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1.5

La famille d’expériences EXO

L’expérience EXO (Enriched Xenon Observatory) est dédiée à l’étude fondamentale de la nature du neutrino. Elle cherche à mesurer la présence de la désintégration 0νββ dans un radio-isotope du xénon, le xénon-136 (136Xe). Contrairement aux autres 34 candidats possibles (76Ge, 82Se, 100Mo 130Te, etc. [39, voir chapitre 14.3.9]), l’énergie associée à un évènement 0νββ dans le 136Xe (Q-value = (2457.83± 0.37) keV [40]) est plus grande que la majorité des évènements provenant du bruit de fond parasite.

Le détecteur EXO-200 [41] est basé sur le principe de fonctionnement d’une chambre à dérive (time projection chamber - TPC ). La chambre active du détecteur mesure 30 cm de long par 40 cm de diamètre. Elle est remplie de 200 kg de xénon liquide enrichi à 80.6 % de 136Xe, maintenue à une température de 167 K et à une pression de 147 kPa. Durant ses années d’opération, il était situé au centre de stockage de déchets radioactifs (Waste

Isolation Pilot Plant) de Carlsbad au Nouveau-Mexique (USA) à une profondeur de 1585 m

équivalent d’eau.

Le concept de la chambre à dérive est illustré à la figure 1.5b. Une chaîne de détection débute lors d’une désintégration 2νββ ou 0νββ dans un noyau de xénon (étoile). Les élec- trons émis (e–) se propagent dans le xénon liquide et transfèrent leur énergie aux atomes environnants. L’énergie est suffisante pour ioniser une partie de ces atomes (Xe+) qui émettent à leur tour d’autres électrons. Ces électrons dérivent ensuite vers les extrémités de la chambre à travers un champ électrique induit par l’électrode de haute tension placée au centre. Les électrons sont collectés par un maillage de fils conducteurs qui permet la localisation en X et Y de l’évènement.

Certains des atomes ionisés se recombinent avec des électrons de dérives. Les atomes ainsi excités (Xe*) relaxent et émettent des photons de scintillation (γ) dans l’ultraviolet

lointain (VUV)5. Des photodiodes à avalanche (avalanche photodiode - APD) placées aux extrémités captent les photons. La coordonnée en Z de l’évènement est déterminée en mesurant l’intervalle de temps qui s’écoule entre l’impulsion lumineuse quasi instantanée et la collecte des électrons.

La reconstruction tridimensionnelle dans une chambre à dérive sert de veto en localisant précisément l’origine de chaque évènement. Elle permet de discriminer les évènements provenant de la périphérie, attribuable en grande partie à des rayons cosmiques et des particules alpha issues de la radioactivité naturelle de l’enceinte, des évènements provenant

5. Un évènement de scintillation à la valeur Q de 2.5 MeV produit en moyenne 7× 104photons sur un

(a) (b)

Figure 1.5 (a) Spectre en énergie des électrons issus de la 2νββ et de la 0νββ. L’encadré illustre la sensibilité équivalente à un ratio de 1 : 106 entre les deux évène- ments [42]. (b) Concept de la chambre à dérive de l’expérience EXO-200 [43].

du centre du détecteur. Ces évènements localisés dans le volume fiduciel reçoivent un poids préférentiel lors de l’analyse et la recherche d’évènements ββ.

La discrimination des évènements du bruit de fond parasite qui se trouvent au centre du détecteur est faite en analysant la distribution des sites de dépôt d’énergie. Par exemple, les rayons gamma ont tendance à provoquer des diffusions Compton et déposer leur énergie à plusieurs endroits dans le LXe (multi-site event). À l’inverse, les évènements ββ déposent plutôt leur énergie en un seul endroit (single-site event). La résolution spatiale d’une chambre à dérive est ainsi primordiale comme l’est sa résolution en énergie qui permet de reconstruire le spectre ββ à partir du nombre total d’électrons et de photons captés. La combinaison du module d’ionisation à celui de photodétection a permis à la colla- boration EXO de confirmer la présence de la 2νββ dans le 136Xe pour la première fois en 2011 [44]. La sensibilité du détecteur n’était toutefois pas assez élevée pour confirmer l’existence de la 0νββ.

