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Estimations des besoins en terres agricoles

3. Autres éléments pour appréhender le futur

3.2. Ségou en 2035 : besoins en emplois, terres agricoles, éducation et santé

3.2.2. Estimations des besoins en terres agricoles

L’agriculture dans la région est, aujourd’hui encore, presque exclusivement familiale, malgré les politiques menées depuis le début des années 2000 pour attirer les investisseurs privés qu’ils soient étrangers ou maliens, dans la production agricole irriguée. L’impact de la démographie sur l’agriculture se mesure donc par :

 Le nombre de bouches à nourrir au sein des exploitations agricoles, essentiellement par l’autoconsommation des productions ;

 Le nombre de nouveaux actifs que l’agriculture doit occuper ;

 Et, en final, en raison du cycle de vie des exploitations agricoles et d’une croissance démographique naturelle importante, de la création de nouvelles exploitations agricoles. Dans le Mali actuel, il n’y a pas de création d’exploitations agricoles à partir d’autres secteurs économiques ; ou très peu car le phénomène existe avec des individus des catégories socio-professionnelles différentes, essentiellement urbains, qui créent de nouvelles exploitations agricoles le plus souvent de type patronal ou « petite entreprise, » et quelques créations d’entreprises agro-industrielles privées. Une exploitation agricole familiale suit une trajectoire qui va de sa création par un ménage (ou plusieurs ménages) qui s’émancipe ou s’autonomise d’une exploitation existante. Cette autonomisation a lieu le plus souvent suite au décès du chef d’exploitation, à ce moment-là les membres de l’exploitation décident soit de poursuivre ensemble sous l’autorité d’un nouveau chef, soit de se séparer et d’éclater l’unité pour donner de nouvelles exploitations agricoles. Il est possible aussi qu’un ou plusieurs ménages qui ne veulent plus supporter l’autorité du chef d’exploitation décident de s’émanciper, en se séparant du reste de l’exploitation. Comme observé dans la partie Sud du Mali (régions de Sikasso, Koulikoro, Ségou et dans une moindre mesure Kayes), une exploitation peut regrouper un nombre très élevé de personnes avec des modes de fonctionnement complexes qui laissent plus ou moins d’autonomie aux ménages dépendants. Pour les projections faites ici, nous faisons l’hypothèse de la reproduction simple de la structure actuelle des exploitations, en faisant progresser le nombre d’exploitation au rythme de la croissance naturelle de la population. C’est une hypothèse raisonnable sachant que le nombre d’exploitations a augmenté plus vite que le croît démographique, ces dernières années.

La référence utilisée est celle de la CPS/SDR de 2012 avec pour Ségou (chiffres arrondis) une population agricole de 1 871 000 personnes (soit 79% de la population totale) et 122 000 exploitations agricoles soit en moyenne envrion15 personnes par EA, ce qui est nettement supérieur à la moyenne du RGA de 2004/05 qui donnait pour la région de Ségou entre 11 et 12 personnes. Il y aurait donc eu une forte croissance de la taille démographique des EA qui peut s’expliquer par la forte croissance naturelle de la population avec un nombre de jeunes qui a augmenté rapidement au sein de la famille de l’exploitation. Pourtant, selon certains auteurs, la tendance serait à la réduction du nombre des grandes à très grandes exploitations agricoles (voir notamment Bainville, 2015). Le phénomène serait relativement lent et la part de la population agricole vivant (et travaillant) dans des exploitations de grande taille démographique reste importante (Samaké et al, 2008, Soumaré et al, 2015, Coulibaly et

al, 2006). Par ailleurs, les deux phénomènes peuvent exister avec une moyenne générale qui augmente malgré une réduction du nombre d’exploitations avec de grandes familles (>à 30 personnes). Enfin, les méthodes utilisées pour le calcul de ces statistiques peuvent également être à l’origine, d’une partie au moins des écarts. Au final, devant ces difficultés de mesure, nos projections ne prennent pas en compte les possibles changements dans la taille démographique des exploitations.

