculture, seules 7 personnes ont souhaité se prononcer sur ces secteurs. Parties prenantes, elles notent les efforts considérables de structuration des dernières années. Malgré la crise récente qui a fortement grevé les chiffres d’affaires, elles notent l’amélioration sensible de la formation des acteurs (technique de fabrication, pratique des innovations, gestion, investissement) et la prise de conscience que le maintien dans l’informel n’est pas une solution. Ceux qui sont rentrés dans une logique de normalisation et de légalisation de leur activité ont connu un développement avéré ; ils encouragent dès lors une mise aux normes globales.

Par suite, l’optimisme est de mise, à condition que ces efforts soient maintenus. Les personnes interrogées, contrairement à l’agriculture, ne conditionnent pas la réussite à des aides financières à l’activité, mais davantage à la capacité des institutions publiques à faire respecter les cadres légaux et la sortie de l’informel du tissu d’artisans. Ces actions s’entendent à l’échelle de la Région, mais bien plus à l’échelle nationale : sans une intervention forte pour faciliter la mise aux normes et surtout sanctionner ceux ne jouant pas le jeu, les progrès réalisés peuvent s’avérer vains.

Des propositions sont formulées dans ce sens. La poursuite de la sensibilisation et de la formation des commerçants et artisans pourrait se faire à travers des actions concertées d’enseignement (avec structuration de véritables filières de formation professionnelle dédiées) et des campagnes d’information ciblées. L’installation de jeunes ainsi formés est perçue comme une priorité, et doit s’accompagner d’une modernisation susceptible de les attirer. Ceci veut dire introduire davantage les TIC et les facilités professionnelles des réseaux sociaux sur le net dans les activités, de façon aussi à mieux relocaliser les entreprises. Le volet financement est aussi cité, les lignes de crédit aujourd’hui disponibles étant loin de couvrir les besoins. Une articulation plus effective entre le niveau national et régional est enfin souhaitée. Une proposition porte sur la création d’un ministère dédié à l’artisanat, pour organiser le secteur et lui donner de la lisibilité. Il s’agirait de disposer de plans de développement nationaux mais construits en autant de déclinaisons régionales tentant de sortir de la situation actuelle de concentration de l’activité dans les 3 principales villes, portées par un cadre efficace de décentralisation. Pour le commerce, appel est fait à un meilleur contrôle des prix entre Bamako et Ségou, à penser la circulation des produits entre les villes secondaires et pas seulement dans une logique centralisatrice vers ou depuis Bamako, mais aussi à une intensification des politiques internationales, et en particulier à l’échelle de la sous-région Ouest Africaine autour du TEC.

3.3.2.3. Industrie, le maillon faible de la diversification économique

Nous l’avons vu, la faiblesse de l’industrie, tant comme fournisseur d’emplois que de valeur ajoutée, est révélatrice de la spécialisation agricole récurrente de la Région et de son absence de diversification. Rappelons qu’alors que les surplus agricoles de la Région sont importants, et notamment les échalotes et le riz, mais aussi la viande et bien d’autres produits issus des périmètres irrigués ou de la zone inter-fleuves, les industries de transformation peinent à se relocaliser, et se situent principalement à Bamako. Ce constat pessimiste traverse les représentations des personnes interrogées : infrastructures rudimentaires, évolution lente et insuffisante, secteur à la traîne, manque d’actions concrètes et de planification, etc.

Les personnes interrogées envisagent des possibilités favorables, mais toutes conditionnent tout changement à une refonte des politiques publiques. Sur la base d’une production agricole toujours dynamiques et des innovations institutionnelles à l’œuvre à l’ON, la ville de Niono s’agrandit et se dote d’un tissu économique plus dense, mais aussi de la structuration urbaine de Ségou, il semble possible d’imaginer un développement industriel. L’agroalimentaire focalise l’attention, mais l’émergence d’une industrie du bâtiment ou encore de mécanique est évoquée, en tablant sur le développement d’entreprises d’artisanat dont nous avons vu le dynamisme.

Les propositions portent sur l’amélioration de l’accès et du coût de l’énergie, cités comme des goulots d’étranglement. Mais c’est la valorisation de l’existant avec une refonte des stratégies de développement au niveau régional qui apparaît prioritaire. Il s’agit aussi, comme pour l’artisanat et le commerce, d’appliquer plus scrupuleusement le cadre légal et de davantage mobiliser les instruments déjà disponibles de la politique industrielle. Il faudrait une stratégie régionale volontaire, qui passe par la décentralisation des leviers d’action industrielle… le chemin est jugé encore très long !

3.3.3. Un environnement économique, naturel et social en évolution favorable,