Depuis 2014, la collaboration EXO se penche sur le développement d’une prochaine généra- tion de chambre à dérive, le détecteur nEXO (figure 1.6). La chambre à dérive cylindrique de 130 cm par 130 cm contiendra cette fois-ci 5 tonnes de xénon liquide. Un tel volume aug- mentera le nombre d’évènements ββ pour un même temps d’observation et les capacités d’auto blindage de l’enceinte face au bruit de fond parasite.

La collecte des électrons sera assurée par des électrodes placées aux extrémités de l’enceinte ainsi que par une série d’anneaux de mise en forme de champ. L’absence d’une électrode centrale évitera la génération d’évènements parasites dans le volume fiduciel. Le module

1.5. LA FAMILLE D’EXPÉRIENCES EXO 13

Figure 1.6 Schéma du détecteur nEXO situé au Cryopit de SNOLAB, Sudbury (Canada) à une profondeur de 6010 m équivalent d’eau [45].

de détection des photons de scintillation contiendra des photomultiplicateurs en silicium (silicon photomultiplier - SiPM ) et couvrira une surface de plus de 4.5 m2. Les SiPM possèdent entre autres une photosensibilité plus élevée et une tension d’alimentation plus faible que les APD utilisés dans EXO-200.

La combinaison de détecteurs monophotoniques, d’un seul volume de dérive des électrons, de l’utilisation de matériaux moins radioactifs et des algorithmes de reconstruction amé- liorés prédisent une résolution en temps de demi-vie d’approximativement 1028yr [46],

soit une augmentation de la résolution en énergie de plus de deux ordres de grandeur par rapport à EXO-200.

Le niveau de sensibilité recherchée dans une expérience de grande envergure comme nEXO impose des critères très stricts sur la sélection des instruments de mesure. Par exemple, les SiPM devront opérer à la température du xénon liquide (167 K) pour une durée minimale de 10 ans. La puissance de consommation du module de photodétection complet ne devra pas excéder 2.2 mW cm−2 sous risque de causer l’ébullition du xénon. Le taux de comptage en obscurité d’un SiPM devra être inférieur à 50 Hz mm−2 à une tension d’opération de 3 V au-dessus de sa tension de claquage. La proportion d’évènements corrélés tels que le bruit post-impulsionnel et la diaphonie optique ne devra pas dépasser 20 % dans les 1 µs suivant un évènement primaire. Et finalement, l’efficacité de photodétection devra être supérieure à 15 % à (174.8± 10.2) nm, la longueur d’onde de scintillation du LXe [47]. Les critères spécifiques aux SiPM dans nEXO sont résumés au tableau 1.1.

La collaboration nEXO a organisé de vastes campagnes de caractérisation pour trouver le SiPM le plus approprié [48–53]. À l’heure actuelle, les dispositifs les plus performants sont le VUV High Density (HD) Low Field (LF) SiPM [50, 54] de la Fondazione Bruno Kess- ler, FBK (Italie) et le VUV4 Multi-Pixel Photon Counters (MPPC) [52] de Hamamatsu Photonics, HPK (Japon). Dans le vide et à la longueur d’onde de scintillation du LXe, le VUV-HD LF SiPM possède une efficacité de photodétection d’environ 20 % à 2.2 V d’ex- cès avec une contribution du bruit corrélée inférieure à 15 %. Il est présentement considéré comme le choix numéro un dans la conception finale du détecteur nEXO.

Tableau 1.1 Pour atteindre une efficacité globale de photodétection de 3 % et par conséquent une résolution en énergie de 1 % dans nEXO, les SiPM doivent respecter certaines spécifications [37, 48].

Paramètres Valeurs

Efficacité de photodétection (175 nm, incidence normale) >15 %

Taux de comptage en obscurité (3 V d’excès) <50 Hz mm−2

Bruit corrélé à un évènement primaire (après 1 µs) <20 %

Résolution temporelle <10 ns

Taille du photodétecteur >1× 1 cm2

Capacité au noeud de lecture <50 pF mm−2

Fluctuation du gain et du bruit électronique <0.1 p.e.

Radiopureté (232Th et 238U) <10 µBq kg−1