Tableau 28 : Projections pour l’agriculture à l’horizon 2035

Hypothèses 3,0 enf/femme en 2050 3,5 enf/femme en 2050 4,0 enf/femme en 2050 Taux moyen de croissance population entre 2009 et 2035 2,83% 2,89% 2,96%

Population agricole en 2012 1 871 000 1 871 000 1 871 000

% pop agri / pop totale en 2012 79% 79% 79%

Nbre d'EA en 2012 122 000 122 000 122 000

Population agricole 2035 3 554 921 3 602 937 3 659 739

Nbre d'EA région en 2035 231 801 234 932 238 636

Augmentation en % 90% 93% 96%

Superficie agricole (sans contre saison) en ha en 2012 1 405 575 1 405 575 1 405 575

Superficie moyenne / EA en ha en 2012 11,52 11,52 11,52

Superficie par personne en ha 0,75 0,75 0,75

Superficie agricole en 2035 en ha 2 425 231 2 512 774 2 596 932

Selon, les hypothèses démographiques utilisées, le taux de croissance de la population sur la période 2009/2035 serait de 2,83% par an pour 3,0 enfants par femme en 2050, de 2,89% par an pour 3,5 enfants par femme et de 2,96% par an pour 4 enfants par femme en 2050. Nous utilisons ces taux pour la croissance de la population agricole, car nous ne disposons pas d’hypothèse spécifique pour cette population, sachant que les taux de croissance pour la population rurale versus population urbaine ne sont pas très pertinents puisqu’une part de la population classée urbaine vit de l’agriculture. Avec les hypothèses faites en terme de croissance démographique, la population agricole de la région de Ségou passerait de 1,9 millions en 2012 à 3,55 à 3,66 millions de personnes (Tableau 28), soit une augmentation de l’ordre de 90% à 96% du nombre de personnes et donc de la demande alimentaire. Le nombre d’exploitation suivra cette progression et passerait de 122 000 en 2012 à 232 000 à 239 000. En ce qui concerne les superficies on notera que selon les données du RGA, une exploitation avait en moyenne 6,7 ha pour 11,59 personne/EA, soit en moyenne 0,57 ha/personne. Les données de la CPS/SDR (d’après l’enquête agricole de conjoncture 2012-2013 et les informations des offices)pour 2012 font état d’un peu plus de 1,4 millions d’ha cultivés (hors contre saison) que l’on peut assimiler à la surface agricole utilisée soit 15,34 ha par EA et 0,75 ha par personne. En moins de 10 ans la superficie cultivée aurait progressé de 0,17 ha par personne soit de + 30%, ce qui apparait très élevé. Avec une telle superficie par personne, la superficie totale devrait passer entre 2,425 et 2,597 millions d’ha. Soit un niveau très élevé, représentant un peu moins de 45% de la surface totale de la région. Le Mali dispose d’un potentiel en terre cultivable27

important et qui reste peu mis en valeur (de l’ordre de 34 % en 2012). Mais cette croissance rapide de la mise en valeur des terres ne peut se faire qu’au détriment des ressources ligneuses et avec de nombreuses questions sur la durabilité. Est-ce que la région de Ségou dispose de suffisamment de terres pour permettre cette croissance de l’agriculture ? Quels sont les risques environnementaux en liens avec le changement climatique ? Jusqu’à aujourd’hui, la part la plus importante de la croissance agricole a été obtenue par l’extension des superficies cultivées, au détriment de la jachère et des ressources ligneuses et ceci pour l’ensemble du

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Selon le PIRT, le potentiel des terres disponibles pour l’activité agro-sylvo-pastorale serait de 45,9 millions d’hectares, dont 25% (11,47 millions ha) cultivables et 65% (29,8 millions ha) adaptées pour les pâturages)

Mali. Quelles sont les potentialités réelles encore existantes ? Où sont localisées ces terres ? Quelle mise en valeur pour assurer la durabilité des systèmes ? Autant de questions à l’échelle nationale qui mériteraient des études spécifiques notamment à partir d’informations sur l’occupation actuelle des sols en croisant télédétection et données socio-économiques issues des recensements et enquêtes sur grands échantillons.

Dans cette dynamique d’absorption du croît démographique par l’agriculture, l’Office du Niger, et d’une manière générale le développement de l’irrigation, peut jouer un rôle important. Le schéma directeur de développement de la zone de l’office du Niger proposait en 2005 de porter la superficie aménagée en 2020 jusqu’à 200 000 ha, soit plus du doublement de la situation à cette époque. Si l’on reprend cet objectif de 200 000 ha mais pour 2035 on constate qu’il faut poursuivre la croissance des superficies aménagées à un rythme de 2,8% par an soit inférieur à la croissance démographique selon l’hypothèse haute retenue. Cette croissance correspond en ce moment à environ + 3000 ha par an et + 5000 ha en 2035, soit un rythme très réaliste pour des investissements publics à l’Office du Niger (ce rythme pourrait être plus ambitieux) et qui permettrait d’affecter l’ensemble de cette augmentation à des exploitations agricoles familiales, à raison de 0,25 ha par personne (situation actuelle)28 ou de 0,50 ha qui, à partir des analyses faites par le Sexagon, permettraient aux exploitations de dégager une capacité pour financer les aménagements de l’ordre de 75 000 Fcfa/an tout en assurant un revenu décent aux EA (Sexagon, 2012).

En affectant seulement 0,25 ha par personne, le rythme d’aménagement (200 000 ha en 2035) couvre à peine la croissance démographique naturelle de la population agricole actuelle de l’Office du Niger (au rythme de 2,89% par an, hypothèse médiane). Ainsi, au rythme proposé (qui, rappelons-le, est nettement plus faible que celui qui était proposé dans le schéma directeur, mais qui correspond à la poursuite de la tendance observée depuis la reprise des extensions), la contribution de l’Office du Niger à l’absorption du croît de la population agricole régionale est quasi nulle. Si on double la superficie attribuée par personne (0,5 ha) pour atteindre un seuil qui permette à la fois de dégager des revenus suffisants et une capacité de financement des aménagements, alors le rythme d’accroissement couvre à peine la moitié des besoins générés par la croissance démographique.

Figure 27 : volution des superficies aménagées à l’Office du Niger (objectif 200 000 ha en 2035)

Pour contribuer significativement, le rythme des aménagements à l’Office du Niger devrait être supérieur à la croissance démographique, par exemple le double 6% et atteindre les 200 000 ha dès 2024, soit un rythme de plus de 6 500 ha par an actuellement et qui devrait doubler sur la période (soit plus de 11 500 ha en 2024). Dans ce cas, à 0,25 ha/personne, l’Office du Niger pourrait attribuer de la terre à 230 000 personnes supplémentaires (après avoir couvert les besoins générés par la croissance démographique de la population agricole actuelle), soit de l’ordre de 60% de la croissance de la population agricole régionale sur cette période (jusqu’en 2024).

Enfin, il faut noter que dans une Région déjà traversée par des tensions entre éleveurs et agriculteurs, à l’intérieur, au bord et loin des périmètres irrigués, de tels agrandissements de surfaces cultivées vont nécessairement s’avérer problématiques. Les besoins en gouvernance pour les réaliser ne semblent pas réunis aujourd’hui dans la zone.

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Selon les données des bilans de campagne de l’Office du Niger la superficie par personne serait de l’ordre de 0,27 ha/personne, selon l’enquête du Sexagon (2012) cette superficie serait de 0,22 ha/pers.

0 50 000 100 000 150 000 200 000 19 3 5 19 3 9 19 4 3 19 4 7 195 1 19 5 5 195 9 19 6 3 19 6 7 19 7 1 19 7 5 19 7 9 19 8 3 19 8 7 19 9 1 199 5 19 9 9 20 0 3 20 0 7 20 1 1 20 1 5 20 1 9 20 2 3 20 2 7 20 3 1 20 3 5

Evolution des surfaces aménagées à l'Office du Niger (hypthèse à partir de 2014) ha